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Le Souk de Moustafette
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8 juin 2007

Dérives entre deux rives

9782253119982Schwara est l'homme aux mains de bois. Forestier, charpentier, sa scierie a brûlé dans les tourments de la guerre civile qui a ravagé son pays. En ce premier été de l'après-guerre, il quitte son massif des Londes pour partir à la recherche d'un homme. Schwara l'homme du nord va s'aventurer dans le sud, vers la mer et jusqu'au port de Ran-Mositar, là où se cotoient les refugiés, les opportunistes, les soldats de l'ONU et même les touristes déjà revenus jouir des îles et de leurs sources chaudes.

Schwara va à pied. Il a pour tout bagage sa sacoche contenant quelques outils et la richesse de ses mains. Il se fait vite repérer par son savoir faire et travaille ça et là sur des chantiers. Partout, il interroge et poursuit sa quête. Et partout, il croise les mêmes douleurs, les mêmes haines encore à vif. Celles des femmes violées et îvres de vengeance, celles des hommes qui ont commis ou vécu l'horreur et qui composent avec.

"Chaque camp appliquait sa logique de l'ordre et du désordre."

Lorsqu'enfin il arrive à Ran-Mositar, la vie de la ville tourne autour de la reconstruction du Vieux, le célèbre pont construit au XVIe siècle et qui, jusqu'à ce jour, avait résisté à tout. "Soudain la notion de crime contre un patrimoine de l'humanité s'inscrivait dans le livre de la barbarie. La ville avait retenu son souffle puis, dans un silence pétri d'angoisse, les habitants s'étaient approchés des rives séparées. L'incroyable blessure qui béait devant eux zébrait leur conscience d'une même cicatrise, les rendait responsables d'une inconcevable atteinte aux racines de la vie."

Schwara met son talent à la disposition des équipes chargées des travaux. Il sait que c'est là que prendra fin son voyage. Il croisera Irini, dont le drame personnel rejoindra celui de Schwara, et qui le mènera involontairement jusqu'à l'homme recherché. Chacun se confrontera à son destin.

"Dans un pays que je connais bien, les losanges sont un signe de sagesse. Le rond, tu n'en ressors jamais, le carré est trop parfait, il t'enferme, le rectangle s'étire à l'infini, peu fiable. Tu les rassembles tous, tu obtiens le losange, une figure idéale, assez déséquilibrée pour que ta pensée s'y glisse et pourtant cernée par les quatre côtés qui la guident.
- Il est où ce pays de la sagesse ?
- Là où fleurissent des champs de rhododendrons."

Si cette histoire vous rappelle quelque chose, c'est sans doute celle de la ville de Mostar, en Bosnie-Herzégovine. Le 3 Novembre 1993, malgré la présence des troupes de l'ONU, le pont piéton s'effondre dans la Neretva, séparant la communauté croate catholique orthodoxe et la communauté bosniaque musulmane. Sous l'égide de l'Unesco, la reconstruction commencera en Juin 2001 et le nouveau pont, restauré selon les techniques ancestrales, sera inauguré le 23 Juillet 2004.
Ce livre est son histoire et celle des hommes qu'il tente de relier. L'un et l'autre se parent à la fois d'une simplicité et d'une folie magnifiques.

"Mais qui pouvait parier sur l'avenir d'un pays qui chérissait son pont et laissait sombrer ses enfants ?"

Le pont de Ran-Mositar      Franck Pavloff     Editions Le Livre de Poche

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Commentaires
M
@Sandrine,ce livre te plaira. Vois-tu j'ai qq souvenirs désagréables de la Yougoslavie que j'ai traversée avant l'éclatement et qd les guerres civiles sesont déclarées dans les diverses contrées, la violence de ces peuples ne m'a pas surprise.
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S
Celui-la m'attends dans ma LAL bien sagement pour le moment ou je serai prete a lui accorder la plus precieuse attention de toute la force de mes fibres bibliophiles. <br /> <br /> J'ai une tendresse infinie pour les balkans, j'y ai des amis, leurs vies sont fortes et riches de l'Histoire terrible de ces dernieres annees, dans le droit fil de celle de ces dernieres generations, siecles... de toujours. Malheureusement tout tourne encore autour de la guerre et eux-memes ont du mal a se depetrer du cliche mais cela va changer. La nouvelle generation a du plomb dans la tete, et pas celui qu'y avait place la bienveillance de Tito, qui pour les maintenir tous en place dans son schema ideal de fin de l'Histoire sanglante de la region, avait cree cette fraternite pourtant encore celebree tant elle forcait l'entente et la paix, comme un gros gateau empoisonne au doux parfum d'identite "yougoslave". <br /> <br /> L'histoire du pont de Mostar est hautement symbolique, je suis heureuse que quelqu'un ait su la raconter avec le talent merite. Le symbolisme et le surrealisme typique de la region restent le meilleur moyen pour vehiculer la memoire des evenements recents, la fragilite des etres et la futilite des combats, sans jamais vraiment donner de lecons, tout en illustration subtile et poetique, terriblement efficace. Comme les films de Kusturica. <br /> <br /> Bref, je suis bien contente que toi-meme Moustafette et d'autres aient aime :).
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M
@Laurent,ça ne m'étonne pas, c'est un livre cruel,comme peuvent l'être les hommes.<br /> @Yueyin,oui c'est cet auteur.Si tu as aimé Matin brun, celui-ci te plaira et je me suis aperçu qu'il y avait de nombreux titres et aussi dans des éditions "Jeunesse".
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Y
est-ce bien le franck pavloff qui a ecrit la nouvelle matin brun ? J'avais beaucoup aimé son écriture, je note ce titre là bien sûr :-) (encore un !)
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L
J'aime beaucoup l'esprit qui hante les livres de Pavloff... Un petit truc qui fait que ces histoires sont à la limite de la fable et du roman. J'avais particulièrement apprécié le pont de Ran Mositar à sa sortie et après tout ce temps et tous les livres lus, il me parle encore !
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