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Le Souk de Moustafette
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30 juin 2018

Juin, c'est déjà la fin !

music_instr_020Exceptionnellement, un morceau de musique dont j'ignore le titre et l'interprète pour clôre ce mois de Juin consacré à l'Algérie, pays à l'honneur du Défi littéraire de Madame lit.

Le dernier livre chroniqué m'ayant entraînée du côté de la peinture et de l'Orientalisme, voici un florilège d'oeuvres, dont malheureusement les auteurs ne sont pas cités non plus, sur une très jolie musique. On y retrouve entre autres Delacroix, Renoir, Bridgman. Si ces peintures rendent hommage à la beauté des femmes algériennes, elles n'en véhiculent pas moins une idée fantasmée, un imaginaire masculin avide d'érotisme en ces siècles pudibonds. L'exotisme de l'Orient débride leurs désirs de femmes indolentes et lascives toutes vouées au plaisir de ces messieurs. Mais la vie des femmes était loin de n'être que paresse et attente, elles étaient peu à rester allongées sur des divans à fumer le narguilée, boire du thé ou faire de la musique à longueur de journée, comme ces instantanés pourraient le laisser croire... Reste que d'un point de vue artistique, ces peintures sont des réussites. Colorées, sensuelles et chaleureuses, elles invitent au voyage, c'était le but. N'oublions pas qu'afin de motiver l'engagement des hommes dans la guerre coloniale, les autorités ont vanté la nécessité d'apporter "la civilisation" à "ces terres vacantes, peuplées de sauvages paresseux et où des femmes aux moeurs relachées se languissent de plaisirs" (je cite de mémoire ces mots tirés du bréviaire historique sur l'état du pays remis aux soldats). Si ça, ça ne motive pas l'instinc de mâles conquêtes !..

 

Promenade en musique et peinture dans la Casbah d'Alger avant de traverser l'Atlantique et de débarquer en Colombie pour le nouveau Défi littéraire de Juillet.

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28 juin 2018

Gynécées

51EzDS5uh-LAvis mitigé pour ce recueil de nouvelles. C'est un genre que j'affectionne assez peu et sur les sept, seules deux ont retenu mon intérêt. Je ne sais pas trop ce que j'attendais de ce livre, peut-être plus de modernité, mais c'était sans compter que la première édition date de 1980, augmentée ici d'un texte de 2002, et que l'auteure siégeait à l'Académie française. Si la langue est souvent poétique, le style ne m'a pas complètement séduite. La chronologie est un peu brouillonne, et malgré un découpage annonçant "Aujourd'hui" et "Hier", je me suis régulièrement perdue.

Justement, "La Nuit du récit de Fatima", texte de 2002, est un de ceux que j'ai le plus apprécié. Récit à trois voix, entre transmission et évolution, il pointe la répétition d'un traumatisme et la lutte de la dernière génération afin d'y échapper. La modernité apportée par la colonisation y collisionne avec les traditions.

" Magdouda, ma grand-mère, m''embrassa, me garda sur ses genoux : je me souviens encore de son odeur, de son teint presque noiraud, de ses grands yeux allongés et globuleux qu'elle noircissait de khôl soutenu... Je fixai enfin son tatouage bleu qu'elle avait entre les sourcils : une rosace raffinée qui la rendait étrange. Avec ses multiples foulards de soie mauve et orange, elle paraissait une vielle reine sauvage, venue je ne savais d'où..."

"Femme d'Alger dans leur appartement"  date de 1978. Y sont évoquées ces femmes qui ont participé à la guerre de libération et qui en gardent encore des séquelles dans leurs corps, mais aussi dans leurs esprits, entre stérilité et folie, la prison et la torture se sont incrustées durablement. Fatma qui fut, avant de devenir la vieille masseuse et porteuse d'eau du hamman, une de ses porteuses de feu, nous offre à la fois un récit émouvant de sa vie et de sa douleur. Mais c'est aussi l'occasion de nous plonger dans une savoureuse évocation du rituel des bains publics, à une époque seule sortie au-dehors autorisée pour les femmes.

" Où êtes-vous les porteuses de bombes ? Elles forment cortège, des grenades dans les paumes qui s'épanouissent en flammes, les faces illuminées de lueurs vertes... Où êtes-vous, les porteuses de feu, vous mes soeurs qui aurez dû libérer la ville... Les fils barbelés ne barrent plus les ruelles, mais ils ornent les fenêtres, les balcons, toutes les issues vers l'espace..."

Enfin, la postface intitulée "Regard interdit, son coupé", nous ramène en 1832 lorsque Delacroix séjourne brièvement à Alger et pénètre dans l'univers interdit des femmes. "Cette abondance de couleurs rares, ces noms aux sonorités nouvelles, est-ce cela qui trouble et exalte le peintre ?" Ce tableau sert de point de départ à une fine analyse de la claustration féminine, rôle du regard interdit à l'étranger, limité au père, frère, mari, fils, ou limité par le voile pour la femme s'aventurant à l'extérieur. Le "dévoilement", lui, équivaut à une mise à nu. "Une femme - en mouvement, donc "nue" - qui regarde, n'est-ce pas en outre une menace nouvelle à leur exclusivité scopique, à cette prérogative mâle ?" . Seule la figure de la mère est sans danger, corps sans jouissance, elle peut regarder et être regardée. Quant à la voix, entre chants et papotages seuls autorisés, elle se fit entendre à l'extérieur lors de la guerre et par le biais des récits des viols commis à leur encontre, soudant de façon illusoire les deux sexes avant que le silence envahisse à nouveau l'espace.   

"- Je ne vois pour les femmes arabes qu'un seul moyen de tout débloquer : parler, parler sans cesse d'hier et d'aujourd'hui, parler entre nous, dans tous les gynécées, les traditionnels et ceux des H.L.M. Parler entre nous et regarder. Regarder dehors, regarder hors des murs et des prisons !..."

Omniprésente dans ces nouvelles, la main mise de l'homme sur la femme, le père d'abord, présidant à la destinée des filles via des mariages précoces, les frères prenant le relais si besoin, et le mari, séducteur puis tyran. Cet univers oppressant d'enfermement et de parole castrée laisse des relents d'angoisse et d'amertume bien après avoir terminé ce livre, d'autant que s'impose à ma mémoire le silence de plusieurs tantes, pourtant nées en France mais mariées à leurs seize ans, contre rémunération, à des hommes inconnus d'elles et expédiées dans un pays dont elles ne savaient rien mais où mon grand-père retournait régulièrement. L'Indépendance fut également pour elles une libération ; divorce à la clef, elles regagnèrent la France avec une partie de leurs enfants et personne n'entendit jamais le récit de leur vie au pays de leur père, si ce n'est pour haïr les Arabes et voter FN...

Lu dans le cadre du Défi littéraire de Madame lit

Femmes d'Alger dans leur appartement     Assia Djebar     Editions Le Livre de Poche

 

25 juin 2018

El-Djezairi

103927_couverture_Hres_0Lorsqu'on évoque la guerre d'Algérie, on pense surtout à celle de la Libération, comme on la nomme de l'autre côté de la Méditerranée, occultant celle, bien plus lointaine, de la colonisation. C'est pourtant une période incontournable pour comprendre la génèse et ce qui en découla, c'est aussi une période qui m'intéresse à titre personnel. Comme le dit si bien René Char, cité en exergue par l'auteur,"Seules les traces donnent à rêver". Avoir des ancêtres nomades d'Oranie aiguise l'imagination mais laisse aussi pas mal d'interrogations surtout lorsque les descendants font table rase de l'histoire familiale. Donc je me prends à rêver que peut-être, au fil des pages de récits pré-coloniaux, je tomberais par inadvertance sur un nom propre qui serait mien, perdu au milieu des patronymes à rallonge portés par les hommes des tribus qui luttèrent contre l'envahisseur français en cette première moitié du XIXe siècle...

Le récit présenté aujourd'hui nous transporte au 24 décembre 1847, date à laquelle et suite à sa reddition, l'émir Abd el-Kader, en compagnie de quatre-vingt seize de ses proches, attend d'embarquer sur Le Solon pour un exil qui doit le conduire à Alexandrie ou à Saint-Jean d'Acre. La voix des meddahs et les témoignages de personnalités militaires ou diplomatiques françaises vont nous conter ce qui a présidé à cette guerre de conquête et témoigner de cette période qui n'a rien à envier à celle qui dans le futur embrasera le pays à partir de 1954.

meddahs

"Debout près des grands feux qui allongeaient leurs ombres, ces bardes, ces récitants enturbannés, racontaient, pour les sauver de l'oubli, des histoires de vie, de mort, d'amour et de fidélité. Graves, drôles ou ironiques, le verbe pétri d'argile et de miel, le visage couvert de sueur et de pollen, ils tentaient de les transmettre de tribu en tribu, de génération en génération."

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Désolée pour la chronologie qui va suivre, et qui sans doute intéresse peu de monde, mais ordonner le tout a été la seule façon de me repérer dans l'imbroglio historique qui règnait alors dans le pays, et de comprendre le déroulement des événements, d'autant plus que la narration du récit n'est pas linéaire.

L'histoire commence sous la Régence ottomane d'Alger, déjà marquée par un climat de fréquentes rebellions contre les représentants du Sultan. L'émir nait en 1808 dans dans l'ouest algérien près de la ville de Mascara. Il est le fils d'un maître religieux adepte du soufisme et, après de brillantes études à Oran, se prédispose à embrasser la même carrière que son père. Mais en 1827, devant le refus français d'honorer une dette ancienne qui a pourtant  sauver, d'abord les soldats de la campagne d'Egypte, puis la France de la famine en ce début de siècle, le Bey d'Alger perd ses nerfs et assène quelques légers coups de chasse-mouches sur l'épaule du consul de France, personnage fourbe au demeurant.

Le_coup_d_eventail_1827Le Bey refusant de s'excuser, les hostilités sont déclenchées, une surenchère diplomatique monte en épingle ce cassus belli qui sert surtout de prétexte à redorer le blason du chef de gouvernement français de Charles X, mais qui n'aboutit pas moins au débarquement du corps expéditionnaire français en Juin 1830, entraînant ainsi l'Algérie dans 132 années de colonisation. Le père d'Abd el-Kader s'engage alors contre l'envahisseur chrétien venus chasser les Ottomans d'Alger. En 1832, son fils prend le relais, à vingt-quatre ans il est proclamé Émir par les tribus de l'Oranie et se retrouve à la tête de la résistance. En 1834, son autorité est reconnue par les Français qui comptent sur lui pour pacifier l'arrière-pays où des guerres tribales ont lieu et dans lesquelles la France n'a pas envie de s'engager. Il sera ainsi fourni en hommes et matériel militaire afin d'assurer cette mission. Les choses se détériorent au gré des différents commandements français et les "alliés" d'hier deviennent les ennemis de demain. Dans les années qui suivent, se succèdent périodes de trêves et de batailles, qui permettront à Abd el-Kader de contrôler les deux tiers du pays luttant sur tous les fronts afin de maintenir l'unité de son peuple. En 1839 la guerre totale est à nouveau déclarée des deux côtés, elle durera jusqu'en 1847.

"C'était donc le 16 Mai 1943, l'air était léger et la lumière du printemps avait la douceur de la soie. Sous le ciel d'un bleu limpide, on sentait l'odeur des lenquistes, des genêts, de l'armoise, de l'aloès et de l'herbe écrasée. Soudain, le ciel bascula, la sève se figea dans le corps des arbres, dans les veines des plantes, et, en quelques secondes, le paysage se déchira comme une vieille étoffe."

Prise_de_la_smalah_d_Abd-El-Kader_a_Taguin_16_mai_1843_Horace_Vernet

Prise de la Smala d'Abd el-Kader par le duc d'Aumale  Horace Vernet

La prise de la Smala, gigantesque ville itinérante de sept mille tentes, avec son administration, ses écoles et bibliothèque, ses artisans et son armée, fit "Mille cinq cents morts, plus de cinq mille prisonniers, des viols, le pillage des biens et la réquisition de quarante mille têtes de moutons endeuillèrent cette journée printanière. Dans la grande nuit qui enveloppait le charnier, la lune, d'habitude pleine et luisante, avait la blancheur pâle d'un linceul."

L'émir, absent lors de cet événement, continua la lutte. Se révélant fin stratège, pratiquant la guérilla, et doté d'un humanisme reconnu, il forcera l'admiration et le respect de ses ennemis. Les Français ne respecteront pas pour autant la promesse de l'exiler en terre arabe. L'émir sera d'abord emprisonné avec les siens à Toulon puis au château d'Amboise, alors prison insalubre, jusqu'en 1852. Il s'installe alors à Damas où il se consacre à l'étude et l'enseignement du soufisme, entre quelques escapades occidentales. Il y meurt en 1883. Sa dépouille repose en Algérie depuis 1966.

"L'homme qui aimait Dieu, les livres, les chevaux et le désert où "chaque grain de sable est habité par mille et un soleils", comme l'écrivait Djalal al-Din Roumi, le fondateur de l'ordre des derviches tourneurs, n'oublierait pas non plus le Sahara et la beauté des palmeraies avec leurs sources revigorantes. Depuis sa naissance jusqu'au temps où il était devenu, dirait-il, semblable à la saison d'hiver, il était resté attaché à la fraîcheur des oasis et aux campements de printemps et d'été où il avait planté sa tente."

J'aime décidément beaucoup le talent de conteur d'Abdelkader Djemaï. Il réussit une fois de plus à mêler intelligemment le destin de ces deux pays, l'Algérie et la France, en un va et vient permanent entre vérités historiques et récit poétique, le tout délivré d'une plume simple et pudique. Contraint lui-même à l'exil en 1993, sa nostalgie des paysages et des parfums d'Oranie fait écho à celle de l'émir. On sent sa sympathie pour le personnage. Il brosse un portrait émouvant de la figure emblématique que fut Abd el-Kader, mais nous renseigne aussi sur les opinions de certaines personnalités de l'époque face à cette longue guerre de conquête qui était loin de faire l'unanimité en métropole.

L'auteur évoque plus rapidement, sans développer ni prendre position, qu'Abd el-Kader n'a pas que des partisans au sein même de l'Algérie. Pour certains, il a entraîné son pays vers la guerre alors que la France n'envisageait pas une colonisation complète. Pour d'autres, les Kabyles, il est un traître, ayant préféré la reddition à la mort au combat, qui a bien profité des largesses de son ancien ennemi ; ses amitiés françaises lui seront reprochées, de même que la Légion d'honneur qu'il reçoit pour avoir sauvé en 1860 des chrétiens d'un massacre perpétué par les Druzes lors de son exil syrien. Le jeune pouvoir algérien a-t-il instrumentalisé sa mémoire en rapatriant sa dépouille à Alger alors que le souhait de l'émir était de reposer à Damas auprès du maître de tous les Soufis ? Que connaissent les jeunes générations de ce personnage et quelle image en ont-ils ? Il semble qu'il reste beaucoup à découvrir sur cet homme qui n'était pas qu'un chef guerrier mais un mystique, un penseur qui avait le goût des sciences autant que de la sagesse. Sa correspondance et ses écrits sont nombreux mais restent encore à recenser et étudier.

"Un hadith appris de son père ne dit-il pas qu'un savant dont la science est profitable à tous a plus de mérite que mille adorateurs d'Allah ? Un autre souligne que son encre est plus précieuse que le sang des martyrs."

Ne reste plus qu'à se pencher sur des ouvrages plus spécialisés pour se faire sa propre idée. Et moi, je vais continuer à rêver devant les quelques lignes manuscrites, à l'orthographe parfois incertaine, d'un livret de famille aux branches élaguées et au tronc un peu déraciné...

Lu dans le cadre du Défi littéraire de Madame lit.

La dernière nuit de l'émir     Abdelkader Djemaï     Editions Seuil

 

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L'émir Abd el-Kader en 1852 © AFP

21 juin 2018

Tout à l'égo !

4141hpxKeULQuand on aime les polars et les écrivains un tel titre ne peut qu'attirer l'attention, même s'il ne vous est pas chaudement recommandé par l'auteur lui-même. Autant le dire d'emblée, côté polar faudra repasser, on est loin du suspense des Dix petits nègres auquel ce livre emprunte la trame ; par contre, côté écrivains, là nous sommes gâtés, quelle brochette... Que des auteurs que je ne lis pas ! Aïe, ça commence mal.

Dix auteurs sont invités par Un Cognito à  une rencontre littéraire, le temps d'un week-end dans le monastère de Saorge dans l'arrière-pays niçois.. Un lieu paradisiaque où "(...) dans la journée il fallait prendre garde aux scorpions, araignées - grosses comme des mygales - et autres serpents -vipères, couleuvres. Que ce soit dans les chambres, les parties commune ou le jardin. Sans oublier les crapauds par temps de pluie, les moustiques et les mouches en cas de canicule, les loups en cas de disette et les fantômes tout au long de l'année."  C'est bien connu, les écrivains travaillent toujours dans des conditions déplorables et les afters sont douloureux ...

Augustin Traquenard animera les débats entre Frédéric Belvédère, Michel Ouzbec, Yann Moite, David Mikonos, Jean de Moisson, Amélie Latombe, Kathy Podcol, Christine Légo, Delphine Végane et Tatiana de Roseray. Rien ne se découlera comme prévu, ou plutôt si, puisqu'ils sont tombés dans un piège qui vise à leur disparition. Sous son grand chapeau, Amélie Latombe s'acharne à mener l'enquête face aux disparitions et événements bizarres qui s'enchaînent.

La première partie du roman m'a bien fait rigoler. Les portraits des auteurs sont particulièrement réussis, difficile de les départager, et leurs petits problèmes d'égo et de rivalités sentent le vécu ; le monde de la presse et de l'édition n'est pas épargné non plus. Pour le reste, j'ai un peu décroché au fur et à mesure que le neveu d'Oscar Wilde rentre en scène et que l'intrigue se transforme en histoire d'âmes errantes et de fantômes.

Au final, un pastiche sympathique où le lecteur traque le vrai du faux et l'auteur s'amuse à brocarder un monde qu'il connaît bien puisqu'il a pas mal bourlingué dans celui des médias. J'ai pu lire çà et là quelques avis ulcérés concernant le traitement réservé aux écrivains et autres personnages de ce livre. Pour ma part, j'avoue n'avoir pas pris cette farce pour un règlement de comptes de la part de Guillaume Chérel qui n'est pas le dernier à se moquer de lui-même. Le bonhomme joue avec les mots, a le langage fleuri et l'ironie facile, plutôt le genre à se damner pour un bon mot que méchant. Et même si cette sauce aigre-douce relève quelques vérités qui font aussi, sans doute,  le charme de ces chers auteurs, on sait que l'important finalement, c'est qu'on parle d'eux... surtout de leur vivant !

"  ─ On dirait Guillaume Charal ! s'exclama Belvédère.

   ─ Qui ça ? demanda Yann Moite.

  ─ Guillaume Charal, un illustre inconnu à qui j'ai eu la faiblesse d'accorder un peu de mon attention, à ses débuts, et qui m'a chié dans les bottes au moment de mon manifeste sur les putes. Il m'a écrit une lettre ouverte dans Libé et Rue 89. C'est un auteur pauvre et méconnu qui envie les auteurs comme nous : riches et célèbres."

Un bon écrivain est un écrivain mort     Guillaume Chérel     Editions J'ai lu

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Site de l'auteur pour découvrir ses autres publications

 

17 juin 2018

Le Marabout de l'eau

41FOSFcdxcLRecherchant des romans ne faisant référence ni à Camus ni à la guerre d'Indépendance, c'est ainsi que j'ai découvert Abdelkader Djemaï et son abbé Lambert. Et quelle histoire étonnante que celle de ce curé défroqué, fumeur, amateur de femmes et d'anisette, sourcier, voyageur et maire d'Oran pendant sept ans !

"Il pleuvait fort quand, vers 19 heures, l'abbé Lambert, qui avait la réputation d'être un grand sourcier, débarqua à Oran en novembre 1932, l'année où l'Etat créa les allocations familiales, la société Moulinex le presse-purée et la société Ricard le pastis. Il était accompagné de sa secrétaire et maîtresse officielle, Mme Clara Pardini."

Né en 1900 à Villefranche sur Mer, Gabriel Irénée Sépharin Lambert poursuivit ses études avec succès en Auvergne au séminaire de Saint-Flour. Docteur en théologie et philosophie, il intégra l'armée pour ses obligations militaires, ce qui eut le don de le rendre antimilitariste. Initié à la radiesthésie pour laquelle il se découvrit des dons certains, il partit rapidement exercer ses talents aux quatre coins de l'Europe, là où sa réputation grandissante l'appelait. S'éloignant de plus en plus de la vie religieuse, ses prises de positions, ses publications et son goût de la polémique et des mondanités finirent par l'exclure de l'Eglise, ce qui ne l'empêcha pas de continuer à porter la soutane. C'est ainsi qu'après un passage au Maroc, sa réputation de sourcier l'appelle en Algérie et plus précisément à Oran, où les cent soixante mille habitants souffrent de la salinité de l'eau courante et mettent en péril la réélection prochaine du maire en place. La vie trépidante de l'abbé Lambert prend un nouveau tournant quand, en 1934, il est élu maire et que se profile la Seconde Guerre mondiale. Personnage à première vue plutôt sympathique, il deviendra plus ambigu, puis finira par s'engager du mauvais côté au fur et à mesure que se rapproche les bruits de bottes. Rentré en France à l'Indépendance, il meurt en 1970 à Antibes.

A travers l'histoire étonnante de ce personnage, c'est aussi l'occasion pour l'auteur de rendre un bel hommage à Oran la radieuse, dont il est originaire, et d'entrainer le lecteur dans une balade historique de la ville, tour à tour andalouse, ottomane, française mais finalement toujours algérienne. On y apprend un tas d'autres choses, notamment à propos de personnages y ayant séjourné, comme par exemple Miguel de Cervantes après sa libération du bagne d'Alger en 1582, ou le célèbre Robert Houdin, père de la prestidigitation, venu en 1856 contrer par ses tours de magie l'influence des Marabouts. On parcourt les différents quartiers de la ville, du centre européen et haussmannien aux faubourgs populaires, jusqu'au Village Nègre (voir l'article ICI) , on visite les principaux monuments, la corniche et les plages des communes environnantes. L'écriture est colorée et laisse s'échapper des parfums de fleurs, de cuisine, de marchés, de nostalgie aussi. Quelques belles envolées concernent la radiesthésie.

"Il s'arma cette fois non pas de son pendule en forme d'oeuf qui pesait trois cents grammes, mais de sa baguette de coudrier, dont il empoigna fermement les deux branches, la pointe vers l'avant. Les paumes levées vers le ciel, les pouces vers l'extérieur, le bas de sa soutane battu par l'herbe, il se mit lentement à marcher, en tapant parfois sur le sol avec son pied droit. Retenant sa respiration, faisant le vide en lui pour renouer avec son sixième sens et se remplir de l'esprit des eaux, il vit, deux minutes plus tard, sa baguette soudain frémir, vibrer, bouger, s'agiter et se tordre comme une couleuvre entre ses mains blanchies par l'effort. C'était le signal tant espéré. Tel un délicieux et inoffensif venin, le murmure, la musique, le chant de la belle endormie montèrent alors dans ses veines avant d'irriguer toutes les fibres de son corps."

Si la lecture nous plonge principalement dans le monde colonial de cette époque, l'auteur n'en oublie pas la misère, l'analphabétisme, les maladies, dont souffre une grande partie de la population, celle des colonisés relégués dans les quartiers pauvres, manoeuvres, journaliers au service des colons. Ville multicolore et multiculturelle, Oran s'est enrichie de ses différents occupants et en garde encore les traces. Et j'ai énormément apprécié cette promenade très vivante dans une ville que j'adorerais visiter un jour peut-être à la recherche de quelques uns des miens.

Lu dans le cadre du Défi littéraire de Madame lit consacré en ce mois de Juin à la littérature algérienne.

 

La Vie (presque) vraie de l'abbé Lambert     Abdelkader Djemaï     Editions Seuil

 

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10 juin 2018

Un dimanche à la page

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A défaut de plage, un petit dimanche sympathique parmi des auteurs que l'on retrouve avec plaisir de salon en salon, comme Marie Sizun, toujours aussi douce et lumineuse ; Fabienne Juhel, plus que jamais en verve et pas avare de confidences ; Jean-Luc Coatalem, à qui j'ai pu dire tout le bien que je pensais de " Le dernier roi d'Angkor ". Du côté des troublions, Erwan Larher paraissait un peu éteint (pour une fois) mais Guillaume Chérel, lui, semblait au mieux de sa forme. Sinon, du beau monde, Olivier Adam, Tobie Nathan, Véronique Olmi, Jean Teulé, Danièle Sallenave, Philippe Jaenada, Vladimir Fedorovski, Katherine Pancol, Bernard Weber, pour ne citer qu'eux...  Un mauvais point à Michel Onfray qui n'a pas voulu se casser la tête pour juste une heure de dédicaces en ce dimanche après-midi. Au rayon polars, point vus non plus Caryl Férey, Bernard Minier (pas grave, on a déjà discuté plusieurs fois avec eux, pff, blasées que nous sommes...) mais Olivier Norek était là et a toujours un flingue au bout des doigts entre deux signatures, vieux réflexe de flic sans doute. Par contre, j'ai fait connaissance avec la sympathique Sonja Delzongle dont j'ai adoré la trilogie (pas chroniquée). Et bien sûr, notre Johnny national qui a même un certain don d'ubiquité puisqu'il était présent sur deux stands à la fois, mais on ne l'a pas vu...  Au final, seulement quatre livres achetés, nous avons été plus que raisonnables. J'étais bien sûr accompagnée de Margotte qui, si elle ne blogue plus pour le moment, n'en a pas délaissé la lecture pour autant, bien au contraire... Pas de photos, désolée j'ai complètement oublié !

sdlvannes

8 juin 2018

Adieu Sultan, Vizirs, Pachas et cetera !

51GnHUueABL On ne sait pour quelle raison, puisque le traducteur est le même, l'orthographe des noms propres diverge quelque peu,  mais n'en voici pas moins la suite de Comme une blessure de sabre.

Le vieil Osman tient toujours conciliabule avec ses morts : Hikmet Bey, convalescent suite à une tentative de suicide après le départ de son épouse, la belle Mehpare restée à Salonique, filant le parfait amour avec Constantin le Grec. De retour à Istanbul, il retrouve petit à petit le goût de vivre, entouré de son père, Reşit Pacha, toujours médecin du Sultan, et de sa mère, Mihrişah la scandaleuse, rentrée à nouveau de Paris avec ses petits enfants. De son côté, le commandant Ragip Bey, cantonné à Istanbul, fait la connaissance de la belle Dilara Hamin et délaisse son épouse, une des filles du Cheikh Yusuf Effendi, lui-même toujours aussi empreint de sagesse.

Nous sommes au début de l'année 1909. Le Sultan règne encore sur l'Empire ottoman, mais le mouvement des Jeunes-Turcs et le Comité Union et Progrès, qui ont permis le rétablissement de la Constitution de 1876, peinent à appliquer leur programme de modernisation des institutions et de la société. L'anarchie s'installe au sein de l'armée infiltrée par des religieux favorables au Sultan qui instrumentalisent également les populations, une contre-révolution ne tarde pas à éclater qui verra enfin la destitution du Sultan et son exil.

" ─ Il est absurde de penser que le peuple puisse être un symbole alors que lui-même a tant besoin d'un... comment dirais-je, d'un idéal. Qu'est-ce que le peuple ? Qui est le peuple ? Que symbolise-t-il ?... Le peuple, c'est tout le monde et personne à la fois... Par contre, vous pouvez affirmer oeuvrer pour son bien ; il y a eu de tout temps des gens qui se sont proclamés défenseurs du peuple, mais qu'avez-vous vraiment fait pour lui ? Est-il plus riche, plus libre ? Ce n'est pas vous qui aidez le peuple, c'est lui qui vous aide à conquérir le pouvoir."

Bien que cette suite évoque l'épisode de la contre-révolution de 1909, la lutte des réformateurs unionistes contre les partisans de la charia, comme le titre l'indique, l'auteur s'attache surtout à l'évolution sentimentale de ses personnages, à leurs tourments émotionnels qu'engendrent l'hypocrisie et la tradition. D'une écriture toujours aussi sensuelle, il nous livre au passage un aperçu des conditions de vie des femmes des harems de la bonne société. L'atmosphère de fin de règne, les atermoiements, les scissions et rivalités unionistes face à un avenir à construire, l'immiscion de l'armée dans la vie politique, sont rendus de façon romanesque mais avec justesse. Si je l'ai trouvé un peu redondant côté intrigues amoureuses, ça reste un beau roman qui a l'avantage de nous instruire sur la période d'avant-guerre qui a conduit cet empire, réduit comme peau de chagrin, à s'allier à l'Allemagne et permis à Mustafa Kemal d'attendre son heure.

"Telles des plantes bizarres et magiques, les amitiés comme les amours croissent et s'épanouissent rapidement dans des climats extrêmes. En ces temps marqués par de grandes menaces, de multiples dangers et de profondes angoisses, les événements de l'histoire contraignent les hommes à vivre dans une serre imaginaire close sur elle-même, créant une atmosphère propice à la floraison précoce de sentiments qui, à l'image du lierre colonisant un mur, se cramponnent fortement aux autres."

Et un grand merci à l'éditeur pour les merveilleuses couvertures. Celle du second tome n'a rien à envier à la Judith de Klimt. Il s'agit du magnifique portrait d'Ottilie Godefroy, autre viennoise célèbre plus connue sous le nom de Tilla Durieux, interprétant la Circé de Pedro Calderon de la Barca. Magicienne, ensorceleuse au regard mutin, de par ses charmes et le plaisir, elle a le don de transformer les hommes. Assurément les femmes dans l'oeuvre d'Amhet Altan n'en sont pas dépourvues, changent-elles les hommes pour autant ? Ça, c'est une autre histoire...

L'Amour au temps des révoltes     Ahmet Altan  (traduction A. Depeyrat)     Editions Actes Sud   

 

topkapi 1909

Femmes et eunuques, harem du palais de Topkapi, 1908. (source ACPI )

3 juin 2018

Charisme, chavisme et charivari

41c-y4zZR2LPendant que les résultats de la dernière élection présidentielle au Vénézuela font polémique, Hugo Chávez s'en fout puisqu'il repose en paix, mais gageons que, s'il y a un ailleurs, il me manque pas de vitupérer à sa façon contre tous ces gringos qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas, alléchés qu'ils sont par l'odeur du pétrole....

Mais revenons en arrière. Juin 2011, à deux reprises le Commandant se fait opérer à Cuba, puis annonce qu'il est tiré d'affaire. La révolution bolivarienne peut continuer entre deux bulletins de santé. Certains s'en réjouissent, d'autres le déplorent. Octobre 2012, Chávez est réélu. Le 8 Décembre, il repart à Cuba annonçant que c'est plutôt son cancer qui a gagné la grande élection, sans doute grâce au soutien de l'Empire yankee qui tente, au moyen de technologies novatrices, de décimer les leaders sud-américains les uns après les autres, Cuba, Guatemala, Argentine, Brésil (voir article ICI ). Puis ce fut silence radio, bien que les nouvelles se succèdent via les officiels qui informent, rassurent, rectifient, contestent les rumeurs, mais plus de Chávez à l'écran, plus de discours-fleuves. Le grand vide. Enfin, le 18 Février, le "lider" rentre à Caracas mais personne ne le voit, ni lui, ni l'ambulance censée le conduire à l'Hôpital militaire. Le 5 Mars son décès est annoncé (mais il serait mort fin décembre).

"Il tenait un registre qui rendait manifeste la façon dont Chávez avait, dès le début, en 2011, mis en marche la sacralisation de sa maladie."

Ce condensé chronologique va nous être distillé tout au long du roman par l'intermédiaire d'une poignée de personnages vivant à Caracas. Le docteur Sanabria, cancérologue à la retraite qui se retrouve dépositaire de vidéos compromettantes, et sa femme Beatriz suivent les événements d'un oeil sceptique ; Fredy Lecuna, journaliste au chômage, voit là l'occasion de chasser le scoop qui lui permettra d'écrire un best-seller ; Andreína Mijares, exilée à Miami rentre au pays et tente de récupérer un appartement dont elle est propriétaire ; Aylín Hernández, cubaine et camarade coopérante à Caracas  espére bien trouver un mari vénézuélien qui lui permettra de quitter définitivement Cuba ; Madeleine Butler, journaliste européenne qui a suivi la dernière campagne présidentielle ; Maria, une fillette de 9 ans, déscolarisée par une mère obnubilée par la violence de la ville qui vit quasiment cloîtrée dans son appartement. Et la télévision, personnage à part entière, qui fonctionne quasi en continu par ces temps d'incertitude, et dont Chávez a su faire bon usage, se rendant ainsi omniprésent dans les foyers. Son cancer va déclencher un charivari dans l'existence de chacun, et l'absence du Commandant plus encore.

"Tout cela n'est pas une révolution. C'est juste un simulacre, marmonna Sanabria sans quitter des yeux l'écran de la télévision."

Un roman choral animé qui a de quoi séduire par son air de ne pas y toucher, un ton plutôt léger utilisé pour nous décrire un quotidien pas très gai. Déliquescence d'un pays, violence et corruption, que l'on soit pour ou contre Chávez, car il faut être pour ou contre*, on est assez fasciné par l'engouement que le personnage génère. Militaire mégalomane, provocateur, démagogue, logorrhéique, il a su créer un mythe.

"Les gens l'écoutaient, émus, les larmes aux yeux. Ce qu'il disait était vrai, d'une vérité affective, irrémédiable. Cette relation était le charisme. Ce lien que Chávez avait réinventé. "Tu es Chávez" avait été l'un des slogans pendant la campagne électorale de cette année-là. Il est Chávez, elle est Chávez, les enfants sont Chávez, les mères sont Chávez, nous sommes tous Chávez. "Parce que je ne suis plus Chávez" avait-il crié en poussant sa voix au plus fort, pendant l'un des meetings de clôture de campagne. " Je suis un peuple, bordel ! "

Le vide qu'il laisse est à la hauteur de son omniprésence. Et le talent de l'auteur réside bien dans l'analyse du charisme de ce personnage adoré ou haï. Pendant que le Commandant agonise, deux gamins tombent amoureux via Internet, se raccrochant l'un à l'autre afin de se protéger du charivari tourneboulant les adultes, ce qui ne les empêche pas de se poser la même question qu'eux. " Alors, qu'est-ce qu'on va faire ? Où est-ce qu'on va aller ? "

Le marasme actuel est la réponse et la suite logique du roman. Un joli livre, sous forme d'une émouvante balade au coeur de la société vénézuélienne tout au long de laquelle transparaît la tendresse de l'auteur pour son peuple. Un livre qui donne envie de se pencher sur le sujet de façon plus approfondie.

* Il a pu au début développer des programmes sociaux et éducatifs envers les plus pauvres grâce au pétrole, le niveau de vie du pays a été relevé et les inégalités réduites pendant une période ; il a ainsi permis à une frange de la population de retrouver sa fierté. Ses prises de positions anti-impérialistes l'ont également rendu sympathique aux yeux des divers courants de gauche et/ou altermondialistes. Mais il a été aussi l'ami de gens peu recommandables, a confié la sécurité intérieure de son pays aux Cubains, n'a lutté ni contre la corruption ni contre le narco-trafic, bien au contraire, et mené des réformes économiques désastreuses ; et s'il a enrichi surtout les militaires, il s'est mis lui aussi pas mal de pétrodollars dans les poches. Une de ses filles est actuellement la personne la plus riche du Vénézuela, 850 milliards de pétrodollars détournés dont une partie du pactole placé aux Etats-Unis, pendant que la paupérisation affecte 83% de la population (info tirée de l'article de Laurence Debray, qui n'est pas complètement neutre puisque fille d'une mère vénézuélienne et qu''elle prend le contre-pied de son ex-révolutionnaire de papa. Je rigolais en lisant sa bio sur wkpd, arf, faites des mômes ! ). Bref, comme souvent, c'est beau au début la révolution, mais ça vieillit mal et trop vite, comme toujours. Et quand ça fonctionne, on l'étouffe... Impression qu'on s'en sortira jamais, et ça m'attriste, ça m'énerve tout ce gâchis.

Les derniers jour du Commandant     Alberto Barrera Tyszka   (traduction  Robert Amutio)      Editions Gallimard

 

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(source Libération)

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