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Le Souk de Moustafette
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25 mai 2007

UN COCO DANS LE METRO

9782253115687_VC'est bien évidemment ce magnifique cliché noir et blanc qui dans un premier temps m'a fait flasher. Que d'érotisme et de sensualité dans cette jolie paire de gambettes ! Ah, les talons aiguilles, y a pas à dire, ça avait de la gueule, et quelle parfaite fluidité entre la ligne du tissus et l'imperceptible cassure de la cheville. Je comprends les fétichistes !!!
Bon, revenons aux choses sérieuses.
L'autre jour, chez Nanne, j'ai piqué cette idée de lecture.

Le cadre, la ligne de métro N°9, Mairie de Montreuil-Pont de Sèvres. Pour les habitués, elle balaie large, cette ligne, des quartiers les plus chicos à l'ouest, aux plus populaires à l'est.
L'époque, 14 Juillet 1983; deux ans que la Gauche socialiste est au pouvoir. Les années fric n'en sont qu'à leurs débuts, le FN et la désillusion aussi...
Le héros, Jo Kaplan, 38 ans d'une histoire métissée juif-polac-parigot-rouge. Ultra rouge même car il a fait un parcours sans faute depuis sa tendre enfance. Elévé dans les drapeaux faucillisés, les poings lévés et les Internationales, il gravit un à un les échelons du PC. Conseillé municipal et journaliste à l'Huma, tout baigne pour lui, jusqu'au jour où le camarade Marchais prend la tête du Parti. Refusant les compromissions, Jo n'a pas envie d'être copain avec ce mec là. Il est exclu du PC.

"Traîner, marcher,draguer dans les rues et les cafés. Demeurer solitaire, plutôt que de plonger dans ce monde qu'il refusait, pour d'obscures raisons. Faire l'anar, persister à faire l'anar, en fredonnant une vieille chanson de Béranger, A mes amis devenus ministres ..."

Retrouvant sa liberté, vont suivre quelques années de dandysme libertaire, libertin et littéraire, au cours desquelles Jo va pouvoir se consacrer à une de ses passions, l'Histoire. Son autre passion c'est marcher, arpenter son territoire tout le long de cette ligne 9. Et c'est en métro, mettant toujours un point d'honneur à ne pas user des correspondances, qu'il se rendra à la garden party de l'Elysée, en cette journée de fête nationale. Mais que diable va-t-il faire dans cette galère ? Chercher la femme et vous aurez la réponse. Et comme d'une femme à l'autre, il n'y a qu'un pas, forcément ce beau mâle le saute (pour ne pas dire la !).

Vous me voyez sans doute venir.
Il a commencé par m'irriter Jo le rouge, l'intègre, quand lentement mais sûrement il vire au rose, pour les beaux yeux d'une Marie-Sébastienne, pseudo socialo, bourgeoise charentaise-maritime de surcroît et reine du boursicotage pas toujours très clean. Puis il m'a franchement fait bondir quand, sous les hospices d'anciens compagnons recyclés gauche caviar, il se laisse séduire par les sirènes de cette fin de siècle, je veux bien sûr parler de cette lèpre immonde qui nous contamine encore et toujours plus, la communication, ou plus vulgairement la pub. Et je l'ai carrément détesté quand il se roule dans les crachats qu'il a lui-même lancés dans ses années de lutte. "C'était un boulot de pute, comme tous ceux que Croissac lui commandait. La grande histoire mise au service de la communication d'entreprise ! Mais c'était tout de même l'histoire et Jo pouvait donc,, selon le mot de Croissac, qui n'en percevait d'ailleurs pas le cynisme, rentabiliser sa passion."

Mais comme un homme n'est jamais complètement mauvais, je l'aime, Jo, quand chaque station devient prétexte à raconter l'histoire des figures de la Révolution et de la Gauche, les célèbres et les anonymes. Je l'aime quand il raconte République, Charonne, Nation et la rue de Montreuil où j'ai tant de souvenirs. Je l'aime quand il parcourt les cours intérieures du faubourg Saint-Antoine et qu'il parle des ouvriers du bois. Mais je le déteste à nouveau quand il oublie de dire que c'est grâce à Tonton et à son opéra, qu'ils ont vendu leurs ateliers aux futurs lofteurs (non, monsieur Konopnicki, ce n'est pas seulement Ikéa qui les a fait couler. Ce sont les vôtres et la clique de flamands roses, tout émoustillés par les paillettes du pouvoir et de l'argent facile, qui sont venus s'encanailler rue de Lappe et spéculer rue de la Roquette). Et cet homme joue avec mes nerfs, quand je l'aime encore, le Jo qui fait son caractériel et refuse "de perdre mon temps à essayer de prolonger ma vie. C'est mathématiquement absurde."

Voilà comment la vie change sous le prisme rose de l'amour et de la politique. Voilà comment en quelques mois, on oublie ses  idéaux, on s'arrange avec ses contradictions, on justifie ses renoncements, on compose, ce qui permet d'avoir encore quelques sursauts de fidélité. On grandit, on vieillit, quoi.
Le livre se referme le 14 Juillet 1984. Un an de passé si vite, un an à se trimballer dans de la bien belle histoire, la nôtre. Et où l'on comprend aussi comment les mao-troskistes finissent socialos, quand ce n'est pas pour virer carrément umpistes-fumistes (mais j'anticipe ! )

N'oubliez pas de lire l'avis deNANNE.
Il est moins amer que le mien, mais j'ai une excuse. Je déteste l'année 1984.
C'est celle où j'ai décidé d'arrêter de grandir ...

Ligne 9      Guy Konopnicki     Le Livre de Poche

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9 juillet 2007

Lourd héritage

9782070782406Si elle est toute petite et bien cachée, ses conséquences, elles, sont immenses.
Enfant, cette marque fascinait l'auteur. Et c'est encore sur elle que son regard s'arrêtera, lorsqu'au seuil de la mort, il prendra dans ses bras le corps de son père.

Cette marque indélébile, c'est la lettre O, donneur universel. Tous les soldats de la Waffen SS avaient leur groupe sanguin ainsi tatoué sous le bras. Et il en allait de même pour les hommes de la division Charlemagne, qui accueillit nombre de miliciens français qui s'enrôlèrent pour combattre sur le front de l'Est au côté de l'ennemi, afin d'éviter le peloton d'exécution français.

Ce texte n'est pas un roman mais un récit autobiographique. L'auteur part à la rencontre de son père milicien et analyse comment cette filiation a façonné sa vie, ses relations et son itinéraire littéraire.
Il dit la fascination, l'incompréhension, la provocation, la dissimulation, le silence, la résignation puis enfin l'engagement et la sublimation, toute la palette d'émotions que traverse ce fils, de l'enfance à l'âge adulte.

"Ce mort, c'était mon père, une fois encore, mon père que je ne peux poser nulle part, mon père dont je ne peux me débarrasser, mon père qui n'a pas sa place parmi les morts que l'on commémore, et qui m'empêche d'avoir la mienne parmi ceux qui fraternisent dans la mémoire douloureuseuse de ce qui a eu lieu."

Le hasard n'existant pas, rien d'étonnant à ce que l'auteur soit devenu un compagnon de route d'Armand GATTI, activiste culturel libertaire (dont vous pourrez suivre le parcours ICI.)
Michel Séonnet apporte la preuve qu'accepter ses origines est une condition indispensable pour vivre pleinement. La rupture ou la fuite peuvent être tentantes, surtout si la parole, qu'elle soit conflit ou partage, est absente. Mais quand de tels héritages se transforment en poison virulant, quand les dettes de nos ascendants plombent notre présent, la prise de conscience n'est que l'étape primordiale menant à l'acceptation. Acceptation qui, d'ailleurs, ne signifie pas forcément pardon. Il va sans dire que ce long travail ne se fait pas sans douleur.

"Parvenir à ce point où j'accepterais d'être le petit-fils de ton père et où je pourrais, sans retenue, signer de ce nom qui nous est commun. Dire oui à la réalité. Le maudit n'a pas d'autre choix. Je n'ai pas d'autre issue que de dire oui à ce que tes errances, tes silences ont fait de moi. Oui à mon nom. Oui à ma venue dans cette filiation-là. Oui à la marque et à la malédiction, puisque malédiction il y a. Mais sans aucune complaisance envers ce qui a eu lieu. Un oui qui ne te dédouane de rien."

La marque du père     Michel Séonnet     Editions Gallimard

 

 

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24 avril 2012

Un p'tit Pouy en passant

9782353060450Depuis bientôt cinq ans, Maxime se la coule douce dans la Creuse.
A presque cinquante ans, il a devancé l'âge de la retraite, un peu contraint et forcé il est vrai au regard de son dernier emploi, genre chef d'un groupuscule terroriste, le collectif Van Gogh. Entre culture de son potager, apéros et lecture de L'Eveil creusois, il ne demande rien à personne. Jusqu'au jour où une flopée de CRS et flicaille en tout genre investisse sa bicoque qui, du jour au lendemain, se retrouve "en zone sensible" sous prétexte que ses braves voisins, le couple Kowa, sont les parents du nouveau ministre de l'Intérieur.

"De nos jours, il vaut mieux passer pour un Creusois qu'un Polack, le chabichou est plus rassurant que le bortsch. Ce type était apparemment un requin aux dents longues et à l'haleine de hyène. Grimpette accélérée dans les sphères du pouvoir. Populiste à cran, extrêmiste droitier parfois, chrétien de gauche de temps en temps. Réactionnaire se faisant toujours passer pour progressiste."

Terminée la vie du terroir, Maxime va devoir retrouver ses vieux réflexes de clandestin pour espérer un jour continuer à cultiver ses salades et son cannabis en plein soleil en compagnie de son meilleur ami, le poète Raymond Queneau. La cavale commence à La Souterraine et se poursuit sur 175 pages, descendues cul sec et le sourire aux lèvres, aux quatre coins de la France jusqu'au sommet du Stromboli. Les ficelles sont parfois un peu grosses mais il faut bien ça pour croquer les RG et les sombres coulisses de notre chère République. Le tout dans un langage fleuri et parfumé... un régal !

"Le 4 septembre, au Voltigeur, Yvonne Berthier avait droit à un chèvre d'exception. Sans doute un Banon.
Armand avait fait très fort. Depuis qu'il avait déposé le fromage sur la table, c'était comme si un militaire venait de se déchausser dans les parages."

Du Pouy, quoi ! Parfait pour égayer un week-end électoral.
Toute ressemblance blablabla...

Samedi 14     Jean-Bernard Pouy     Editions La Branche

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1 mars 2012

Déroutant....

97820701245341905, de graves troubles ébranlent tout l'Empire de Russie, la première Révolution russe est en marche. Juin de la même année, les marins du cuirassé Le Prince Potemkine de Tauride se mutinent, hissent le drapeau rouge, entrent dans le port d'Odessa et fraternisent avec les grêvistes et les étudiants. L'armée causaque réprime violemment les manifestations et massacre la foule. Paris 1926, on projette Le Cuirassé Potemkine, film muet d'Eisenstein, célèbre pour la fameuse scène du landeau qui dévale le gigantesque escalier de la ville d'Odessa..

Fiodor Zavalichine, Théo pour ses amis, vit en France depuis qu'il s'est engagé en 1916 dans le corps expéditionnaire russe pour combattre l'Allemagne. Resté à Paris après sa démobilisation, il travaille dans la société cinématographique Gaumont, puis devient photographe. Comme pour les nombreux Russes blancs en exil, la projection du film est l'occasion de revoir un peu de la terre natale. Or il s'avère que le régiment de Théo a participé à la violente répression d'Odessa avant de quitter rapidement la ville pour une autre destination et d'autres troubles à mâter. Le film fait subitement prendre conscience à Théo qu'il a tiré de loin sur la foule massée le long du célèbre escalier et qu'il a sans doute tué des gens. Cette révélation déclenche chez lui une telle panique qu'il se rend au commissariat le plus proche afin d'avouer son crime. On l'envoie gentiment balader mais, pris de soudaines convulsions, Théo se retrouve hospitalisé. Le même jour non loin de Deauville, on découvre les corps de sept femmes égorgées. Convalescent, Théo apprend cette nouvelle en lisant le journal, l'article fait mention de témoignages de gens de la région qui se souviennent d'une équipe de tournage, quelques femmes accompagnées de plusieurs hommes dont un portant une calotte métallique sous son chapeau. On sent que cette nouvelle interpelle Théo...

Jusque là cette histoire est prometteuse. Les toutes premières pages sont surprenantes et destabilisent étrangement le lecteur, on ne sait pas trop où on est ni où on va...

"Il n'y a pas moyen de s'en aller, pas moyen de rester non plus. Ce n'est pas un cul-de-sac, non, c'est un cerle vicieux, un labyrinthe dans lequel se cogne et se débat une conscience stupide qui tente de trouver une sortie là où il n'y a pas d'entrée..."

Voilà qui résume parfaitement le sujet. C'est après, pour moi, que ça se gâte. S'il ne fait aucun doute que le fil conducteur de ce roman est la culpabilité, j'ai été incapable d'en apprécier toute la finesse ainsi que toute la gravité. Il est indubitable que le héros et ses comparses auraient leur place chez Dostoïevski, auteur dont je suis, et ce n'est pas faute d'avoir essayé, hélas peu friande... Donc forcément, je suis passée à côté de ce livre.

Déception d'autant plus grande que j'avais été absolument bouleversée par le roman précédent de Iouri Bouïda -  Le train zéro* - qui a eu guère d'écho en France. Pourtant on est dans le même registre de la folie qui côtoie l'absurbe. Mais là où ce dernier titre m'avait prise aux tripes, je suis restée de glace devant les tentatives de rédemption du pauvre Théo. Le sujet est original, pour ne pas dire déroutant, on oscille entre l'atmosphère russe - belliqueuses chez les rouges, nostalgie chez les exilés - et la frivolité grisante du Paris des Années folles, le style est alerte et s'honore même de jolies formules, l'écriture agréable, bref  j'ai lu le livre sans réel déplaisir  mais, en dehors de sa célèbre référence historique, les mots ont glissé sans m'imprégner d'émotions. Dommage...

"Il existe sans doute une toute petite seconde pendant laquelle la honte, l'amour, la liberté, la vie et la mort se rejoignent en un seul et même point et se confondent quelque part, là-haut, en quelque chose de sombre et de joyeux, mais qui sait quand cela se produit, et ce que c'est que ce point... Qui sait ce qui attend le Minotaure derrière les portes du labyrinthe ? Il est libre de s'emparer de la liberté, mais après, la liberté prendra son dû, et il peut arriver n'importe quoi. Comme dit le poète : le premier pas est libre, mais nous sommes l'esclave du second."

(*Le train zéro ressort actuellement en poche chez Gallimard dans la collection L'imaginaire)

Deux avis chez Babelio  ICI

Potemkine ou le troisième coeur     Iouri Bouïda     Editions  Gallimard

 

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9 novembre 2007

9 X 9 =

mogQuatre-vingt une petites gourmandises qui se dégustent du bout des lèvres, dans lesquelles on mord délicatement, puis qu'on laisse fondre lentement sur la langue pour que seul ne persiste que le goût mêlé du sucre et des épices. Ajouté le mélodieux glouglou d'un thé à la menthe servi d'une main experte, et vous entendrez la belle Haasiba conter à son amant la sensuelle Mogador.

"Pour diverses raisons et déraisons, on l'appelle aussi "La ville des désirs". On croit qu'elle a été créée par des marins en quête d'un port en eau calme. Ou par ceux qui naviguent sur l'autre mer de Mogador, celle de sable : les caravaniers qui traversent le Sahara et désirent ardemment, eux aussi, un havre où se remettre de leurs épreuves. Elle a ainsi été présente dans l'esprit et les sens des navigateurs du sel et du sable bien avant d'être là où l'on peut la voir à présent. Encore que, même à présent, quand on va vers elle, pendant la longue traversée des eaux ou des dunes, on la réinvente ."

Quatre-vingt un paragraphes comme autant de petits poèmes pour nous parler du temps et de la lumière, de l'histoire et des rues, des bibliothèques et des livres, de la musique et de la danse des corps.
On dit qu'à Mogador on compte de neuf en neuf, que le plus court chemin est la spirale et non la ligne droite, que les livres y ont d'étranges pouvoirs, que le temps s'écoule comme nulle part ailleurs et que c'est la ville du désir ...

"C'est pourquoi les ciels de Mogador sont considérés comme des entités quasi inconcevables mais représentées par des êtres qui sont autant d'échos de l'eau, de la terre, de l'air et du feu, aussi longtemps qu'ils se désirent, s'attirent et se repoussent. La musique des sphères est à Mogador musique du désir."

On peut ouvrir ce livre au hasard et déguster ces 9 X 9 choses poétiques dans n'importe quel ordre. Et l'avantage, par rapport au plateau de gourmandises dont je vous parlais au début, c'est qu'on peut en abuser sans crainte !
Un guide très original à emporter dans ses bagages quand on part en amoureux au Maroc, certains se reconnaîtront...

9 fois 9 choses que l'on dit de Mogador   Alberto Ruy-Sanchez   Editions Les Allusifs 

 

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14 mars 2012

Il y a un an

9782843045752Jour pour jour, tout comme Brice Casadamont, j'attendais le camoin des Déménageurs bretons qui allaient déverser les 40m3 de meubles  et de cartons dans ce qui allait être ma nouvelle demeure. Heureusement pour moi, la comparaison avec le protagoniste du dernier roman de Pascal Garnier s'arrête là !

Quittant Lyon pour le petit village de Saint-Joseph proche de Valence, Brice se retrouve complètement désemparé devant le vide de la grande maison qui l'accueille. Il attend le retour de sa femme Emma, une trentenaire reporter sans cesse en vadrouille aux quatre coins du monde. On comprend vite que, sous cette absence et cet hypothétique retour, il y a anguille sous roche.
Alors qu'il est incapable d'investir les lieux tant qu'Emma n'est pas là, Brice va finalement s'installer dans le garage où il vivra au milieu d'un fatras de cartons éventrés au fur et à mesure de ses besoins.

"Mais les choses, les choses !... Il en grouillait des centaines, des milliers autour de lui dans la pénombre du garage. Les cartons en vomissaient chaque jour de nouvelles. Chacune attendait de lui une fonction, un emploi et il ne savait que les éparpiller au hasard, leur imposant une sorte de partouze monstrueuse. A force, bien sûr, elles se reproduisaient, engendraient l'inconcevable. On imagine mal ce que peut donner l'accouplement d'une moulinette à légumes avec une paire de skis. C'est épouvantable. On se serait cru dans un tableau de Jérôme Bosch."

Illustrateur de livres pour enfants, Brice met entre parenthèses ses activités lucratives pour faire connaissance avec l'environnement et les quelques habitants de Saint-Joseph, et notamment avec Blanche, une femme assez fantasque qui ne tarde pas à prendre sous son aile le pauvre Brice un brin paumé.

"Comme son nom l'indiquait, Blanche était vêtue de cette couleur de la pointe de ses souliers jusqu'au curieux bonnet de dentelle au crochet qui faisait penser à un cache-théière. Tout en blanc, mais d'un blanc cassé, tirant sur le vieil ivoire. On aurait dit une mariée qui serait restée trop longtemps en vitrine."

Je ne peux hélas en dire beaucoup plus car avec Pascal Garnier on sait d'où on part mais la destination est toujours des plus inattendues... Ce qui est sûr c'est qu'avec une certaine légèreté, voire une désinvolture quasi inoffensive, le blanc vire imperceptiblement au gris pour sombrer subitement dans le noir.

"Il aurait volontiers passé ses vacances dans le coma."

Voilà, c'est du Pascal Garnier tout craché, une écriture imagée mêlée d'un humour délicat...  Merci à Zulma de le ressusciter du fond des limbes, son ton unique nous manque !

Cartons     Pascal Garnier     Editions Zulma 

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8 juin 2018

Adieu Sultan, Vizirs, Pachas et cetera !

51GnHUueABL On ne sait pour quelle raison, puisque le traducteur est le même, l'orthographe des noms propres diverge quelque peu,  mais n'en voici pas moins la suite de Comme une blessure de sabre.

Le vieil Osman tient toujours conciliabule avec ses morts : Hikmet Bey, convalescent suite à une tentative de suicide après le départ de son épouse, la belle Mehpare restée à Salonique, filant le parfait amour avec Constantin le Grec. De retour à Istanbul, il retrouve petit à petit le goût de vivre, entouré de son père, Reşit Pacha, toujours médecin du Sultan, et de sa mère, Mihrişah la scandaleuse, rentrée à nouveau de Paris avec ses petits enfants. De son côté, le commandant Ragip Bey, cantonné à Istanbul, fait la connaissance de la belle Dilara Hamin et délaisse son épouse, une des filles du Cheikh Yusuf Effendi, lui-même toujours aussi empreint de sagesse.

Nous sommes au début de l'année 1909. Le Sultan règne encore sur l'Empire ottoman, mais le mouvement des Jeunes-Turcs et le Comité Union et Progrès, qui ont permis le rétablissement de la Constitution de 1876, peinent à appliquer leur programme de modernisation des institutions et de la société. L'anarchie s'installe au sein de l'armée infiltrée par des religieux favorables au Sultan qui instrumentalisent également les populations, une contre-révolution ne tarde pas à éclater qui verra enfin la destitution du Sultan et son exil.

" ─ Il est absurde de penser que le peuple puisse être un symbole alors que lui-même a tant besoin d'un... comment dirais-je, d'un idéal. Qu'est-ce que le peuple ? Qui est le peuple ? Que symbolise-t-il ?... Le peuple, c'est tout le monde et personne à la fois... Par contre, vous pouvez affirmer oeuvrer pour son bien ; il y a eu de tout temps des gens qui se sont proclamés défenseurs du peuple, mais qu'avez-vous vraiment fait pour lui ? Est-il plus riche, plus libre ? Ce n'est pas vous qui aidez le peuple, c'est lui qui vous aide à conquérir le pouvoir."

Bien que cette suite évoque l'épisode de la contre-révolution de 1909, la lutte des réformateurs unionistes contre les partisans de la charia, comme le titre l'indique, l'auteur s'attache surtout à l'évolution sentimentale de ses personnages, à leurs tourments émotionnels qu'engendrent l'hypocrisie et la tradition. D'une écriture toujours aussi sensuelle, il nous livre au passage un aperçu des conditions de vie des femmes des harems de la bonne société. L'atmosphère de fin de règne, les atermoiements, les scissions et rivalités unionistes face à un avenir à construire, l'immiscion de l'armée dans la vie politique, sont rendus de façon romanesque mais avec justesse. Si je l'ai trouvé un peu redondant côté intrigues amoureuses, ça reste un beau roman qui a l'avantage de nous instruire sur la période d'avant-guerre qui a conduit cet empire, réduit comme peau de chagrin, à s'allier à l'Allemagne et permis à Mustafa Kemal d'attendre son heure.

"Telles des plantes bizarres et magiques, les amitiés comme les amours croissent et s'épanouissent rapidement dans des climats extrêmes. En ces temps marqués par de grandes menaces, de multiples dangers et de profondes angoisses, les événements de l'histoire contraignent les hommes à vivre dans une serre imaginaire close sur elle-même, créant une atmosphère propice à la floraison précoce de sentiments qui, à l'image du lierre colonisant un mur, se cramponnent fortement aux autres."

Et un grand merci à l'éditeur pour les merveilleuses couvertures. Celle du second tome n'a rien à envier à la Judith de Klimt. Il s'agit du magnifique portrait d'Ottilie Godefroy, autre viennoise célèbre plus connue sous le nom de Tilla Durieux, interprétant la Circé de Pedro Calderon de la Barca. Magicienne, ensorceleuse au regard mutin, de par ses charmes et le plaisir, elle a le don de transformer les hommes. Assurément les femmes dans l'oeuvre d'Amhet Altan n'en sont pas dépourvues, changent-elles les hommes pour autant ? Ça, c'est une autre histoire...

L'Amour au temps des révoltes     Ahmet Altan  (traduction A. Depeyrat)     Editions Actes Sud   

 

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Femmes et eunuques, harem du palais de Topkapi, 1908. (source ACPI )

2 mars 2007

LA MORT DU ROI TSONGOR

9782742752980  Ce petit livre, il y a bien longtemps que je lui tournais autour..Attirée par la couverture, les critiques élogieuses et le prix Goncourt des lycéens qui ont bien souvent très bon goût, j'avais beau lire et relire la 4ème de couv, je le reposais toujours. Et puis un jour, il a chuté dans mon cabas ! Grand bien lui en a pris... Sans doute êtes-vous nombreux à l'avoir déjà lu; pour les retardataires, voici peut-être de quoi leur donner envie !

L'auteur nous convie dans un royaume d'Afrique en des temps reculés. Y règne le roi TSONGOR, qui prépare le mariage de sa fille, la belle Samilia, avec le prince des Terres du sel . Hélas les festivités vont être perturbées par l'arrivée, à la veille du mariage, d'un second prétendant. C'est l'ami d'enfance de Samilia et il vient lui demander d'honorer le serment qu'ils se sont fait enfants, se marier.

Devant ce dilemme, le roi Tsongor n'aura d'autre issue que se donner la mort, pensant que le deuil évitera à sa fille le choix cornélien devant lequel elle se retrouve.

Mais c'est sans compter sur la fierté des deux jeunes princes fougueux. La guerre éclate. Dès lors, le roi Tsongor, impuissant, assistera du fond de son sépulcre à la déliquescence de son royaume. Alliances, trahisons, vengeances, exil...aucun des ingrédients de la tragédie ne nous sera épargné.

C'est sans doute, de prime abord, ce que je craignais. Seulement voilà, l'auteur a su éviter le pathos propre à ce genre, en émaillant son texte d'une sensuelle poésie primitive. Son imagination colorée adoucit la cruauté des combats et sait nous restaurer la diversité des paysages africains, les effluves épicées et capiteuses, les croyances et les rites. Je ne résiste pas à l'envie de vous citer quelques unes de ces images qui m'ont emportée loin, loin, loin...

Le prince des Terres du sel entraîne dans son sillage les mâcheurs de khat, les chiennes de guerre, hommes travestis et maquillés afin d'offenser davantage l'ennemi, les amazones de la reine Mazébu. Face à lui, l'armée des Nomades, tribus des ombres blanches, des cranes rouges, des hommes fougères, des hommes cendrés. Ces armées bigarrées se battront dans la plaine surchauffée, la cité de Massaba sera assiégée des mois, des années.Ce ne sera que cendres, poussière, sang.

Loin de ce chaos, seul, Souba, le plus jeune des fils Tsongor, accomplira la mission confiée par son père à la veille de sa mort. Il errera du désert des figuiers à l'archipel des manguiers en passant par la colline aux deux soleils, découvrant les sept visages du roi Tsongor. En l'éloignant ce dernier lui a sauvé la vie. Il rentrera à Massaba, riche d'une nouvelle maturité et assumera l'héritage de son père. Enfin le roi Tsongor pourra passer sur l'autre rive de la mort, suivi de son fidèle ami et serviteur, le porteur du tabouret d'or.

J'aurais aimé lire ce récit métaphorique assise Place de la lune, face aux jardins suspendus de Saramine, en sirotant une liqueur de baobab ... Mon tapis volant me redépose en 2007 sous la pluie, dans un monde où , finalement, on prend les mêmes et on recommence... Merci Laurent Gaudé de m'avoir permis de faire un beau voyage !      

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La mort du roi Tsongor   LAURENT GAUDE  Actes Sud

13 avril 2007

L'acheteuse de livres !

20e est en colère, suite au questionnement de GACHUCHA.

Lundi dernier, je vous faisais part de mon vif intéret pour un livre que j'avais d'acheté, La voleuse de livres. Je venais juste de le commencer, et ça m'apprendra à ne plus faire ce genre d'annonce.

Dans mon dernier commentaire, je mettais déjà un bémol à mon enthousiasme. Mais quand j'ai lu la remarque de Gachucha, j'ai vu rouge. En effet ce livre est destiné principalement à la jeunesse, à partir de 12 ans !!!!

Vers qui diriger ma colère ?
- L'auteur
- L'éditeur
- Le libraire
- Moi

- L'auteur ? Y est-il pour quelque chose ? Markus Zusak a écrit une histoire originale qui aurait eu le mérite d'être creusée un peu plus. Admettons qu'il ne fut pas mis au courant des magouilles de ...
- L'éditeur ! Alors celui-là je le retiens . Non seulement le site de cette maison ne signale rien concernant le public concerné, mais il se permet de comparer ce livre au Journal d'Anne Franck et à La nuit d'Elie Wiesel, via les critiques américaines ! J'attends toujours d'avoir le souffle coupé comme me le prédit The Guardian, sur la 4 ème de couv. Et de plus, il se fait un joli doublet en le sortant simultanément en collection jeunesse, et au même prix.
- Le libraire, enfin en l'occurence la vendeuse de la librairie. Celle-là déjà je ne pouvais pas me l'encadrer, tellement elle est aimable. Je m'étais promise de ne plus retourner dans cette librairie, mais bon, je veux finir de remplir ma carte de fidélité. C'est sûr que je vais y retourner pour le coup et pour l'engueuler. Je suis sûre qu'elle m'a baratinée et qu'elle n'a même pas lu ce bouquin . Déja l'an dernier, elle m'avait sidérée quand j'avais voulu acheter le dernier livre D'Elie Wiesel justement. Elle ne connaissait pas cet auteur ! Alors vous pensez bien, peste que je suis, l'autre jour, l'air de rien, je lui ai fait remarquer que si La voleuse de livre était comparé à un ouvrage de Wiesel, ce devait être un chef d'oeuvre. Elle me répondit un " Oui, oui " évasif et me récita le speach,  sans doute passe partout, que l'on doit enseigner dans les écoles de vente. Je ne sais pas pourquoi, cette fille, j'ai décidé de ne pas la lâcher et d'être sa bête noire jusqu'au jour où j'irai clore mon compte et ressortirai sans payer mes achats...
- Moi, qui en ce lundi de Pâques est fait la cloche ! J'ai investi 20 € pour un livre qui peut largement attendre une sortie en poche. Mais surtout je vous l'ai conseillé avant de l'avoir fini et peut-être l'avez-vous acheté. Au moins il y en a une à qui je peux présenter des excuses, Gachucha. Les autres, vous pouvez me dénoncer à votre libraire pour qu'il vous l'échange !

J'aurais mieux fait de suivre le conseil du titre ! Pour la peine je ne remets pas la photo de la couverture, que je continue cependant à trouver fort belle. Et enfin, je dis bravo pour cette entourloupe à Oh Editions, qui portent bien leur nom.

Eh la Mort, tu peux te marrer, tu t'es bien foutu de nous !!!

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18 avril 2007

La vendeuse, la voleuse et l'acheteuse ...

arton71Je vous le dis tout de suite, je n'ai pas tapé de scandale dans feu ma librairie préférée.
Tout simplement car l'aimable vendeuse n'était point à son poste. Celle qui était présente est guère plus avenante, et celui qui remplace le patron (son frère), idem; mais bon, une vacancière bcbg s'est chargée de ma revanche. Pas grand chose, juste une petite remarque comme quoi elle n'osait pas demander un paquet cadeau, tellement elle avait l'impression de les déranger ! C'est à dire que nous étions quasiment dans la pénombre à 12 h 30, étant donné que les lumières avaient été éteintes, qu'il y avait cinq personnes qui faisaient la queue à la caisse et que les têtes des individus précédemment cités étaient aussi sombres que leur boutique ! Pas le genre à faire du rab.
La saison commence à peine, et je n'ose imaginer ce que cela sera cet été, quand l'île aura multiplié sa population par dix ...

Quant à la voleuse, et bien je lui ai réglé son compte il y a deux jours. Je suis allée jusqu'au bout. Et en refermant ce livre, je me suis dit que cela fera un bon mélo américain plein de bons sentiments, genre le Titanic, version terrestre sur fond de Seconde Guerre mondiale. Le rôle du paquebot reviendra à l'Allemagne; celui du capitaine à Hitler, qui entraînera son pays sur l'océan déchaîné du nazisme; les ponts seront occupés selon les différentes classes sociales, et dans la cale et la salle des machines, on retrouvera évidemment le peuple juif. Deux ados se rencontreront, se soumettront, résisteront, s'aimeront trop tard, car l'un mourra et l'autre vivra. Et patati et patata...
Bref, rien de nouveau sous le soleil.

Je n'ai pas totalement détesté. La grande faucheuse narratrice ne m'a pas dérangée. Il y a quelques bonnes trouvailles, et le récit est émaillé ça et là de sentences et d'aphorismes poético-naïfs, et de dessins du même ordre.
L'humour n'est pas absent. J'ai adoré la déclinaison des verbes " Heil Hitlerer " et " Führerer ".

Effectivement, il y a tout ce qu'il faut pour séduire les ados, du moins ceux qui sont capables de se plonger dans un pavé de 514 pages. A cet âge on est encore immortel, donc la Mort ne les gênera pas. Pour les anxieux, ça les aidera même à apprivoiser ce concept. Et ils apprendront comment fonctionnent l'embrigadement de masse et un système dictatorial, que tous les Allemands n'ont pas été d'affreux nazis et qu'ils ont aussi souffert de la guerre. Peut-être apprécieront-ils plus les cours d'histoire...
Et si la starlette anorexique, qui jouera la voleuse, leur transmet le virus de la lecture et de l'écriture, que demander de plus !!!

Bref, un seul mot pour conclure, offrez-leur le bouquin !
Et si ça vous tente, piquez-leur ensuite !

La voleuse de livres     Markus Zusak     OH ! Editions

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29 avril 2007

Un train un bouquin !

9782757801413Saintes-Bordeaux-Saintes, 3 heures + 20 minutes de tram + disons 3 heures de terrasse, les repas compris, ( j'ai même été tentée de l'ouvrir pendant le colloque auquel j'assistais Vendredi, mais j'ai pas osé ) =  j'ai dévoré ce livre.
Et si comme moi, vous adorez que l'on vous raconte des histoires, n'hésitez pas. Et cette fois vous pouvez me croire, je l'ai terminé.

Un écrivain s'installe à Camberloo, au Canada. Il loue une maison, emménage avec chat, livres, feuilles et stylos. Son voisin, après quelques jours d'observation à travers la haie du jardin, finit par lui faire la causette. C'est Thomas Vanderlinden, vieux professeur d'histoire à la retraite féru d'auteurs du XVI siècle. Mais le vieil homme ne tarde pas à tomber malade et notre écrivain, en mal d'inspiration, lui rend visite chaque jour. Et le vieux Thomas va lui raconter l'histoire de sa mère, Rachel l'épouse hollandaise. Je vous laisse découvrir ce qu'est une épouse hollandaise !

Rachel a aimé deux hommes. Le premier s'appelait Rowland Vanderlinden, il est anthropologue, il voyage beaucoup et un jour... il ne rentre pas. Le second débarque un beau jour, il dit s'appeler Rowland Vanderlinden et être son mari. Rachel ne pose aucune question, et veut même surtout ne rien savoir. Peu de temps après, c'est la naissance de Thomas et le début de la Première Guerre Mondiale. Rowland Vanderlinden finit par s'engager... lui non plus ne reviendra pas. Thomas grandit, il est le fils de Rowland Vanderlinden.
Le temps passe, Rachel vieillit. Un jour elle annonce à son fils que celui qu'il croit être son père n'est pas son père. Et elle le charge de retrouver Rowland Vanderlinden, qu'elle veut revoir avant de mourir, si lui-même est encore en vie...

Le récit du vieux Thomas va nous entraîner de personnages en paysages, aux quatre coins du monde, à la découverte des deux mystérieux Rowland. Peuplades primitives ou occidentaux exilés, rites, mythes et médecine traditionnelle, voyageurs infatigables, ermites scientifiques ou sédentaires, marins, mineurs ou chaman, tous pourraient se croiser à "l'Institut des Egarés" ou échouer sur "la Barre des Naufrages" ; Amérique du Sud, Afrique, Inde, Tibet, Ecosse, Canada et pour finir îles du Pacifique, telles les Motamuas " l'aisselle puante de la planète ".
Outre Rowland, l'autre fil conducteur est le ver de Guinée, une charmante bestiole que vont rencontrer les protagonistes, comme un présage ou une fatalité.

Tout comme ce ver, Eric McCormack s'est immiscé l'air de rien dans mes deux dernières journées. Il m'a enchaînée à son imaginaire et ne m'a plus lachée. Et, tels les contaminés de cette histoire, à défaut d'allumette ou de brindille, je n'ai pas eu d'autre choix que de tourner, de tourner et de tourner encore les pages ...

" Pour savoir comment les histoires se finissaient, il fallait s'enraciner, rester suffissamment de temps dans un même endroit, une vie entière si nécessaire. Il avait déjà la certitude que son histoire serait la seule dont il verrait jamais la conclusion."

J'imaginais lire un roman interminable et captivant, dans un train qui semblait ne jamais s'arrêter. Et quand enfin il stoppa, je relevai la tête et vis sur le quai une foule bigarrée. Les femmes portaient des foulards colorés et les hommes des chapeaux que je reconnus immédiatement. Quand je demandai où nous étions, en éclatant de rire quelqu'un me répondit " Samarkand ! Samarkand ! "
Et je me dis que j'étais arrivée ...

Mais qu'est-ce que je raconte ?
Et qui est cet abruti qui gueule "Saintes, Saintes 3 minutes d'arrêt !"

L'épouse hollandaise     Eric McCormack     Points Seuil

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7 mai 2007

Pour PAL peu élevée

9782264044006Alexander McCall Smith est le père de Mma Ramotswe, la célèbre détective du Bostwana, dont les sept tomes des aventures sont édités chez 10-18.
Ici, l'auteur retrouve le climat écossais et nous présente sa nouvelle héroïne Isabel Dalhousie.

Et celle-ci est à mille lieues de la drôlatique africaine. La quarantaine, célibataire, plutôt bien nantie, Miss Dalhousie est directrice d'une revue philosophique qui lui laisse beaucoup de temps libre, mais ce qui ne l'empêche pas de s'adjoindre les services d'une gouvernante scottish pur jus (de malt of course ah ah !), pour assurer la bonne marche de sa jolie demeure. Miss Dalhousie, entre deux sauts dans l'épicerie fine de sa nièce, ne rechigne pas à flaner dans les galeries d'art et à se détendre à l'opéra (elle a une vie épuisante et réfléchit beaucoup !).

"Ce qui conduit Isabel à se poser cette question: qui, des personnes lucides et en proie au doute ou bien des gens sûrs d'eux-mêmes et de leurs convictions au point de ne jamais se remettre en question, était le plus heureux ? " (T'as raison ! J'arrête pas de me le demander...)

Et c'est justement lors d'une de ces soirées musicales, qu'un jeune homme en profite pour atterrir à ses pieds. Non pas qu'il se pâme d'amour pour la belle quadra, mais tout simplement parce qu'il choit malencontreusement du paradis (ou poulailler en langage prolo). Suicide, accident, meutre ? Notre petite bourge penche pour la troisième hypothèse. Elle décide d'en rajouter à son emploi du temps déjà overbooké, en se lançant à la recherche du coupable, histoire de s'offrir quelques frayeurs et de nous faire partager ses réflexions éthiques.

" Isabel se promit d'explorer ce sujet en détail et d'écrire un papier argumenté, qu'elle intitulerait peut-être: "Eloge de l'hypocrisie". Les premiers mots lui virent aussitôt: "Taxer une personne d'hypocrisie revient en général à lui imputer une faiblesse morale. Mais l'hypocrisie est-elle forcément mauvaise? Certains hypocrites méritent une plus grande considération..." (Euh... c'est un extrait au hasard bien sûr, avec lequel je ne suis pas tout à fait d'accord.)

Bon, je vous l'accorde, mon ton ironique ne vous donnera pas envie de vous plonger dans l'univers de Miss Dalhousie. D'autant plus que l'enquête est en arrière plan, au moins jusqu'à la moitié du livre. Mais si vous aimez l'ambiance british et n'êtes pas contre un peu de considérations philosophiques, faites connaissance avec Miss Dalhousie. Ceux qui, comme moi, gardent un bon souvenir d'Edimbourg, apprécieront les quelques évocations géographiques et historiques.

Evidemment, les fans de la truculente Precious, trouveront l'écossaise un peu palote. Sans doute que le climat pluvieux a aussi déteint sur l'auteur qui a quitté son Afrique natale pour les cieux plus austères d'outre-Manche.
Un petit abus de la boisson locale n'aurait pas nuit à l'ensemble, à vous de voir ...SLAINTE !

Le club des philosophes amateurs    Alexander McCall Smith   Editions 10/18

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23 mai 2007

Les arpenteurs du ciel

9782070344635Il est enfin sorti en poche.
Je l'ai lu en 2005, lors de sa parution. Un ami me l'avait prêté, et j'attendais avec impatience l'édition de poche, car je déteste ne pas avoir près de moi un livre que j'ai adoré.
Celui-ci m'a embarquée pour un voyage extraordinaire au coeur des nuages, là où ma tête est le mieux à sa place, loin de ce bas monde.

Akira Kumo est un célèbre couturier japonais installé en France au début des années 60. Sur ces vieux jours, il décide d'engager une jeune bibliothécaire afin qu'elle l'aide à classer tous les ouvrages qui s'amoncellent sur les étagères de son hôtel particulier. Akira Kumo est aussi un riche collectionneur original. C'est, entre autre, un passionné de nuages et des hommes qui un jour ont décidé de les nommer, de les classer, de les étudier, ceux qu'on appelle les chasseurs de nuages. Et c'est leur histoire que le vieil homme va narrer à Virginie Latour, tout en rangeant les livres.

Ce sera l'occasion de remonter le temps et d'aller à la rencontre de Luke Howard, apothicaire Quaker londonien, qui le premier en 1802 "en parlera comme jamais personne avant lui. Avant lui, les nuages n'existent pas en tant que tels. Ce ne sont que des signes. Signes de colère ou de la félicité des dieux. Signes des caprices du Temps. De simples augures, bons ou mauvais. Mais signes seulement, sans existence propre. Or on ne peut pas comprendre ainsi les nuages. Pour les comprendre, prétend Luke Howard, il faut à un moment les considérer en eux-mêmes, pour eux-mêmes. Bref, il faut les aimer, et il est en réalité le premier à le faire, depuis l'Antiquité."
Nous croiserons aussi à la même époque, l'anglais Carmichael, guetteur de temps dans sa jeunesse et qui ne peindra que des nuages.

Mais ces doux rêveurs ouvriront la voie à des scientifiques tout ce qu'il y a de plus sérieux. Et heureusement pour le lecteur, les ancêtres de nos messieurs Météo actuels avaient une vie bien plus passionnante et plus risquée. C'est le cas du mathématicien Lewis Fry Richardson, du suédois Williamsson et surtout de Richard Abercrombie.
C'est ce dernier qui fascine Akira Kumo, et surtout son mystérieux Protocole, "serpent de mer météo-bibliographique" que personne n'a jamais vu, ni lu. Apprenant que la fille d'Abercrombie est mourante, le couturier lance la jeune bibliothécaire sur la piste du célèbre ouvrage car "Il semble que toute collection gravite autour d'une pièce manquante, sorte de moyeu autour duquel peut tourner, indéfiniment, la folie collectionnante de son propriétaire."

Mais ce livre ne se résume pas à cet aspect historique ni à cette chasse au trésor. C'est aussi la rencontre de deux êtres qui sauront l'un écouter, l'autre se livrer. Car la vie d'Akira Kumo est un roman dans le roman. Tout au long de ces séances de rangement, le vieil homme replonge dans les méandres de son histoire, et des brumes de sa mémoire émergent les souvenirs. Un autre nuage se dessine à l'horizon. Paradoxalement, il nous éclairera sur l'étrange fascination pour ces formes toujours mouvantes qui incitent tant à la rêverie.

"Comme toute chose et trop simple et trop belle, les nuages sont un danger pour l'homme (...) Certains hommes aiment à se pencher au-dessus de tels gouffres; les plus fragiles de ces hommes y tombent en tournoyant, dans la nuit éternelle du vertige."

Ce roman s'inscrit dans la lignée de "Les arpenteurs du monde", une pointe de modernité et de poésie en plus.
C'est le genre de livre qui laisse son lecteur orphelin... 

La théorie des nuages     Stéphane Audeguy     Editions Folio

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28 mai 2007

Bouillabaisse tchétchène

9782742764914

De l'Ukraine (cf ci-dessous) à la Tchétchènie, il n'y a qu'un pas, même s'il faut passer par Marseille. Je n'ai pas hésité à faire le détour car j'avais besoin d'une petite lecture légère. Bon, soyons franche, ce plat n'est pas du tout indigeste, mais de là à me relever la nuit pour en reprendre... En voici la recette, si ça vous tente.

Dans une cité marseillaise, Le Frais Vallon, mélangez les ingrédients suivants :
- Un sage, Dachi El Ahmed, mi médiateur-mi grand frère-mi prof de philo, amoureux de Brassens, de Lao tseu et du poête persan Khayyâm, "Il peut passer des heures assis en tailleur sur son tapis volant." (forcément, un tel homme ne peut que me plaire!)
- Un ancien truand corse, Nuage d'Acier, car reconverti en Apache et vivant dans un tipi sur le toît d'une tour du Frais Vallon.
- Un ébéniste grec retraité, Nestor Patipoulos, père de Léda, bombe rousse infirmière et qui ne laisse pas insensible le sage Dachi El Ahmed.
- Un journaleux alcoolo, Grook, et son acolyte Casimir l'Oblique, rapport à son profil.
- Un petit caïd de cité, Hocine, et sa bande.
- Deux barbouzes russes dignes des Pieds Nicklés, Igor et Vassiliev.
- Un colonel tchétchène, Khazman Idigov, en mission spéciale au Frais Vallon chez
- Feue Mémé Oumaraq, mère de son général de fils, chef de la résistance tchétchène, lui-même propriétaire de
- Hassan, chien beagle mascotte de la Tchétchènie, confié à feue sa môman.
- Et enfin Roberta Vadim-Angouste, autre bombe, mais blonde celle-ci, et membre actif de la SPA.

Faites courir tout ce petit monde après le très convoité canidé Hassan, pendant 243 pages, en passant par les quartiers, les caves, les villas. Ajoutez qu'il faut zigzaguer entre les flèches, les balles, les coups d'aspirateur et autres armes. Laissez reposer tout cela entre deux poursuites en BM, 106, 4L, scooter, à pied ou à quatre pattes.

"Dachi savait très bien ce qu'il aurait dû faire. L'aéropage de sages nichés dans son cerveau le lui soufflaient: Maintiens-toi en quiétude face à l'agitation fourmillante des choses, lâche négligemment Lao Tseu, Bois du vin, soupire Khayyâm, le nez dans les fleurs, Bande à part sacrebleu, c'est ma règle et j'y tiens, fredonne Brassens en grattant sa guitare. Tout envoyer valdinguer et rentrer au Frais Vallon, tel est le chemin de la sérénité."

En refermant ce livre, vous aurez passé un moment divertissant. Vous vous direz comme moi, que cela finira sans doute sur un écran de cinéma, avec des acteurs survoltés.
Alors à vous de voir où vous préférez investir 7€.
Peut-être ailleurs !

Le chien tchétchène     Michel Maisonnneuve     Babel Noir

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1 juin 2007

Petit rafistolage (pé)père...

9782020403382Rafael, vingt cinq ans, traverse la frontière en direction de l'Espagne pour retrouver Goyo Lasagual. Le père qu'il n'a pas connu et qui est en train de mourir. Il voyage avec sa tante qu'il rencontre aussi pour la première fois. Arrivé trop tard, il ne peut que constater les dégâts. Personne ne veut lui dire de quoi est mort son père. Il hérite d'une maison incendiée. Le lieu a été fouillé en bonne et due forme, mais il retrouve des photos et des lettres, et surtout une lettre que lui-même, enfant, a envoyée à Goyo. L' accueil des villageois à l'égard de Rafael est franchement hostile, à l'exception de Marco, un jeune gitan. Goyo l'avait pris d'amitié et protégé de la vindicte populaire. Une étrange relation va se nouer entre les deux jeunes hommes.
En toile de fond, un petit village moribond plombé par la chaleur estivale. L'unique entreprise va fermer, la verrerie qui permettait encore un semblant de vie aux habitants. Comme des fantômes, ils quitteront les uns après les autres ce lieu hanté par les souvenirs et les rancoeurs de la Guerre Civile. La mort de Goya et l'arrivée de Rafael vont faire remonter les boues de ce passé.

"Je vais vous dire ce qui vous retient ici. Vous attendez le moment où vous serez prêt. Prêt à tout entendre, à tout voir. Car le plus inacceptable, lorsqu'on a fermé les yeux si longtemps, n'est pas de regarder la vérité en face, mais de se soumettre à son regard. Oui, voilà ce à quoi on ne peut se résoudre aussi facilement: ouvrir les yeux et constater que la vérité n'a pas cessé un instant de vous scruter quand bien même vous refusez de vous tourner vers elle."

Car ce récit est aussi celui de toute l'ambivalence d'un fils à connaître et à accepter la vérité de ses origines. C'est ce qui le pousse à réinventer l'histoire paternelle, à falsifier aux yeux de sa mère, l'épouse abandonnée, les retrouvailles avec un père malade mais toujours vivant. Comme le dit Rafael, "Moi, je compte sur l'imagination pour me sauver."

Mais la vérité s'imposera coûte que coûte. Après, et seulement après, Rafael pourra s'enfoncer plus avant en cette terre ibérique et paternelle. Voyage qui n'aura sans doute pour seul but que celui de lui permettre de s'approprier la part manquante de l'histoire de ce père inconnu.

" - Vous n'avez rien oublié, Rafael ?
  - Non, je ne crois pas. Je dois juste oublier ici un peu de moi-même..."

Un bel exemple de la difficulté à être le fils de son père. Et un beau texte qui hésite entre violence et regret, affabulation et vérité, rejet et acceptation. Pour toujours et encore, pouvoir grandir et vivre.

L'invention du père     Arnaud Cathrine     Editions Points Seuil

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2 juin 2007

My Taylor is Irish !

9782070320912Si vous aimez les losers, vous allez être servis.
Doucement mais pas sûrement car en zigzagant, Jack Taylor s'approche de la cinquantaine. Ses meilleurs potes se nomment Brandy, Bushmills, Jameson, Guinness, etc.
Son boulot, ancien flic et pseudo privé. Son bureau, une table au fond du Grogan's, un vieux pub de la ville de Galway.
"Il n'y a pas de détectives privés en Irlande. Les Irlandais ne le supporteraient pas. Le concept frôle de trop près l'image haïe du "mouchard". Vous pouvez faire quasiment n'importe quoi en toute impunité, à part moucharder."

Jack a aussi d'autres amis, des vrais ceux-là. Cathy B., ancienne tox qu'il a sauvée d'un tabassage conjugal. Depuis, elle utilise ses cordes vocales dans un autre registre. Avec son look destroy et sa voix puissante, elle est passé de la scène de ménage à la scène tout court. A l'occasion, elle donne un coup de main à Jack.
Sutton, l'homme aux multiples visages, un jour barman, un jour peintre, mais toujours alcoolo et un brin mytho. Il est prêt à jouer les redresseurs de torts dès que Jack a besoin. C'est pas le genre de mec à s'encombrer la conscience avec des scrupules. On peut même carrément dire qu'il prend un certain plaisir à tuer !
Sean, c'est le patron du Grogan's,"un endroit sérieux pour boire sérieusement."

Et puis y'a la famille. Le père de Jack est au cimetière. C'est lui qui lui a transmis l'amour des livres. "Pour mes dix ans, il m'offrit une carte de bibliothèque. Ma mère m'offrit une crosse de hurling. Elle s'en servirait fréquemment pour me filer des raclées. La carte de bibliothèque signifiait "liberté".(...) J'étais devenu un bibliophile dans le vrai sens du terme. Je n'aimais pas seulement lire, j'aimais les livres eux-mêmes. J'avais appris à en apprécier l'odeur, la reluire, l'impression, le contact des ouvrages entre mes mains."
Avec sa mère, le contact, il passe beaucoup moins bien ! Bigote, rabat-joie, elle porte son veuvage comme un étendard. "Enfant, j'avais peur d'elle. Plus tard, je l'ai haïe. Vers les vingt ans, je la méprisais, et maintenant, je l'ignore."

Il y a aussi les copains de beuveries, les clodos, les bookmakers, etc...
Côté boulot, c'est pas le surmenage. Pourtant, Jack pratique un rapport qualité-prix qui défie toute concurrence. C'est ce qui, un jour, conduit une femme à lui demander de prouver que sa fille de 16 ans ne s'est pas suicidée.

Dans ce premier volet de la série, l'enquête n'est qu'un prétexte pour faire connaissance avec cet hurluberlu imbibé. On parcourt de long en large et de pub en pub sa bonne ville de Galway. On compatit sans retenue à toutes les galères dans lesquelles il se trouve embringuer. Et c'est pas ça qui manquent ... Entre les black out éthyliques, les pauses d'abstinence plus ou moins volontaires, les bastons et les divagations, on est épuisés mais contents. Car le rythme percutant du roman et le ton rock and roll du récit nous baladent dans un univers où se croise du beau monde. Les chapîtres sont émaillés de références littéraires, musicales et cinématographiques. Un homme qui cite Elvis Costello, Tom Waits, Kafka, Francis Bacon, Wenders et Herzog, est peut-être désespéré mais certainement pas un mauvais bougre !

"Le lendemain, j'étais à l'agonie. Ce n'était pas une banale gueule de bois, c'était une gueule de bois championne du monde. Celle qui hurle : TUEZ-MOI ! Je refis surface vers midi. Les événements survenus la veille jusqu'à seize heures étaient identifiables. Après ça, le napalm."

Rassurez-vous, il est toujours vivant. Et il a du boulot car il y a deux autres enquêtes à suivre. Chouette !!!

Delirium tremens     Ken Bruen     Editions Folio Policier

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19 juin 2007

Folles redondances

9782070787364Au domaine de Boringe vit une bien curieuse famille.
Le roman s'ouvre sur la naissance des jumeaux Alexandre et Hélène, sortis du ventre de leur mère Valentine à la fin d'un repas alors que Perpetua allait servir sa spécialité, la compote de pommes tiède à la cannelle.
Valentine décède peu après en confiant l'éducation de ses enfants à ses trois soeurs et à la bonne Perpetua.

Le drame ne perturbe pas trop ce microcosme et surtout pas Perpetua, déjà rodée à ce genre d'événements, puisqu'elle a élevé les six filles de la lignée maternelle après le décès d'Agnès Dubois, la grand-mère des jumeaux. Vous suivez ?
C'est l'occasion pour l'auteur de faire un petit retour en arrière et de nous conter l'adolescence et les frasques des six frangines. On fait aussi plus ample connaissance avec Perpetua qui porte bien son nom puisqu'elle est intemporelle, voire éternelle. Perpetua possède aussi des dons très particuliers dont elle use pour dompter toutes ces jeunettes et le tout venant. Les pets, voilà son arme ! Et ils sont redoutables. Elle en a tout un catalogue, des antidépresseurs, des persuasifs, etc ...

Les jumeaux grandissent entourés de leurs trois tantes, Adélaïde la dévoreuse de livres, Agathe la cavalière déchaînée et Anasthasie la mystique. Ces trois là ont des comptes à régler avec la gente masculine qui déserte Boringe depuis des générations. Sur ce coup là, la Perpetua n'est pas en reste non plus !
Dans un tel contexte, vous pensez bien que les jumeaux ne sont pas loin de virer borderline.

"Agacée, Perpetua se demanda ce qu'elle avait fait au bon dieu pour se retrouver dans cette maison de fous. Elle s'enferma dans le salon avec les jumeaux et les tança vertement. Ce à quoi Hélène répondit Perpetua on s'en fout de toi on s'en fout des trois folles ramollies du cerveau qui te servent de gardes-chiourme on s'en fout de Boringe on s'en fout du passé de nos parents de nos grands parents des abrutis qui ont croupi à Boringe on s'en fout on s'en fout on veut tout casser et on cassera tout ... on veut la révolution et ça ira on veut la bombe atomique sur Boringe mon amour que cette maison s'effondre que tout devienne ruine et cendre que la forêt brûle que le monde s'écroule et qu'enfin l'aurore se lève ! Perpetua en resta bouche bée puis son cerveau fit tic-tac. Elle retroussa ses manches et marcha sur eux. Elle hésita un quart de seconde puis opta pour le pet antidépresseur. Hélène et Alexandre chancelèrent et tombèrent comme dans du caramel mou."

Quand tout le monde découvre qu'ils sont amoureux l'un de l'autre et qu'ils ont même consommé la chose, c'est le branle-bas de combat. Hélène prendra la décision de quitter Boringe, abandonnant Alexandre.
C'est sur ce départ que se termine ce premier chapître époustouflant de drôlerie.
Dans les deux suivants, le feu d'artifice se calme et c'est dommage. Mais nous retrouvons Hélène à Paris entourée de personnages tout aussi déjantés et pittoresques. Allegria qui pratique la lévitation; Anatole Schloupe, l'écrivain prêt à tout pour entrer à l'Académie; Narcisso del Palabras de Karibdo en Syllabas, avocat des causes perdues et de l'avenir bouché 9 rue de l'Illusion, qui sera l'amant d'Hélène et l'aidera à retrouver Achille Tuloeuf, le père des jumeaux; et enfin la compagne d'Achille, Sententia la concierge voyante et carnivore.
Pendant qu'à Boringe, Alexandre, devenu neurasthénique, épouse Asthénie et lui fait six filles, et que les tantines ne s'arrangent pas avec l'âge...
Le dernier chapître voit le retour d'Hélène à Boringe et sa rencontre avec ... sa dernière nièce Hélène. On n'échappe pas à son destin comme ça !!!

"Hélène veilla jusqu'au matin. Lorsque l'enfant s'agitait, elle chantait de vieilles chansons douces, chantait la ville de Mazatanengo, ses rues de sable, ses maisons plus blanches que le coton, chantait les voyages tout autour de la terre ronde et sa voix était grave et belle et endormeuse et l'enfant soupirait d'aise et les rêves, lentement, entrèrent dans la chambre. Elles virent alors le pacha des Zoudaillasses. Très grand, très gros, il portait d'énormes colliers et des bagues à tous les doigts. Ses yeux étaient phosphorescents, sa peau cuivrée, son ventre rond menait la danse autour du lit. Puis elles entendirent la mer qui, dehors, disait vieni vieni, le monde est si beau et les vagues racontaient des histoires qui n'existent pas et le ciel disait les amours perdues et l'air devenait chaud comme le grog et respirer enivrait et les murs noirs de l'enfance tanguaient tanguaient. Hélène écoutait la vie silencieuse, la vie rêvée, la vie qui n'était pas venue et sur sa joue gauche trois larmes amères glissèrent."

Cette fable familiale se déguste avec gourmandise. Sous ses airs loufoques, ce roman ne manque pas de poésie et de truculence. J'ai apprécié cette façon surréaliste de dédramatiser l'inceste. Et il nous en dit beaucoup sur les transmissions générationnelles et la répétition des scénarios de vie.
Lorsqu'on referme ce livre, on regrette que ce soit déjà fini et on n'a qu'une hâte, allez voir de quoi retourne le reste de l'oeuvre de l'auteur.

Les amants de Boringe    Pascale Gautier   Editions Joëlle Losfeld

 

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24 juin 2007

PALIMPSESTE

9782070336487" Il est des fois des personnages en errance qui n'en finissent pas de déambuler dans la nuit du réel, et qui transhument d'un récit vers un autre, sans cesse en quête d'un vocable qui enfin les ferait pleinement naître à la vie, fût-ce au prix de leur mort.
Il serait une fois des personnages qui se rencontreraient à la croisée d'histoires en dérive, d'histoires en désir de nouvelles histoires, encore et toujours."

" En chacun la voix d'un souffleur murmure en sourdine, incognoto - voix apocryphe qui peut apporter des nouvelles insoupçonnées du monde, des autres et de soi-même, pour peu qu'on tende l'oreille.
Ecrire, c'est descendre dans la fosse du souffleur pour apprendre à écouter la langue respirer là où elle se tait, entre les mots, autour des mots, parfois au coeur des mots."

Ce portrait d'un homme, de l'enfance à la maturité, à la recherche de son identité, me laisse sans voix.
Magnus, son ours en peluche, est la seule permanence de son existence.
Le récit de cette reconstruction est servi par une écriture à la limite du sublime.
Toute critique en paraîtrait ridicule. Alors je me tais.
Lisez-le.

Magnus     Sylvie Germain    Editions Folio

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14 juillet 2007

Lass(ha)itude !

9782757804674Prenez des scientifiques tout ce qu'il y a de plus sérieux, des barbouzes américains et anglais, des hommes politiques corrompus, ajoutez la reine d'Angleterre, un ancien des services secrets de sa majesté, quelques lamas tibétains exilés, agitez tout ce petit monde et faites-le courir tout autour de la planète, et au moment de servir, saupoudrez d'informatique, d'électronique et d'éléments fantastiques religieux.
Voilà, c'est prêt.
Un cocktail explosif, lourd à digérer et qui m'est resté sur l'estomac.

"Il pleuvait à torrent sur les lauriers, devant les vastes baies vitrées du 91 Lyndhurst Crescent. Un gros matou tigré venu s'abriter sur le rebord de la fenêtre se leva, s'étira et s'évanouit dans la nuit pour aller ratisser le voisinage cossu : ce serait bien le diable s'il ne trouvait pas une ou deux misérables souris à se mettre sous la dent. Elle n'avait rien d'extraordinaire, cette fenêtre. Et pourtant, ce fut derrière ses carreaux, dans la douillette torpeur d'un salon bourgeois, que commença une série d'événements qui allaient changer la face du monde."

Et ça va être épuisant et décevant.
Des méchants politiciens véreux, qui sont de mèche avec de sales industriels capitalistes, inondent le tiers-monde d'OGM traficotés, afin de réduire la population à néant et ne pas perdre la main mise sur l'économie mondiale.
Les bons, c'est à dire les scientifiques, l'ancien des services secrets et les lamas, vont tout faire pour les en empêcher. Et croyez-moi, ils sont vraiment dans les petits papiers de Bouddha. Ils trouvent toujours une voiture, pour remplacer celle qui est repérée par les méchants. Leurs téléphones sont truffés de micros hyper-sophistiqués, qu'importe ils ont le dernier truc qui permet de les déceler. Il leur faut voyager incognito, ça tombe bien ils ont un pote qui posséde un petit avion privé qui leur permet d'échapper aux tueurs. Crapahuter autour de la planète, ça coûte bonbon, pas de problème, y en a une qui a des tableaux de maître dont elle ne sait que faire, alors elle les vend pour la bonne cause. Et là accrochez-vous, quand ils sont un peu coincés, les rêves viennent à leur secours (merci le bouddhisme) et leur indiquent où trouver des indices. Et ça tombe bien, ils sont juste à côté de la grotte perdue au fin fond du Périgord où un lama a caché, quelques centaines d'années auparavant, ce petit quelque chose qui les aidera à déjouer le complot; quand ce n'est pas la reine d'Angleterre elle-même qui vole à leur secours.

Mais de qui se moque-t-on ?
Et le Tibet dans tout ça ? On n'y met pas l'once d'un orteil.
Et l'auteur ? Tibétain ? Ouais, si on veut, je m'appelle bien Moustafette. Je n'ai rien trouvé sur lui, ni dans le bouquin, ni chez l'éditeur. Pourtant ça court pas les rues les auteurs tibétains, mais non, rien.
S'il a pas dû voir l'Himalaya depuis un bon moment, et pour cause, il a bien assimilé la culture occidentale, notamment celle du marketing, pour ne pas dire de l'arnaque.
Et c'est facile de dire que "le tout repose sur du vécu réel"...

Bref, en ce 14 Juillet, un peu en pétard, la fille !

Tibet or not Tibet     Péma Dordjé     Editions Points Seuil Policier

stupa

30 avril 2007

EST-CE POSSIBLE ?

9782228898959Peut-on encore rêver sous un régime totalitaire ? 
Non pas fantasmer tout éveillé au jour de la libération et à la chute du tyran, non, rêver en dormant, tout simplement, librement.
Telle est la question que s'est posée l'auteur Charlotte Beradt (1901-1986).

Un mot sur l'auteur. Juive allemande communiste, elle émigre en Angleterre en 1939, puis aux Etats-Unis en 1940. Dans les années vingt, elle travaille dans une grande maison d'édition et fait alors la connaissance de nombreux écrivains. Parmi eux Heinrich Blücher, le futur mari d'Hannah Arendt, et Martin Heradt qui deviendra son mari. Les deux couples se lient d'amitié et se retrouveront en exil à New York.
En Allemagne, elle choisit de s'engager aux côtés des communistes, seule résistance face au régime hitlérien. Plus tard, elle reviendra sur son engagement, mais affirmera que " la terreur brune et la politique rouge furent les événements déterminants qui ont marqué ma vie". De 1933 à 1939, sans doute pour juguler sa peur face à ses propres rêves, elle décide de collecter les rêves de ses compatriotes. Elle en rassemblera plus de trois cents. Rêves de médecins, d'avocats, de commerçants, d'industriels, d'employés, d'ouvriers, de femmes au foyer etc... Au fur et à mesure, elle les rédige de façon déguisée et les envoie à l'étranger. Elle expliquera qu'elle cherchait à réunir du matériel d'information pour la presse en exil.
Ce travail prendra la forme d'un livre et sera publié pour la première fois en 1966.

Mais C. Beradt n'aborde pas cet ouvrage sous un angle purement psychanalytique, bien qu'elle ne soit pas opposée à cette discipline. Elle veut établir " un rapport entre le monde le plus intime des sujets et le monde politique, assumer qu'il puisse y avoir des rêves politiques inspirés chez eux non par les conflits de leur vie privée mais par ceux dans lesquels les a plongés l'espace public". Elle rejoint ainsi Hannah Arendt sur le versant psychique du totalitarisme et son intériorisation par les sujets un par un. Seront aussi écartés les rêves de violences physiques.

Alors, quelles sont les constantes retrouvées par l'auteur ?
* La mise au pas du sujet s'effectue par le biais de la honte en public, sous le regard inexpressif de l'entourage.
* L'omniprésence de la propagande sous forme de lois, décrets, haut-parleurs, banderoles, affiches qui s'insinuent jusque dans la vie nocturne. On retrouve aussi le monde cauchemardesque de la bureaucratie cher à Kafka, auquel s'ajoute l'absurdité poussée à l'extrême.
* La crainte de ne pas satisfaire aux critères de l'aryanité, avec des focalisations sur des détails physiques ou sanguins, mêmes chez les sujets les moins "suspects".
* Le passage de la suggestion à l'autosuggestion, de la censure à l'autocensure.
* Et chose surprenante, le déplacement de cette dernière dans le domaine privée et notamment sur de simples objets, susceptibles de dévoiler les pensées intimes de leurs propriétaires. C'est Big Brother avant l'heure dans l'imagination terrorisée des êtres sous emprise.
* Enfin vient l'incrédulité face à ce que le sujet observe et ressent. D'où l'utilisation, en un renversement en son contraire, de l'humour noir et du grotesque comme ultime lutte contre l'angoisse, la lâcheté, la peur.

Quelques exemples :
* Tel homme rêve qu'au moment où il s'apprête à lire un auteur réprouvé par le régime, bien tranquillement allongé sur son sofa, les murs de son appartement disparaissent.
" Effrayé, je regarde autour de moi : aussi loin que porte le regard, plus de murs aux appartements. J'entends un haut-parleur hurler : conformément au décret sur la suppression des murs du 17 de ce mois ..."
* Telle femme se voit dénoncer par son poêle à bois dont la porte s'ouvre comme une bouche.
* Tel jeune homme rêve qu'il ne rêve plus que de formes géométriques parce qu'il est interdit de rêver, ou cet autre qui, par précaution, rêve qu'il rêve en russe, langue qu'il ne comprend ni ne parle.
* Tel autre, ancien militant, se parodie,
"je rêve que je m'installe solennellement à mon bureau après m'être enfin décidé à porter plainte contre la situation actuelle. Je glisse une feuille blanche, sans un mot dessus, dans une enveloppe et je suis fier d'avoir porté plainte, puis j'ai vraiment honte."
* Tel médecin, qui s'était juré de résister, rêve qu'il est renvoyé puis rappelé car lui seul est capable de soigner Hitler. Il en est fier et se réveille en larmes.

La dernière partie du livre se compose de deux textes récents (2002). L'un d'un historien allemand, qui démontre en quoi ce recueil est spécifiquement politique et trouve sa place dans le débat de la responsabilité pour les générations actuelles. L'autre d'un psychanalyste français, qui s'appuie sur les théories classiques du rêve et du traumatisme, afin d'éclairer le travail de l'auteur et le totalitarisme, d'un point de vue plus clinique.

J'ai trouvé dans cet ouvrage des résonances très actuelles, toute proportion gardée. Et c'est justement cela le problème, là nous sommes dans l'extrême, dans l'énorme. Mais quand les frontières de l'intimité des individus s'estompent sous l'emprise sectaire quelqu'elle soit, l'autoritarisme politique ou le matraquage médiatique, aveuglement et irrationnel ne sont pas loin. Quand les individus vivent dans un monde où tout est réglementé, anticipé, organisé, contrôlé, sécurisé, le terme individu n'a plus lieu d'être puisqu'un tel sujet n'a presque plus besoin de penser, il est "programmé", pire il s'auto-programme insidueusement. C'est exactement ce dont nous parle C. Beradt.
Pour conclure, je citerai ce dirigeant nazi qui déclarait "La seule personne qui soit encore un individu privé en Allemagne, c'est celui qui dort ", comme quoi il sous-estimait les possibilités du III ème Reich car comme le démontre C. Beradt " le rêve lui-même n'est plus un refuge. "
Alors résistons et pensons pendant que nous sommes bien réveillés ...

Rêver sous le III ème Reich     Charlotte Beradt     Editions Payot

 

rodin

3 juillet 2007

COKE EN SUS ...

9782070344482Vous souvenez-vous de Jack Taylor que je vous avais présenté ici ?
Il nous avez planté là, partant se mettre au vert dans la bonne ville de Londres, après une enquête au cours de laquelle ses plus chers amis avez disparu plutôt tragiquement.

Abstinent il était parti, éthylique il est re(de)venu, mais avec un petit supplément de bagages. En effet, notre loser magnifique a pris la bonne habitude de se poudrer le nez. Non pas histoire de camoufler quelques vaisseaux capillaires violacés qui orneraient son appendice nasal suite au régime intensif Guinness-Jameson, non, tout bêtement parce qu'il y a des périodes où une petite ligne, ça aide à croire que tout est possible, notamment qu'on peut en tirer une sur les souffrances du passé. C'est aussi très efficace contre la gueule de bois.

Sitôt arrivé à Galway, Jack a déjà du boulot. Un maniaque assassine et mutile de jeunes tinkers. Les tinkers sont des gens du voyage, peu appréciés par la population et encore moins par les flics. Personne n'est enclin à les aider à découvrir le coupable de ce jeu de massacre, sauf ... l'ami Jack, qui cette fois, sera secondé par Keegan, un sergent déjanté qu'il a connu à Londres. Voici donc Jack reparti à la recherche d'indices, autant d'occasions d'effectuer de nouvelles virées bien arrosées dans les pubs de Galway, de renouer contact avec les quelques potes qui lui restent et d'essuyer encore deux-trois bastons mémorables.
Il croisera aussi sa bigote de mère avec laquelle les choses ne se sont guère arrangées !

"J'ai mis le cap sur la porte. A peine dehors, je suis tombé sur ma mère. Elle a regardé au-dessus de ma tête. Y avait écrit "PUB". Parlez d'une auréole ! Comme toujours, elle n'avait pas une ride. A croire que la vie n'a pas prise sur sa peau. C'est pareil pour les bonnes soeurs. (Un conseil, Estée Lauder: intéressez-vous de plus près aux nonnes.) Côté yeux, vous regardez au fond de ceux de ma mère et vous voyez l'Antarticque bleu banquise. Et toujours le même message : " Je t'enterrerai." ..."

Comme à chaque fois qu'il doit affronter ses coups de blues, Jack Taylor trouve le salut dans la musique et la littérature. Pour notre plus grand plaisir, nous retrouvons çà et là, Radiohead, Marley, Johnny Rotten, aux côtés de Beckett, de Chandler et de Ginsberg, entre autres.

Conclusion, un livre qui désaltère et qui donne un coup de fouet. Mais n'abusons pas des bonnes choses ... En ce qui me concerne, pas de souci, le troisième volet n'est toujours pas sorti en poche.

Je viens de m'apercevoir que GACHUCHAen parle aussi aujourd'hui, et chouette, elle a aimé !

Toxic Blues     Ken Bruen     Editions Folio policier

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23 août 2007

Volup...thé

th_1Est-ce cet ouvrage qui a inspiré à LEELOO l'idée d'organiser un swap lit-thé-rature ?
En tout cas, c'est l'occasion pour moi de vous présenter l'un de mes livres préférés.
L'auteur, théinomane avéré, nous fait partager sa passion pour le sublime breuvage et ses différents rituels.

"Je serais prêt à faire de nombreux sacrifices pour cette boisson, maîtresse lascive qui s'offre, complaisante et finalement ensorcelante. Elle est toukours là, généreuse, parfois rebelle; jamais elle ne déçoit. S'il y a mésentente entre elle et nous, l'erreur nous en revient toujours. Il faut savoir la choisir, la mettre en condition, l'installer, la protéger, la flatter, ne jamais être trop pressé, impatient, trouver la manière, connaître sa personnalité et son tempérament, deviner sa magie, redouter ses effets, ménager ses pouvoirs, goûter ses audaces."

Passion que l'auteur s'amuse aussi à traquer au fil des pages d'écrivains célèbres.
On retrouve entre autres, Proust, Nietzsche, Joyce, Genet, Neruda, Musset et George Sand, La comtesse de Ségur, Anaïs Nin, Alexandra David Neel ...
Et pour le plus grand plaisir des yeux, l'ouvrage s'enrichit des aquarelles de RUBEN ALTERIO aux couleurs chaudes comme une bonne tasse de thé.
Un beau voyage que nous serons nombreux(ses), je l'espère, à poursuivre grâce à LEELOO !

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"Pour la première fois, voici donc un livre qui sans être un précis sur le thé,
mais plutôt un manifeste, raconte les effets d'une boisson sur les écrivains
qui ne craignent pas de mettre du thé dans leur encrier."

Le thé dans l'encrier   Gilles Brochard  Ruben Alterio   Editions Aubier    

 

 

8 juin 2007

Dérives entre deux rives

9782253119982Schwara est l'homme aux mains de bois. Forestier, charpentier, sa scierie a brûlé dans les tourments de la guerre civile qui a ravagé son pays. En ce premier été de l'après-guerre, il quitte son massif des Londes pour partir à la recherche d'un homme. Schwara l'homme du nord va s'aventurer dans le sud, vers la mer et jusqu'au port de Ran-Mositar, là où se cotoient les refugiés, les opportunistes, les soldats de l'ONU et même les touristes déjà revenus jouir des îles et de leurs sources chaudes.

Schwara va à pied. Il a pour tout bagage sa sacoche contenant quelques outils et la richesse de ses mains. Il se fait vite repérer par son savoir faire et travaille ça et là sur des chantiers. Partout, il interroge et poursuit sa quête. Et partout, il croise les mêmes douleurs, les mêmes haines encore à vif. Celles des femmes violées et îvres de vengeance, celles des hommes qui ont commis ou vécu l'horreur et qui composent avec.

"Chaque camp appliquait sa logique de l'ordre et du désordre."

Lorsqu'enfin il arrive à Ran-Mositar, la vie de la ville tourne autour de la reconstruction du Vieux, le célèbre pont construit au XVIe siècle et qui, jusqu'à ce jour, avait résisté à tout. "Soudain la notion de crime contre un patrimoine de l'humanité s'inscrivait dans le livre de la barbarie. La ville avait retenu son souffle puis, dans un silence pétri d'angoisse, les habitants s'étaient approchés des rives séparées. L'incroyable blessure qui béait devant eux zébrait leur conscience d'une même cicatrise, les rendait responsables d'une inconcevable atteinte aux racines de la vie."

Schwara met son talent à la disposition des équipes chargées des travaux. Il sait que c'est là que prendra fin son voyage. Il croisera Irini, dont le drame personnel rejoindra celui de Schwara, et qui le mènera involontairement jusqu'à l'homme recherché. Chacun se confrontera à son destin.

"Dans un pays que je connais bien, les losanges sont un signe de sagesse. Le rond, tu n'en ressors jamais, le carré est trop parfait, il t'enferme, le rectangle s'étire à l'infini, peu fiable. Tu les rassembles tous, tu obtiens le losange, une figure idéale, assez déséquilibrée pour que ta pensée s'y glisse et pourtant cernée par les quatre côtés qui la guident.
- Il est où ce pays de la sagesse ?
- Là où fleurissent des champs de rhododendrons."

Si cette histoire vous rappelle quelque chose, c'est sans doute celle de la ville de Mostar, en Bosnie-Herzégovine. Le 3 Novembre 1993, malgré la présence des troupes de l'ONU, le pont piéton s'effondre dans la Neretva, séparant la communauté croate catholique orthodoxe et la communauté bosniaque musulmane. Sous l'égide de l'Unesco, la reconstruction commencera en Juin 2001 et le nouveau pont, restauré selon les techniques ancestrales, sera inauguré le 23 Juillet 2004.
Ce livre est son histoire et celle des hommes qu'il tente de relier. L'un et l'autre se parent à la fois d'une simplicité et d'une folie magnifiques.

"Mais qui pouvait parier sur l'avenir d'un pays qui chérissait son pont et laissait sombrer ses enfants ?"

Le pont de Ran-Mositar      Franck Pavloff     Editions Le Livre de Poche

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29 juin 2007

FROUFROU

9782070346219Voici un petit livre sans prétention qui ravira tous les grands garçons qui gardent la nostalgie de leurs premiers émois sensuels à la vue d'une paire de bas suspendue sur un fil à linge, ou d'un bout de culotte petit-bateau aperçu sous les jupes des filles.
Bien sûr, il plaira aussi aux grandes filles, celles qui ont quelques réminiscenses de l'attrait irrésisitible qu'exerçait le tiroir maternel interdit, où reposait bien rangée une intimité pleine de mystère et de promesses de séduction à venir.

Pour Simon, qui grandit à la campagne dans les années cinquante, tout commence par l'expression chère à son père, "avoir le cul dans la soie".

"L'association de ces deux mots, déjà si choquante à mon oreille, ne laissait pas d'intriguer le petit amoureux des mots que j'étais. Il y avait aussi là-dedans, quelque chose d'incongru, entre honte et volupté, qui me mettait mal à l'aise."

Mais quand, tout petit, on est sauvé de la noyade par le soutein-gorge de la grosse Germaine, quand on réchappe à l'attaque d'un corset à baleines, ou que l'on frise l'asphyxie sous l'ample jupe de la maîtresse d'école, comment ne pas être marqué à jamais par les dessous féminins !

Une enfance lingère     Guy Goffette      Editions Folio   

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4 septembre 2007

Applaudissements...

9782742769179Pour ce court roman qui s'inscrit dans le cycle des Banlieusards ou "Chroniques légendaires de gens sans importance à la fin des années 1970".
Sur un ton faussement désinvolte l'auteur nous raconte la vie, la mort de Serge Gautier.

Nous faisons sa connaissance à l'âge de cinq ans lorsqu'il emménage dans la banlieue parisienne, dans le petit village de Sarcelles, où ses parents s'installent avant guerre. Le père est ouvrier métallo, militant communiste, la mère, rouge elle aussi, travaille à domicile comme couturière. Pour Serge, les jours s'écoulent entre la découverte de la liberté à la campagne, les jeux et petites guerres entre bandes de gamins, les visites des oncle et tante de Savigny sur Orge, sur fond d'atmosphère militante générée par les parents et leurs camarades. La famille s'agrandit avec l'arrivée d'une petite soeur, Janine, et d'une petite cousine, Jeanne dont il tombe éperdument amoureux. Mais déjà "Serge préfère voir que faire" puis "a toujours l'air de se foutre de la gueule du monde" et enfin "Serge arrête de te conduire dans la vie comme si tu étais tout le temps au théâtre".

Et puis la guerre chamboule ce bel équilibre, le père est arrêté, déporté. La communauté résiste puis soutient la famille quand il s'avère que le père ne reviendra pas. Fils modèle, Serge endosse le rôle d'homme de la famille, tout en poursuivant ses études. Il traversera ces années et ces épreuves un pied dans la réalité, un autre dans un monde imaginaire où la vérité se travestit au gré de ses angoisses et de ses craintes. Fils de héros, il rentre lui aussi à l'usine. C'est le temps de la camaraderie, du militantisme obligé en mémoire du père, des histoires d'amour. Mais à vingt ans, une tuberculose inopinée le libèrera de tout cela. Et à trente, c'est sa mère, avec laquelle il vit toujours, qui l'abandonnera, lui permettant ainsi de larguer la dernière amarre. Et toujours "Serge préfère voir que faire" et "Serge arrête de te conduire dans la vie comme si tu étais tout le temps au théâtre".

Continuant sur sa lancée, Serge persistera à rester spectateur de la vie des uns et des autres, de la sienne aussi et du monde qui se transforme. Jusqu'au bout, il refusera l'engagement. Il ne deviendra acteur qu'à l'approche de la mort. "Parce que je ne suis pas sûr d'avoir choisi ma vie, alors j'aimerais bien choisir ma mort."

J'ai trouvé émouvant le récit de ce passager de la vie ordinaire, sans attaches, complaisant, traversant le temps en dilettante pour se confronter enfin à la question primordiale de sa finitude, sans jamais lâcher ses béquilles imaginaires qui l'ont aidé à tenir debout et à arriver jusque là.

Le spectateur     Daniel Zimmermann     Editions Actes Sud Babel

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