Lourd héritage
Si elle est toute petite et bien cachée, ses conséquences, elles, sont immenses.
Enfant, cette marque fascinait l'auteur. Et c'est encore sur elle que son regard s'arrêtera, lorsqu'au seuil de la mort, il prendra dans ses bras le corps de son père.
Cette marque indélébile, c'est la lettre O, donneur universel. Tous les soldats de la Waffen SS avaient leur groupe sanguin ainsi tatoué sous le bras. Et il en allait de même pour les hommes de la division Charlemagne, qui accueillit nombre de miliciens français qui s'enrôlèrent pour combattre sur le front de l'Est au côté de l'ennemi, afin d'éviter le peloton d'exécution français.
Ce texte n'est pas un roman mais un récit autobiographique. L'auteur part à la rencontre de son père milicien et analyse comment cette filiation a façonné sa vie, ses relations et son itinéraire littéraire.
Il dit la fascination, l'incompréhension, la provocation, la dissimulation, le silence, la résignation puis enfin l'engagement et la sublimation, toute la palette d'émotions que traverse ce fils, de l'enfance à l'âge adulte.
"Ce mort, c'était mon père, une fois encore, mon père que je ne peux poser nulle part, mon père dont je ne peux me débarrasser, mon père qui n'a pas sa place parmi les morts que l'on commémore, et qui m'empêche d'avoir la mienne parmi ceux qui fraternisent dans la mémoire douloureuseuse de ce qui a eu lieu."
Le hasard n'existant pas, rien d'étonnant à ce que l'auteur soit devenu un compagnon de route d'Armand GATTI, activiste culturel libertaire (dont vous pourrez suivre le parcours ICI.)
Michel Séonnet apporte la preuve qu'accepter ses origines est une condition indispensable pour vivre pleinement. La rupture ou la fuite peuvent être tentantes, surtout si la parole, qu'elle soit conflit ou partage, est absente. Mais quand de tels héritages se transforment en poison virulant, quand les dettes de nos ascendants plombent notre présent, la prise de conscience n'est que l'étape primordiale menant à l'acceptation. Acceptation qui, d'ailleurs, ne signifie pas forcément pardon. Il va sans dire que ce long travail ne se fait pas sans douleur.
"Parvenir à ce point où j'accepterais d'être le petit-fils de ton père et où je pourrais, sans retenue, signer de ce nom qui nous est commun. Dire oui à la réalité. Le maudit n'a pas d'autre choix. Je n'ai pas d'autre issue que de dire oui à ce que tes errances, tes silences ont fait de moi. Oui à mon nom. Oui à ma venue dans cette filiation-là. Oui à la marque et à la malédiction, puisque malédiction il y a. Mais sans aucune complaisance envers ce qui a eu lieu. Un oui qui ne te dédouane de rien."
La marque du père Michel Séonnet Editions Gallimard