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Le Souk de Moustafette

Le Souk de Moustafette
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30 octobre 2018

Qui se souvient de...

41BwC-9JDHLJoëlle Tiano et de "L'enchanteur et illustrissime gâteau café-café d'Irina Sasson" qui s'était transformé en livre voyageur, il y a de cela plus de 10 ans ?

L'auteure revient aujourd'hui avec un nouveau titre qui nous entraîne, entre l'Europe et l'Afrique, à la suite de trois personnages en quête de leur identité. Nous sommes au Portugal en 1896, un jour le Padre Pinto abandonne brusquement sa paroisse et embarque sur un trois-mâts à destination des îles du Cap-Vert. Cette décision soudaine est née d'une rencontre dans la montagne avec un inconnu, Ephraïm, qui lui fait alors une étrange révélation. Ephraïm est lui-même en route, mais ses pas le mènent vers le nord de l'Europe. Pendant ce temps, sur l'île de San Antão, une jeune descendante d'esclaves, Artémisia, quitte elle aussi la plantation où elle est née et prend en main son existence.

"Apprendre qu'on n'est pas celui ou celle qu'on croyait être parce que l'un de vos ascendants ne l'est pas en réalité, est déjà vertigineux, mais troquer la certitude de son identité et d'une lignée tranquille contre un ancêtre désigné comme ignominieux peut vous faire perdre la raison."

La rencontre de ces trois personnages est prétexte à nous rappeler, d'une part, le sort des conversos, ces Juifs de la péninsule ibérique qui, au XIVe siècle, ont dû abjurer leur foi et se convertir au catholicisme, et de l'autre, à une réflexion originale sur l'apprentissage de la liberté.

L'auteure aime jeter des ponts entre les continents et brasser les cultures. Si la transmission était à l'honneur dans son précédent roman, c'est l'appartenance qui sert ici de fil conducteur. J'ai retrouvé avec plaisir la simplicité poétique de l'écriture de Joëlle Tiano, mise ici au service de la quête de ses personnages, mais également la plume sensuelle qui vient encore chatouiller nos narines et nos papilles, puis ravir nos yeux de bien beaux paysages. Comme la couverture y invite, je dirais que le texte s'apparente plus à une aquarelle qu'à un tableau réaliste, car l'auteure dilue la grande Histoire dans la douceur de sa narration et mêle, par de délicates touches fondues, les chemins de ses personnages qui les conduira vers un horizon lumineux.

Et puisque sous nos latitudes l'automne est enfin là, laissez-moi vous offrir ce joli tableau qui saisit Ephraïm au détour d'un chemin :

"Maintenant, ici, il s'émerveillait de la vivacité et de la rondeur des jaunes, de la profusion et des vibrations des rouges orangés et des rouilles ; de la beauté parfaite des rouges clairs et des cramoisis, de l'éclat des vermillons, de l'épanouissement des rubis, de la sombre intensité des pourpres. C'était comme si , avant de mourir et de venir joncher le sol dans leur petite chute sèche, ou portées par le vent, descendant, hésitantes, en tournoyant, avant de venir se poser délicatement à terre, les feuilles voulaient faire éclater toutes les couleurs dont elles étaient capables."

Je n'ai pas actuellement la disponibilité de réitérer l'aventure d'un nouveau livre voyageur, mais je remercie Fabienne Germain pour l'envoi et Joëlle Tiano pour m'avoir informée de la sortie de son livre.

Le sel des larmes est parfois doux     Joëlle Tiano-Moussafir     Editions Zinedi

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17 octobre 2018

Maramisa

maramisaCharles Vinel, jeune archéologue, professeur d'université et écrivain à ses heures, est un jour contacté par l'énigmatique et richissime Hermann Kopf. Ce dernier lui confie la mission de retrouver la mystérieuse cité perdue de Maramisa. Ce qui est rapidement chose faite. Non content, Kopf veut en ressusciter la civilisation car il existe encore de par le monde quelques uns de ses descendants, notamment des femmes et des enfants aux yeux gris. Fortune oblige, rien ne résiste à l'obsession de Kopf, et voilà Vinel, sous l'emprise du milliardaire, catapulté aux quatre coins du monde, obnubilé à son tour, envoûté même, cherchant à découvrir les secrets de Maramisa et les réelles intentions de son mystérieux mécène.

"Elle me parlait d'une ville légendaire, près des Indes magiques, dont le nom était Maramisa ; et des siècles de fuite et de souffrance, la dispersion d'un peuple jadis puissant aux vents de l'histoire et aux confins des horizons."

Voilà un roman d'aventure qui se prêtera parfaitement à une adaptation cinématographique. Voyages, cité perdue, quête de l'impossible, écriture inconnue à déchiffrer, personnalités troubles, héros passionné et naïf mais aux fulgurantes intuitions, jeu de pistes dénouant petit à petit un imbroglio mythico-religieux, une histoire d'amour, tout y est.

J'ai trouvé ce roman un peu trop bavard, je m'attendais à un peu moins d'actions et plus de profondeur (quelqu'un évoquait Le Nom de la rose, c'est ce qui m'avait tentée). Je crois que je me suis trompée lors de mon choix, séduite par cette magnifique porte de couverture qui n'était pas sans me rappeler l'Asie centrale, où effectivement se déroule une grande partie de cette histoire (mais ça pourrait se passer dans n'importe quel désert). Ça se lit vite, mais je suis restée à distance des personnages et de leurs émotions, de l'intrigue et des thèmes suggérés (abolition du temps, pouvoir de l'argent, société des loisirs et de l'illusion, emprise). Cela dit, ce livre ravira les adeptes du genre.

Merci à l'éditeur et à Babelio pour ce partage. Un site est consacré au roman ICI.

Maramisa     Vincent Engel     Editions Les Escales

 

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7 octobre 2018

Entracte

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Je serai peu présente en ce mois d'Octobre.

Programme chargé dès mardi avec un déplacement professionnel en bords de Loire ; cinq jours de formation entre château d'Amboise et jardins de Chaumont sur Loire, j'espère avoir le temps de quelques balades, et pourquoi pas un saut à Blois aux Rendez-vous de l'Histoire.

Puis, dernier petit chantier peintures et déménagement à préparer pour début Novembre, des tonnes de livres à mettre en cartons, grrrr...

J'espère trouver le temps d'honorer le mois anglais du Défi littéraire de Madame lit.

A bientôt !

5 octobre 2018

Initiales e. c.

nos richessesSur un fil tendu au-dessus de la Méditerranée entre 1936 et 2017, de Paris à Alger la blanche, alors française puis indépendante, l'auteur nous conte l'histoire d'une petite librairie fondée par une bande de jeunes gens fous de littérature, qui s'est ouverte le 3 Novembre 1936 au 2 bis rue Charras, sous l'égide d'Edmond Charlot, également éditeur. Albert Camus lui confie ses premières oeuvres, Jean Giono lui offre son nom "Les Vraies Richesses", Max-Pol Fouchet, Emmanuel Roblès, Jules Roy, Jean Sénac entrent à leur tour dans la danse. Rapidement, le lieu se transforme en vivier intellectuel et artistique, et même si l'on tire souvent le diable par la queue, les obstacles sont bousculés par la fougue de la jeunesse.

"Reçu hier une lettre de Jean Giono ! Giono, le grand. Je lui avait écrit sans trop d'espoir pour lui demander l'autorisation d'appeler la librairie Les Vraies Richesses en référence à son récit qui m'avait ébloui et où il nous enjoint à revenir aux vraies richesses que sont la terre, le soleil, les ruisseaux, et finalement aussi la littérature (qu'est-ce qui peut être plus important que la terre et la littérature ?)."

Hiver 2017, Ryad quitte provisoirement Paris pour l'Algérie. Sous prétexte d'une validation de stage, il se retrouve à devoir vider et repeindre une petite annexe de la Bibliothèque nationale, qui doit être transformée en commerce, au 2 bis rue Hamani. Sur le trottoir d'en face, quelque soit le temps, un homme observe, stoïque et silencieux. Le vieil Abdallah a vécu et travaillé vingt ans durant dans ce lieu minuscule avant de devoir céder la place.

"Peut-être que pour les gens comme moi, lire n'est pas naturel. Un livre, ça se touche, ça se sent. Il ne faut pas hésiter à corner les pages, à l'abandonner, à y revenir, à le cacher sous l'oreiller... Je ne sais pas faire ça. Aujourd'hui encore, mon premier réflexe lorsque j'en aperçois un, c'est de le ranger."

De l'effervescence de l'ouverture à la triste fin de ce lieu mythique algérois, en passant par les aléas de deux guerres, l'auteure nous entraîne dans le sillage de trois personnages attachants, chacun bien représentatif de son époque. Le vieil Abdallah, tel un passeur entre les générations, est de loin le plus touchant. Mais j'ai aimé découvrir et cheminer tout du long auprès d'Edmond Charlot dans son aventure, l'auteure ne manquant pas de la replacer subtilement dans un contexte historique qu'il est toujours bon de rappeler à notre mémoire. Les flèches qu'elle décoche sont brèves mais bien ciblées, tant envers la France qu'envers l'Algérie.

Poussez la porte du 2 bis rue Hamani, ancienne rue Charras, flânez entre ces quatre murs, témoins immobiles de merveilleuses amitiés, où l'écho de ces vraies richesses que sont les livres vous chuchotera une bien belle histoire. Et peut-être de relire Giono ?

L'annexe de la Bibliothèque nationale existe toujours, ouf !

Nos richesses     Kaouther Adimi     Editions Points

 

Bibl Hamani Hommage Charlot b

"Moi, j'aime publier, collectionner, faire découvrir, créer du lien par les arts !"

30 septembre 2018

Tendre Septembre

music_instr_020J'ai toujours eu une tendresse particulière pour le mois de Septembre, sans doute une nostalgie de la rentrée des classes, la fin de l'effervescence estivale, les couleurs qui commencent à changer sous un soleil souvent encore généreux. Cependant, il faut bien se l'avouer, l'automne est là. Alors on pense à Vivaldi pour mettre un terme à ce mois italien du Défi littéraire de Madame lit. 

Pas d'images sur cette vidéo, alors fermez les yeux et laissez-vous porter par la voix de Philippe Jaroussky. Un pur moment de grâce...

 

  Bel automne à vous ! Et prochaine escale, la Grande-Bretagne.

 

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25 septembre 2018

Je t'aime moi non plus

product_9782070466122_195x320Voilà que j'ai enfin lu ce roman aux "dix millions de lecteurs" comme l'annonce le bandeau rouge de la présente édition ! L'avantage, c'est qu'il n'y a plus grand chose de neuf à en dire. J'avoue qu'au final cet engouement général m'a un peu surprise. L'histoire de ces deux gamines ne m'a pas d'emblée transportée. Cependant, je me suis laissée entraîner dans ce quartier populaire napolitain aux allures de village, sans déplaisir mais sans enthousiasme débordant non plus.

"Nous en discutâmes longuement. Nous avions douze ans et nous marchions sans fin dans les rues brûlantes du quartier, au milieu des mouches et de la poussière que les vieux camions soulevaient sur leur passage, comme deux petites vieilles qui font le point sur leur vie pleine de déceptions, en se serrant l'une contre l'autre."

L'amitié à géométrie variable des deux protagonistes est au centre du roman, avec en toile de fond la pauvreté et la violence ordinaire, machiste ou mafieuse, et l'émergence de la modernité. En ce début des années 60, la condition féminine n'est guère plus reluisante, soit promotion sociale via le mariage, soit les études au risque de se retrouver prise dans un conflit de loyauté vis à vis de son milieu. Après tergiversations, les deux héroïnes emprunteront chacune un chemin différent. Contre toute attente, la rebelle rentre apparemment dans le rang et la timorée va s'émanciper. 

Plaidoyer pour l'éducation, ce roman est agréable à lire. Certains aspects pourraient être transposés dans n'importe quel pays, de même que l'ambivalence des sentiments qui caractérise l'adolescence. Bref, je suis toujours à la recherche de la prodigiosité de cette amitié qui a fait couler tant d'encre. Pas sûre de lire la suite... sauf s'il y est question de chaussures italiennes, pour lesquelles j'avoue avoir un faible !

Dernière lecture italienne pour le Défi littéraire de Madame lit.

L'amie prodigieuse     Elena Ferrante (traduction Elsa Damien)     Editions Folio

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19 septembre 2018

Bande de nazes

mengeleLa traque romancée d'un des médecins d'Auschwitz qui, à ma grande surprise, n'a débuté qu'en 1959. Naïvement, on aurait été en droit de croire que son nom figurait en bonne place sur les listes des criminels de guerre recherchés par les Alliés dès la fin du conflit. Que nenni, l'heure est à la reconstruction, les Américains s'engage dans la Guerre froide débutante, la RFA opte pour "la reconnaissance du droit à l'erreur politique, amnistie pour les victimes de la dénazification, cohésion nationale, amnésie générale...".

Arrivé en Amérique du sud en 1949, après avoir pourtant séjourné dans un camp de prisonniers américain, Josef Mengele va mener la belle vie avec ses petits copains grâce à la complicité de Perón, alors au mieux de sa forme, qui voyait le fascisme comme un bon compromis entre communisme et capitalisme..."Alors, en attendant que la guerre froide dégénère, Perón devient le grand chiffonnier. Il fouille les poubelles d’Europe, entreprend une gigantesque opération de recyclage : il gouvernera l’Histoire, avec les détritus de l’Histoire. Perón ouvre les portes de son pays à des milliers et des milliers de nazis, de fascistes et de collabos ; des soldats, des ingénieurs, des scientifiques, des techniciens et des médecins ; des criminels de guerre invités à doter l’Argentine de barrages, de missiles et de centrales nucléaires, à la transformer en superpuissance."

Mengele sera cependant repéré dès 1954 par un ancien combattant communiste autrichien, mais le mandat d'arrêt ne sera émis qu'en 1959, alors qu'en 56 il récupère, en toute légalité et sous sa véritable identité, un passeport ouest-allemand, revient en Allemagne après un petit séjour suisse, où il retrouve son fils Rolf pour faire du ski (on croit rêver), avant de regagner ses pénates sud-américaines. Le Mossad se lance alors sur sa trace, mais les Israéliens ont beaucoup d'autres chats à fouetter tout au long des années 60. Occasions manquées, complicités de différents dictateurs sud-américains, appuis familiaux et lenteurs administratives gangrenées allemandes, grosses aides financières à l'appui, Argentine, Paraguay, Brésil, Mengele passe la seconde moitié de sa vie à fuir mais s'en tire toujours, jusqu'à sa mort en 1979 sur une plage brésilienne.

Je me demande toujours comment vivre quand on est l'enfant d'un tel personnage. Rolf Mengele avait revu son père au Brésil en 1977. Le dialogue n'avait pas été franchement cordial. "Toi, mon fils unique, tu crois à toutes les saloperies qu'on écrit sur moi ! Tu n'es qu'un petit bourgeois, influencé par ton idiot de beau-père, tes études de droit et les médias, comme toute ta génération merdeuse. Cette histoire vous dépasse, alors foutez la paix à vos aînés, et respectez-les. Je n'ai rien fait de mal, Rolf, tu m'entends ?". Rolf exerce le métier d'avocat sous le nom de son épouse, il ne fut jamais condamné, tout comme le reste de la famille, pour délit d'assistance à criminel.

Un livre intelligent au ton vif et concis, extrêmement bien documenté, ne se complaisant pas dans le récit des atrocités commises par cet homme qui, comme beaucoup de ses semblables, a bénéficié d'un régime lui permettant de cultiver sa mégalomanie, pour finalement mourir en homme libre, mais enfermé dans sa paranoïa.  On ne va pas le plaindre..

Lu d'une traite, confondant mais passionnant !

Sylire l'a écouté et apprécié.

La disparition de Josef Mengele     Olivier Guez     Editions Le Livre de Poche

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12 septembre 2018

Du café et des langues

CVT_Albergo-Italia_3572Changement radical pour ce second polar italien, exit le brouillard et les années 2000. Un bond en arrière de plus d'un siècle nous amène sous le climat torride de l'Erythrée en 1899. Depuis 1869 l'Italie ne cesse d'étendre sa présence dans l'ancien royaume de Saba, il faudra attendre 1941 pour que les Britanniques délogent les Italiens, qui s'en sont retournés chez eux avec le goût et le savoir faire du bon café (raccourci qui vaut ce qu'il vaut).

"Pendant ce temps, Manna avait jeté une poignée de grains verts dans une petite poêle de fer-blanc et les secouait sur le feu pour les faire griller. Une odeur amère et forte de café tout juste brûlé remplit la pièce (...) Manna versa les grains grillés dans un mortier de bois et Lettebrahàn les écrasa avec un pillon. L'odeur de café devint plus fine et plus intense (...) Puis arriva l'odeur du café que Manna avait fait bouillir sur le charbon dans une carafe allongée de terre cuite noire, et Caloprico oublia vraiment tout, affaire et Margherita, et aussi qu'il était un feringi, un t'liàn carabinier."

La méthode est un peu désuète, je vous l'accorde, tout comme ce polar qui ne brille pas par son intrigue mais dont tout le charme réside dans l'atmosphère étouffante où se mêlent, aux odeurs poisseuses et poussiéreuses des villes, les sonorités des langues et des dialectes divers. Autre charme, et non des moindres, la personnalité des personnages, notamment le très perspicace abyssin Ogbà, carabinier indigène et assistant du capitaine Caloprico, lequel se voit confier la mission d'élucider le vol d'un coffre fort dans un dépôt de munitions et la mort du discret Farandola lors de l'inauguration de l'hôtel Albergo Italia.

Une délicieuse brochette de suspects s'offre à ce duo d'enquêteurs, proche de Holmes et Watson, qui s'en vont à la recherche d'indices entre Massaoua, sur la mer Rouge, et Asmara la montagneuse à 2400 m d'altitude, offrant au lecteur une virée sympathique dans les paysages tour à tour riches ou arides, virée agrémentée d'un aperçu de la cohabitation qui s'instaura et dut composer pendant plus d'un demi-siècle.

" - Parce que ce pays ne me plaît pas. Pire, je ne le supporte pas. Il n'y a rien et il n'y aura jamais rien. Même les femmes ne me plaisent pas, et je vous jure que je suis un homme fait de chair et de sang. Si vous voulez mon avis, nous n'aurions jamais dû y venir, et après Adoua nous aurions mieux fait de l'abandonner et de rentrer chez nous. Nous l'avons déjà en Italie notre Afrique. Et puis, putain, ici, on n'arrive pas à respirer."

Un roman dépaysant, léger, coloré, parfumé, chantant, qui donne envie de découvrir le premier titre de ce triptyque sur le colonialisme qui débute avec "La huitième vibration" (qui relate la bataille d'Adoua en 1896 qui vit s'affronter les hommes du Négus et les troupes italiennes) et s'achève par "Le temps des hyènes".

"Il pensait qu'en effet, à Massaoua, on respire et à un certain point on s'habitue tellement à la chaleur que, s'il n'y en a pas, elle manque. Mais à Asmara, dès qu'il arrêtait de pleuvoir et que le soleil sortait, c'était comme si tout fleurissait à l'instant. Des couleurs brillantes au point de sembler artificielles. Si pleines. A Massaoua lumières blanches et ombres noires, ici au contraire ce sont les yeux qui brillent."

Keisha également vient de le lire.

Lu dans le cadre du Défi littéraire de Madame lit.

Albergo Italia     Carlo Lucarelli  (traduction S. Quadruppani)    Editions Métaillié

 Un peu de propagande !

"Depuis qu'il était entré, Colaprico était resté le nez en l'air à admirer les stucs d'Angleo Polisco"

 

 Inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco en 2017 pour son patrimoine architectural colonial et Art déco, ses rues à la propreté irréprochable, sans l'ombre d'un uniforme, et sa douceur de vivre grâce à son climat tempéré... Cependant, n'oublions pas que la ville, "la piccola Roma", est la capitale de "la petite Corée du nord africaine", un régime dictatorial à la liberté d'expression et de circulation inexistante, aux prisons souterraines ou à ciel ouvert et à la multitude de flics en civil, au service militaire à durée indéterminé apparenté à du travail forcé, au choix d'études et de métier impossible etc, etc... Alors, oui, Asmara est une jolie vitrine.

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La route entre Asmara et Massaoua (© Nicolas Germain)

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La vieille ville de Massaoua (© Charlotte Ficheux)

 

4 septembre 2018

Un peu de Parmesan ?

9782757869581Si vous aimez les polars sanglants et trépidants, passez votre chemin. Celles et ceux qui ont déjà fait connaissance avec le commissaire Soneri dans le précédent roman, "Le fleuve des brumes", savent que ce n'est pas un agité. Il serait plutôt de la trempe d'un Adamsberg ou d'un Wallender, un être un peu rêveur et nostalgique, amateur de bonne cuisine et de cigares, à la réflexion éthérée qui lui permet cependant d'élucider des affaires criminelles qui ont la bonne idée de se dérouler en bord de Pô, dans la belle ville de Parme. Il n'aime rien tant que flâner dans ses ruelles, surtout la nuit, quand le brouillard, personnage quasi à part entière, permet de filocher en catimini tout en cogitant. 

"A cette heure, tout était privé de géométrie. La ville dans le brouillard, surtout. La ville sans aucune dimension certaine, au coeur sinué de ruelles, là où un voile d'eau déforme les distances comme un verre mal poli et les transforme en perspectives trompeuses. Là où les pas qui résonnent semblent attirés par un gouffre tout proche où le chemin s'enfonce. Où les hommes seuls se sentent encore plus seuls."

Et du brouillard, il y en a en cette semaine de Noël. La période s'annonce calme jusqu'à ce qu'on découvre la vieille Ghitta Tagliavini assassinée dans sa demeure, une ancienne pension pour étudiants devenue un lieu de rendez-vous pour des cinq à sept discrets. Car Ghitta avait de la ressource et le sens des affaires. Soneri connaît bien les lieux puisqu'il les a lui-même fréquentés dans sa jeunesse. C'est là que logeait celle qui allait devenir sa femme, épouse qui le resta peu de temps puisqu'elle mourut en donnant naissance à leur enfant mort-né.

"Puis, en proie à l'angoisse, il descendit l'escalier et une fois dehors, un flot de tristesse lui serra la gorge. Il regarda longtemps la rue : le brouillard épais élevait une muraille moelleuse tout autour. Et comme toujours, c'était ce qui représentait le mieux ce qu'il avait dans la tête."

Voilà donc Soneri se prenant le passé en pleine figure, obligé d'arpenter ce quartier de la vieille ville, où il n'a pas souvent remis les pieds, et de remonter le temps pour comprendre qui pouvait bien en vouloir à une vieille apparemment sans histoire. En repoussant la porte de la via Saffi, Soneri subodore qu'il va sans doute affronter des fantômes qu'il aurait préféré laisser dans un placard. D'autant plus que des ramifications politiques pointent le bout de leur nez entrant en résonance avec les difficultés du commissaire à s'accomoder des changements et des désillusions du XXIe siècle.

Un roman où on se glisse à pas feutrés. On baigne dans une atmosphère nébuleuse dans laquelle on se laisse porter comme en apesanteur. Les personnages vous prennent par la main et vous guident dans le vieux Parme au charme un peu désuet, comme si le brouillard déposait une couleur sépia sur la modernité pour mieux en atténuer ses travers.

"Après tout, la vie ne ressemblait-elle pas à un homicide ? Ne s'achevait-elle pas toujours avec un mort ? Ne tuait-elle pas le temps en le minant chaque jour de ses petits affronts jusqu'à l'effondrement ? Et puis le temps n'a pas besoin d'alibi, il est comme le bourreau, il accomplit son oeuvre. Ce sont leurs victimes qui doivent trouver une motivation capable de soutenir leur chemin quotidien."

Un auteur qui compte désormais dans la littérature policière italienne et un commissaire qu'on ne demande qu'à retrouver, laissez-vous interpeller !

Un roman pour ouvrir le Défi littéraire de Madame lit d'un Septembre italien.

La pension de la via Saffi     Valerio Varesi (traduction Florence Rigollet)      Editions Points

 

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Source ICI et un diaporama LA

31 août 2018

Déjà fin Août

music_instr_020 Un petit clin d'oeil musical pour clore ce mois consacré à l'Allemagne. En dehors des compositeurs et chanteurs classiques, je ne connais pas grand chose à la scène musicale allemande. A part Marlène Dietrich et Nina Hagen, seule la voix d'Ute Lemper m'est familière. Je vous invite donc à l'écouter dans la célèbre "Complainte de Mackie". On pourrait croire qu'il s'agit d'un standart américain tant ce morceau a été repris outre-atlantique (Louis Amstrong, Ella Fitzgerald, Frank Sinatra etc...). Extrait du célèbre Opéra de quat'sous, écrit en 1928 par Bertolt Brecht sur une musique de Kurt Weill. La république de Weimar et sa richesse culturelle n'avaient plus que quelques années à vivre avant que ne s'abatte sur la démocratie le rideau hitlérien.

 

 

28 août 2018

Ostalgie

La-fille-qui-venait-d-un-pays-disparuSaskia Hellmund avait quinze ans en 1989 lors de la chute du Mur. Elle vivait près de la frontière bavaroise à Römhild, en Thuringe, le long du rideau de fer, côté RDA. On pourrait s'attendre à de la joie, de la reconnaissance, au lieu de quoi, l'auteure s'autorise à livrer sa tristesse, sa colère, sa gueule de bois des lendemains qui chantent, et à revendiquer sa souffrance face à la perte des valeurs et des acquis avec lesquels elle a grandi, balayant d'un coup son enfance.

"La chute du mur a détruit un huis clos. Ceux qui y ont été enfermés se sont réveillés dans un ailleurs où ils ont douloureusement appris que leur façon de voir et de faire les choses ne comptait plus. Ils se sont retrouvés en porte-à-faux, anachroniques, ridicules. Inadaptés à leur entourage."

Comme nombre de ses compatriotes, l'auteure pensait qu'on allait réformer la RDA, la vie comme avant mais la liberté en plus. Mais la réunification, réalisée à la va vite contrairement au plan initial, va précipiter le désenchantement. Lors des élections de mars 1990, le puissant CDU n'a pas permis aux petits partis d'opposition de défendre l'idée d'une période de transition plus longue, "le vote du ventre" l'a emporté et le pays a disparu.

La RFA a démantelé les entreprises, enrichissant au passage le patronat ouest-allemand, laissant dans certaines régions près de 20% de la population au chômage, population qui n'a alors que faire des nouveaux D-Marks qui lui permettent à peine de survivre plutôt que de profiter de denrées si longtemps convoitées. Pouvoir d'achat et économies divisés par deux, dépeuplement des zones rurales, aides sociales,  apparition de la délinquance, aînés et jeunesse déboussolés, repli sur soi, l'équation est classique. 

"On considérait tous les Allemands de l'Est déformés par un système corrompu, inadaptés à la démocratie, inadaptés au libre marché. Qu'ils avaient tous besoin d'être rééduqués. Ainsi,  tout un peuple dut avoir honte de son passé. Il était forcé de jeter du jour au lendemain ses connaissances et son savoir-vivre pour reproduire les schémas habituels de l Ouest."

La jeune fille a 16 ans, elle doit choisir une orientation professionnelle, chose impensable puisqu'avant le système décidait pour vous, mais elle se retrouve complètement désorientée face à des filières qu'elle ne connaît pas, des diplômes inconnus, les anciens n'ayant pas d'équivalence ou n'existant plus, elle fait partie de "la génération sans tuteur". Seul avantage pour elle, plus de performances sportives exigées, ni de service militaire et de maniement de fusils.

Si beaucoup de ses compatriotes se saisissent de ces nouvelles opportunités, les plus aventureux, les plus qualifiés, elle, elle pense quand même au suicide. Plus tard, elle finira aussi par partir à l'Ouest mais ne s'y sentira jamais à sa place. Alors tant qu'à être étrangère, elle pousse encore plus loin, jusqu'à la pointe de l'Europe et s'installe en Finistère où elle se sent en résonance avec le peuple breton et son fort sentiment d'appartenance qui remplace celui qu'elle a perdu.

Si elle ne glorifie pas la dictature est-allemande, lui reprochant principalement l'absence de libertés individuelles, elle regrette la solidarité qui existait alors, et rejette l'idéologie capitaliste et consumériste qui est devenue la norme. "Il y a 25 ans, les personnes dans la rue ont risqué leur vie. Pour se retrouver dans un supermarché géant ?" Les différences de mentalités et de convictions restent prégnantes, les familles séparées, passées les joies des retrouvailles, ont parfois du mal à se ressouder et les Ossis se sentent souvent discriminés. Le mur est tombé mais reste dans les têtes.

Elle retourne dans sa petite ville en 2009 et 2014. Il lui faudra attendre ce second voyage pour trouver que les choses se régulent un peu, les gens reprennent en main leur destin, moins de chômage, moins de jeunes désoeuvrés, reprise de la natalité. "Il fallait 25 ans. Il fallait une nouvelle génération. Il fallait beaucoup de patience et d'endurance. Il n'y a plus ce parfum de désespoir qui flottait partout autrefois. Qui a fait que j'ai quitté mon pays, qui m'a fait fuir pour pouvoir vivre."

 Ecrit en français, il s'agit d'un joli texte, simple, touchant et courageux pour rendre un hommage douloureux à un pays qui a dû se réinventer pour ne pas disparaître complètement.

Ce sera ma modeste contribution au Défi littéraire de Madame lit pour ce mois consacré à l'Allemagne.

La fille qui venait d'un pays disparu     Saskia Hellmund     Editions Les Points sur les i

 

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17 août 2018

Tout fout l'camp

Ces deux-là vont pouvoir continuer à s'engueuler au paradis du Rythm & Blues

 

Matt Murphy a définitivement rangé sa guitarre le 15 juin dernier et la proprio du Soul Food Café vient aussi de tirer sa révérence. Reste plus que Dan Aykroyd, la musique, et ce film culte que j'adore.

10 août 2018

Mauvais esprit

plouezochaffeglise

Humour ecclésiastique de très mauvais goût ?
Mais où l'auteur de cette affiche placardée
dans une église a-t-il la tête ? !

plouezoh

Oui je sais je fais du mauvais esprit...
Moi je me suis laissée toucher par la beauté du lieu.

 

5 août 2018

Un petit coup de fraîcheur

41ko5dmVd5LEn Janvier 2017, une mission scientifique internationale s'installe dans la base Arctica dans la région de Thulé au Groenland. Scientifiques et chercheurs vont cohabiter pendant quelques mois et mener à bien leur mission de veille sur les conséquences du réchauffement climatique. Pendant ce temps, quelque part en Norvège, Luv Svenden, une biologiste, répertorie les hécatombes animales inexpliquées qui se multiplient depuis quelques décennies. Quand les membres d'Arctica découvrent, lors d'une sortie sur l'inlandsis, les cadavres d'un millier de boeufs musqués prisonniers du permafrost, Luv Svenden les rejoint.

"L'atterrissage à Kangerlussuaq au nord de Nuuk, la capitale du Groenland, ce désert de glace grand comme trois fois le France, a été des plus spectaculaire et mouvementé dans le blizzard et la nuit, l'aéroport bordant un bras de mer en baie de Baffin. Après avoir survolé en partie la banquise disloquée, flottant sur des eaux d'un vert sombre devenu aussi noir que du goudron dans cette obscurité, l'avion battu par le vent s'est posé d'abord sur une roue, puis sur l'autre, comme une oie maladroite."

Alors que débutent les analyses et émergent les suppositions sur ce qui a pu provoquer cette hécatombe, les scientifiques découvrent des statues de pierre inuites qui les toisent comme un sombre présage. Le lendemain, un premier chercheur disparaît. Commence alors une angoissante traque dans l'immensité de la nuit polaire. De son côté, le shérif Sangilak se souvient d'une autre époque marquée elle aussi par d'étranges évènements. Quels liens relieraient les disparitions avec le crash d'un bombardier nucléaire américain en 1968, la disparition d'un village inuit et le Camp Century, ancienne base secrète américaine construite dans les années 60 ?

Un roman un brin oppressant de par l'environnement et sa rudesse. Très convaincant, car s'appuyant sur des faits avérés, il donne à réfléchir sur les conséquences du réchauffement climatique qui voit le permafrost fondre en laissant remonter à la surface des éléments enfouis depuis des milliers d'années. Ne doutons pas que le malheur des uns, les locaux mais aussi tout l'écosystème planétaire, fera le bonheur des autres, les grandes firmes industrielles et pétrolières déjà dans les starting-blocks. Si j'ai moins adhéré à un autre aspect du récit qui concerne le sort réservé à certains membres de la mission, ce livre reste un bon thriller qui vient rafraîchir l'ambiance surchauffée de notre été. Un roman d'actualité puisqu'on a relevé ces jours-ci plus de 30°C dans le grand Nord...

"Ici, sous la glace, s'étend un véritable eldorado de diamants, d'or, de zinc, d'uranium, de fer, de terres rares.... Un marché gigantesque et juteux.". Mais pas que...

Boréal     Sonja Delzongle     Editions Denoël 

 

permaune

 Source  ICI  avec des liens intéressants

31 juillet 2018

Juillet, c'est plié !

music_instr_020Déjà la fin d'un mois d'été où le Souk a tourné au ralenti sous le soleil. Je travaille et lorsque je suis en repos je fais quelques escapades dans ma nouvelle maison encore en chantier et sans internet, beaucoup de kilomètres aussi et le soir, je pique rapidement du nez sur mon bouquin... Mais je tiens particulièrement à remercier Madame lit qui, grâce à son Défi littéraire, m'a permis de découvrir un nouvel auteur colombien pour lequel j'ai eu un véritable coup de coeur. J'ai deux autres de ses romans sous le coude et j'attends avec impatience la sortie poche de "Le corps des ruines", paru l'an dernier. Juan Gabriel Vasquez sera je crois, pour moi, la découverte de l'année.

Pour conclure ce voyage dans une Colombie qui peine à retrouver la sérénité, j'ai trouvé ce petit morceau léger et entêtant, interprété par ces artistes de la jeune scène colombienne. J'avoue craquer pour le côté chabadabada sirupeux de cette mélodie aux allures de tube de l'été. En duo ici Juan Pablo Vega  etCatalina García.

 

En route pour la prochaine étape, l'Allemagne est au programme, une autre musique...

23 juillet 2018

Colombinades

9782757836057Il y a de ça des lustres, mon premier véritable coup de coeur littéraire, fut je crois "Cent ans de solitude". J'ai hésité à le relire pour le mois consacré à la Colombie, peur de ne pas retrouver l'engouement  qui m'avait transportée à l'époque. Aussi ai-je jeté mon dévolu sur un auteur dont j'avais entendu beaucoup de bien à la sortie du présent ouvrage.

En 1996, Antonio Yammara, jeune avocat et professeur d'université, se lie d'amitié autour d'une table de billard avec un certain Laverde, homme mystérieux et taiseux dont on dit qu'il sort de prison. Un soir, ce dernier est assassiné en pleine rue sous les yeux du narrateur qui, lui-même blessé, va tenter quelques années après d'en savoir plus sur ce Laverde tout en gérant ses propres angoisses post-traumatiques. Aidé par la fille de Laverde, il remontera peu à peu l'histoire de cet homme dont la mort s'enracine quelques décennies plus tôt quand Pablo Escobar régnait en parallèle sur une Colombie qu'il mit bientôt à feu et à sang. La mort de Laverde risque bien de changer la vie d'Antonio qui vient de devenir père.

" Le bouleversement d'un passé qu'on pensait immuable est sans doute ce qu'il y a de plus difficile et de moins acceptable."

Que voilà un roman intelligent comme je les aime, mêlant petite et grande histoire. Cette plongée dans les années 70-80 est abordée sous un angle intéressant, loin des épopées sanglantes des cartels de la drogue, celui du quotidien d'un homme, Laverde, qui se retrouve à réaliser un rêve, à fonder une famille et à devoir choisir comment faire perdurer le tout. Il y est question d'amour, de transmission, de choix de vie, de disparitions et de mort (je vous laisse découvrir à quoi se réfère le titre), le tout sur un fond historique passionnant dont mes seules connaissances se résumaient aux bulletins d'informations de l'époque concernant la guerre des narcotrafiquants. J'ai énormément apprécié le talent de l'auteur à conjuguer la banalité des hommes et la tragédie de son pays pour laisser en héritage, à ceux qui n'ont pas connu cette époque, le soin de transformer ce fardeau morbide et crapuleux en élan de vie. Une bien belle et émouvante histoire, avec en prime, une balade parfumée et colorée entre Bogotá la montagneuse et la moiteur de la vallée du Magdalena.

"En lisant dans le hamac, j'éprouvais plusieurs sensations, certaines indéfinissables, mais j'étais surtout troublé de découvrir que cette histoire qui ne mentionnait pas mon nom parlait de moi à chaque ligne. Les émotions qui me gagnaient ont fini par se réduire à un terrible sentiment de solitude dont l'absence de motif apparent induisait qu'il était sans remède. La solitude d'un enfant."

Le bruit des choses qui tombent    Juan Gabriel Vásquez  (traduit de l'espagnol par I. Gugnon) Editions Points

510Rp65PQ-LCharmée par le talent de Juan Gabriel Vásquez, j'enchaîne sur un second roman qui, cette fois, nous entraîne dans la Colombie du XIXe siècle. Miguel Altamirano, un personnage idéaliste et fantasque pris dans les remous des guerres civiles qui s'enchaînent en Colombie depuis l'Indépendance espagnole, décide de s'installer au Panamá, alors province colombienne, dans la ville de Colón où il fera la connaissance de son fils José, le narrateur parti à sa recherche. Le choix d'Altamirano n'est pas fortuit. C'est qu'à cette même époque, le début des années 1880, les travaux du canal de Panama sont en plein essor sous l'égide du célèbre Ferdinand de Lesseps. Fasciné par ce Français et son projet grandiose, Miguel se fait par voie de presse le porte-parole du Progrès et des avancées du chantier, toujours positives, destinées à rassurer les actionnaires. Il n'hésite pas à falsifier la réalité jusqu'au scandale qui vit s'arrêter les travaux en 1889 et Miguel courir à sa perte. La communauté française est très présente et c'est en son sein que José rencontrera son épouse, Charlotte. La débandade française qui succéda au scandale, les catastrophes naturelles, les maladies, laissent la ville de Colón exsangue et peu à peu désertée. Seul, José persiste à y vivre alors que se déclenche en 1899 1a guerre des Mille Jours qui voit s'affronter une fois de plus les libéraux et les conservateurs. Elle prendra fin en 1902. L'année suivante, l'Indépendance du Panamá sera acquise à coup de dollars par les Etats-Unis qui lorgnent sur le canal qu'ils achèveront en 1914.

"Ainsi passait le temps, comme on le dit dans les romans, et la vie politique faisait des siennes à Bogotá. Le président poète auteur de l'hymne glorieux avait juste eu à tendre le doigt pour désigner son successeur : don Miguel Antonio Caro, illustre spécimen de l'Athènes sud-américaine qui faisait d'une main des traductions homériques et de l'autre des lois draconiennes. L'occupation favorite de Miguel Antonio consistait à ouvrir les classiques grecs et à fermer les quotidiens libéraux. Et aussi à exiler tous azimuts."

Voici donc l'histoire que nous livre José Altamirano. S'il tient à le faire, c'est surtout pour rétablir une vérité et révéler la trahison dont il s'estime victime de la part du célèbre romancier Joseph Conrad, trahison qui porte le nom de Nostromo, roman paru en 1904. Conrad y raconte l'histoire du Costaguana, un état imaginaire caribéen, qui lui a été inspirée par le récit d'un exilé colombien...

"Aujourd'hui, 7 août 1924, alors que dans ma lointaine Colombie on célèbre les cent cinq ans de la bataille de Boyacá, l'Angleterre pleure cérémonieusement et en grande pompe la disparition du Grand Romancier. Alors qu'en Colombie on commémore la victoire des armées indépendantistes sur les forces de l'Empire espagnol, ici, sur le sol d'un autre empire, on vient d'enterrer l'homme qui m'a volé..."

Tout au long de Histoire secrète du Costaguana plane l'ombre de Conrad, dont l'auteur nous distille des éléments biographiques répondant comme en miroir à ceux de José Altamirano. D'hypothétiques correspondances qui liaient inexorablement les destins des deux hommes jusqu'au dénouement final. Une jolie trouvaille littéraire de la part de l'auteur qui non seulement rend hommage au célèbre écrivain voyageur, mais se réapproprie son histoire et venge ainsi son héros, José Altamirano !

Mêmes éloges de ma part que pour le précédent titre présenté. Un auteur qui tourne résolument le dos au réalisme magique sud-américain pour plonger sous les oripeaux d'une réalité historique où se dissimulent à la fois la force et la fragilité des personnages, de la Colombie et de son peuple. J'en redemande !

Histoire secrète du Costaguana     Juan Gabriel Vásques     (traduit de l'espagnol par I. Gugnon) Editions Points

Lus dans le cadre du Défi littéraire de Madame lit.

 

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18 juillet 2018

Chlorophylle

Arbres-remarquables-du-Finistere_3913C'est à une promenade pleine de chlorophylle que nous convie cet album merveilleusement illustré de photographies actuelles ou d'époque, car nous partons à la rencontre de géants parfois multicentenaires. Un itinéraire de balades en forme de jeu de piste à travers le Finistère pour découvrir les plus beaux arbres qui, contre vents et marées et aussi contre bêtise humaine, résistent vaille que vaille.

Pas facile de résumer ce livre qui donne autant à voir qu'à lire. On y apprend qu'un des patriarches des arbres européens est un châtaignier de plus de 1200 ans  qui se trouve en pays bigouden à Pont l'Abbé. 20 mètres de circonférence en 1932, avant qu'un idiot de chasseur  n'y mette le feu en enfumant des terriers à sa base, cet arbre a bien failli mourir. Mais la résilience se rencontre aussi chez nos amis les arbres, et à ce jour il poursuit sa vie grâce à des rejets qui, s'ils limitent désormais sa circonférence à 14 mètres, n'en font pas moins un survivant remarquable. A Roscoff, un figuier de 1610, palissé sur 600 m² (vieille carte postale impressionnante), a été abattu en 1987 pour permettre la construction d'une résidence...

Du pays de Brest en passant par la Cornouaille, les monts d'Arrée et le pays de Morlaix, voici donc un complet inventaire de notre patrimoine arboré. Plus de 200 "Arbres remarquables" (labels hélas qui ne les protègent pas toujours) et 80 portraits magnifiques agrémentés d'histoires, de légendes et d'émotions. Une bonne idée de balades à venir afin de partir à la découverte de ces trésors, le livre à la main. Si certains sont visibles gratuitement, d'autres se trouvent dans des lieux privés. Les célèbres enclos paroissiaux en abritent beaucoup, ainsi que les forêts de Huelgoat et du Cranou, mais on peut les croiser aussi au centre des villages ou au détour d'un petit chemin de campagne. Et quel plaisir d'en reconnaître certains ou de découvrir ceux de son village dans cet ouvrage ! Je suis toujours contente de passer chaque jour devant "mes" deux chênes pédonculés et de traverser la forêt de Huelgoat au gré des saisons, j'avoue que cela va me manquer lorsque je quitterai d'ici quelques temps ce paradis vert pour un autre, plus maritime.

Dernièrement, les livres consacrés aux arbres ont le vent en poupe, et c'est tant mieux. S'ils pouvaient parler, ils en auraient des choses à nous raconter ! Et moi je remercie Hélène des éditions Locus Solus pour cet envoi ainsi que Babelio pour ce partenariat. Un joli partage.

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Les textes sont de Mickaël Jézégou et les photographies de G. Bernard, M; Jézégou et Y. Morhan, bravo à eux. Pour en savoir plus et découvrir si un livre identique recense les arbres de votre région, un blog à visiter Les têtards arboricoles.

Quelques mots de Pierre-Jakez Hélias pour terminer "Le tronc d'un arbre est une grosse corde, il y a même des noeuds dedans. Mais à chaque bout, les fils de la corde se desserrent et s'élargissent pour s'accrocher au ciel et à la terre. On les appelle des branches, en haut, et des racines, en bas. Mais c'est la même chose. Les racines cherchent leur chemin dans le sol de la même manière que les branches cherchent leur chemin dans le ciel."

Arbres remarquables du Finistère       Editions Locus Solus

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Dans mon village, les deux Médicis plantés en 1589 à la mort de Catherine.

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Mon arbre remarquable à moi ! Une graine de frêne que j'ai rapportée par inadvertance lors de mon déménagement de Charente-Maritime, il y a sept ans. Depuis, en mode bonzaï bien que je ne le taille pas, il grandit lentement mais sûrement dans une petite auge de pierre. Je pense le mettre en pleine terre à l'automne lors de mon prochain déménagement en espérant qu'il apprécie la transition.

7 juillet 2018

La petite dame de Saint-Lunaire

51jKJYK95GLRetrouvailles avec l'auteure que je n'avais pas lue depuis Julius aux alouettes.

Jeanne Devidal est morte centenaire et a eu une vie bien remplie. Née à Brest en 1908, elle y vécut jusqu'à ce que les bombardements de la Seconde Guerre mondiale l'y en chassent et qu'elle s'installe avec sa mère à Saint-Lunaire, à l'ouest de Dinard.  En disponibilité des P.T.T afin de s'occuper de cette dernière, elles tiennent un commerce de bimbeloteries et souvenirs. Est-ce à la mort de sa mère en 1954 que la solitude pousse Jeanne à se replier sur elle-même et à s'enfoncer doucement dans une forme de paranoïa qui l'incite à se protéger toujours davantage de l'extérieur ? C'est fort possible, sans compter qu'elle atteint l'âge où se développe cette pathologie. Toujours est-il que Jeanne commence à ériger une forteresse entre elle et le monde, truelle à la main, elle élève, consolide, renforce, isole, ce qui n'est au départ qu'un simple pavillon. Allant jusqu'à construire un mirador, qui causera d'ailleurs sa perte, elle scelle dans les murs des trophées aussi divers que variés ramassés sur la grève. Si elle se fiche du plan d'occupation des sols, sa maison empiétant sur le trottoir, elle n'en est pas moins respectueuse de la nature, se refusant à abattre le tilleul du jardin qui se retrouve au milieu du salon... Protégée par quelques personnalités haut-placées, les plaintes du voisinage resteront lettres mortes.

"Dès qu'il a vu la maison, l'homme en a compris la nature, il en a su l'usage. Des murs pare-feu contre la barbarie des hommes, contre leur incurie, leur puissance destructrice. Des murs écrans, blindés. Une armure pour faire barrage à leur démesure."

Côté barbarie, Jeanne a eu sa dose. Déjà hantée par les images des bombardements brestois, elle connaîtra la torture par électrochocs lorsqu'elle tombera aux mains de la Gestapo pour faits de résistance, d'où sans doute son délire autour des ondes qui lui vaudra plus tard un séjour à l'HP. Elle déplorera aussi la disparition de ses frères pendant la guerre. Seule survivante de sa fratrie, elle préfèrera la compagnie des morts, "ses Invisibles", à celle des vivants. Et la nature lui apportera bien plus de satisfactions que la fréquentation des humains.

"Aujourd'hui, la femme laisse son jardin en jachère. Et il en va de même pour sa mémoire. La nature invasive y fera son oeuvre. Elle l'emmaillotera dans un cocon d'herbes folles cousu de liserons blancs. Linceul parfumé. Elle, matière évidée, consentante, mêlée aux essences des arbres. Le front oint d'une pincée de pollen pour unique bénédiction."

J'ai retrouvé avec délectation l'écriture poétique de Fabienne Juhel, mise au service d'un double portrait émouvant, celui d'une femme tour à tour forte, cheminant vaille que vaille, mais tout aussi fragile funambule oscillant sur la corde raide tendue entre deux mondes, le réel et l'imaginaire. Je suis toujours subjuguée par la richesse des entrelacs que tissent les personnes délirantes, tricotant de petits arrangements entre leurs traumas et notre réalité afin de s'adapter et de se protéger "d'un monde qui chavire".   L'auteure s'y entend à mêler les deux univers . Et comment rester insensible à cette femme donnant droit de préemption à la nature, capable de rester assise sous son tilleul, guettant pendant des heures la chute de la dernière feuille avant de les ramasser toutes ? Jeanne Devidal est morte jour pour jour il y a dix ans, sa maison n'existe plus, le tilleul non plus.

C'est certain, ces deux-là étaient faites pour se rencontrer...Un grand merci à Fabienne Juhel de nous avoir permis de faire sa connaissance en lui rendant un si tendre hommage.

La femme murée     Fabienne Juhel     Editions du Rouergue

"Mirador. Pour regarder dehors. Regarder l'or du temps se coucher dans les draps ourlés d'écume."

Un court aperçu de "l'oeuvre" de Jeanne Devidal

30 juin 2018

Juin, c'est déjà la fin !

music_instr_020Exceptionnellement, un morceau de musique dont j'ignore le titre et l'interprète pour clôre ce mois de Juin consacré à l'Algérie, pays à l'honneur du Défi littéraire de Madame lit.

Le dernier livre chroniqué m'ayant entraînée du côté de la peinture et de l'Orientalisme, voici un florilège d'oeuvres, dont malheureusement les auteurs ne sont pas cités non plus, sur une très jolie musique. On y retrouve entre autres Delacroix, Renoir, Bridgman. Si ces peintures rendent hommage à la beauté des femmes algériennes, elles n'en véhiculent pas moins une idée fantasmée, un imaginaire masculin avide d'érotisme en ces siècles pudibonds. L'exotisme de l'Orient débride leurs désirs de femmes indolentes et lascives toutes vouées au plaisir de ces messieurs. Mais la vie des femmes était loin de n'être que paresse et attente, elles étaient peu à rester allongées sur des divans à fumer le narguilée, boire du thé ou faire de la musique à longueur de journée, comme ces instantanés pourraient le laisser croire... Reste que d'un point de vue artistique, ces peintures sont des réussites. Colorées, sensuelles et chaleureuses, elles invitent au voyage, c'était le but. N'oublions pas qu'afin de motiver l'engagement des hommes dans la guerre coloniale, les autorités ont vanté la nécessité d'apporter "la civilisation" à "ces terres vacantes, peuplées de sauvages paresseux et où des femmes aux moeurs relachées se languissent de plaisirs" (je cite de mémoire ces mots tirés du bréviaire historique sur l'état du pays remis aux soldats). Si ça, ça ne motive pas l'instinc de mâles conquêtes !..

 

Promenade en musique et peinture dans la Casbah d'Alger avant de traverser l'Atlantique et de débarquer en Colombie pour le nouveau Défi littéraire de Juillet.

28 juin 2018

Gynécées

51EzDS5uh-LAvis mitigé pour ce recueil de nouvelles. C'est un genre que j'affectionne assez peu et sur les sept, seules deux ont retenu mon intérêt. Je ne sais pas trop ce que j'attendais de ce livre, peut-être plus de modernité, mais c'était sans compter que la première édition date de 1980, augmentée ici d'un texte de 2002, et que l'auteure siégeait à l'Académie française. Si la langue est souvent poétique, le style ne m'a pas complètement séduite. La chronologie est un peu brouillonne, et malgré un découpage annonçant "Aujourd'hui" et "Hier", je me suis régulièrement perdue.

Justement, "La Nuit du récit de Fatima", texte de 2002, est un de ceux que j'ai le plus apprécié. Récit à trois voix, entre transmission et évolution, il pointe la répétition d'un traumatisme et la lutte de la dernière génération afin d'y échapper. La modernité apportée par la colonisation y collisionne avec les traditions.

" Magdouda, ma grand-mère, m''embrassa, me garda sur ses genoux : je me souviens encore de son odeur, de son teint presque noiraud, de ses grands yeux allongés et globuleux qu'elle noircissait de khôl soutenu... Je fixai enfin son tatouage bleu qu'elle avait entre les sourcils : une rosace raffinée qui la rendait étrange. Avec ses multiples foulards de soie mauve et orange, elle paraissait une vielle reine sauvage, venue je ne savais d'où..."

"Femme d'Alger dans leur appartement"  date de 1978. Y sont évoquées ces femmes qui ont participé à la guerre de libération et qui en gardent encore des séquelles dans leurs corps, mais aussi dans leurs esprits, entre stérilité et folie, la prison et la torture se sont incrustées durablement. Fatma qui fut, avant de devenir la vieille masseuse et porteuse d'eau du hamman, une de ses porteuses de feu, nous offre à la fois un récit émouvant de sa vie et de sa douleur. Mais c'est aussi l'occasion de nous plonger dans une savoureuse évocation du rituel des bains publics, à une époque seule sortie au-dehors autorisée pour les femmes.

" Où êtes-vous les porteuses de bombes ? Elles forment cortège, des grenades dans les paumes qui s'épanouissent en flammes, les faces illuminées de lueurs vertes... Où êtes-vous, les porteuses de feu, vous mes soeurs qui aurez dû libérer la ville... Les fils barbelés ne barrent plus les ruelles, mais ils ornent les fenêtres, les balcons, toutes les issues vers l'espace..."

Enfin, la postface intitulée "Regard interdit, son coupé", nous ramène en 1832 lorsque Delacroix séjourne brièvement à Alger et pénètre dans l'univers interdit des femmes. "Cette abondance de couleurs rares, ces noms aux sonorités nouvelles, est-ce cela qui trouble et exalte le peintre ?" Ce tableau sert de point de départ à une fine analyse de la claustration féminine, rôle du regard interdit à l'étranger, limité au père, frère, mari, fils, ou limité par le voile pour la femme s'aventurant à l'extérieur. Le "dévoilement", lui, équivaut à une mise à nu. "Une femme - en mouvement, donc "nue" - qui regarde, n'est-ce pas en outre une menace nouvelle à leur exclusivité scopique, à cette prérogative mâle ?" . Seule la figure de la mère est sans danger, corps sans jouissance, elle peut regarder et être regardée. Quant à la voix, entre chants et papotages seuls autorisés, elle se fit entendre à l'extérieur lors de la guerre et par le biais des récits des viols commis à leur encontre, soudant de façon illusoire les deux sexes avant que le silence envahisse à nouveau l'espace.   

"- Je ne vois pour les femmes arabes qu'un seul moyen de tout débloquer : parler, parler sans cesse d'hier et d'aujourd'hui, parler entre nous, dans tous les gynécées, les traditionnels et ceux des H.L.M. Parler entre nous et regarder. Regarder dehors, regarder hors des murs et des prisons !..."

Omniprésente dans ces nouvelles, la main mise de l'homme sur la femme, le père d'abord, présidant à la destinée des filles via des mariages précoces, les frères prenant le relais si besoin, et le mari, séducteur puis tyran. Cet univers oppressant d'enfermement et de parole castrée laisse des relents d'angoisse et d'amertume bien après avoir terminé ce livre, d'autant que s'impose à ma mémoire le silence de plusieurs tantes, pourtant nées en France mais mariées à leurs seize ans, contre rémunération, à des hommes inconnus d'elles et expédiées dans un pays dont elles ne savaient rien mais où mon grand-père retournait régulièrement. L'Indépendance fut également pour elles une libération ; divorce à la clef, elles regagnèrent la France avec une partie de leurs enfants et personne n'entendit jamais le récit de leur vie au pays de leur père, si ce n'est pour haïr les Arabes et voter FN...

Lu dans le cadre du Défi littéraire de Madame lit

Femmes d'Alger dans leur appartement     Assia Djebar     Editions Le Livre de Poche

 

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