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Le Souk de Moustafette
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8 décembre 2011

Tranches de vie

9782070443239Je profite de ce qui me tient actuellement un peu éloignée du Souk  pour vous glisser un mot de ce petit bouquin qui, s'il se veut de la fiction, est hélas sans doute bien proche de la réalité.

L'auteur nous entraîne dans le parcours du combattant des DATR, ces hommes "directement affectés aux travaux sous rayonnements" et qui se baladent sur les 19 sites nucléaires français afin d'effectuer la toilette des 58 réacteurs en service. 80% des travaux de maintenance y sont effectués par des employés intérimaires, véritables nomades de l'atome qui traquent les missions au gré des arrêts de tranche des centrales de l'Hexagone. Quand la bête est au repos, à eux les bains de vapeur et les plongeons dans des piscines dont l'eau d'un bleu si merveilleux ferait presque regretter qu'on les vide avant d'y entrer. Dans leurs beaux costumes blancs dits Mururoa, pas le temps de se mirer dans les plaques et les parois de cuves qu'ils astiquent et serpillent comme de simples techniciennes de surface et, parce qu'ils le valent bien, on leur file un joli bracelet qui affiche le chrono et la dose de bienfaits que procure cette charmante thalasso, faut tout de même pas abuser des bonnes choses... Ceux qui sont claustrophobes peuvent toujours aller faire un stage de varappe dans les tours réfrigérantes en compagnie des légionelles et des amibes, le tout dans une ambiance chlorée à souhait.

"A la pause de dix heures trente, devant la machine à café, quelqu'un lui pose la question. A propos de la piscine - de la couleur de l'eau dans la piscine. Un bleu intense, quasi surnaturel, qui pourtant ne doit rien à la science et n'emprunte rien à la fiction, le bleu du ciel au-dessus des casbahs, illuminé, transfiguré de l'intérieur, un bleu d'artiste inventé puis breveté sous sa formule chimique, mais dans une transparence et un rayonnement que seule la nature dans ce qu'elle a de plus intime est capable de rendre sensible à nos yeux, et pour cause, certaines particules dans l'eau battent en vitesse le record de la lumière."

Bon, j'arrête ce ton badin, pur réflexe défensif de ma part mais qui ne sied pas à la gravité du sujet, pour me joindre au concert de louanges qui a accueilli ce livre lors de sa sortie.

Selon la formule consacrée, on pourrait dire que c'est clair, net et précis (sauf que, si on est comme moi du genre nul en physique, et si on ne fait pas l'effort de rechercher un schéma, on est vite perdu dans la technologie de la chose).  Mais l'essentiel n'est pas là puisque chacun sait qu'entrer dans ce truc s'apparente plus à une descente aux enfers qu'à une cure de jouvence et qu'il faut une bonne dose de maîtrise de soi et des nerfs solides à moins de se la jouer fangio et de fonctionner à l'adrénaline.

L'avenir à court terme de ces hommes est proportionnel à leur taux de radiations accumulées au cours de l'année. Quand le maximum est atteint, plus de boulot ou alors les plus crades, hors zone d'exposition, mais qui vous font regretter la pression des plus dangeureux; quand il y a encore de la marge, ils sont toujours assurés, qu'en poussant la porte d'une des agences d'intérim qui pullulent toujours autour des centrales, de signer un contrat. L'avenir à long terme est beaucoup plus incertain...

Ce livre se lit comme un reportage, le ton est sobre et direct. C'est une histoire d'hommes, pas de femmes dans cet univers. Une histoire d'amitié qui dit à peine son nom, de solidarité sans trop de démonstration,. Beaucoup de pudeur et aucun jugement envers ceux qui craquent, ni face à la fascination que le nucléaire exerce sur certains, encore moins envers ceux qui le combattent. Une histoire de solitude sans pathos, juste l'obsession d'un mec au quotidien qui a besoin de bosser.

"Le paysage défile derrière la vitre, éclairé par endroit. Il y a dans le coffre, sur la banquette arrière, tout. Tout mon patrimoine. C'est un rêve de gosse. Rouler la nuit et avoir avec soi, dans un seul mobile, du contenant au contenu, tout ce qu'on possède, ou parmi les choses qu'on possède, celles qui nous sont vraiment utiles et dont on peut se contenter, avec lesquelles on vit très bien et qui finissent par être tout notre bagage. C'est un rêve facile, mais pas forcément de liberté."

A lire absolument pour regarder son ordi ou son radiateur d'un autre oeil.

L'avis de CATHE

La Centrale      Elisabeth Filhol      Editions Folio

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19 novembre 2011

Les dessous de la mort

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"Et puis, l'assurance d'avoir du monde à mes funérailles,
c'est encore de me rendre à celles des autres."

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Cliquez pour lire le texte, le ton est donné !

Quand on vit sur une île et qu'on est une vieille Bretonne, pas toujours facile de trouver à s'occuper, surtout en hiver. La mort par accident du jeune Jacques Morvan va venir égayer un peu le quotidien de notre héroïne. Encore un très bel album de Marc Le Rest, déjà rencontré ICI , qui s'attaque cette fois-ci à la bigoterie bretonne sans complaisance. Commérages au village, visite et veillée chez la famille, messe et mise en terre, tout y passe, agrémenté des réflexions intérieures de la vieille dame. Un cérémonial râleur se déroule en dessous de l'officiel. Hypocrite et réjouissant !

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Et bien sûr, tout se termine au bistrot !
"Au bistrot, non seulement la famille a l'amabilité de nous offrir à boire,
mais elle a aussi le bon goût de ne pas nous imposer sa présence."

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Délicieuses obsèques      Marc Le Rest      Editions  Terre de Brume

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1 novembre 2011

Merci Virginie Deloffre !

9782226229700Léna vit au rythme des absences et des retours surprises de Vassili. A ce mari, pilote militaire sans cesse en mouvement entre ciel et terre, Léna oppose une immobilité sans faille. Elle se déplace à minima entre le combinat où elle travaille et les files d'attente des magasins. Tentant de se faire toute discrète comme pour se dissimuler d'un toujours possible malheur qui pourrait la rattraper, Léna évolue en lisière de la vie, le corps rivé à l'arbre sous sa fenêtre tandis que son esprit s'en va batifoler vers les mystères de la vie de Vassili ou le long de l'Ob qui a bercé son enfance.

"C'est une matière la brume, humide, douce. Moi-même je suis faite de cette grisaille qui m'enveloppe tout entière. C'est la matière de la nostalgie. Elle a la même texture que le manteau couleur du temps de Peau d'Âne. Quand Vassia s'en va la brume se lève en moi puis m'imprègne entièrement, et je suis faite de cette étrange matière, de pure nostalgie."

Effacée, rêveuse, à la limite sauvage, Léna tire sa patience de sa Sibérie natale où elle fut élevée par Varvara, une bonne vieille communiste qui héberge déjà Dimitri, un géologue moscovite déplacé dans les années soixante par la Sécurité de l'Etat afin de s'occuper de la station de géographie de Ketylin, à savoir une baraque paumée dans un trou perdu du Grand Nord. Comme rééducation, Dimitri aurait pu tomber plus mal, car l'arrivée de Léna va permettre à ces trois êtres malmenés par la vie de refonder un semblant de famille. Léna grandira donc entre Dimitri le taiseux rêveur qui ne s'amine qu'au contact des trésors de la terre, et Varvara la bavarde et pragmatique babouchka qui s'accroche coûte que coûte à son vieux rêve communiste.

"Ah mes enfants ! Pour les gueux de cette sorte, figurez-vous qu'il fut le bienvenu le turbulent, le retentissant Octobre 17 : Point besoin de peser à l'once près, on avait bien su vers qui tourner les fusils quand elles sont arrivées au grand galop les années flamboyantes, les filles d'Octobre, en leurs atours et tintamarre, en leurs habits rouge sang ! Rouges les étendards et les bâtiments, rouges les pavés et les ruisseaux, rouge la bourrasque de désirs... Un vent puissant s'était mis à souffler sur la Russie, en tourbillons qui emportent tout ! Nous les guenilleux, on avait ouvert à deux battants la grande porte du futur. On crachait dans nos mains, on se penchait dessus pour y découvrir le visage de l'avenir. Car c'était là qu'il était tracé, dans ces cals et ces crevasses ! Allons dis camarade, que vois-tu ?"

Plus tard, quelque part en Russie centrale dans l'appartement communautaire n°12, les fréquentes absences de Vassili ramènent Léna vers la Sibérie par le biais des longues lettres qu'elle échange avec Varvara et Dimitri.
Un jour, Vassili est sélectionné pour faire partie de la prochaine mission qui rejoindra la station Mir . Léna pressent alors que la bulle qu'elle s'est construite ne va pas tarder à exploser. Sa routine rassurante se détraque, obsédée qu'elle est par moult questionnements. Que vont donc chercher les hommes dans l'espace ? Pourquoi ceux qui en reviennent ont-ils tous le même vide au fond des yeux ? Que va-t-elle devenir ?

"Elle est tombée sur moi la menace que je sentais rôder. Oh tu avais raison ma Varia, ce n'est pas une femme, non, ce n'est pas son genre. C'est bien pire. C'est l'ailleurs qui me l'a pris."

Un très très beau voyage littéraire, qu'on se le dise !
J'ai adoré la compagnie de ces quatre personnages aux antipodes les uns des autres mais soudés pour nous offrir un condensé du peuple russe ancré dans sa terre et son Histoire.

"Peut-être était-ce cela leur étrange lien commun : la nostalgie de l'inaccessible."

J'ai aimé Léna, le cheminement de cette femme cristallisée dans l'attente. Ell cultive l'absence comme une fleur fragile, brode sa vie à petits points de glace pour anaesthésier cette douleur d'enfance qui finira forcément par se rouvrir.
Vassili m'a emportée avec lui dans les étoiles. Le récit de l'aventure spatiale soviétique qu'il raconte aux enfants de l'appartement communautaire est passionnant et la fuite en avant de cet homme, si loin, la lutte qu'il met un point d'honneur à mener pour la gloire de son pays en voie de disparaître sous les assauts de la Perestroïka, très émouvantes.
Et  bien sûr le duo Varvara-Dimitri qui fonctionne à merveille, tour à tour grave, drôle, tendre.

Quand elle a la tête dans les étoiles, Virginie Deloffre nous parle avec bonheur et poésie de la Terre et de l'expérience unique vécue par quelques privilégiés. "Et quand tout s'écroule, est-ce qu'une image peut suffire à sauver le monde ? Un homme qui flotte dans l'univers dans son costume de papier blanc..." 
Et quand ses peids arpentent la Sibérie, c'est avec le même amour que les petits peuples du Grand Nord. "Plus au sud les peuples toungouses de la taïga demandent pardon aux arbres avant de les abattre. Ici les Nénètses continuent à fixer leurs tentes avec des amas de neige même en pleine tempête, parce que planter un pieu dans le sol pourrait offenser la terre."

J'avoue, la rentrée littéraire a parfois du bon...Un vrai coup de foudre pour ce roman qui me fait sortir de ma léthargie bloguesque avant que l'hibernation totale me tombe dessus.

Je regrette que ce roman ne soit pas sur la liste du Goncourt des Lycéens, voilà un livre qui leur aurait certainement plu.
L'avis tout aussi enthousiaste de Yv 

Léna     Virginie  Deloffre      Editions Albin Michel   

                                           

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16 octobre 2011

Crise de mères

51qWhIL4%2BjLCharlotte Dutilleul n'est qu'une petite fille lorsqu'éclate la guerre de 14. Turbulente, elle tente tant bien que mal de se conformer aux desiderata de sa mère, une femme rigide pour laquelle seule importe l'apparente perfection de sa famille offerte aux yeux des autres. Au cours d'une réception, deux événements vont marquer à jamais la fillette, un des deux sera passé sous silence face à l'énormité du second.  
Quelques années plus tard, la trépidante Charlotte, pour laquelle  on avait d'emblée tendance à éprouver une franche sympathie, s'est assagie, ravalant sa douleur et devient mère à son tour. Nicole naît d'une union sans amour et hérite du même caractère maternel. Mais les temps ont changé, les moeurs aussi. Nicole grandit à Saint-Germain des Prés et, contrairement à sa mère qui ne s'est pas opposée à la sienne, adolescente elle rue dans les brancarts... Les représailles seront féroces et la fin terrifiante.

Une traversée rapide de la première partie du XXe siècle et une galerie de mères et de filles sur trois générations font de ce court roman un condensé efficace des mécanismes qui conduisent à déclarer l'autre fou afin de maintenir l'équilibre familial.

Les petits sacrifices      Caroline Sers     Editions Le Livre de Poche

veracandidaEncore trois générations de femmes, mais dans un environnement et une atmosphère plus exotiques que précédemment, pour nous conter la lutte de quelques femmes face à leur destin. 
Ce pourrait être l'antithèse du livre de Caroline Sers. Là où tout n'est qu'apparence, froideur, rigidité, soumission, Véronique Ovaldé aborde la maternité et les relations mère-fille sous un angle à la fois tendre et cruel avec une fantaisie qui sied à merveille au cadre sud-américain de ce roman et une poésie qu'on lui connaissait déjà.

Je ne m'étendrai pas plus tant ce livre a été commenté.

Ce que je sais de Vera Candida     Véronique Ovaldé     Editions J'ai lu

41M2LWgrmoLDans la famille de la narratrice, la coutume veut que l'on se transmette de mère en fille une icône. La fille la reçoit de sa mère le jour de ses quinze ans, puis la famille lui cherche un mari. Mais Marthe fait une entorse à la tradition. Le jour des quinze ans de sa fille, cette dernière est déjà enceinte... Marthe garde donc l'icône et n'en continue pas moins sa vie de patachon. Née en 1904 à Paris, elle fut élévée par ses grands-parents en Roumanie. Elle ne rejoindra ses parents en France qu'à ses trois ans. C'est une enfant déjà fantasque qui parle aux oiseaux et dont la mère est peu présente. S'en suit une adolescence, presque sans histoire, puis un mariage arrangé, sans amour mais avec beaucoup d'alcool, d'amants et d'enfants.
Femme avant d'être mère, Marthe aura une vie mouvementée mais saura cependant s'attacher l'amour de ses enfants, lesquels payeront beaucoup de pots cassés en flirtant avec la folie. Sans un sou, Marthe retournera finalement vivre chez sa propre mère avant de finir ses jours dans une maison de retraite où elle continuera à boire et à voyager dans sa tête trop pleine de souvenirs, plus souvent mauvais que bons. La narratrice recevra des mains de son père l'icône que Marthe n'avait pas voulu transmettre.

Un très beau tableau de famille, entre grandeur et décadence, déracinement et intégration. Un émouvant portrait de femme et un tendre hommage d'une petite-fille à sa grand-mère.

Tâche de ne pas devenir folle      Vanessa Schneider     Editions Points

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De la folie intime à la folie à l'échelle humaine, il n'y a qu'un pas que Jean Molla franchit avec talent pour nous conter l'histoire d'Emma, souffrant d'anorexie. A force de ténacité, elle parviendra à faire émerger son identité de femme d'un embrouillamini familial des plus sombres.
Si c'est sa grand-mère qui détient la clef des nombreuses questions qu'elle se pose, c'est seule qu'Emma devra trouver les réponses au risque de chambouler la respectabilité de sa famille.

Encore un cas d'école, car outre l'aspect romanesque de ce roman joliment mené, on trouve là encore une excellente illustration de ce que vient colmater la pathologie mentale. Si elle s'ancre dans le présent, elle s'enracine toujours dans les générations précédentes et véhicule souvent ce qui ne peut se dire. Ici, elle s'attaque au corps et renvoie, comme un miroir, l'image de celui d'Emma, décharné, à ceux, squelettiques aussi, qui hantaient les camps nazis.
Un autre endroit  où on en parle

Sobibor      Jean Molla      Editions Folio

41in9y%2BTfCLOn a souvent des surprises lorsqu'on se rend sur les tombes de ses ancêtres. Il y a parfois un petit quelque chose qui cloche dans les dates. C'est ce qui arrive à Leonora qui s'aperçoit, lors d'une visite au mémorial de Thiepval près d'Amien où sont enterrés de nombreux soldats britanniques tombés durant la bataille de la Somme, qu'elle ne peut pas être la fille de son père .

Révélations, rebondissements, meutre, Leonora devra, elle aussi, batailler dur pour connaître la vérité. Après les grands-mères, les mères, les belles-mères ! Celle de Leonora détient-elle la clef du mystère ? En tout cas c'est un morceau central du puzzle...

 Entre roman historique et roman des origines, ce livre, malgré quelques longueurs, tient son lecteur en haleine jusqu'à la dernière page.

Par un matin d'automne     Robert Goddard      Editions Le Livre de Poche    

 

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9 octobre 2011

En Bretagne il y a ...

Des troquets étranges

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Les serveuses y sont un peu différentes

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On y croise de drôles de personnages

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Passée une certaine heure
on aperçoit même d'étranges créatures

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Et on y mange délicieusement bien

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Si vous ne me croyez pas
suivez Guy La Serpe et Naphtaline
et poussez la porte de

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Dans les bistrots bretons, la réalité est parfois très proche de la fiction...
Ils sont tellement merveilleux que c'est dans l'un d'eux
que j'ai trouvé ce livre délirant.

Les Bistrots Merveilleux  Marc Le Rest & Cristian Esculier  Editions Terre de Brume

 

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16 septembre 2011

Tout l'monde descend !

9782742799091Après quelques années passées à Rome, L. prend le train en compagnie de son jeune fils afin de rejoindre en Bretagne son amie d'enfance qu'elle m'a pas revue depuis vingt ans. Inévitablement, les souvenirs défilent derrière les vitres.

"Emmanuelle les attendrait à vingt et une heure sur le quai de la gare de Chateaulin. Si le temps le permettait, au cours du week-end ils passeraient une nuit dans la presqu'île de Crozon. Emmanuelle avait hérité du penty de ses grands-parents, une maison longue et basse au bord d'une falaise envahie par la bruyère et le vent, où les deux amies, à l'âge de neuf ans, avaient passé un mois de vacances, l'été."

Si c'est pas tentant tout ça ! J'aime beaucoup Chateaulin et les bords de l'Aulne, et le cap de la Chèvre, sans les touristes, c'est divin. Je me délectais donc de la suite et des turpides dans lesquelles les deux gamines allaient m'entraîner. 

Euh... seulement voilà, j'ai dû me tromper de train, rater la correspondance, oublier de composter mon billet, que sais-je encore ? Jamais lecture aussi courte (140 pages au format vertical, ce qui doit faire 80 en format poche, voire moins) ne m'a semblé si laborieuse.
Je suis restée totalement hermétique aux réminiscences du passé qu'évoque la narratrice, à sa rupture amoureuse, au devenir d'Emmanuelle. Et j'ai eu beau retourner tout le wagon, j'ai peiné à mettre la main sur la nostalgie qui habituellement va de pair avec ce genre littéraire. J'attends encore des nouvelles des retrouvailles entre copines et la scène de meurtre qui ouvre le roman ne m'a même pas fait tirer le signal d'alarme, pourtant c'est pas l'envie qui me manquait de descendre en marche...

J'aurais mieux fait de rester sur le quai ou de prendre le train d'avant, il paraît que le roman précédent semblait plus réussi. Bref, que l'auteur me pardonne, ce fut un voyage ennuyeux, sans émotion et qui n'encombrera guère ma mémoire.

Voilà, c'était ma piètre contribution à la rentrée littéraire !

Inverno     Hélène Frappat     Editions Actes Sud collection Un endroit où ne pas aller

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15 juillet 2011

Enardite aiguë

41PxCOze7aLCitant, dans le livre précédemment chroniqué, "les vers d'Essenine, le pendu de Pétersbourg, j'irais bien sur le Bosphore, là dans tes yeux j'ai vu la mer, un magnifique incendie bleu.", l'auteur faisait un clin d'oeil à son dernier roman. Comme lui, j'ai aussi fait le voyage.

Au regard des nombreuses critiques, je serai brève. J'ai beaucoup lu que ce court roman manquait de souffle, sans doute aurait-il pu bénéficier d'un étoffage conséquent digne de l'oeuvre colossale du personnage principal. Mais peu m'importe, cette parenthèse ottomane dans la vie de Michel-Ange, récemment découverte et agréablement romancée, m'a procuré un plaisir de lecture tout chamarré de couleurs et de parfums de mille et une nuits.

J'ai aimé la compagnie de cet homme mal dégrossi, imbu de lui-même comme pour mieux camouffler ses faiblesses, qui erre au milieu de la ville et des ses hôtes, écrasé par la nécessité de surplanter le plus doué de ses pairs, Léonardo da Vinci, et celle d'accoucher d'une oeuvre d'art dans une ville qui en recelle déjà quantité.
Les personnages que Michel-Ange rencontrera ébranleront ses certitudes, ses propres sentiments comme son identité et ses idées à l'égard des Infidèles.

"La nuit ne communique pas avec le jour. Elle y brûle. On la porte au bûcher à l'aube. Et avec elle ses gens, les buveurs, les poètes, les amants. Nous sommes un peuple de relégués, de condamnés à mort."

C'est également une jolie réflexion sur la création et la beauté chatoyante de l'art musulman. La Renaissance n'a qu'à bien se tenir, et les lycéens ne s'y sont pas trompés, une fois de plus !
Sans conteste le livre le plus solaire de l'auteur.

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants      Mathias Enard      Editions Acte Sud

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 Je profite de cette crise d'Enardite pour vous parler aussi du premier roman de l'auteur lu l'an dernier.

Dans un pays où règne la guerre civile, ce pourrait être le Liban, un homme vit rivé à la lunette de son fusil. Lui et son arme ne font plus qu'un, comme une extension de lui-même avec laquelle dorénavant il vit, dort. Elevant le tir au rang d'un art, art du vivre et du mourir, l'homme tire peu mais bien, privilégiant la difficulté afin d'en augmenter le plaisir tout en engageant un curieux dialogue entre lui et ses futures victimes.

"Le tir est avant tout une discipline. Il faut se retenir, se comprimer, se refermer, se concentrer dans la cible jusqu'à disparaître soi-même dans la lunette pour ensuite se libérer, s'ouvrir et se laisser couler comme une goutte d'eau. Il faut fabriquer une relation entre soi et les choses, un lien direct qu'on appelle trajectoire ; il faut l'imaginer, la suivre comme un chemin. Il faut s'abstraire du monde, se retirer petit à petit dans le recoin irréel de la mire jusqu'à se perdre dans les reflets infinis des lentilles."

Orgueilleux et sûr de lui, son équilibre vacille lorsqu'il rencontre Myrna, une jeune fille de quinze ans qu'il engage pour veiller sur sa mère avec laquelle il vit et que la guerre a rendu folle. Myrna va pourtant se révéler plus rusée que le combattant et s'insérer entre lui et la lunette de son fusil . Au fil de leur cohabitation, elle devient pour cet homme, qui ne sait s'exprimer que par le tir et la violence, source de fascination puis objet d'obssession quand elle profite d'une de ses absences pour disparaître. Quand il la retrouvera, pourra-t-il lui exprimer son attachement ?

Mathias Enard inaugure sa carrière d'écrivain avec un texte dur et âpre. Réussissant à se glisser dans l'esprit tour à tour exalté, hyper-maîtrisé ou vacillant et déprimé, d'un jeune que la guerre a trop vite déclaré être un homme, l'auteur joue déjà (texte paru en 2003), et avec brio, la cynique partition de l'amour et de la mort. Il sait, malgré le contexte, rendre son personnage attachant, fragile héros camouflé dans son treillis, bravant ou refoulant sa peur, hésitant entre une attraction morbide et un dégoût pour les situations cauchemardesques auxquelles la guerre le confronte, ne sachant caresser les corps que de la pointe de son arme, se révélant totalement démuni face à l'amour qui le submerge et incapable d'appliquer aux vivants sa belle discipline guerrière citée plus haut. Tout abandon serait-il signe de faiblesse ?

Pour un premier roman Mathias Enard n'a pas raté sa cible. Et si le terreau de la guerre n'est pas propice à l'éclosion des beaux sentiments il permait celle d'un auteur en devenir à l'écriture maîtrisée. L'avenir le confirme.

La perfection du tir      Mathias Enard     Editions Actes Sud  Babel 

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10 juillet 2011

La nostalgie camarade...

arton133-af30fQuoi de mieux qu'un long voyage en train pour voir défiler le film de sa jeunesse sur l'écran des paysages qui s'étendent entre Moscou et Novossibirsk  où Mathias accompagne le corps de son ami Vladimir afin de l'enterrer dans sa vie natale.

Un long tête à tête pour Mathias qui revient sur son amour pour Jeanne. Jeanne, rencontrée à Paris à dix-huit ans et qui l'a quitté pour faire un doctorat à Moscou. Jeanne qui lui a présenté Vladimir. Jeanne qui l'appelle à nouveau quand Vladimir s'en est allé.

Emouvante réminiscence d'un temps révolu émaillé d'agapes alcoolisées, de périples au cours desquels Vladimir, tel un prince déchu, a transmis l'amour de sa terre aux deux français, entre balades historiques et pauses littéraires qu'inévitablement génère ce pays. Car Mathias se rêvait écrivain "(...) et de retrouver une liberté qu'en réalité je n'avais jamais connue, à part dans les livres, dans les livres qui sont bien plus dangeureux pour un adolescent que les armes, puisqu'ils avaient creusé en moi des désirs impossibles à combler, Kerouac, Cendrars ou Conrad me donnaient envie d'un infini départ, d'amitiés à la vie à la mort au fil de la route et de substances interdites pour y amener, pour partager ces instants extraordinaires sur le chemin, pour brûler dans le monde, nous n'avions plus de révolution, il nous restait l'illusion du voyage, de l'écriture et de la drogue."

C'est encore un livre, En Russie d'Olivier Rolin, qui poussera Mathias à rejoindre Jeanne à Moscou où il restera un an en sa compagnie et celle de Vladimir, s'embarquant dans une amitié trouble et fascinante, une sorte de Jules et Jim aux saveurs d'opium, d'héroïne et de vodka où chacun va se perdre dans l'illusion et la passion inaboutie.

Est-ce pour rattraper le temps perdu ou pour épuiser celui qu'il lui reste que Mathias entreprend ce dernier voyage ? Toujours est-il qu'il s'impose là l'épreuve du manque, de la perte et de la solitude, seul face au miroir des grandes étendues qui lui renvoie l'image de sa finitude.

" Nous rêvions d'une tout autre mort, nous qui n'avons connu ni la révolution, ni la guerre, nous rêvions d'un sacrifice, d'une noblesse, d'un courage et peut-être as-tu eu cette noblesse et ce courage, comme Tarass Boulba qui s'enquiert en mourant du sort de ses cosaques, tu as eu une pensée pour moi, pour Jeanne, pour le monde, pour l'infini tournoiement du monde, pour l'oubli qui ronge tous les noms et toutes les pages, et tu es parti vers le néant." 

Voilà bien longtemps qu'un livre ne m'avait bouleversée à ce point. J'avoue qu'il porte bien son titre et que l'auteur sait rendre à merveille la difficulté à faire le deuil des engouements adolescents, des illusions inaccessibles qu'il faut abandonner. Certains ne s'en remettent pas, préfèrent perdurer dans le paradis artificiel qu'est la jeunesse tant le quitter est douloureux et choisissent un ailleurs toxique mais consolateur pour panser leurs blessures. Certains, même, préfèrent ne jamais devenir vieux.

"On ne berce pas les enfants grandis." Alors on grimpe dans un wagon qui roule vers une fin du monde et on se laisse bercer bien malgré soi par le staccato du train et des souvenirs mêlés, pensant sans doute que le froid sibérien, à défaut de les anesthésier, les figera à jamais dans la grandeur de leur jeunesse.

Un texte magnifique qui a laissé SYLIRE plutôt déprimée.

L'alcool et la nostalgie      Mathias Enard      Editions Inculte

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10 juin 2011

СИБИРЬ

arton138-37575Un opus des plus brefs mais des plus passionnants pour celles et ceux  qui, comme l'auteur, voient leur imaginaire s'emballer à la simple prononciation de cette destination.

"Aimer la Sibérie, ça ne se fait pas. Pourtant, ce nom terrible a pour moi un charme secret. D'abord, il est beau. Pourquoi ? Je ne sais pas, mais il est beau."

Immensités géographiques, historiques, culturelles, vous n'échapperez pas au voyage dans le Transsibérien, en compagnie d'auteurs contemporains, Sylvie Germain, Mathias Enard, Jean Echenoz, entre autres, mais aussi des précurseurs du genre qui les premiers ont été attirés par ce train mythique, Blaise Cendrars ou Joseph Kessel. Irkoutsk, Oulan-Oude, Vladivostok, autant de brèves escales propices à la réminiscence d'émois passés ou aux rencontres furtives. autant d'hommages aux grands hommes comme aux anonymes dont les yeux ont contemplé les mêmes paysages, bois, steppes, lacs, fleuves...

"Maisons de planches noires, palissades noires moirées d'argent, toîts de tôle blancs sous des fils électriques erratiques, pistes où cahotent des Ladas. J'ai lu quelque part, il me semble, que le goût russe des palissades était une façon de se protéger de l'espace immense, de l'angoisse qui naît de l'illimité."

La seconde partie du livre est composée de trois articles inédits qui nous entraînent vers la Sibérie septentrionale. Départ de Khatanga pour l'univers de la taïga et de la toundra, celui des petits peuples, Yakoutes, Tchouktches, Dolganes, rivages gelés de la banquise que se disputent aux rennes ou aux ours les épaves de sous-marins nucléaires et les brise-glace, pour arriver finalement au détroit de Béring et resdescendre vers Magadan et Sakhaline en passant par le Kamchatka. 

Russes ou autres,  "On croise ici des destins qui sortent de l'ordinaire. Des vies taillées à coups de hache."

Au premier rang desquels, les millions de Zeks dont les fantômes errent encore sur les routes des goulags. Et c'est là tout le paradoxe de ce continent. Tout comme la beauté fulgurante des paysages est soudain poignardée par la réalité du gloaque russe, tous ces noms, qui pour les uns résonnent comme autant d'ailleurs générateurs de rêves, ont été le lit des pires cauchemars des autres.

Dans un autre registre, il est à craindre qu'un autre cauchemar se profile. La Sibérie, terre d'exils par excellence, l'est aussi pour l'écologie. Si on peut comprendre que l'âpreté et la rudesse de la vie quotidienne n'en font pas une priorité, il n'en reste pas moins que cette terre sert de poubelle à l'armée et que l'exploitation de son sous-sol riche en gaz, pétrole et minéraux très recherchés remplit les poches des oligarques au mépris de tout.

Sibérie, soit 13 millions de km² que l'auteur nous fait traverser en quatre-vingt douze pages. Grâce à de nombreux instantanés agrémentés de références littéraires triées sur le volet, il réussit à balayer espace et temps qui n'ont plus grand sens sous ces latitudes.

Une petite virée dans l'île Sakhaline ? C'est  ICI  et c'est magnifique ! 

Sibérie      Olivier Rolin      Editions Inculte

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Boris Klevogin 2004

7 juin 2011

Marche ou crève

La_diagonale_du__4dc2b5c2490c6Un homme d'affaires à qui tout réussit ou presque, sa femme l'a quitté et son associé est décédé brutalement, plaque tout du jour au lendemain pour se réfugier dans un gîte isolé sur un plateau ardéchois le long d'une ligne imaginaire au nom ensorcelleur, la Diagonale du vide. Cette ligne fictive s'étend grosso modo des Landes aux Ardennes et détient le record de la plus faible densité humaine au km². Voilà qui ne saurait déplaire à la sauvage que je deviens en vieillissant, et de me dire que je me suis peut-être trompée de destination en venant me perdre au fond du Finistère, mais passons...

"Ne plus bouger. Ne plus partir. Surtout ne plus parler. Trouver au plus vite un endroit retiré. Avec du silence. De la lenteur. Peut-être un brin de tristesse. De préférence dans une région sauvage."

Marc Travenne macère donc dans sa solitude quand surgit une blonde randonneuse qui n'a de cesse de l'intriguer. Pensant saisir une occasion de donner un tournant à sa vie, il décide de partir à sa recherche quelques jours après le départ cette femme mystérieuse. Il la retrouvera et s'embarquera dans un curieux périple, alors que parallèlement une ancienne et brève maîtresse entre à nouveau en contact avec lui et que sa vieille mère, elle aussi solitaire, lui réclame une dernière virée au village de son enfance.

Que dire de ce livre ? J'ai d'abord accusé une légère déception à la rencontre des protagonistes. Pierre Péju nous a habitués à des personnages à la marge, des paumés, des tourmentés, des exclus. Ceux croisés sur la diagonale du vide n'échappent pas à la règle mais, car il y a un mais, ils évoluent dans des milieux bien différents de ceux où l'auteur nous entraîne d'ordinaire. On a ici en toile de fond le monde du business, de la presse, de l'armée et des services secrets, ça pue donc le fric, la facilité, le pouvoir et les magouilles à plein nez.

La route de Marc Travenne dévie donc rapidement des GR français pour emprunter des chemins bien plus scabreux et plonger dans des ambiances de 11 Septembre new-yorkais et de guerre d'Afghanistan, ce qui n'est pas vraiment des randonnées de tout repos, vous vous en doutez, et pas spécialement mes road-movies favoris.

Fidèle à lui-même, Pierre Péju a toujours la grâce et le talent de nous peindre les grands espaces désolés qu'il affectionne tant. Y errent sur des fils fragiles, qui finiront par s'entre-mêler ou rompre, des personnages à la dérive mais envers lesquels j'ai eu du mal à éprouver l'empathie naturelle qui me saisit en général à la lecture des romans de l'auteur.

"Mais là-bas après chaque journée étouffante il y a ce que j'appelle la récompense du soir, ce moment de pure clarté afghane, lorsque les choses semblent posées dans la transparence et comme nimbées par un poudroiement doré, une pluie de particules d'or, poussière ou pollen autour des corps, tandis que les ombres des maisons, des hommes et des bêtes, ombres épaisses et brunes comme du feutre, s'allongent démesurément sur le sol encore brûlant jusqu'à ce que le soleil disparaisse et que le poudroiement ne soit plus qu'une nuée lasse et soudain cendreuse, soulevée par les sabots des bêtes qui ne bougent presque plus dans la nuit qui tombe, ou par les pneus d'un de ces magnifiques camions afghans, qui surgit tout à coup, surchargé, avec des images naïves, souvent drôles, peinturlurées partout sur son capot et ses portières."

J'aurais aimé retrouver davantage de ces envolées lyriques, de celles qui m'ont tant fait aimer "Le rire de l'ogre", mais l'auteur privilégie ici les ressorts d'une intrigue un peu convenue, à la fois facile et tirée par les cheveux, qui résonne plus avec l'actualité et moins avec l'anonymat. Il est beaucoup plus aisé d'être à la marge quand on est un nanti au portefeuille bien rempli, ce qui donne un aspect improbable à ce roman et une rédemption un peu surfaite. Un invisible aimant m'a cependant tirée jusqu'à la dernière ligne malgré la mise à distance de mes émotions.

L'avis de Krol plutôt enthousiaste  LA
Et celui de Bellesahi qui vous en parlait ICI 

La Diagonale du vide      Pierre Péju       Editions Folio

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12 mai 2011

Au bord du vide

9782742796779Une maison au bord d'une falaise qui menace de s'effondrer à tout instant, une mère aux nerfs fragiles et à la main leste, un père souvent absent, un pépé canne à pêche et une mémé gâteaux, un bon copain, un vélo et des zéros à l'école. On a l'impression d'avoir déjà lu ça une centaine de fois, mais quand l'auteur s'appelle Claudie Gallay on s'embarque sans hésitation pour la cent unième.

 D'un côté il y a des saveurs de tartines de pain beurrées couvertes de copeaux de chocolat, des séjours chez les grands-parents comme des petites percées de paradis quand ça tangue trop chez les parents, des courses à vélo dans la campagne ou la joie d'un voyage à la mer, de l'autre le sentiment de ne pas compter, que la vie peut ressembler à un château de sable, le corps qui parle quand les mots manquent... Bref, une histoire simple aux effluves de parfums d'enfance mêlés, les plus doux comme les plus amers.

"Je prends une feuille dans le tas et je fais un dessin. Quand j'ai fini, je lui montre.
- C'est une montagne ? il demande.
- C'est là-bas que je veux aller quand je serai grand, quand j'en aurai fini avec ici.
Il pose le dessin bien à plat sur le bureau et il le regarde attentivement. Il secoue un peu la tête.
- Dans ton dessin, il n'y a personne, pas de maisons, pas de routes. Où habitent les gens ?
- Il n'y en a pas, je dis. C'est que du silence.
Le silence, c'est quelque chose de grand, de rond, on peut s'enfoncer. Je lui montre avec mes mains. Je n'ai pas besoin de mots. Il comprend. Il note dans son cahier.
- C'est tout pour aujourd'hui, il dit, on a bien travaillé." 

Laissez-vous toucher par ce petit héros pris dans les bourrasques des adultes et qui, tel un funambule, se balade sur la corde raide des émotions et tente tant bien que mal de conserver son équilibre tandis qu'autour de lui le monde s'écroule.
Entre nostalgie et mélancolie, ce livre résonnera chez ceux qui ont encore un peu mal à leur enfance mais qui gardent au fond d'eux quelques instants magiques qui leur ont donné la force de grandir.

Les années cerises      Claudie  Gallay     Editions Babel Actes Sud

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8 mai 2011

Mea culpa

4141iconfessionsJ'ai tardé à rendre ma copie car j'ai voulu relire les cinq nouvelles qui composent cet opus, la première lecture n'ayant pas été des plus convaincantes. Hélas, je suis au regret de constater que la seconde ne l'a pas été davantage.

A l'instar de la photo de couverture, cinq hommes seuls tentent de briser la paroie de verre qui les sépare de leurs semblables, enfermés qu'ils sont dans la banalité et la monotonie de leur vie.

"Il se sentait seul sans être malheureux ; en fait, seul sans être heureux. C'était un mélange contrasté de confort et d'inconfort."

Loin de nous plonger dans les affres tourmentées ou  les illuminations géniales que génère la solitude, l'auteur opte pour une analyse plutôt froide et détaillée des états d'âmes d'hommes ordinaires qui peinent à trouver le chemin qui mène aux autres. L'écriture est parfois d'une précision quasi clinique qui laisse peu de place à la fantaisie. Les personnages ruminent leur piètre condition d'hommes seuls, sans pour autant ni en souffrir réellement ni en jouir. A moins d'aborder le sujet sous l'angle de l'absurde, petit clin d'oeil à Camus, je suis complètement passée à côté de ce livre.  J'ai regretté l'absence d'émotion et de sentiments qui m'ont rendu les personnages ennuyeux voire antipathiques, et j'ai attendu à chaque fois en vain une chute qui, en un subtil retournement, m'aurait fait changer d'avis.

Bref, un livre bien écrit mais d'une écriture trop sage, trop polie, qui, à mon goût, manque cruellement d'une poésie ou d'une révolte dont la solitude n'est pourtant pas avare. J'espère ne pas être cynique en disant qu'on n'a pas très envie de fréquenter ces personnages et que, finalement, leur isolement n'est peut-être pas le fruit du hasard...

Désolée pour ce premier partenariat en forme de flop avec Les Agents Littéraires.

Confessions solitaires     Andrea Della Vecchia      Editions Publibook   

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30 mars 2011

Passe à ton voisin

9782749115788Pour rien au monde je ne souhaiterais ré-habiter dans un immeuble, mais lorsqu'il s'agit d'y déambuler via la littérature, je n'ai rien contre, bien au contraire. D'autant plus que les murs de celui-ci sont joliment décorés...
Patrick Cauvin nous fait cavaler dans les couloirs, grimper et redescendre, frapper aux portes des uns et des autres pour nous introduire chez des voisins imaginaires inspirés par les personnages des toiles d'un ami peintre.

C'est fou ce qu'on loge de monde dans un immeuble ! Soixante très courts portraits pour soixante petites tranches de vie entassées les unes sur les autres dans les hauts du XVIIIe arrondissement. Du petit notable au commerçant, du sauvage taciturne à l'expansif bruyant, provinciaux exilés, émigrés ou vieux parigots, petits vieux retraités ou jeunes actifs, chacun à ses marottes ou ses manies, son heure de gloire ou de drame, ses secrets, mais tous sont uniques. Il n'y avait qu'un écrivain pour imaginer que toutes ces vies pourraient être des romans. Patrick Cauvin réussit à glisser une touche d'originalité dans la banalité de ces vies calfeutrées derrière leurs portes.

Jouons à toc toc toc et entrons chez :

 M. et Mme Perdurier qui vivent dans un 80 m² dont seuls quatorze mètres sont dévolus à leur habitat, le reste étant transformé en jardin potager... "M. Perdurier dit souvent que s'ils avaient habité dans un arrondissement plus méridional de la capitale, le 14e ou le 15e, il aurait tenté l'ananas, mais cela reste un rêve pieux.". Madeleine, la fleuriste qui lutte contre la concurrence du haut de son balcon . M. et Mme Dugoin, marionnettistes pour adultes au Théâtre de la lune sanglante. La famille Békélé qui joue des percus "à la parisienne", c'est à dire en sourdine pour ne pas indisposer les voisins qui pensaient être plus tranquilles quand la fille de la famille se mit au violon.  Elisa Boudin, la danseuse qui délaisse le palais Garnier car "elle estimait aussi que le tutu coupait sa silhouette et lui conférait l'apparence d'un abat-jour" et qu'elle est bien assez douée pour les boîtes de strip-tease de Pigalle. M. Delardieu, passionné de westerns (je vous laisse découvrir ce qui se cache chez lui) et qui fête chaque année la victoire de Sitting Bull sur le général Custer . Fanny la Récup "elle fait partie de la génération 68 tendance fromage de chèvre." . Et bien d'autres encore comme ce dernier chez qui je passerais volontiers mon temps si j'habitais moi-même cet immeuble, M. Bronsky, ancien libraire, qui nous bat toutes et tous avec ses trente mille volumes entassés dans trois pièces et dont le chat, Bébert, joue les équilibristes au sommet des piles de livres, mais pas n'importe lesquelles...  

Voilà un livre parfait pour les périodes d'errances littéraires, quand rien ne vous tente ou que votre esprit à du mal à se fixer sur la moindre fiction. On picore ces portraits tendres et drôles au hasard et à son rythme sans se soucier du début ou de la fin.

Un mot sur les dessins qui les illustrent. Ils sont l'oeuvre de Jordi Viusà, un original qui délaissa le métier de libraire pour se consacrer à la peinture. Sombres ou colorés, le coup de pinceau naïf, parfois destructuré, leur confère  une poésie à l'image de ces deux hommes qui se sont embarqués pour une dernière aventure. Patrick Cauvin est décédé en Août 2010 en nous laissant ce joli kaléidoscope en guise de testament. 

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Un des chats de l'immeuble

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Madeleine la fleuriste

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La famille Békélé

Un joli cadeau pour les amateurs du genre. Merci à celles qui me l'ont offert !

L'Immeuble      Patrick Cauvin      Editions Cherche Midi

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23 janvier 2011

Une petite vie sur la terre

9782755606898Suzanne n'a pas choisi sa vie, c'est la vie qui décide pour elle.
Très vite, elle devient une enfant hypermature par la force des choses afin de s'accomoder des brusques séparations et de l'insécurité permanente que fait régner une mère imprévisible.
Rien d'étonnant qu'une fois devenue adulte elle se trouve un mari tout puissant, sûr de lui, séducteur, forcément rassurant, imbu de sa personne mais qui lui fait l'honneur de la choisir, de la désirer, elle. Lui aussi décidera de tout, elle laissera faire, vivra dans son ombre.

La boucle est bouclée. Suzanne s'est jetée dans la gueule du loup comme avant elle était livrée, impuissante, à sa mère. Se soumettre plutôt que d'être abandonnée, c'est là son problème.

"Tu as toujours été du côté des victimes qui se taisent. Qui ne bronchent pas. Qui subissent sans sourciller. Tu as toujours cru que la soumission te permettrait d'accéder à une existence plus correcte. Sans trop de complication. Relativement tolérable."

Enfant non désirée, bonne petite-fille, soeur protectrice, épouse soumise, mère aimante, elle n'a jamais vécu pour elle. Suzanne est morte comme elle a vécu, elle est partie sur la pointe des pieds sans faire de bruit. Tout juste si elle ne s'excuserait pas pour le dérangement...

Sans larmoiements inutiles, un bel hommage rendu par une fille à sa mère pour nous conter la douleur de passer à côté de soi-même. Le tendre portrait d'une femme ordinaire pour une vie qui, au final, est loin de l'être.

Et un titre qui pourrait presque donner un sens à la mort...

Merci à   logobob01 

Les avis de SYLIRE  et de  GRIOTTE

Un jardin sur le ventre     Fabienne Berthaud     Editions  JBz & Cie 

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30 décembre 2010

Conte de fé...lins


Duo des chats   Rossini

693081_5551682"Imaginons dans le ravissant boudoir où se déroule la première page de notre histoire un obsevateur invisible et discret. Il se glisserait derrière notre jeune héroïne, vêtue, avec le plus grand soin et le goût le plus raffiné, d'une robe à volants aux couleurs de ciel d'hiver sur un lac crépusculaire. Il regarderait par dessus ses épaules enveloppées d'un châle des Indes à longues franches rouge sang. Et il lirait cette triste phrase : - Je reviens de la mort. J'ai survécu à la pire des épreuves."

Retour en arrière.
Minette s'ennuie chez Madame Léon, dans le grenier de la rue Monsieur Leprince. Faut dire que mâme Léon (une dinde) est une maîtresse du genre excentrique qui batifole de par le monde à la recherche de la fortune et de l'amour en oubliant de nourrir les matous. Un soir, lasse de la misère et de sa mère qui perd la boule, la naïve Minette fausse compagnie à sa famille et s'aventure sur les toîts de Paris prête à découvrir le monde.

"Et voici que du firmament descend, dans une nuée dorée de poussière lumineuse, une étoile parée d'émeraudes, de saphirs et d'améthystes, dans un flot d'organdi bleu.
- Console-toi avec nous, dit-elle.
- Qui êtes-vous ? demande Minette.
- Nous sommes les belles du ciel, répond une deuxième étoile qui descend à son tour, dans un nuage de soie écarlate où brillent des rubis et des perles.
- Je vous vois mal, proteste Minette, éblouie.
- Approche-toi donc, conseille une troisième étoile, enveloppée de satin d'ivoire, parsemé d'oeils-de-chat, de topazes et de paillettes d'or.
- La nuit nous a parées de ses plus beaux bijoux pour éclairer son grand manteau noir"

Le chat-diable et l'ange-chat ont beau la tenter ou la mettre en garde, c'est un nuage qui lui révélera son destin, en la personne du beau Brisquet, un matou dandy, séducteur et poète à ses heures.

"Entre deux cheminées, Minette voit apparaître un poète romantique... elle sent confusément que ce chat ravissant est un rêveur, avec lavallière, grand chapeau noir à larges bords, veste de velours. La bohême et la beauté. Minette frissonne."

Brisquet va l'introduire dans le beau monde, celui de Lady Baby-Diamond la snobinarde ambassadrice (chienne) anglaise qui décide de faire de la pauvre Minette une star. Mais la gloire est éphémère, l'amour volage, le monde de la nuit cruel et même les chats ont des chagrins d'amour...
Minette saura-t-elle survivre dans ce microcosme hypocrite et superficiel ? Heureusement Monsieur de Balzac (le vrai) et Victor (lapin), fidèle serviteur de l'ambassade, veillent.

Vous l'aurez compris, ce texte est un merveilleux voyage dans l'univers de nos amis les bêtes, doublé d'une fable fantastique et colorée, qui n'égratigne ni les don juan ni la faune nocturne toujours à l'affût d'un quelconque happening pour tromper son ennui.

Le truculent Alfredo Arias a trempé sa plume dans un arc en ciel afin d'en faire jaillir un feu d'artifice d'images plus sensuelles les unes que les autres.
Il nous donne envie de cavaler sur les toîts, de se rouler dans les froufrous de riches et douces étoffes et de ronronner sur les sofas. Et dire que nous en connaissons tous qui ne s'en privent pas pendant que nous allons gagner de quoi les sustenter au retour de leurs noubas vespérales !...

Librement inspiré de la nouvelle d'Honoré de Balzac, ce livre est sorti à l'occasion du spectacle mis en scène en 1999 par Alfredo Arias. Pour ne pas frustrer davantage ceux qui l'ont raté, Ruben Alterio, que je vous avez déjà présenté ICI , agrémente le texte de ses aquarelles toujours aussi magiques.

 

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 Peines de coeur d'une chatte française
Alfredo Arias & René de Ceccatly    Illustré par  Ruben Alterio    Editions Seuil

 

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26 décembre 2010

Une valise peu diplomatique

9782842631925Enfant solitaire et rêveur, adepte de la méditation tapissière - entendez par là un goût prononcé pour se perdre dans la contemplation des motifs des papiers peints - le narrateur passe aussi de longues heures à voyager dans l'atlas offert par l'oncle Bertrand, rêveries sans doute à l'origine de sa vocation professionnelle.

Réussissant de justesse le concours du Quai d'Orsay, le voilà jeune homme embrassant une carrière diplomatique pleine de promesses et de grands espaces. C'est sans compter sur le cadeau empoisonné offert par sa môman pour fêter la réussite du fiston... Un attaché-case qui va se révéler, pour le coup, bien peu diplomatique et entraîner son malchanceux possesseur vers un placard de la diplomatie française, à savoir le bureau des pays en voie de création, vulgairement nommé le front russe, et dirigé par l'excentrique Boutinot.

L'aventure sera-t-elle au rendez-vous ? Je vous laisse le découvrir par vous-mêmes...

"Il me raconta aussi qu'ils avaient pris l'habitude, lui et sa femme, de partir chaque année dans un pays victime d'une catastrophe.
- Cela permet de bénéficier de prix très bas, précisa-t-il. Nous avons fait New York en 2001, Bali en 2002 et Madrid après les attentats de la gare d'Attocha. Sans oublier la Thaïlande, en 2006, juste après le tsunami.
Je n'osais rien répondre. J'imaginais l'album des photos de vacances de mon interlocuteur."

Un ton résolument drôle et léger pour nous narrer les tribulations d'un petit fonctionnaire entre missions loufoques, marasme amoureux et souvenirs d'enfance venant ponctuer son présent. L'épisode d'échanges de mails à propos d'un pigeon est hilarant et nous renvoie à quelque absurdité administrative, hélas, rencontrée par tout un chacun.

Un très bon moment pour accompagner ces fêtes.

Le Front Russe     Jean-Claude Lalumière     Editions  Le Dilettante

 

 

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25 décembre 2010

Deux en un (Challenge Chocolat 1 & 6)

9782290313206Par un jour de Mardi Gras Vianne Rocher arrive à Lansquenet, accompagnée de sa fille, Anouk six ans, afin de reprendre une vieille boulangerie. A la surprise générale des habitants de cet austère village, qui vit sous la férule d'un curé intégriste, elle ouvre une chocolaterie "La Céleste Praline".
Bien vite, Vianne va séduire tout ce petit monde et faire souffler un vent de plaisir dans les vies grises des uns et des autres, au désespoir du grand névrosé qu'est le Père Reynaud.
Et puis vint la rencontre avec le mystérieux Roux, étranger lui aussi, qui vit à Lansquenet sur la rivière avec les gitans.

Grâce à la magie de Vianne, et de ses chocolats, la population s'ouvre peu à peu, se livre, se laisse traverser par un sentiment d'humanité qui n'a rien à envier aux préceptes dominicaux du curé. Jusqu'au jour du scandale suprême, Le Festival du Chocolat, organisé par Vianne en plein Carême, qui va déclencher les hostilités...

Voilà un bref résumé de ce roman lu il y a bien longtemps mais qui me laisse encore parfum et goût uniques dans la mémoire, effluves et saveurs sucrées comme les rochers, les pralines, les palets, les truffes dont l'auteur parsèment ses pages.

"Le lieu est littéralement transformé; il flotte dans l'air des senteurs entêtantes de gingembre et d'épices. Je me suis efforcé de ne pas regarder les étagères de friandises : des boîtes, des rubans, des noeuds dans des teintes pastel, des monticules de dragées couleur or et argent, des violettes en sucre et des feuilles de rosier en chocolat. Cette boutique tient nettement du boudoir, avec son atmosphère intime, son parfum de rose et de vanille."

La suite dans Le Rocher de Montmartre.
Cerise sur le gâteau, on retrouvera Vianne, Anouk et Roux. Un troisième opus de cette saga chocolatée est en préparation ! Patience donc...

Chocolat     Joanne Harris    Editions J'ai lu

Etmercipourlechoc Celui là me laisse plutôt un goût amer. Pourtant, au regard de la couverture, on serait en droit de s'attendre à quelque chose de sympathique...
Mais non, pas du tout apprécié cette histoire d'intrusion dans la grande bourgeoisie californienne des années 50 et le milieu de l'art.

Rythme, construction, écriture, intrigue, personnages, rien n'a su m'accrocher. Bon, le livre date un peu, 1948, peut-être une raison ; ma lecture aussi, bien avant l'adaptation cinématographique de Chabrol, film que je n'ai pas aimé non plus.
Voilà.

Et merci pour le chocolat     Charlotte Armstrong     Editions La Chouette

chocolat_chaud_003   

15 décembre 2010

Lecture d'un nouveau genre

img_homeLe livre commence par l'arrestation de Claire sur son lieu de travail sous le regard jouissif de Marie, sa supérieure hiérarchique. Tout ça se passe dans une boîte de marketing et de com bourrée de wonderwomen prêtent à tout pour monter en grade. Beurk, tout ce que j'aime !!!
Au fil des chapitres, nous faisons connaissance de façon plus intime avec les deux protagonistes. L'une est mère de famille et s'ennuie dans son couple, l'autre est célibataire et a un passé pas très net.

Là, j'ai failli arrêter ma lecture pensant m'être fourvoyée dans un de ces romans chick lit qui ne sont pas du tout la tasse de thé de la vieille que je suis. Mais grâce à la personnalité trouble de Claire, dont le passé se dessine peu à peu au fil des pages, j'ai poursuivi. La suite s'emballe un peu dans quelques rebondissements imprévus. Au final, cette histoire d'usurpation d'identité, qui demanderait à être plus étoffée, n'est pas mal ficelée.

Certes, au regard de mon attirance pour les marginaux un poil amoraux, Claire m'a été d'emblée sympathique. Assez aisé face à cette Marie, caricature de la femme s'ennuyant tellement dans son bonheur qu'il faut bien qu'elle y jette une poignée d'emmerdes qui, forcément, lui reviendront dans la figure. La fin, un peu facile, n'est pas celle à laquelle je m'attendais.

Bref, un roman, ou plutôt une longue nouvelle, qui servirait à merveille de trame à un bon gros polar, voire à une adaptation cinématographique. L'auteur sait se glisser à merveille dans certains esprits féminins, aucun doute là dessus, et il nous livre là un bon portrait d'une femme borderline. Le format particulier du livre explique peut-être celui du style un peu synthétique de cette histoire.

Livre d'un nouveau genre puisqu'intégralement lu sur mon écran. Ce fut laborieux, je l'avoue. Heureusement, à la fin de certains chapitres, sont intercalées de petites vidéos où l'auteur nous parle de ses personnages, ça repose les yeux !

Si ça vous tente, rendez-vous ICI. L'auteur y explique les raisons de son choix éditorial.
Vous y laissez la somme de votre choix, ce qui vous donne le droit de télécharger le livre.

J'ai tenté cette sympathique aventure mais, comme je l'écrivais à l'auteur, y'a rien à faire... le bruit des pages me manque !

La voleuse de vies     Gaël Chatelain     Editions  Euh... lui-même

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5 décembre 2010

La vieille aux mots dormants

la_vieille_342x509Quelque part au fond du Poitou en un temps figé du début des années 60, trois personnages vont tenter de sortir de leur solitude et de s'ouvrir aux autres pour l'amour des mots.

"On communia. Corps du Christ, amen. La vieille se surprit à penser, comme jeune fille elle faisait, liant en écholalies les mots, cyclamen, quand l'archiprêtre lui déposa sur la langue telle une fleur blanche qui lui serait poussée dans les entrailles, dans le creux de la faim, petite fleur dense, riche de paroles, éclose sur ses lèvres en motet Renaissance, comme, au printemps, donne à siffloter la tige de folle-avoine, mâchonnée dans les prairies."

Une vieille originale - qui préfère encore la lampe à pétrole à l'électricité, la messe en latin et soliloque, malgré elle, dans son jardin sous son buisson de roses - recueille un chien errant avec lequel s'impose un drôle de dialogue. L'animal servira de trait d'union avec un vieux marquis loufoque, philologue et linguiste vivant, parmi ses livres, dans un manoir délabré, et qui roule encore en Juvaquatre, modèle 1939, laquelle automobile le conduira sur les routes pour récupérer le chien qui, soit disant, lui appartiendrait.

"Vaisselle dans l'évier. Café, celui du matin, réchauffé au bain-marie. Puis cette espèce de vide qui suit le ventre plein. Somnolence. Il y a, pour ça, contre un mur de la bibliothèque, une méridienne, qui mérite bien son nom. Olivier de Cruid aime à trouver à tout de la signification; et, comme son stoïcisme aristocratique est tempéré d'épicurisme, il n'irait pas gâcher ce moment de langueur en épluchant un courrier cause, fréquemment, de soucis."

 Voilà prétexte à un délicieux voyage au coeur de la langue et du temps. Dans un style rare de nos jours, entre simplicité et préciosité, les mots chantent au fur et à mesure qu'ils défilent sous nos yeux. Ils nous parlent d'un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, s'amusent d'associations dans les esprits farfelus des personnages et nous laissent sur la langue un petit goût de nostalgie de ce qui a été et ne sera plus.

Des mots plein la bouche entre roman de la chair et du verbe et conte tellurique, entrailles mêlées des hommes et de la terre. Un exercice de style anti-moderniste qui nous entraîne sur des sentiers littéraires où l'on n'y croise plus grand monde. Une dernière promenade, pour les protagonistes et les lecteurs, comme pour conjurer le mauvais sort de l'immédiateté et de la mort.

"On sent bien que ces mots lisses n'ont pas le grand âge ni l'usure des nôtres: ni biscornus, ni fêlés, ni rabougris. Ce sont des mots dans leur première fleur, un composé de blancheur et d'innocence. Quand on les a sur la langue, on a l'impression de sucer un lait tiède qu'on laisserait doucement couler: une libation de paroles."

Une magnifique découverte faite dans La Ruelle Bleue  et que je remercie ! 

La vieille au buisson de roses     Lionel-Edouard Martin     Editions Le Vampire Actif

 

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(photo Lilizen)

 

29 novembre 2010

La femme chocolat (Challenge Chocolat 5)

9782070418992Apolline, 170 cm pour 130 kg, a connu dès l'enfance les affres de l'embonpoint.
Elle grandit entre un père trop tôt disparu, une mère tyrannique, un poil perverse, et un jeune frère rebelle qui prendra bien vite la poudre d'escampette. Restée seule avec sa mère, elle passe l'agrégation de philo avec succès, traverse les années 70 et prend à son tour son envol. Elle quitte maman pour un petit pavillon en banlieue et devient prof dans un lycée.

A 47 ans, Apolline partage sa vie entre son boulot - elle est adorée par ses élèves -, sa passion pour le cinéma, Fellini bien sûr, un amant de passage et les visites hebdomadaires à sa mère qui continue perfidement à entretenir la gourmandise de sa fille sans oublier de la morigéner au passage.

"Donc Apolline reste, et dîne d'un énorme plat de tagliatelles au chocolat noir que sa mère a confectionné devant elle sur la paillasse de la cuisine, tout en poursuivant la conversation.
- Je n'arrive pas à les faire aussi bien que toi, dit Apolline, assise à la table et la tête appuyée sur une main, comme en contemplation.
- C'est pourtant tellement facile, ma pauvre fille : 500 grammes de farine, 5 oeufs, du sel, un peu d'eau, un peu de cannelle, 250 grammes de chocolat fondu, tu mélanges tout ça, tu laisses reposer une bonne heure, tu étales, tu découpes tes tagliatelles, tu les laisses sécher au moins une demi-heure, tu les plonges deux minutes dans l'eau bouillante et c'est prêt."

Une mystérieuse soirée, donnée en son honneur par un ami, va voir la vie d'Apolline prendre un nouvel élan.

Rhaaa.. le chocolat (qu'elle range dans sa pharmacie !) et ses vertus antidépressives et aphrodisiaques ! 

Emaillé de clins d'oeil cinématographiques, de petites réflexions philosophiques et de références aux idéologies des années traversées, nous suivons le parcours d'une femme peu ordinaire qui cache derrière sa bonhomie et ses rondeurs bien des secrets et des souffrances.

"Dès lors que vous assumez un physique hors du commun, ce qui me semble être votre cas, ce physique qui vous fait quitter le terrain de la banalité braque sur vous les yeux qui vous entourent, et parmi ces yeux il y en a forcément qui ne peuvent se détacher de vous. La beauté, la laideur, la grosseur, la maigreur, tout cela n'a aucune importance. La malédiction, c'est d'être banal, c'est de ne posséder rien qui fasse rêver quelqu'un d'autre."

 Je n'ai pas encore testé la recette des tagliatelles, si quelqu'un se lance qu'il en donne des nouvelles !

Le chocolat d'Apolline     Michel Cyprien     Editions Folio

 

femmechoc

 

 

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