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Le Souk de Moustafette
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10 juillet 2011

La nostalgie camarade...

arton133-af30fQuoi de mieux qu'un long voyage en train pour voir défiler le film de sa jeunesse sur l'écran des paysages qui s'étendent entre Moscou et Novossibirsk  où Mathias accompagne le corps de son ami Vladimir afin de l'enterrer dans sa vie natale.

Un long tête à tête pour Mathias qui revient sur son amour pour Jeanne. Jeanne, rencontrée à Paris à dix-huit ans et qui l'a quitté pour faire un doctorat à Moscou. Jeanne qui lui a présenté Vladimir. Jeanne qui l'appelle à nouveau quand Vladimir s'en est allé.

Emouvante réminiscence d'un temps révolu émaillé d'agapes alcoolisées, de périples au cours desquels Vladimir, tel un prince déchu, a transmis l'amour de sa terre aux deux français, entre balades historiques et pauses littéraires qu'inévitablement génère ce pays. Car Mathias se rêvait écrivain "(...) et de retrouver une liberté qu'en réalité je n'avais jamais connue, à part dans les livres, dans les livres qui sont bien plus dangeureux pour un adolescent que les armes, puisqu'ils avaient creusé en moi des désirs impossibles à combler, Kerouac, Cendrars ou Conrad me donnaient envie d'un infini départ, d'amitiés à la vie à la mort au fil de la route et de substances interdites pour y amener, pour partager ces instants extraordinaires sur le chemin, pour brûler dans le monde, nous n'avions plus de révolution, il nous restait l'illusion du voyage, de l'écriture et de la drogue."

C'est encore un livre, En Russie d'Olivier Rolin, qui poussera Mathias à rejoindre Jeanne à Moscou où il restera un an en sa compagnie et celle de Vladimir, s'embarquant dans une amitié trouble et fascinante, une sorte de Jules et Jim aux saveurs d'opium, d'héroïne et de vodka où chacun va se perdre dans l'illusion et la passion inaboutie.

Est-ce pour rattraper le temps perdu ou pour épuiser celui qu'il lui reste que Mathias entreprend ce dernier voyage ? Toujours est-il qu'il s'impose là l'épreuve du manque, de la perte et de la solitude, seul face au miroir des grandes étendues qui lui renvoie l'image de sa finitude.

" Nous rêvions d'une tout autre mort, nous qui n'avons connu ni la révolution, ni la guerre, nous rêvions d'un sacrifice, d'une noblesse, d'un courage et peut-être as-tu eu cette noblesse et ce courage, comme Tarass Boulba qui s'enquiert en mourant du sort de ses cosaques, tu as eu une pensée pour moi, pour Jeanne, pour le monde, pour l'infini tournoiement du monde, pour l'oubli qui ronge tous les noms et toutes les pages, et tu es parti vers le néant." 

Voilà bien longtemps qu'un livre ne m'avait bouleversée à ce point. J'avoue qu'il porte bien son titre et que l'auteur sait rendre à merveille la difficulté à faire le deuil des engouements adolescents, des illusions inaccessibles qu'il faut abandonner. Certains ne s'en remettent pas, préfèrent perdurer dans le paradis artificiel qu'est la jeunesse tant le quitter est douloureux et choisissent un ailleurs toxique mais consolateur pour panser leurs blessures. Certains, même, préfèrent ne jamais devenir vieux.

"On ne berce pas les enfants grandis." Alors on grimpe dans un wagon qui roule vers une fin du monde et on se laisse bercer bien malgré soi par le staccato du train et des souvenirs mêlés, pensant sans doute que le froid sibérien, à défaut de les anesthésier, les figera à jamais dans la grandeur de leur jeunesse.

Un texte magnifique qui a laissé SYLIRE plutôt déprimée.

L'alcool et la nostalgie      Mathias Enard      Editions Inculte

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Commentaires
M
@Sidonie, merci et je comprends que tu n'aies pas envie de plonger dans cette histoire assez triste. Bon week-end à toi.
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S
Ta présentation est tentante. Très beau billet! Mais si ce roman a déprimé Sylire... je passe...<br /> Bonne journée
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M
@Sylire, cependant la fin reste ouverte heureusement ! (il m'a particulièrement touchée pour des raisons personnelles)<br /> @Taka, forcément quand on a la tête dans les géraniums et qu'on roule en limousine, ça serait dommage de se casser le moral !
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T
en ce moment,j'ai pas du tout envie de lire des livres avec des messages 'serieux",tristes ,etc ..Ni trop philiosophqie..en fiat,j'iao pas envie de reflechir quoi
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S
C'est un bon roman, sans nul mais comme tu le soulignes, je l'ai refermé assez déprimée, par la fin principalement. J'aurais aimé un peu plus d'espoir...
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