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Le Souk de Moustafette
Le Souk de Moustafette
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15 août 2007

Pour les nuls,

9782070339211Petite leçon de poésie !
Une lecture en entraînant une autre et le hasard s'en mêlant, je me suis retrouvée à lire un roman qui tombe à pic.
Après la lègére déconvenue suite à la lecture de La Dame N°13, je m'interrogeais sur le pourquoi de mon peu d'appétence au genre poétique (à quelques exceptions près).
Je ne pense pas que les quelques lignes ci-dessous vont y changer grand chose, car lorsque l'on parle de poésie, on parle avant tout de sensibilité, mais j'ai trouvé intéressant ce petit rappel purement théorique.

Extrait :

Klein mordit dans une tranche de pain et continua :
- Comprendre un poème suppose un effort d'interprétation que les spécialistes désignent sous le nom d'herméneutique. Un bon poème est celui qui permet au lecteur, au fur et à mesure qu'il pénètre plus profondément dans le texte, d'en découvrir les significations cachées, de les déchiffrer et de les tisser ensemble. Cela implique, de la part de l'auteur, la mise en oeuvre d'un certain nombre de procédés fondamentaux qui ne sont pas propres à la littérature, mais appartiennent à toutes les formes d'art. Le premier est la symbolisation, autrement dit, l'utilisation d'une idée ou d'une image qui en recoupe une autre, lui est contiguë ou l'englobe. Vous prendrez un café ? (...)

Le second procédé est la condensation : toute oeuvre d'art renferme plusieurs idées, plusieurs expériences universelles qu'elle subsume sous une seule vision. Naturellement, symbolisation et condensation sont deux phénomènes étroitement liés. (...)

Le troisième procédé est le déplacement, le transfert de la charge émotive d'une image sur une autre. Par là, l'artiste accède à l'universel. (...)

Comme vous le voyez, ces trois procédés sont présents dans toute métaphore. L'art consiste à les entrelacer et à trouver entre eux le juste équilibre. Une métaphore, un symbole ne doivent pas être trop éloignés de l'objet qu'ils sont censés représenter. (...)
Toutefois, une métaphore doit être originale, inattendue ; elle doit aussi nous inciter à considérer sous un nouveau jour les choses qui nous sont familières. Après tout, les thèmes abordés par les artistes sont toujours les mêmes. Vous êtes-vous déjà demandé de quoi traite une oeuvre d'art ? De l'amour, de la mort, du sens de la vie, du combat de l'homme contre son destin, contre la société, de ses rapports avec la nature, avec Dieu.(...) La force de l'art réside dans sa capacité à exprimer, chaque fois de manière différente, les préoccupations communes à toute l'humanité. Ce que je vous disais du symbole et de la métaphore vaut aussi pour les analogies, la structure morphologique, la syntaxe, les rimes, le rythme, bref pour tout ce qui entre dans la composition d'un poème. Avoir du talent en poésie, c'est atteindre cet équilibre si rare entre le particulier et l'universel, le caché et le manifeste, le symbole et l'objet symbolique.

Comme quoi on peut se cultiver en lisant des polars !
Cet intermède pédagogique, qui je l'espère n'a pas été trop rébarbatif, a rafraîchi ma mémoire de bachelière littéraire, une piqûre de rappel ne fait pas de mal.
Je ne peux pas m'empêcher de faire le lien avec l'utilisation de la métaphore en thérapie, domaine où je suis, du moins je l'espère pour mes patients, plus calée qu'en poésie.
Et je crois que c'est ça qui m'énerve dans le fait d'être un peu hermétique à Shakespeare, Racine et autres pointures classiques, c'est que les plus célèbres théoriciens de la psychanalyse y ont beaucoup puisé de leur savoir. Mais bon, je vais pas faire un caca nerveux, j'aime pas, j'aime pas, na !

Ce cours vous a été offert par Batya Gour, sorte de P.D. James israélienne, et est extrait de "Meurtre à l'université" (Editions Folio)

Cette auteur est décédée en 2005, et les éditions Gallimard ont ENFIN décidé d'éditer en poche les enquêtes du commissaire Michaël Ohayon.
J'aime particulièrement ses romans car ils nous permettent d'aborder Israël sous un autre angle que celui récurrent du conflit israélo-palestinien ou religieux. Les intrigues se situent à chaque fois dans un milieu différent et se centrent sur un thème particulier. On retrouve aussi avec plaisir Michaël Ohayon, flic divorcé, cultivé, fumeur, mais ni alcoolique, ni trop désabusé, ni dépressif chronique (oui, oui, il y en a !).

 

Dans l'ordre de parution :

* Le meurtre du samedi matin (un crime psychanalytique)
* Meurtre à l'université (voir ci-dessus)
* Meurtre au kibboutz (passionnant huis-clos)
* Meurtre sur la route de Bethléem (sur fond d'Intifada)
* Meurtre au Philharmonique (dans ma pal)
* Meurtre en direct (dans le milieu des médias, pas encore en poche)

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13 août 2007

Damned Swap !

9782742766574Amateurs de poésie, ce livre vous ravira. Mais ne vous méprenez pas, point de "Mignonne allons voir si la rose". Ici ce serait plutôt "Vilaine, couchons-nous sur les ronces", et encore, je suis gentille. Plus question d'aller taquiner les muses !

Rulfo, poète maudit madrilène, a du mal à se remettre de la mort tragique de sa compagne survenue deux ans plus tôt. Il fait des cauchemars terrifiants. Et ses journées ne tardent pas à être encore pires que ses nuits, lorsqu'il s'aperçoit que la réalité rattrape sa vie onirique.
Les choses sont loin de s'arranger, lorsqu'il fait la connaissance de l'énigmatique Raquel qui souffre du même symptôme.
"C'est incroyable... On ne se connaît pas, on fait le même rêve depuis deux semaines, on a constaté que la maison existait et on est venus la même nuit, en même temps... Putain !... -Il se mit à rire tout bas. Elle approuva en silence. Soudain, le rire de Rulfo cessa. Il affronta de nouveau la beauté inépuisable de la fille. J'ai peur."

Et il a raison, car il s'en est passé des choses macabres dans cette maison. La découverte d'une figurine, d'une lettre et d'une photo va lancer ce duo plutôt mal en point sur la trace des Treize Dames. Aidé d'un médecin et d'un ami professeur spécialiste de poésie, Rulfo va découvrir que la beauté des vers peut s'avérer une arme destructrice.

"Rappelez-vous que Dieu est le "Verbe", et crée le monde avec la parole... Et "poésie" vient de poiêsie, qui signifie en grec "création". Tout cela ne pourrait-il pas être de vagues métaphores qui tournent autour du pouvoir occulte du langage et de sa transmission secrète par le biais de la poésie...? "

Ce roman démarre comme un thriller tirant un peu sur le fantastique. Je n'ai rien contre une dose d'occultisme, voire de paranormal. Mais là, l'auteur a eu la main trop lourde pour la pauvre cartésienne que je suis. Au fils des pages, le romantisme gothique, les rituels sado-maso et les délires morbides m'ont fait décrocher de ce livre.
J'étais déjà un peu nauséeuse dès le milieu du livre, alors 560 pages... ça m'a semblé bien long. Et après tout ça me direz-vous, La dame n°13 ? Ben, même pas peur !

"Nous travaillons avec la mort chaque fois que nous faisons de la poésie. Nous flirtons avec l'horreur chaque fois que nous parlons... Des paroles et des paroles dites au hasard. Imagine combien: celles d'un fou, celles d'un enfant, celles d'un acteur au théâtre, celles d'un criminel, celle de sa victime... Des paroles formant la réalité... Des sons qui peuvent détruire ou créer. Un tapis de sons où la poésie constitue le plus grans pouvoir..."

C'est bien écrit, l'auteur fait preuve d'une puissance imaginative indéniable, même si un peu glauque à mon goût, et c'est une métaphore originale de la puissance des mots. Moi qui reste de glace face à Virgile, Shakespeare et autres, je pensais me réconcilier avec les classiques, c'est raté. Je me demande même si je ne vais pas me débarasser des quelques recueils de poésie que je possède !

Mais s'il est sûr que je ne lirai pas "Clara et la pénombre", j'ai dans une pile "La caverne des idées" qui, je l'espère, semble être d'une teneur différente.

L'avis enthousiaste de KATELL.
Celui plus nuancé de FLO.

Merci KROUSTIK, pour m'avoir permis de découvrir cet auteur.
Je savais que j'avais à craindre le pire, des délires d'un psychiatre. Je n'ai pas été déçue... A mon avis, il avait dû arrêter de prendre son traitement !

La dame N°13     José Carlos Somoza     Editions Actes Sud

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6 août 2007

Chat va bien ?

9782869597778Que faire hier avec 33° au thermomètre, si ce n'est s'écrouler sur une chaise longue sous l'ombre fraîche du tilleuil, un verre de thé glacé dans une main et un livre dans l'autre. Même pas un souffle de vent pour tourner les pages. Rien pu faire d'autre, et ce petit livre y est passé dans l'après-midi.

La mère Herbe offre un petit chaton à Olga Bredaine, professeur en retraite venue s'installer à la campagne.
Peu ravie de devoir s'occuper de cette boule de poils même pas sevrée et qui plus est se prénomme Soizic, nom attribué d'office par la mère Herbe, Mme Bredaine va se laisser séduire par la bestiole.
Mais la mère Herbe, au regard de son patronyme, ne serait-elle pas un peu sorcière ? Car il s'avère qu'un jour Soizic se met à parler. D'abord surprise, Mme Bredaine accepte ce fait exceptionnel et ne tarde pas à rentrer dans le jeu de la minette.

Un conte qui prouve que l'auteur est une observatrice hors pair de la gente féline.

"Soizic s'installe devant le feu, dispose somptueusement sa queue autour d'elle comme une dame d'antan son boa. S'étire. Queue sur l'oeil, devient pirate borgne."

Mais aussi de la nature. Une occasion toute poétique de nous faire partager les petits bonheurs de la campagne.

"Par mimétisme avec le courrier, le potager qui jouxte le bureau a l'air d'une page d'écriture : le A du portillon, les O des choux, les I des poireaux, le E et le T de l'échelle et du râteau appuyés contre le mur, le U du sac de jute accroché à un clou, le K de l'arrosoir, le Y du cerisier, le Q du chat assis entre les salades, le H de la balançoire, le X de l'épouvantail crucifié sur une croix de Saint-André."

Ce court récit énervera ceux qui dénoncent le gâtisme de certains face à leur animal de compagnie. Les amoureux des chats, eux, se laisseront embringuer dans cette histoire anthropomorphique sans rechigner.

"Visiblement vexée par ma question, la chatonne, au lieu de répondre, se lèche avec affectation, passe lentement plusieurs fois sa patte par-dessus son oereille. Cette mégalomane s'imagine provoquer ainsi la pluie, alors que je dois accrocher la lessive sur les fils du jardins tendus du cerisier au cognassier, du cognassier au prunier, réseau par où on imagine les arbres échangeant des messages télégraphiques :
- Mieux vaut entretenir oiseaux (musique) que fournir Bredaine confiture. Messieurs Hâtifs.
- Musique vent suffit. Sommes harpes éoliennes. Montmorency.
- Sol manque potasse. Devrions réclamer purin, poudre d'os. Géant de V.
- Sommes mal émondés. Gourmands. Bredaine peu capable. Messieurs Hâtifs."

C'est joli tout ça, non ?
Merci Madame BECK pour ce beau moment plein d'imagination.

L'Enfant Chat     Béatrice Beck     Editions Arléa

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5 août 2007

O.N.G *

9782070304141*Ouvrage Non Garanti, malgré un Grand Prix de l'humour noir 2003 .
Déjà la couverture n'est pas engageante, mais pourtant j'aurais bien mis ce masque à gaz tant la lecture de ce livre m'a mis mal à l'aise.

Julien, jeune bègue de vingt-cinq ans, vit encore chez pôpa et môman. En recherche d'emploi, il se dégote un stage dans une ONG écolo extrémiste. Engagé sous le quota "handicapés" afin de bénéficier de la subvention, il devra suivre Ulis, le grand gourou qui dirige "La Foulée verte", et noter tous les faits et gestes ainsi que les bonnes paroles du maître.
Tout baigne jusqu'au jour où s'installe dans l'immeuble une autre ONG "Enfance et vaccin". La guerre va éclater sous prétexte de partage de l'espace d'affichage dans l'ascenseur. Et ce sera l'escalade jusqu'à plus soif.
Rien ne nous sera épargné, les clichés sectaires, les opérations coup de poing, les manipulations médiatiques, les magouilles financières, et les dérapages inévitables et incontrôlés.

"Comme j'allais protester, il m'a jeté un regard sans appel.
- Pas la peine de se voiler la face. Mon karma n'est pas des meilleurs en ce moment. Le feng shui est nord-ouest. L'année du cheval est mauvaise pour les Capricornes. Mon inconscient clignote à l'orange. Et avec moi c'est toute la Foulée verte qui est menacée... Ce qu'il nous faudrait pour nous réveiller c'est qu'un millier de baleines viennent mourir sur nos côtes ! Qu'une fuite radioactive contamine l'eau de la ville ! Une grande catastrophe écologique ! O ce serait... Où sont-elles ? Je doute... Parfois j'ai l'impression que les temps glorieux des Exxon Valdez appartiennent au passé... Laisse-moi.
Il s'est mis en position de lotus.
Je suis sorti, un peu sonné, ébloui par la grandeur de cet homme."

Pour m'encourager à poursuivre ma lecture, j'ai dû me répéter sans cesse que c'était une caricature, une satire grossière de ces associations pleines de bons sentiments. Le fond de vérité qui sous-tend tout cela a sans doute participé à ma hâte de refermer ce livre.
Certes le propos est féroce, mais j'ai à peine souri. L'artillerie sortie est trop lourde. A moins que ce soit l'aveuglement sectaire de Julien qui m'ait oppressée...

Katell, je vais me purifier l'esprit avec Christian Bobin. Là, sans hésitation, succès garanti  !

O.N.G !     Iegor Gran     Editions Folio

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2 août 2007

Drôles d'oiseaux

9782070306749Après une enquête en Australie et une autre en Thaïlande, Harry Hole se tient à carreau en Norvège.
Il a émergé tant bien que mal de sa dépression éthylique, et ce en partie grâce à Ellen, sa coéquipière à la criminelle.
Ils enquêtent sur une série d'agressions racistes orchestrée par des hommes de main de l'Alliance Nationale, parti d'extrême-droite et sacré nid d'anciens volontaires norvégiens ayant portés l'uniforme allemand lors de la dernière guerre.
Mais lorsqu'il s'avère qu'un fusil datant de cette époque, et payé à prix d'or, est entré sur le territoire, ça sent l'attentat terroriste à plein nez.
Y a-t-il un lien entre ces deux affaires ? Harry et Ellen en sont persuadés. Mais suite à une bourde, Harry est muté dans un autre service avec ordre de laisser tomber illico ses investigations.
Pour ceux qui connaisent l'énergumène Hole, il va sans dire que c'est un voeu pieux. Surtout quand Ellen, qui continue de s'occuper du dossier, se fait tabasser et décède.

"Moller ferma les yeux. "Et comment imagines-tu ton rôle dans la poursuite de cette enquête, Harry ?"
- Une sorte de libero, répondit Harry avec un sourire. Je suis ce type du SSP qui fonctionne en solo, mais qui a besoin de l'aide de tous les services en cas de besoin. Je suis celui qui n'en réfère qu'à Meirik, mais qui a accès à tous les documents concernant cette affaire. Celui qui pose des questions, mais de qui on ne peut exiger de réponses. Et ainsi de suite."

C'est clair. Harry embarque alors dans la machine à remonter le temps et nous entraîne sur le front de Léningrad dans les années quarante, où des soldats norvégiens se battent pour Hitler face aux "Bolcheviks". Une poignée d'hommes qui se sont volatilisés à la fin de la guerre et dont nous suivons l'histoire parrallèlement à l'enquête ménée tambour battant par un Harry Hole au mieux de sa forme.

Un rythme qui ne décelère pas, une traversée historique, des personnages attachants, un embrouillamini d'identités, un sac de noeuds démêlés de main de maître, et sans le moindre tremblement, par les doigts abstinents de Hole. Et un bluff final étonnant au bout de ces quelques six cents pages.
Bref, un livre que j'ai descendu cul sec ! Exactement ce qu'il me fallait en ces jours interminables et solitaires de permanence.
Allez vite, les trois autres enquêtes à suivre en poche, s'il vous plait. Car d'ici le 20 Août et à ce rythme, ma pile à lire va sacrément baisser.

Rouge-Gorge     Jo Nesbo     Editions Folio policier

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31 juillet 2007

Sombre velours

sgJe poursuis ma découverte de Sylvie Germain.
J'ai un peu traîné pour cause de festival et de jardinage intensif.
Et puis aussi parce que ce livre, même s'il est très bien écrit, m'a moins transportée que MAGNUS .

Prokop Poupa et ses amis dissidents, intellectuels comme lui, exercent des petits boulots à Prague. Prof de littérature, Prokop se voit assigné, par le régime communiste et à titre de représailles, à un poste de balayeur.
Divorcé et père de deux enfants, Prokop vit seul et s'accomode de son sort. En fait, il ne vit pas complètement seul, puisqu'il partage son logis et ses lectures avec son dieu Lare*, sous l'égide duquel il médite et s'interroge sur tout et rien, la vie, la nature, les hommes et Dieu.

"Ce fut un choc, une sensation physique; ce qui était écrit avec une si belle densité venait, dans l'instant même de la lecture, de se matérialiser. Chaque mot se faisait grain de pluie, de soleil, de vent, se faisait fleur, fleur de rocaille, lichen et lierre. Et ces mots végétaux, minéraux, granuleux, lui emplissaient la bouche, lui fondaient dans la gorge."

Prokop nous entaîne dans l'immensité de ses territoires intimes, sa mémoire, ses rêves et ses souffrances. Au risque de s'y perdre et de ne pouvoir, ni de vouloir, prendre le train de l'Histoire. Car la Révolution de Velours couve et les rues de Prague bruissent des revendications des manifestants. Prokop assiste aux événements comme dans un état second. Tout engoncé qu'il est dans ses doutes et sa dépression, il ne sait que faire de sa dignité enfin retrouvée et de cette nouvelle liberté pour laquelle y a lutté.
Pour ne pas sombrer définitivement et résister à la vague consumériste qui balaie le pays, il se raccrochera à la banalité des choses, un chemin de terre, des sculptures, un air de saxo ...

"Prokop, planté sur le trottoir, regardait le passager au saxo rouler des épaules derrière la vitre. Il reconnut Viktor. Il ne l'avait pas vu depuis deux ans. Viktor ne le remarqua pas; il jouait les yeux fermés. Les portes du wagon s'ouvrirent. La musique déboula dans la rue, éclaboussant la nuit de sons or et vermeils. Prokop resta un instant ébloui par cette lumière sonore qui jaillissait à profusion du corps ondoyant de Viktor; les notes rebondissaient sur les rails et l'asphalte avec la turbulence d'une giboulée de grêle."

Un roman emprunt de mélancolie et qui colle bien au temps maussade qui plombe nos cieux. C'est donc ma seconde rencontre avec un héros germanien, et je suis encore surprise que celui-ci ne se soit pas suicidé avant la fin du livre ! Mais l'auteur est une désespérée optimiste qui sauve ses personnages grâce à une écriture sensuelle dont elle seule a le secret, comme en témoignent ces deux extraits !

* Pour en savoir plus sur les dieux Lares, c'est .
   

Immensités     Sylvie Germain     Editions Folio

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24 juillet 2007

De fil en aiguille

9782226177025Un premier roman.
Un titre magnifique.
Une couverture évocatrice.
Le récit d'un enchaînement d'événements qui commence en Juin 44 sur une place publique où une femme est tondue et un homme pendu.

"Quand tout fut accompli, elle se laissa emporter, on l'emmenait, quelqu'un ouvrait le coffre d'une voiture, on l'y jetait en boule comme un rat crevé. Des pierres furent jetées sur son passage. Etait-elle morte ou vive, elle ne savait plus. Elle passe une main sur son crâne. Rasé. Morte, se dit-elle.
C'était l'été 44 à Gramont-l'Eventé, un petit coin tranquille de Bretagne."

Vingt cinq ans plus tard, César, le fils de ce couple maudit, subit encore la honte lorsqu'il est accusé d'un viol qu'il n'a pas commis. Il fuit son village breton, abandonnant Vitalie, sa mère, et Jeanne, la femme qu'il aime et qui découvre peu après qu'elle attend un enfant.
Pendant quinze ans César parcourt le monde, ne donnant aucun signe de vie.
Pendant quinze ans une femme l'attend et ne dit  rien à son enfant.
Pendant quinze ans une mère s'étiole et brode, enfermée dans sa honte et son isolement.
Pendant quinze ans une enfant grandit.
Mais quinze ans, c'est long. Et les secrets se fissurent, des non-dits s'échappent.

"Il y a des moments où je me tais, comment pourrait-il en être autrement, je ferme les poings au fond de mes poches, mon regard se voile, je pense alors à toutes ces choses tues, notre histoire à nous, la terreur de l'absence, l'abandon."

Alma, la fille que César ne connait pas, agitera ce petit univers en adoptant le symptôme qui, symboliquement, réunit ces femmes. Elle deviendra mutique. Son silence forcera celui de sa mère et de sa grand-mère, obligeant des petites vérités à émerger, des liens à se renouer. Minces fils qu'elle suivra pour remonter jusqu'à ce père enfin revenu de son périple au bord du monde. A petits pas, César quittera la lisière pour reprendre sa place au coeur de son monde.

Un roman simple, sans pathos, tout en pudeur.
Quatre monologues au cours desquels s'exprime tout ce que l'on ne peut pas formuler à l'autre. Quatre fils qu'une adolescente va réunir pour retisser son histoire et tenter de repriser le gros accroc que de vieux ciseaux ont fait dans sa vie.

L'homme qui marche      Marie-Hélène      Editions
au bord du monde          Westphalen       Albin Michel

 

broderie

 

21 juillet 2007

Russes tics

9782020789875

Mais qu'ont donc tous ces Russes à se mettre le nez dans la poudre !
Forcément, après on peut en faire des tonnes sur le caractère excessif et délirant de l'âme slave et de ses héros, tu m'étonnes ...
La cocaïne était déjà une drogue très prisée (ben oui, facile) dès la fin du XIXe siècle dans toute l'Europe. Sherlock Holmes, Freud, les Surréalistes, Cocteau etc..., ont franchi allègrement les lignes blanches, s'ouvrant ainsi "les portes de la perception" les menant à leur art. Rien d'étonnant non plus, qu'entre les deux guerres mondiales, cocaïne et morphine aient servi soit à stimuler le courage des soldats, soit à calmer leurs douleurs et leurs traumatismes.

Il n'y a donc pas de raison que les Bolchéviks échappent à la règle. Et notamment Piotr Poustota, poète pétersbourgeois qui, en cette année 1920, se voit miraculeusement sauvé des griffes de la Tchéka par un commandant rouge, le célèbre et mystérieux Tchapaïev. Poustota se voit ainsi nommé commissaire politique de la division de cavalerie commandée par Tchapaïev. Ces deux-là ne se quitteront plus jusqu'aux rivages de "la Mongolie intérieure". Lors d'une bataille Poustota se conduira en héros. Blessé à la tête, il sombrera dans un coma dont il émergera deux mois plus tard, ne se souvenant de rien. De curieux cauchemars émailleront ses nuits et ses jours seront parsemés d'étranges événements. Après cet extrait, vous comprendrez pourquoi !

"La tension disparut en un clin d'oeil. Jerbounov ouvrit la boîte, prit un couteau posé sur la nappe et s'en servit pour puiser une quantité effroyable de poudre qu'il remua à toute vitesse dans sa vodka. Barboline fit la même chose, d'abord avec son verre puis avec le mien.
- Voilà, maintenant on peut boire sans honte à la révolution mondiale, dit-il.
Un doute dut se refléter sur mon visage, car Jerbounov sourit malicieusement et dit :
- C'est la tradition, mon frère. Nos racines. On appelle cela le "thé baltique" !
Chacun leva son verre et but d'un coup son contenu. Il ne me restait plus qu'à suivre leur exemple."

Et c'est comme ça qu'on se retrouve, de nos jours, entre les murs d'un hôpital psychiatrique moscovite ! Parmi les internés, un certain Piotr Poustota qui, sous l'emprise des neuroleptiques, s'évade vers de drôles d'univers, seul ou en compagnie de ses compagnons d'infortune.
Comme dans un jeu de ricochet, de chapître en chapître, les deux récits se mêlent et se répondent par-delà le temps. Lequel est le vrai Poustota ? Où se trouve "la Mongolie intérieure" ? Qu'est-ce que cette mystérieuse mitrailleuse d'argile ? Autant de questions auxquelles je n'apporterai pas de réponses, vous laissant le soin de les découvrir en lisant cette fable philosophique qui, sous ses abords loufoques, nous donne à réfléchir sur l'illusion et la réalité de notre monde.
Il y aurait dans tout ça un petit parfum de bouddhisme que cela ne m'étonnerait pas ...

La Mitrailleuse d'argile     Viktor Pelevine     Editions Points Seuil 

Chapaev

16 juillet 2007

Cache-cache

9782070338269La 4ème de couv présente ce court roman comme "un portrait ironique et cinglant de la bourgeoisie allemande de l'après-guerre". Personnellement, j'y vois tout autre chose.
Par contre, ce qui est sûr c'est que ce livre illustre à la perfection l'obsession dans laquelle peut s'enfermer une famille à la recherche d'un de ses membres. Obsession qui se fait au détriment des vivants et qui habille les puînés des oripeaux du passé et de la culpabilité.

Un enfant nait juste après guerre. Il grandit d'abord dans l'ombre d'un frère aîné, Arnold, dont on lui a toujours dit qu'il était mort de faim sur les routes de l'exode. Puis un jour, il apprend la vérité. Ses parents ont bien fuit l'Est du Reich devant l'avancée de l'armée russe mais la mère a abandonné son enfant dans les bras d'une inconnue, à un moment où elle s'est sentie en danger de mort. On devine aisément que la mère s'est faite violer par un soldat russe et que le narrateur est sans doute l'enfant né de ce viol.
Depuis, installée à l'Ouest, la famille prospère et prend la décision de rechercher, avec l'aide de la Croix Rouge, ce premier enfant disparu. Enfin, un espoir se matérialise sous l'horrible appelation de "l'enfant trouvé numéro 2307".  C'est le début d'un long parcours d'expertises fastidieuses.

"Je venais de comprendre que, dans la famille, mon non-défunt frère jouait le premier rôle et qu'il m'avait réservé un rôle de comparse. Je compris par la même occasion que je devais à Arnold d'avoir grandi, dès le départ, dans une atmosphère empoisonnée par la culpabilité. Depuis le jour de ma naissance, un sentiment de culpabilité et de honte régnait dans la famille sans que je susse pourquoi. Je savais seulement que, quoi que je fisse, j'éprouvais un vague sentiment de culpabilité et de honte."

Face au mythe d'Arnold, le narrateur ne fait pas le poids. D'ailleurs, même sur les photos de famille, il est toujours à moitié dissimulé. Sa jalousie, sa solitude, son impossibilité à combler ses parents, ses craintes face à un hypothétique retour de l'enfant prodige sont exprimées mais sur un ton plutôt désaffecté, soulignant sans doute la culpabilité de l'enfant remplaçant, mais aussi et surtout la manifestation inconsciente de l'illégitimité de ses ressentis, et par là même, de son existence.
Car le propre des secrets de famille est souvent de cacher d'autres non-dits que ceux, qu'à première vue, on cherche à taire. La quête de ce fils prodige a cette même fonction. Pendant qu'on s'occupe de retrouver Arnold, on n'empêche le narrateur de se pencher sur sa propre réalité, de s'interroger sur la distance affective qui s'est installée entre lui et ses parents, la perte d'Arnold expliquant tout. De même, la dépression maternelle est bien évidemment alimentée par la perte de cet enfant, mais elle protège aussi la mère, l'abandon recouvrant largement et maintenant à distance le souvenir du viol. Sinon comment comprendre qu'une fois l'enfant enfin retrouvé elle refuse de s'y confronter, si ce n'est qu'elle sait qu'elle devra s'expliquer sur le pourquoi de l'abandon, au risque que le second fils découvre aussi une vérité insoupçonnée et comprenne que ce sentiment de honte qu'il ressent, c'est surtout celui de sa conception plus que celui de l'usurpateur.

Un texte qui peut paraître froid et inachevé si l'on se contente d'une lecture au premier degré, mais qui gagne en profondeur et s'enrichit dès qu'on lit entre les lignes. Et on se demande qui des deux demi-frères est le vrai disparu, Arnold ou le narrateur qui se croit encore le fils de son père ?
Allez hop, direction, la biblio du mémoire !

Le disparu      Hans-Ulrich Treichel      Editions Folio

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14 juillet 2007

Lass(ha)itude !

9782757804674Prenez des scientifiques tout ce qu'il y a de plus sérieux, des barbouzes américains et anglais, des hommes politiques corrompus, ajoutez la reine d'Angleterre, un ancien des services secrets de sa majesté, quelques lamas tibétains exilés, agitez tout ce petit monde et faites-le courir tout autour de la planète, et au moment de servir, saupoudrez d'informatique, d'électronique et d'éléments fantastiques religieux.
Voilà, c'est prêt.
Un cocktail explosif, lourd à digérer et qui m'est resté sur l'estomac.

"Il pleuvait à torrent sur les lauriers, devant les vastes baies vitrées du 91 Lyndhurst Crescent. Un gros matou tigré venu s'abriter sur le rebord de la fenêtre se leva, s'étira et s'évanouit dans la nuit pour aller ratisser le voisinage cossu : ce serait bien le diable s'il ne trouvait pas une ou deux misérables souris à se mettre sous la dent. Elle n'avait rien d'extraordinaire, cette fenêtre. Et pourtant, ce fut derrière ses carreaux, dans la douillette torpeur d'un salon bourgeois, que commença une série d'événements qui allaient changer la face du monde."

Et ça va être épuisant et décevant.
Des méchants politiciens véreux, qui sont de mèche avec de sales industriels capitalistes, inondent le tiers-monde d'OGM traficotés, afin de réduire la population à néant et ne pas perdre la main mise sur l'économie mondiale.
Les bons, c'est à dire les scientifiques, l'ancien des services secrets et les lamas, vont tout faire pour les en empêcher. Et croyez-moi, ils sont vraiment dans les petits papiers de Bouddha. Ils trouvent toujours une voiture, pour remplacer celle qui est repérée par les méchants. Leurs téléphones sont truffés de micros hyper-sophistiqués, qu'importe ils ont le dernier truc qui permet de les déceler. Il leur faut voyager incognito, ça tombe bien ils ont un pote qui posséde un petit avion privé qui leur permet d'échapper aux tueurs. Crapahuter autour de la planète, ça coûte bonbon, pas de problème, y en a une qui a des tableaux de maître dont elle ne sait que faire, alors elle les vend pour la bonne cause. Et là accrochez-vous, quand ils sont un peu coincés, les rêves viennent à leur secours (merci le bouddhisme) et leur indiquent où trouver des indices. Et ça tombe bien, ils sont juste à côté de la grotte perdue au fin fond du Périgord où un lama a caché, quelques centaines d'années auparavant, ce petit quelque chose qui les aidera à déjouer le complot; quand ce n'est pas la reine d'Angleterre elle-même qui vole à leur secours.

Mais de qui se moque-t-on ?
Et le Tibet dans tout ça ? On n'y met pas l'once d'un orteil.
Et l'auteur ? Tibétain ? Ouais, si on veut, je m'appelle bien Moustafette. Je n'ai rien trouvé sur lui, ni dans le bouquin, ni chez l'éditeur. Pourtant ça court pas les rues les auteurs tibétains, mais non, rien.
S'il a pas dû voir l'Himalaya depuis un bon moment, et pour cause, il a bien assimilé la culture occidentale, notamment celle du marketing, pour ne pas dire de l'arnaque.
Et c'est facile de dire que "le tout repose sur du vécu réel"...

Bref, en ce 14 Juillet, un peu en pétard, la fille !

Tibet or not Tibet     Péma Dordjé     Editions Points Seuil Policier

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11 juillet 2007

Calme plat !

9782264043061R1Après la Sibérie (cf ci-dessous), échouer dans une paisible île hollandaise de la mer du Nord aurait pu être réjouissant. Surtout lorsqu'une douillette petite maison vous attend, et que cet îlot n'est envahi ni par les voitures, ni par les touristes (pas comme ici !). Si en plus la maison s'appelle Rose des Dunes, normalement on prend un bail à vie.

Mais j'ai rendu la clef au bout de deux jours.
La faute à qui ?
A la Sibérie pardi !

Les histoires des locataires successifs composent ce roman. Ce sont des êtres ordinaires qui sont là pour quelques jours à un moment donné de leur histoire. Des êtres comme vous et moi, avec une vie simple et ses tournants plus ou moins faciles à prendre, à négocier. La maison est le témoin de ces tranches de vie. Et le Livre d'or est le lien qui relie, semaine après semaine, les différents occupants.

En temps normal, je crois que la sobriété de ce roman m'aurait plutôt séduite. Seulement voilà, je rentre de Sibérie où j'ai passé mon temps à délirer avec des cannibales, des bolchéviques et des chamanes, alors vous comprendrez que, dans ce havre de paix, les affres de l'adultère ou de la maternité m'ont paru bien fades !
Qu'importe, j'y reviendrai sans doute après la visite des uns ou des autres, car je ne doute pas que parmi vous certain(e)s apprécient le séjour.

Du coup, je m'embarque pour le Tibet, où je vais retrouver quelques moines bouddhistes pour un "global polar" (?).

Les invités de l'île     Vonne van der Meer     Editions 10/18

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10 juillet 2007

Sibérie m'était contée ...

9782864246077Si par ces temps frisquets, un voyage le long de la ligne du Transsibérien ne vous rebute pas, embarquez-vous pour les 433 pages de cet étrange roman.
Mais avant de prendre votre ticket pour le début du XXe siècle, quelques recommandations et avertissements. Ce livre s'appuie sur trois catégories de faits réels, à savoir :
1) L'existence de la secte religieuse des skoptsky, ou castrats.
2) La pratique du cannibalisme comme seule possibilité de survie.
3) L'abandon à son triste sort d'un bataillon de la Légion Tchèque dans cette lointaine contrée, après la fin de la première guerre mondiale.
Mais je vous rassure tout de suite, point de descriptions inutiles d'actes de barbarie, aucune complaisance gratuite, ni sensationnalisme malsain (ce qui, je le crains, risque de ne pas être le cas de l'adaptation cinématographique américaine en préparation). Donc si le sujet vous tente, voici de quoi il retourne.

Dans l'univers clos de la ville de Jazyc, occupée par les troupes de la Légion Tchèque livrée à elle-même, vont s'affronter de curieux personnages. Côté militaire, le capitaine Matula, un brin pervers et cocaïnomane, règne en maître sur ce territoire oublié de tous. Il est secondé et s'oppose au lieutenant Mutz, militaire emprunt d'humanisme et se languissant d'un hypothétique retour au pays. Et non loin, les Bolchéviques grondent.
Côté civil, Anna Petrovna, accompagnée de son jeune fils, est venue se réfugier sur cette terre hostile à la mort de son mari, un cosaque passionné de chevaux. Quand Samarin arrive à Jazyk, prétendant s'être échappé du bagne et des machoires d'un mystérieux cannibale le poursuivant jusqu'aux limites de la ville, la jeune veuve ne reste pas insensible aux charmes du bagnard.
Côté mystique, Balashov, gourou qui pratique la transe et entraîne dans son délire une grande partie des habitants de Jazyk. Un autre illuminé ne tarde pas à faire son arrivée en ville, un shaman toungouze venu des confins de l'Arctique, débattant avec le monde d'en haut à coup de champignons hallucinogènes, mais qui rapidement échoue dans les geoles de Matula.
Quand le shaman est retrouvé mort, Samarin est arrêté et un simulacre de procès organisé, procès au cours duquel le destin de tous ces personnages se trouvera scellé pour le meilleur et pour le pire.

"Ses talismans chanteraient dans le vent astral, ses trois yeux luiraient comme des forges, son tambour dans une main, une bouteille d'alcool de contrebande dans l'autre, les gencives enduites de l'écume du champignon broyé, et l'esprit du cheval de Balashov emporterait le shaman là où il l'avait décidé, selon sa propre volonté et contre celle de tous les autres, dans le monde d'en haut, où il lancerait un grand éclat de rire à la face des dieux."

Une vraie réussite romanesque qui plante des personnages dignes de Dostoïevski, tant par leur folie que par leurs sentiments excessifs, comme seuls peuvent les exprimer les hommes pris dans le chaos du monde. L'auteur nous entraîne dans un tourbillon historique tout comme ses héros, balottés au gré des retournements politiques multiples et qui, privés de repères, s'accrochent à l'irrationnel afin d'échapper à la tourmente. Une belle inventivité, renforcée par la poésie, qui nous dépeint une nature à l'état brut, qu'il s'agisse de celle de la Sibérie ou de celle des l'hommes qui y survivent. Un souffle épique, tantôt aussi glacial que le vent arctique, tantôt aussi brûlant qu'une rasade de vodka.

Un acte d'amour    James Meek     Editions Métailié

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9 juillet 2007

Lourd héritage

9782070782406Si elle est toute petite et bien cachée, ses conséquences, elles, sont immenses.
Enfant, cette marque fascinait l'auteur. Et c'est encore sur elle que son regard s'arrêtera, lorsqu'au seuil de la mort, il prendra dans ses bras le corps de son père.

Cette marque indélébile, c'est la lettre O, donneur universel. Tous les soldats de la Waffen SS avaient leur groupe sanguin ainsi tatoué sous le bras. Et il en allait de même pour les hommes de la division Charlemagne, qui accueillit nombre de miliciens français qui s'enrôlèrent pour combattre sur le front de l'Est au côté de l'ennemi, afin d'éviter le peloton d'exécution français.

Ce texte n'est pas un roman mais un récit autobiographique. L'auteur part à la rencontre de son père milicien et analyse comment cette filiation a façonné sa vie, ses relations et son itinéraire littéraire.
Il dit la fascination, l'incompréhension, la provocation, la dissimulation, le silence, la résignation puis enfin l'engagement et la sublimation, toute la palette d'émotions que traverse ce fils, de l'enfance à l'âge adulte.

"Ce mort, c'était mon père, une fois encore, mon père que je ne peux poser nulle part, mon père dont je ne peux me débarrasser, mon père qui n'a pas sa place parmi les morts que l'on commémore, et qui m'empêche d'avoir la mienne parmi ceux qui fraternisent dans la mémoire douloureuseuse de ce qui a eu lieu."

Le hasard n'existant pas, rien d'étonnant à ce que l'auteur soit devenu un compagnon de route d'Armand GATTI, activiste culturel libertaire (dont vous pourrez suivre le parcours ICI.)
Michel Séonnet apporte la preuve qu'accepter ses origines est une condition indispensable pour vivre pleinement. La rupture ou la fuite peuvent être tentantes, surtout si la parole, qu'elle soit conflit ou partage, est absente. Mais quand de tels héritages se transforment en poison virulant, quand les dettes de nos ascendants plombent notre présent, la prise de conscience n'est que l'étape primordiale menant à l'acceptation. Acceptation qui, d'ailleurs, ne signifie pas forcément pardon. Il va sans dire que ce long travail ne se fait pas sans douleur.

"Parvenir à ce point où j'accepterais d'être le petit-fils de ton père et où je pourrais, sans retenue, signer de ce nom qui nous est commun. Dire oui à la réalité. Le maudit n'a pas d'autre choix. Je n'ai pas d'autre issue que de dire oui à ce que tes errances, tes silences ont fait de moi. Oui à mon nom. Oui à ma venue dans cette filiation-là. Oui à la marque et à la malédiction, puisque malédiction il y a. Mais sans aucune complaisance envers ce qui a eu lieu. Un oui qui ne te dédouane de rien."

La marque du père     Michel Séonnet     Editions Gallimard

 

 

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7 juillet 2007

L'une et l'autre

9782878582109Depuis la mort de son mari, célèbre violoniste, Amée vit seule dans une maison à la campagne.
A une époque, elle louait une chambre à une jeune femme, Louise, qui aujourd'hui est devenue danseuse. Le contact n'a jamais été rompu entre les deux femmes. Louise a eu une petite fille, Malou, qu'Amée n'a pas revue depuis ses quatre ans.
Louise s'est séparée du père de Malou. Et cet été, on lui offre l'opportunité de partir en tournée. Elle ne sait que faire de Malou pendant le mois de Juillet et demande à Amée d'accueillir sa fille.

"Je m'assieds sur une chaise devant la maison. J'ai perdu avec les années le besoin de toujours m'occuper. Je regarde, j'écoute, je rêve."

Inutile de vous dire que ces activités ne satisferont pas longtemps Malou. Après avoir accepté de voir son quotidien chamboulé par cette curieuse petite fille, un peu sauvage et solitaire, Amée décide de partir passer une semaine dans une maison en bord de mer.
Ce sera le début d'une drôle et tendre épopée peuplée de rencontres. Et l'occasion pour Amée de reprendre ses pastels, délaissés depuis la mort de son mari. Les souvenirs reviendront effleurer son présent face à la petite fille qu'ils n'ont jamais eue. Malou, elle, découvrira la musique et le polaroïde.

A l'écoute l'une de l'autre, et au delà des années, une belle amitié naîtra entre ces deux solitudes.
L'auteur a su éviter la caricature. Reste la simplicité des émotions et des sentiments.

"Après quelques tâtonnements, j'arrive à repérer l'étoile qu'elle m'indique. C'est une belle étoile, très lumineuse, un peu bleutée. Nous consultons le petit livre. Il s'agit de Véga, de la constellation de la Lyre, qui forme avec Altaïr et Deneb le triangle des belles d'été. "Voilà, c'est notre étoile, Amée", me dit gravement Malou. Je regarde à nouveau Véga, lointaine, si lointaine lumière, puis la petite fille blottie contre moi. Et je murmure doucement: "Oui, le triangle des belles d'été."

Lumière du soir   Brigitte Le Treut   Editions Viviane Hamy

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5 juillet 2007

Nippon ni mauvais !

9782264039323Etrange trio que celui formé par les trois personnages.
K., jeune instituteur, nous conte son amour impossible pour une dilettante, passionnée comme lui de littérature et d'écriture.
Elle s'appelle Sumire.
Au cours d'un repas de mariage, Sumire fait la connaissance d'une femme et tombe amoureuse pour la première fois.
Elle s'appelle Miu.
Mariée, dix sept ans de plus que Sumire, Mui ne peut plus être amoureuse. Mais elle embauche la jeune fille pour l'aider dans son travail et l'accompagner en Europe. Au cours d'un séjour sur une île grecque, Sumire disparait.
Miu appelle K. à l'aide.

De prime abord, je dirais que je suis complètement passée à côté de cette histoire et que je n'ai pas réussi à me laisser émouvoir par les trois couples potentiels que peuvent former les protagonistes. Mais l'auteur étant qui il est, vous vous doutez bien qu'il sait y faire en matière d'attraction. C'est ainsi que je m'expliquais le fait d'avoir lu ce livre jusqu'à la dernière page.
Et puis en cherchant à affiner un peu plus mes ressentis, je me rends compte que je fonctionne avec ce livre comme les personnages entre-eux. Ils se croisent, se cotoient sans jamais oser réellement se rencontrer, irrémédiablement en orbitre les uns autour des autres, restant à distance des sentiments et ratant toujours leurs correspondances.
Et de la même façon que les deux héroïnes se confrontent à des expériences de destructuration, je me surprends à écrire un article qui n'a rien à voir avec ce que j'avais prévu au départ.

"Les étoiles que je voyais restaient fixées à la même place, comme autant de clous. Je fermai les yeux, tendis l'oreille, et songeai aux descendants de Spoutnik, qui continuent à tourner dans le ciel, reliés à la Terre par la seule force de la gravité. Blocs de métal solitaires, ils se croisent, dans les ténèbres sidérales ou rien n'arrête leur course, puis s'éloignent pour toujours les uns des autres. Sans mots à échanger. Sans promesses à tenir."

Il m'a fallu attendre la dernière partie du roman pour retrouver l'envoûtement poétique présent dans "Kafka sur le rivage", à l'occasion de très belles réflexions sur la solitude des êtres humains et leurs difficultés à aimer.

"Je me dis que peut-être, quelque part, dans un lieu lointain que je ne connais pas du tout, tout est perdu d'avance, depuis longtemps. Ou du moins que toutes les choses de nos vies possèdent un lieu de silence où elles se perdent, superposées les unes aux autres jusqu'à former une seule masse. En vivant, nous ne faisons rien de plus que les découvrir, les attirant à nous une à une comme on déroule un fil. Je ferme les yeux, essaie de me souvenir d'au moins une de ces belles formes, tentant de la retenir entre mes mains. Même si je sais son existence éphémère."

Les amants du Spoutnik     Haruki Murakami     Editions 10/18

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3 juillet 2007

COKE EN SUS ...

9782070344482Vous souvenez-vous de Jack Taylor que je vous avais présenté ici ?
Il nous avez planté là, partant se mettre au vert dans la bonne ville de Londres, après une enquête au cours de laquelle ses plus chers amis avez disparu plutôt tragiquement.

Abstinent il était parti, éthylique il est re(de)venu, mais avec un petit supplément de bagages. En effet, notre loser magnifique a pris la bonne habitude de se poudrer le nez. Non pas histoire de camoufler quelques vaisseaux capillaires violacés qui orneraient son appendice nasal suite au régime intensif Guinness-Jameson, non, tout bêtement parce qu'il y a des périodes où une petite ligne, ça aide à croire que tout est possible, notamment qu'on peut en tirer une sur les souffrances du passé. C'est aussi très efficace contre la gueule de bois.

Sitôt arrivé à Galway, Jack a déjà du boulot. Un maniaque assassine et mutile de jeunes tinkers. Les tinkers sont des gens du voyage, peu appréciés par la population et encore moins par les flics. Personne n'est enclin à les aider à découvrir le coupable de ce jeu de massacre, sauf ... l'ami Jack, qui cette fois, sera secondé par Keegan, un sergent déjanté qu'il a connu à Londres. Voici donc Jack reparti à la recherche d'indices, autant d'occasions d'effectuer de nouvelles virées bien arrosées dans les pubs de Galway, de renouer contact avec les quelques potes qui lui restent et d'essuyer encore deux-trois bastons mémorables.
Il croisera aussi sa bigote de mère avec laquelle les choses ne se sont guère arrangées !

"J'ai mis le cap sur la porte. A peine dehors, je suis tombé sur ma mère. Elle a regardé au-dessus de ma tête. Y avait écrit "PUB". Parlez d'une auréole ! Comme toujours, elle n'avait pas une ride. A croire que la vie n'a pas prise sur sa peau. C'est pareil pour les bonnes soeurs. (Un conseil, Estée Lauder: intéressez-vous de plus près aux nonnes.) Côté yeux, vous regardez au fond de ceux de ma mère et vous voyez l'Antarticque bleu banquise. Et toujours le même message : " Je t'enterrerai." ..."

Comme à chaque fois qu'il doit affronter ses coups de blues, Jack Taylor trouve le salut dans la musique et la littérature. Pour notre plus grand plaisir, nous retrouvons çà et là, Radiohead, Marley, Johnny Rotten, aux côtés de Beckett, de Chandler et de Ginsberg, entre autres.

Conclusion, un livre qui désaltère et qui donne un coup de fouet. Mais n'abusons pas des bonnes choses ... En ce qui me concerne, pas de souci, le troisième volet n'est toujours pas sorti en poche.

Je viens de m'apercevoir que GACHUCHAen parle aussi aujourd'hui, et chouette, elle a aimé !

Toxic Blues     Ken Bruen     Editions Folio policier

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30 juin 2007

Grain de sel

9782221108208Une fois admis que :
1-des parents peuvent laisser leurs enfants se réveiller chaque nuit, suite aux cauchemars récurrents qui hantent leur sommeil, sans consulter d'urgence;
2- vivre au bord de la mer et interdire aux mêmes enfants de s'en approcher;
3- et surtout que ces gamins n'aient même pas l'idée de transgresser un tel interdit;

on peut se laisser embarquer dans cette histoire fantastique.

Ce livre a été longuement encensé et commenté, donc je n'en rajouterai pas. Comme tout le monde, je me préparais à me laisser embarquer avec plaisir pour cette croisière cauchemardesque et familiale. Seul bémol, étant donné que je planche depuis des mois sur les transmissions générationnelles inconscientes, je n'ai pas réussi à me départir d'un oeil critique et réaliste. J'ai vu venir le dénouement aussi sûrement que la nuit après le coucher du soleil, et ce, dès le début. D'où ma frustration.

Cela dit, l'auteur fait preuve un réel talent romanesque et d'un joli brin de plume.
Et il est toujours agréable de faire une virée en Bretagne et aux confins de ses univers légendaires.

Ce livre trouvera sans conteste sa place dans ma bibliographie, en tant qu'ouvrage librement paradigmatique de mon sujet de prédilection.
J'espère que l'auteur ne m'en voudra pas pour cet article quelque peu mitigé.

L'ancre des rêves     Gaëlle Nohant    Editions Robert Laffont

 

 

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29 juin 2007

FROUFROU

9782070346219Voici un petit livre sans prétention qui ravira tous les grands garçons qui gardent la nostalgie de leurs premiers émois sensuels à la vue d'une paire de bas suspendue sur un fil à linge, ou d'un bout de culotte petit-bateau aperçu sous les jupes des filles.
Bien sûr, il plaira aussi aux grandes filles, celles qui ont quelques réminiscenses de l'attrait irrésisitible qu'exerçait le tiroir maternel interdit, où reposait bien rangée une intimité pleine de mystère et de promesses de séduction à venir.

Pour Simon, qui grandit à la campagne dans les années cinquante, tout commence par l'expression chère à son père, "avoir le cul dans la soie".

"L'association de ces deux mots, déjà si choquante à mon oreille, ne laissait pas d'intriguer le petit amoureux des mots que j'étais. Il y avait aussi là-dedans, quelque chose d'incongru, entre honte et volupté, qui me mettait mal à l'aise."

Mais quand, tout petit, on est sauvé de la noyade par le soutein-gorge de la grosse Germaine, quand on réchappe à l'attaque d'un corset à baleines, ou que l'on frise l'asphyxie sous l'ample jupe de la maîtresse d'école, comment ne pas être marqué à jamais par les dessous féminins !

Une enfance lingère     Guy Goffette      Editions Folio   

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24 juin 2007

PALIMPSESTE

9782070336487" Il est des fois des personnages en errance qui n'en finissent pas de déambuler dans la nuit du réel, et qui transhument d'un récit vers un autre, sans cesse en quête d'un vocable qui enfin les ferait pleinement naître à la vie, fût-ce au prix de leur mort.
Il serait une fois des personnages qui se rencontreraient à la croisée d'histoires en dérive, d'histoires en désir de nouvelles histoires, encore et toujours."

" En chacun la voix d'un souffleur murmure en sourdine, incognoto - voix apocryphe qui peut apporter des nouvelles insoupçonnées du monde, des autres et de soi-même, pour peu qu'on tende l'oreille.
Ecrire, c'est descendre dans la fosse du souffleur pour apprendre à écouter la langue respirer là où elle se tait, entre les mots, autour des mots, parfois au coeur des mots."

Ce portrait d'un homme, de l'enfance à la maturité, à la recherche de son identité, me laisse sans voix.
Magnus, son ours en peluche, est la seule permanence de son existence.
Le récit de cette reconstruction est servi par une écriture à la limite du sublime.
Toute critique en paraîtrait ridicule. Alors je me tais.
Lisez-le.

Magnus     Sylvie Germain    Editions Folio

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22 juin 2007

Labyrinthe épistolaire

cat_1140710061_1_r56Si vous voulez vous laisser surprendre jusqu'au bout, ne lisez pas la 4ème de couv. Ou alors faites comme moi, lisez-la et oubliez-la immédiatement. Puis plongez dans la lecture de ce roman composé exclusivement d'échanges de lettres entre de multiples correspondants.

Apparemment il n'y a aucun lien entre les dix premiers chapîtres qui pourraient se lire chacun comme une nouvelle. En effet, un mini coup de théâtre clôture chaque chapître, et c'est là que se situe la première originalité de ce livre. Le procédé se répète jusqu'au onzième chapître qui voit enfin la réunion des nombreux protagonistes dans une situation peu banale. On croit donc en avoir fini, mais non. Jusqu'à la dernière page l'auteur surprendra le lecteur par un nouveau rebondissement.

Il n'est pas aisé de parler de ce livre sans rien en dévoiler. Au cours de la lecture, j'ai cherché à faire des liens entre les personnages des différents chapîtres car certaines situations vous mettent la puce à l'oreille. Mais j'ai vite abandonné car je m'embrouillais dans les patronymes japonais. Donc je me suis laissé porter et entraîner. L'auteur est un filou qui excelle dans l'art de perdre le lecteur dans ce labyrinthe épistolaire.

On en apprend beaucoup sur le Japon, les régions et leurs coutumes, le mode de vie urbain, le monde de l'entreprise, de l'éducation, les relations hommes-femmes. On ne retrouve pas la poésie qui caractérise souvent la littérature japonaise mais le style de certaines lettres pourrait les faire figurer dans un manuel de correspondance.
Bref ce n'est pas un coup de coeur, mais j'applaudis l'originalité du procédé littéraire. Les inconditionnels de la littérature japonaise apprécieront, les réfractaires passeront leur chemin !

Je vous écris     Hisashi Inoue     Editions Picquier poche

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