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Le Souk de Moustafette
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4 janvier 2012

Stop ou Angkor

9782253157564S'il y a un lieu qui a marqué mon enfance, et où pourtant je ne suis jamais allée, c'est bien l'antique et célèbre cité d'Angkor.

J'ai grandi au milieu de souvenirs de cette immense cité de pierres séculaires et de jungle mêlées et Phnom Penh était un mot mystérieux, un sésame qui ouvrait sur un monde lointain et magique dont je pouvais toucher un petit bout de réalité. Comme d'autres aux petits soldats, moi je jouais avec les bouddhas et les dizaines de statuettes de bronze d'un orchestre khmer et, enveloppée de tissus chamarés et de quelques colifichés, je m'échinais à prendre les poses et m'imaginais la plus belle des Apsara dansant sur la table de la salle à manger.  Si un bandit ou un démon tentaient de m'attaquer pour me dérober le trésor dont j'étais la gardienne, la fascinante boule de Canton, alors mon fidèle compagnon, gros chat noir des plus inoffensifs, se transformait en panthère protégeant ma fuite à dos d'éléphant, dont les défenses étaient presque plus lourdes que moi, tout en brandissant au dessus de ma tête le sabre d'apparat de mon père.
Pour avoir la paix, il suffisait de me brancher le projecteur et dans le noir j'assistais inlassablement aux festivités colorées du couronnement de Norodom Sihanouk, je sautais de pierre en pierre dans la cité d'Angkor Vat. Quand j'ouvrais à nouveau les volets, le monde du XVIIIe arrondissement me paraissait bien gris mais j'avais puisé là de quoi m'évader et alimenter mes jeux futurs.

J'ai retrouvé cette atmosphère d'enfance dans le roman de Jean-Luc Coatalem où Lucas, le narrateur approchant la cinquantaine, se souvient de Bouk, un orphelin cambodgien d'une dizaine d'années parrainé par son grand-père et qui, à ce titre, était présent lors des dimanches et des fêtes de famille. Entre poulet rôti et tarte aux pommes, les deux gamins s'embarquaient pour des épopées au fond de la jungle du jardin d'une maison bourgeoise de Viroflay dans les années 50.

"Cette époque me sembla être alors une île inouïe et apaisée dans le temps. Qu'était devenu ce gamin d'origine asiatique ? Qui avait-il été ? Au milieu de troènes, il gardait le visage de l'enfance, la nôtre, avec ses minutes radieuses, ses heures iniexplicables. Sans l'avouer, même si toutes ces années l'avaient gommé, il n'avait cessé de me manquer, de me hanter. Mes mains tremblaient sur ses photos dentelées. A chaque page noire, je remontais vers un silence plus ancien, enfoui, vers ce gosse-météore, soudain coupable des jours sans lui. Pharaon sous le sable."

Lucas, reporter de son état, se lance à la recherche de Bouk dont la légende familiale avait le bon ton de dire qu'il était reparti à Angkor, formule polie pour masquer la disparition du jeune garçon devenu un adolescent ingérable. Lucas part pour le Cambodge traîner son malaise parmi les ruines d'Angkor à l'affût d'il ne sait trop quoi.

"Il y a un proverbe chez nous qui dit : "Ce que tu trouves t'apprend ce que tu cherches." Bonne chance !"

Un court roman émouvant et empli de nostalgie, ambiance bourgeoise d'une famille marquée par le temps de l'Indochine, réminiscences savoureuses de l'enfance, promenade littéraire aussi puisqu'on y croise Tintin et Hergé ainsi que Rudyard Kipling et Kim, et atmosphère étrange et oppressante des ruines d'Angkor. Petite frustration, on n'apprend peu de choses à propos de Bouk, ni sur le mystère de son arrivée en France, ni sur sa disparition soudaine. Mais finalement rien d'étonnant, c'est bien connu que ce que l'on va souvent chercher au bout du monde n'est autre que soi-même.

"Rien n'est plus beau que ce qu'on invente, au fond."

Après avoir lu Le dernier roi d'Angkor, je n'ai pas pu m'empêcher de revisonner ces diapos que je n'avais pas regardées depuis... et je suis restée longtemps à rêvasser sur une enfance perdue. Voilà comment les enfants solitaires développent leur imaginaire et se sentent un peu moins seuls.  J'ai ainsi fait de nombreux voyages entre le Cambodge, la baie d'Along, le Japon, Madagascar et même la Russie des Tsars, mais ça c'est une autre histoire...

Une émission à écouter ICI

Le Dernier Roi d'Angkor      Jean-Luc Coatalem      Editions  Le Livre de Poche

 

cambodgeAngkor

 

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Commentaires
S
Aux pirates non... je laissais cela à mon frère. J'étais très calme.
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M
@Belle, je crois que je n'aurais pas pu parler de ce livre autrement, Angkor est un peu ma madeleine !
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U
Il est beau ton billet. Merci de dire un peu de toi au travers de tes lectures de cette façon là.
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M
@Sylire, merci. Ton environnement était propice à un autre exotisme, si j'avais grandi en bord de mer, j'aurais sans doute jouer aux pirates ! pas toi ?<br /> <br /> @Nadejda, merci aussi. C'est ma première rencontre avec cet auteur et rien que le titre que tu cites est tout un poème !
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N
Bonsoir Mous<br /> <br /> Je ne sais pas si je lirai le livre de Jean-Luc Coatalem mais tes souvenirs d'enfance et ta façon de les raconter me plaisent. De lui j'avais beaucoup aimé "La consolation des voyages"
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