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Le Souk de Moustafette
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25 mai 2007

UN COCO DANS LE METRO

9782253115687_VC'est bien évidemment ce magnifique cliché noir et blanc qui dans un premier temps m'a fait flasher. Que d'érotisme et de sensualité dans cette jolie paire de gambettes ! Ah, les talons aiguilles, y a pas à dire, ça avait de la gueule, et quelle parfaite fluidité entre la ligne du tissus et l'imperceptible cassure de la cheville. Je comprends les fétichistes !!!
Bon, revenons aux choses sérieuses.
L'autre jour, chez Nanne, j'ai piqué cette idée de lecture.

Le cadre, la ligne de métro N°9, Mairie de Montreuil-Pont de Sèvres. Pour les habitués, elle balaie large, cette ligne, des quartiers les plus chicos à l'ouest, aux plus populaires à l'est.
L'époque, 14 Juillet 1983; deux ans que la Gauche socialiste est au pouvoir. Les années fric n'en sont qu'à leurs débuts, le FN et la désillusion aussi...
Le héros, Jo Kaplan, 38 ans d'une histoire métissée juif-polac-parigot-rouge. Ultra rouge même car il a fait un parcours sans faute depuis sa tendre enfance. Elévé dans les drapeaux faucillisés, les poings lévés et les Internationales, il gravit un à un les échelons du PC. Conseillé municipal et journaliste à l'Huma, tout baigne pour lui, jusqu'au jour où le camarade Marchais prend la tête du Parti. Refusant les compromissions, Jo n'a pas envie d'être copain avec ce mec là. Il est exclu du PC.

"Traîner, marcher,draguer dans les rues et les cafés. Demeurer solitaire, plutôt que de plonger dans ce monde qu'il refusait, pour d'obscures raisons. Faire l'anar, persister à faire l'anar, en fredonnant une vieille chanson de Béranger, A mes amis devenus ministres ..."

Retrouvant sa liberté, vont suivre quelques années de dandysme libertaire, libertin et littéraire, au cours desquelles Jo va pouvoir se consacrer à une de ses passions, l'Histoire. Son autre passion c'est marcher, arpenter son territoire tout le long de cette ligne 9. Et c'est en métro, mettant toujours un point d'honneur à ne pas user des correspondances, qu'il se rendra à la garden party de l'Elysée, en cette journée de fête nationale. Mais que diable va-t-il faire dans cette galère ? Chercher la femme et vous aurez la réponse. Et comme d'une femme à l'autre, il n'y a qu'un pas, forcément ce beau mâle le saute (pour ne pas dire la !).

Vous me voyez sans doute venir.
Il a commencé par m'irriter Jo le rouge, l'intègre, quand lentement mais sûrement il vire au rose, pour les beaux yeux d'une Marie-Sébastienne, pseudo socialo, bourgeoise charentaise-maritime de surcroît et reine du boursicotage pas toujours très clean. Puis il m'a franchement fait bondir quand, sous les hospices d'anciens compagnons recyclés gauche caviar, il se laisse séduire par les sirènes de cette fin de siècle, je veux bien sûr parler de cette lèpre immonde qui nous contamine encore et toujours plus, la communication, ou plus vulgairement la pub. Et je l'ai carrément détesté quand il se roule dans les crachats qu'il a lui-même lancés dans ses années de lutte. "C'était un boulot de pute, comme tous ceux que Croissac lui commandait. La grande histoire mise au service de la communication d'entreprise ! Mais c'était tout de même l'histoire et Jo pouvait donc,, selon le mot de Croissac, qui n'en percevait d'ailleurs pas le cynisme, rentabiliser sa passion."

Mais comme un homme n'est jamais complètement mauvais, je l'aime, Jo, quand chaque station devient prétexte à raconter l'histoire des figures de la Révolution et de la Gauche, les célèbres et les anonymes. Je l'aime quand il raconte République, Charonne, Nation et la rue de Montreuil où j'ai tant de souvenirs. Je l'aime quand il parcourt les cours intérieures du faubourg Saint-Antoine et qu'il parle des ouvriers du bois. Mais je le déteste à nouveau quand il oublie de dire que c'est grâce à Tonton et à son opéra, qu'ils ont vendu leurs ateliers aux futurs lofteurs (non, monsieur Konopnicki, ce n'est pas seulement Ikéa qui les a fait couler. Ce sont les vôtres et la clique de flamands roses, tout émoustillés par les paillettes du pouvoir et de l'argent facile, qui sont venus s'encanailler rue de Lappe et spéculer rue de la Roquette). Et cet homme joue avec mes nerfs, quand je l'aime encore, le Jo qui fait son caractériel et refuse "de perdre mon temps à essayer de prolonger ma vie. C'est mathématiquement absurde."

Voilà comment la vie change sous le prisme rose de l'amour et de la politique. Voilà comment en quelques mois, on oublie ses  idéaux, on s'arrange avec ses contradictions, on justifie ses renoncements, on compose, ce qui permet d'avoir encore quelques sursauts de fidélité. On grandit, on vieillit, quoi.
Le livre se referme le 14 Juillet 1984. Un an de passé si vite, un an à se trimballer dans de la bien belle histoire, la nôtre. Et où l'on comprend aussi comment les mao-troskistes finissent socialos, quand ce n'est pas pour virer carrément umpistes-fumistes (mais j'anticipe ! )

N'oubliez pas de lire l'avis deNANNE.
Il est moins amer que le mien, mais j'ai une excuse. Je déteste l'année 1984.
C'est celle où j'ai décidé d'arrêter de grandir ...

Ligne 9      Guy Konopnicki     Le Livre de Poche

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Commentaires
M
@Nanne,ce livre m'a permis aussi une belle balade dans un quartier où j'ai vécu une dizaine d'années entre Bastille et Nation,c'est dire que je connais la ligne 9 !
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M
@Musky,oui je connais ce livre et se souvient-on qu'un certain Papon s'occupait de la police à cette époque ?
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N
Bravo Moustafette pour cette fantastique présentation de "Ligne 9". Sincèrement, je n'aurais pas osé en dire autant du point de vue politique. Mais c'est vrai qu'il tape un peu sur les nerfs, notre Jo Kaplan avec sa rigueur partisane et ses arrangements avec les magouilles politico-financières. Mais Guy Konopnicki en a écrit d'autres, tout aussi drôle et caustique ... A bientôt et encore bravo.
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M
Bon, si tu penses que ce bouquin me plaira, alors je le note. <br /> Est-ce que tu as déjà lu "Meurtres pour mémoire" de Didier Daenincks ? C'est un livre qui a été fait suite à des recherches sur le meurtre d'un algérien tué lors d'une manif à Paris au moment du couvre-feu, début 60, pendant la guerre en Algérie. Aucune enquête n'avait été mené par les flics à l'époque. C'est une histoire vraie. Un meurtre passé sous silence. Cette histoire m'avait tellement fait halluciner (quand je l'ai lu, je devais avoir 17 ans) que je suis allée faire des recherches dans les archives à Beaubourg au centre Pompidou (j'ai passé mes 21 premières années en banlieue parisienne)pour savoir ce que disaient les journaux de l'époque sur cette fameuse nuit.En réalité plusieurs meurtres ont eu lieu cette nuit-là mais les journaux ont largement minimisé l'affaire. La lecture de ce roman de Daenincks m'a fait un choc et je pense qu'il t'intéresserait mais à mon avis, tu dois déjà l'avoir lu. <br /> Bon courage pour la suite de Tout est illuminé ;))
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M
@Cathulu,oui,je ne fais absolument pas mes 26ans !<br /> @Musky,j'ai peut-être été un peu longue! Mais ce sont sans doute les remontées du 6 Mai et l'absence d'exutoire dû à l'arrêt de la revue de presse ! Dans le livre,il y a heureusement qq pages consacrées à certains militants qui vont au bout de leurs convictions "les baisés de l'histoire".Je pense qu'il te plairait ce bouquin.Quant à l'autre,rassure-toi,je persiste.
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