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Le Souk de Moustafette
Le Souk de Moustafette
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21 mai 2008

L'envers du décor

9782070785377Prétendument envoyé d'Athènes, Hermès Diaktoros débarque sur l'île de Thiminos, pour assister la police locale afin d'élucider le meurtre d'une jeune femme retrouvée au pied d'une falaise.
Surprise, l'affaire est réglée et enterrée. Point de rapport d'autopsie, point de dépositions, on a conclu à un suicide, et Hermès est prié de renfiler ses sandales ailées et de s'envoler vers d'autres horizons.
Il n'en faut pas moins à ce drôle de personnage pour s'incruster.

"Depuis la mer, l'île de Thiminos apparaissait pour ce qu'elle était: un énorme rocher à la base tellement errodée par le ressac qu'il semblait flotter, porté par les vagues de la mer Egée. La plupart des côtes étaient des falaises abruptes; les autres, en pente plus douce, offraient un mélange de rocaille et de terre poussièreuse. Il n'y avait pas grand chose hormis quelques pins noirs plantés à des angles improbables dans le flanc de la montagne et des buissons épineux cachés entre les rochers. Pourtant, ça et là, quelques éléments colorés surprenaient le regard: sur une plage déserte, une minuscule chapelle blanche était entourée d'un jardin de plantes vivaces aux fleurs fuchsia."

Toujours aimable, trimballant en permanence un fourre-tout dont il tire un tas de choses plus hétéroclites les unes que les autres, notamment des cigarettes "Santé", entre nous soit dit elles sont infectes mais leur emballage est kitsch à souhait, chaussé de ses baskets blanches qu'il entretient avec une maniaquerie digne d'un vieux garçon, Hermès Diaktoros va parcourir l'île de fond en comble et tirer les vers du nez de ses habitants qui n'apprécient guère la manoeuvre !

Ce roman policier n'en est pas vraiment un, enfin au sens classique du terme. D'où mon avis mitigé.
Je n'ai pas un goût prononcé pour la tragédie amoureuse et le sens de l'honneur de la famille, ni pour l'hystérie machiste méditerranéenne. Il est beaucoup question de tout cela dans ce livre, et on rigole pas avec ces trois piliers de la culture héllénique.

Cependant j'aime la Grèce, ses îles et ses habitants. J'ai eu la chance d'y vivre deux ans. J'y ai donc connu les quatre saisons et leurs psychodrames !
L'été, c'est le grand melting-pot, les hommes trinquent dans les tavernes, les femmes triment, tout le monde sourit à tout le monde, business oblige et orchestre tout ... Puis l'été et les touristes passent. De septembre à novembre, c'est le paradis, presque plus de touristes, tout refleurit, la chaleur est douce, et on se dit qu'on pourrait finir ses jours ici...
Mais quand décembre arrive avec ses pluies continues et les premiers froids, les tempêtes repeignent le turquoise de la mer en gris acier, les petites maisons blanches et fraîches se transforment en petits chez soi froids et très humides, les pittoresques ruelles en pentes charrient boue et déchets divers, le "supermarket" est régulièrement en rupture de stocks (surtout si vous n'êtes pas du coin, ou alors les prix gonflent et dégonflent mystérieusement, c'est de bonne guerre !), les hommes partent en mer pour des périodes plus ou moins longues, où s'ils restent à terre, ils s'ennuient et traînent au kafénéon; les femmes triment, encore, mais à l'intérieur, et dépriment entre deux messes et dix commérages.

Car l'hiver, sur les petites îles, il n'y a RIEN à faire, si ce n'est ATTENDRE.
Attendre le ferry hebdomadaire, seul événement qui apporte un peu d'animation, ainsi que quelques colis espérés; attendre le retour des hommes; attendre des journées ensoleillées entre deux semaines de pluie, afin de s'oxygéner et de faire sécher les fringues; attendre que ça passe, tout simplement, en bouffant, en picolant, en fumant, en rigolant, en s'engueulant et en s'occupant de ce qui se passe chez le voisin. (Et en lisant aussi, me direz-vous, non ?. J'avoue que parfois on se lasse de tourner des pages gondolées, tout de vêtements humides vêtu et sous des couettes du même acabit !). Bref, attendre le retour du printemps devient une obsession, si on ne craque pas avant.

On retrouve tout cela dans ce bouquin, et c'est ce qui m'a plu.
De la pure tragédie moderne qui colle de près à la réalité, mais mâtinée d'un brin de fantaisie.
Et le rôle de ce curieux inconnu, venu semer la zizanie dans cet univers clos, se dévoile peu à peu.
Un livre pour qui a envie de connaître l'envers du décor estival égéen, et pour les amoureux de la Grèce.

L'inconnu d'Athènes     Anne Zouroudi     Editions Gallimard

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(paquet d'origine !)

 

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19 mai 2008

Le poids des hommes

9782070355570L'histoire débute en 1952 alors que la mère du narrateur (Pavel), médecin urologue, est appelée auprès de Staline afin de soulager les douleurs du Vodj par des techniques peu orthodoxes dont elle a le secret. Evidemment, ce qui devient une protection certaine exige quelques concessions, comme par exemple celle de quitter son mari...une broutille !
Heureusement, le petit père des peuples a la bonne idée de mourir l'année suivante, ce qui permet à la mère de Pavel de retrouver son mari, mais de perdre aussi son poste dans la capitale soviétique.

"Elle ne m'a jamais parlé de ses retrouvailles avec mon père. L'un et l'autre sont restés de bons communistes. Le retour à une vie ordinaire après avoir été supplicié était normal pour l'époque. Comme il l'était de ne pas tenir rigueur au régime. La dérive de certains n'assombrissait en rien le projet révolutionnaire et la foi qu'on avait en lui. Peu d'homme étaient alors capables d'ajouter à la souffrance de la torture celle de la désillusion.
Alors que les premiers sous-marins nucléaires appareillaient, mon père a été muté dans une base de la mer de Barens pour assurer le suivi technique de la flotte nucléaire. C'est là que je naquis en 1957."

Et l'histoire se termine quelques quarante ans plus tard, sur le destin tragique d'un sous-marin nucléaire, sur lequel Vania, le fils de Pavel, effectue sa première plongée lors de grandes manoeuvres de la Flotte du Nord.
Entre les deux, nous suivons le destin de deux hommes.

D'abord celui de Pavel, qui se débat entre sa femme diminuée suite à un traumatisme cranien, sa fille prise dans la nouvelle frénésie médiatique, ses vieux copains convertis au libéralisme de façon parfois radicale, les tractations avec le représentant de l'état suite au décès de Vania, son deuil et ses propres répères qui se brouillent. A quarante quatre ans Pavel change de vie. Il négocie sa mise en retraite anticipée, investit l'argent donné par l'état, prend une maîtresse mais s'accroche à ce bout de terre sibérienne où la dureté de la vie forge le carctère des hommes.

"Il nous arrivait de dormir à l'isba ou de nous improviser un campement de fortune dans des lieux plus reculés où nous ne rencontrions jamais personne. Il n'est pas rare qu'un couple se dise seul au monde, mais là nous l'étions pour de bon dans ces étendues sans fin où la nature paraît à son avantage, cachant sa maladie comme une vieille femme autrefois coquette le fait de son déclin."   

Parallèlement, nous suivons l'ascension d'un petit agent du KGB qui finira à la tête du pays et qui, comme tous ses prédécesseurs, aura peu d'états d'âme lorsqu'il s'agit de choisir entre le pays et les hommes. Patrie, empire ou fédération, selon les époques, peu importe, la règle du jeu est toujours identique, la valeur humaine est quasi nulle et seuls importent le pouvoir et la force lancés à la face du monde occidental.

Des petites histoires "sans importance" sur trois générations pour nous brosser la grande Histoire.
Un découpage en règle du fonctionnement paranoïaque d'un régime et les conséquences inéluctables sur les hommes qui y sont soumis.
Un mélange habile de fiction et de réalité.
Une construction originale et des personnages attachants de fragilité.
Conclusion, un livre à recommander sans hésitation.

Si vous avez du temps, cette vidéo , un très bon documentaire pour compléter la lecture, avec la voix de Bernard Giraudeau en prime.
Et l'avis de GAMBADOU.

Une exécution ordinaire     Marc Dugain     Editions Folio

 

soumarin001      

 

17 mai 2008

Anne, ne lis pas ce billet...

9782253124719Je m'y suis reprise à trois fois pour lire ce petit roman de 189 pages, c'est dire si j'étais passionnée...
L'article d' INSATIABLE LECTRICE , concernant le film m'avait pourtant conquise. Albert Dupontel aidant, j'ai donc commencé ma lecture pour me retrouver en pleine crise conjugale, moi qui fuis ce genre de scénario comme la peste. Premier abandon.

Voilà que SYLIRE , qui vient aussi de voir le film, enfonce le clou et qu'un commentaire d'Anne m'encourage à poursuivre ma lecture. Consciencieuse, je reprends le livre et me retrouve là où j'avais laissé ce petit monde. A la crise conjugale, s'ajoute un anniversaire surprise, événement par moi honni entre tous. Décidément, j'ai pas de bol. Je poursuis cependant ma lecture, en diagonale je l'avoue, toujours aidée en cela par le cynique Albert Dupontel qui trotte dans ma tête. Le jeu de massacre me lasse à nouveau et la femme d'Albert m'énerve au plus haut point, sans doute la jalousie ! Deuxième abandon.

Hier, CATHULU , oh joie, émet un avis qui aurait tendance à se rapprocher du mien. Ouf, je me sens moins seule ! Je replonge donc dans le chapitre neuf, bien décidée à régler leur compte aux quelques soixante-dix pages restantes, avec le secret espoir que la fin saura enfin me faire apprécier ce pétage de plomb abracadabrantesque.
Et alors là, c'est tellement énorme que je suis morte de rire.
Pour garder l'effet de surprise, je ne peux guère en dire plus, si ce n'est que dans le genre pas crédible pour deux sous, on ne fait pas mieux. Franchement, la chute est à la hauteur du reste. Du grand n'importe quoi.
Contrairement à Cathulu, je n'ai pas réussi à entrer dans l'intensité dramatique de ce déchaînement qui va pourtant crescendo, tout simplement parce qu'on n'y croit pas. Cet homme aux abois, ce couple parfait, cette petite société de quadras embourgeoisés n'ont pas réussi à me faire compatir à leur triste sort. Mais SURTOUT, la logique des bons sentiments qui motive le héros à s'embarquer dans ce jeu de massacre, laisse plutôt à désirer côté crédibilité et véracité.

Je ne doute pas que le film soit d'un autre niveau, Jean Becker et Albert Dupontel réunis ne pouvant donner naissance à un navet. Et Dupontel est ABSOLUMENT taillé pour ce genre de tableau. Mais que fait-il, sur la couverture du livre, au bord de ce magnifique rivage, alors que le roman navigue entre Yvelines et Paris ?
Je ne le saurai jamais car j'ai perdu l'envie de voir ce film.

A lire vraiment si vous avez deux heures à tuer et rien d'autre sous la main...

Deux jours à tuer     François d'Epenoux     Editions Le Livre de Poche

 

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16 mai 2008

Nihilisme américain

9782757806470Pour savoir de quoi il retourne, je vous renvoie à ce très bon article qui m'avait fait noter ce livre et tenter de lutter mollement contre mon allergie étatsunienne.
CATHULU et SERIAL LECTEUR ayant également apprécié l'ouvrage, je l'avais donc surligné.

Quant à moi, me direz-vous, qu'en ai-je pensé, mis à part le fait que je ne pouvais rater une telle couverture ?
Eh bien, ni envoûtement enthousiaste, ni rejet excessif, juste une grande vague dépressive qui m'a saisie dès le début, agrémentée d'une pointe d'ennui surgie au trois quarts du livre. Cependant, je suis allée jusqu'au bout.
Rien d'étonnant donc à tout cela, les Etats-Unis ayant la fâcheuse habitude d'éveiller en moi ces sentiments. Ma culture littéraire américaine s'étant tarie avec la disparition de Kérouac, c'est peu dire...
Roman noir à souhait, mais comment pourrait-il en être autrement , je vous invite donc à me pas suivre mon exemple, et à apprécier ce livre à sa juste valeur.

La vie secrète de E. Robert Pendleton     Michael Collins     Editions Points Seuil

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12 mai 2008

Betty Boop en folie

9782757806289Imaginez une Betty Boop quadragénaire en blouse blanche, un poil agoraphobe et accro aux cocktails Cognac, Chardonnay & psychotropes divers et variés. Comme il se doit, elle est aussi adepte de lingerie fine et de produits de beauté en tous genres. Lors d'un congé sans solde pour cause de burn out, elle reste cloitrée dans sa bonbonnière dorée mais branchée sur notre triste et dangeureux monde via son petit portable adoré, Babyphone, et son ordinateur chéri, MacChou. Voilà le tableau, vous avez une idée d'Elvira, infirmière de son état et célibataire, vivant dans une petite ville de la Côte d'Azur (tableau d'ailleurs pas si éloigné que ça d'une certaine réalité, j'ai connu des collègues prêtes à tout pour se faire remarquer des toubibs, autrement que pour leurs qualités professionnelles ça va sans dire...).

Comme il faut bien s'occuper, entre bains moussants et masques relaxants, pourquoi ne pas tenir un I-journal et se connecter sur des sites de rencontres afin de rêver un peu ?
Le meurtre d'une jeune femme va venir chambouler le petit coeur fragile d'Elvira et occuper notre pin-up, d'autant plus qu'une de ses collègues est la petite amie du commissaire Alvarès qui mène l'enquête, ce qui permet à Elvira d'avoir des infos en direct.
Quand une seconde victime est découverte et qu'il s'avère que l'hôpital où travaille Elvira pourrait bien avoir un lien avec les deux meurtres, ses petits neurones de baby doll attardée entrent en ébullition. Si en plus, il se passe des trucs bizarres sur son Babyphone et surtout sur son MacChou, son imagination ne tarde pas à carburer à plein régime.
Se pourrait-il que ses princes charmants virtuels soient mêlés à toute cette boucherie ?
Quand un troisième meurtre a lieu, une intution froufroutante s'insinue dans sa tête et ses neuro-transmetteurs clignotent à donf' pour lui signaler que le danger rôde et qu'elle pourrait bien être la prochaine victime.

"Je n'arrête pas de ruminer, impression d'avoir la tête comme une cage à hamster avec la roue qui tourne non stop."

Elle n'en mène pas large, notre Betty Boop, mais elle est vaillante et toujours prête à rendre service, en l'occurence à la police, qui pourtant n'a que faire de ses élucubrations de Miss Marple en string.
Heureusement, au-dessus de chez elle, vit Steven, son propriétaire et collègue, qui pourra être là en cas de pépin, et ainsi que ses copines de l'hôpital qui lui téléphonent régulièrement. Avec l'aide de ses chères petites pilules, qui lui permettent de rester zen malgré l'atmosphère gore qui se profile à l'horizon, Elvira se prépare au pire, et elle a bien raison.

"Cognac. Chocolat. Vague mal au coeur. Sais même pas l'heure qu'il est. Faim. Pizza. Micro-ondes. La neige a cessé de tomber. Gros nuages noirs. Lueurs d'orage. Besoin de chaleur, d'amour et de douceur. Pizza, pelotonnée sur le canapé, sous plaid écossais, bougies zen allumées, championnats de patinage artistique à la télé, gros couteau à découper sur la table basse. Torpeur. Dormir."

Je suis rassurée, Brigitte Aubert ne va pas mieux... Voire pire, son cas s'aggrave !
Son imagination déborde et a pris le pouvoir de son encéphale perturbé. Elle nous psychote un scénario en rouge et noir  impeccable et joue toujours aussi bien du scalpel.
Alors enfilez vos mules à pompons, revêtez votre plus beau peignoir satiné, sortez du congélo votre masque anti-stress et plongez sans retenue dans cette sitcom déjantée ! Vos petits doigts manucurés tourneront les pages de ce délirant cauchemar jusqu'au bout de la nuit, tout en musclant vos zygomatiques et luttant ainsi sans efforts contre les rides. En cours de lecture, mesdames, vous clôturerez sans doute votre abonnement meetic, mais vous ne le regretterez pas !

Et ce n'est pas VAL qui me contredira...

Une âme de trop     Brigitte Aubert     Editions Points Thriller

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8 mai 2008

Némésis

9782070309818Il ne fait pas bon être une femme dans l'entourage d'Harry Hole.
Nous l'avions connu plutôt abattu dans "Rouge-gorge", suite au décès d'Ellen, sa coéquipière bien-aimée victime d'un tabassage en règle orchestré par Tom Waaler, mais laissé amoureux de la très comme il faut Rachel, connue lors de l'enquête dans les milieux fachos.
Rassurez-vous, rien n'arrive à Rachel, qui est occupée en Russie à se battre pour la garde de son fils.
Mais il n'en va pas de même pour Anna Bethsen, une ancienne conquête d'Harry Hole, qui reprend contact avec lui et l'invite à passer une petite soirée sympa en amoureux rue Sans-Souci, où elle habite.
Il sait bien, Harry, qu'il n'aurait pas dû accepter, c'est pas sympa pour Rachel, mais son égo de mâle esseulé a flanché, et puis que peut-il bien arrivé rue Sans-Souci, hein ? Rien, enfin en temps normal... Anna est retrouvée, le lendemain, une balle dans la tête.

Le problème d'Harry, c'est que pour lui, c'est le black-out total. Impossible de se souvenir comment la soirée s'est terminée, comment il est rentré chez lui, ni ce qu'il a bien pu faire de son portable. Son voisin Ali peut juste lui dire qu'il l'a réceptionné d'un taxi, dans un piteux état.
Parallèlement, une série de braquages de banques a lieu à Oslo. Harry travaille dessus avec une nouvelle recrue, Beate Lonn, jeune surdouée de l'analyse vidéo et dotée d'un gyrus fusiforme surdéveloppé.

"Harry tapota d'un index son front écarlate.
- Logiciel interne. Stocké dans le lobe tempotal, ne sert qu'à reconnaître des visages. C'est tout ce qu'il fait. C'est ce morceau qui fait que tu peux différencier des centaines de milliers d'individus, mais à peine une douzaine de rhinocéros.
- Des rhinocéros ?
- C'est un exemple, Halvorsen. Mais Beate Lonn doit être un cas tout à fait à part. Son fusiforme est doté de quelques circonvolutions supplémentaires, qui lui permettent de se rappeler pour ainsi dire tous les visages qu'elle a vus dans sa vie. Et je ne parle pas des gens qu'elle connaît ou avec qui elle a discuté, mais de visages derrière des lunettes de soleil, qu'elle a croisés dans la foule il y a quinze ans."

Qui a intérêt à vouloir encore mouiller Harry ? Y a-t-il un lien entre les braquages et la sulfureuse Anna ?
Qui et que manipule Raskol, cet étrange gitan emprisonné et seul parent d'Anna, au carnet d'adresses bien fourni et qui va collaborer avec Hole ? Qu'est-ce que manigance encore Tom Waaler, le trouble collégue d'Harry ?

Vous le saurez en lisant cette nouvelle enquête qui, cette fois, nous balade un peu au Brésil, mais surtout nous entraîne dans le monde et la tradition tziganes.
Contrairement à ce brave Harry, qui est devenu aussi sobre qu'un chameau ( il ne touche pas une goutte d'alcool avant la page 420 !), j'ai descendu ce livre cul-sec, tout comme les précédents.
L'enquête sur la mort d'Ellen n'étant toujours pas bouclée, et Tom Waaler toujours vivant, alors pour les addictes, rendez-vous au prochain "L'étoile du diable", qui n'est toujours pas sorti en poche.

Rue Sans-Souci    Jo Nesbo     Editions Folio Policier

 

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2 mai 2008

Si la photo est bonne...

9782742774340Des photos prises au début du siècle par le jeune Romain à la veille de son départ pour la guerre, et décédé avant même d'avoir combattu, vont permettre à Miléna, elle-même photographe, de faire un retour en arrière sur sa propre histoire, alors que le défunt n'appartient pourtant pas à sa famille.

En effet, c'est dans une chambre de la maison familiale de Jorge, son compagnon, où vit encore Madeleine, la soeur de Romain, qu'elle découvre des plaques de verre où sont inscrits quelques instants figés de la vie des Maréchal.
Non seulement Madeleine est le dernier témoin des nombreux tourments qui ont frappé cette famille bourgeoise de Blois au début du siècle, mais c'est aussi celle qui a élevé et recueilli Jorge à la disparition de ses parents à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Jorge a six ans, il grandira chez ses grands-parents où la chambre qu'il choisit d'occuper n'est autre que celle de Romain.

Pendant que Miléna est à Blois, Jorge est à Lisbonne pour son travail. Une curieuse apparition le fait se repencher sur son enfance et le peu de temps qu'il a vécu avec sa mère dans le quartier de la Butte aux Cailles.

Leurs deux récits vont se répondre comme en écho.
Récits de deux déracinés, deux enfants ayant subi, chacun à leur façon la guerre des hommes, auprès de parents tout aussi impuissants qu'eux et pris dans leurs propres douleurs. Les traumatismes de ces années décideront de leur futur, de leur rencontre, de leur métier.
Récits du passé qui répondent au présent, jouant des filtres et des couleurs, l'assombrissant pour mieux l'éclaircir, et saisissant, juste avant qu'il bascule dans un trop tard, l'instant opportun afin de dévoiler les émotions.

"Je veux dans les regards le souvenir des guerres et des voyages, des images d'enfants perdus, la neige de l'hiver, une tombe en Mauritanie, le dernier baiser d'une mère et l'odeur de sa poudre, je veux le mensonge, la peur, l'illumination d'une rencontre sur le bord d'une allée, et que personne ne sache rien du souvenir que chacun garde dans les yeux. Cela regarde le photographe. Je veux faire une photographie de famille en noir et blanc. Négative, positive, où je ne serai pas. Tu me regarderas. Tu regarderas le point d'où je te vois, comme cela je serai tout entière dans la photographie, dans ton regard qui me rejoint par-dessus le damier en noir et blanc. Moi, je suis de l'autre côté. J'arrive juste. Je viens de loin, d'une île avant les souvenirs, d'une image d'hiver inversé. Il est grand temps de prendre la photographie, il faut se dépêcher. Avant que le nuage éblouissant d'absence, dans un grand éclair sidérant, efface le paysage de son silence."

Aux histoires de Miléna et de Jorge, qui s'emboîtent et forment la trame narrative, s'intercale par petites touches successives une voix du passé.
Publié en 1990, ce livre laisse déjà deviner le très beau "Dans la main du diable" (dont la suite, "L'Enfant des ténèbres" vient de sortir chez Actes Sud), puisqu'on y retrouve le début du XXe siècle, la guerre, la photographie, la chimie, les voyages, les exils, les secrets.

Mais la réussite de ce livre-ci tient surtout à la dextérité de l'auteur à jouer des mots comme de couleurs. Ne cherchez pas une palette à large spectre. Non, il faudra vous contenter de la gamme qui s'étend du noir au blanc avec, entre les deux, des camaïeux de gris et d'émotions qui se mêlent l'un à l'autre, imprégnant les corps et les esprits en silence et en souffrance.
L'oeil est le témoin et imprime des images, les mots en seront les révélateurs, mais le temps d'exposition est parfois plus long qu'on ne croit. Ou comment transformer les sensations en émotions, tout en fouillant les négatifs de l'inconscient.
Au final, outre une excellente réflexion sur l'acte et la fonction psychique de photographier, la pénombre de la chambre noire donne naissance à un très beau cliché sépia.

Alors, oui, la photo est bonne !
Dans mon panthéon personnel et littéraire, je ne suis pas loin de placer son auteur aux côtés de Sylvie Germain. Bien que dans un style différent, ces deux dames trempent leur plume dans de bien jolis mots et laissent traîner derrière elles des atmosphères uniques.

Chambre noire     Anne-Marie Garat     Editions Actes Sud Babel

 

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29 avril 2008

Carpe diem

9782253123910En 1803, Vassili Evangelisto, moine orthodoxe, est envoyé en terre d'Arabie par le tsar Alexandre Ier, avec pour mission d'évangéliser les populations. Vassili n'arrivera jamais à destination, son navire faisant naufrage sur une île grecque non répertoriée, l'île de Labyrinthe, entourée d'un courant mystérieux précipitant les bateaux sur ses côtes, mais empêchant aussi à l'inverse de s'en éloigner.
Viendront ainsi s'échouer le Général Mendoza et le capitaine Spyros Parga.
Bloqués à jamais, ces trois hommes prendront en main le destin de l'île et de ses habitants, tout en essayant de découvrir le secret des coffrets de Tahar le Sage afin de détenir le trésor de vérité.

"(...) il se mit à neiger des papillons bleus. Les mêmes papillons, le même signe divin, la même neige insolite et colorée qui était tombée pour annoncer chacun des moments importants qu'avait connus l'île de Labyrinthe. Un nuage bleuté, aérien, obscurcit le ciel avant de s'abattre sur le village comme un ouragan. Il y eut des papillons bleus jusque dans les puits, les citernes, sur les toits et les terrasses, dans les cours et les ruelles. Tout était merveilleusement bleu, comme un ciel renversé et posé à terre sur lequel on n'osait marcher, de peur d'en blesser la beauté."

C'est avec toujours autant de sensualité et de poésie que l'auteur d'Opium, de L'Apiculteur et autres contes philosophiques, nous livre une réflexion sur le temps et toutes ses déclinaisons.
Cela dit, rien de renversant. Bien que j'aie trouvé l'histoire moins surprenante, elle n'en reste pas moins sympathique, et le charme opère une fois de plus.
Et pourquoi se refuser un petit moment de lecture colorée au milieu de cette grise et pluvieuse semaine ?

Le Labyrinthe du temps     Maxence Fermine     Editions Le Livre de Poche

 

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25 avril 2008

Dernière Manche

9782070336630Une première partie composée de portraits. Quelques uns des personnages qui ont vécu, aimé, souffert, pris du plaisir dans quatre maisons. Les Mouettes, Bellevue, Les Huguenans, Saint-Désir, quatre maisons posées à Saint-Contest, dans un décor de rêve, face à la Manche, sur une falaise inéxorablement grignotée par la mer, le vent, les tempêtes et la montée des eaux. Trois maisons dont il ne reste quasiment rien, et une dernière qui résiste, tout comme Eliane, sa propriétaire.

Une deuxième partie, où l'on retrouve Eliane venue pour un dernier séjour. Eliane, à qui Brigitte, qui était enfant à l'heure de gloire de Saint-Contest, rend visite et va recueillir, et devenir, la mémoire de ce microcosme, ses joies et ses drames, ses apparences et ses zones d'ombre, ses espoirs et ses déceptions.

Entre vérités et mensonges, Eliane farfouille au fond de sa mémoire, parfois vacillante, afin de déposer une page de vie auprès de la dernière survivante. Eliane et Brigitte, qu'un événement a liées à jamais. Pour que tout cela ne soit pas vain, effacé, balayé par le temps qui ronge les êtres et les choses. Et il y a urgence, la nature reprend toujours ses droits.

"J'ai défait mes valises sans me presser, la fenêtre grande ouverte sur la mer qui montait, l'été se présentait comme avant, plage de temps et de sable également uniformes, les jours de la semaine perdant leur couleur propre, celles qu'ils ont toujours eues pour moi - j'ai encore du mal aujourd'hui à admettre l'ignorance des autres, même si j'ai fini par découvrir que pour moi seule le lundi est bleu-gris, le mardi vert-bouteille, le mercredi rose, vieux rose, le jeudi rouge, le vendredi bleu vif, le samedi doré et le dimanche tout blanc. (...) Sans doute, à l'origine de ces associations, y a-t-il mon premier cahier de textes, ses languettes détachables aux tons tranchés, mais plus que la teinte, c'est l'intensité qui compte et détermine ma perception : le lundi, transitoire, conserve la faible luminosité du dimanche, vide, éteint; le mardi s'assombrit, le mercredi forme une bulle gaie, irisée, le jeudi déjà la chaleur du samedi le réchauffe, le vendredi n'a pas du tout la même couleur mais reste aussi soutenu, préparant les éclats du samedi. Sauf pendant les vacances."

Un titre trompeur, les finitudes ne sont jamais joyeuses.
L'auteur du "Colloque sentimental ", réveille à merveille les ambiances de vacances des bords de mer, laissant son lecteur s'envelopper dans le drapé nostalgique et poisseux du passé, porté par le vent du large et corrodé par l'air salin.

Happy End     Julie Wolkenstein    Editions Folio

 

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20 avril 2008

Tu vas passer Noël ici ?

9782757807255C'est la question que tout le monde pose au commissaire Erlendur Sveinsson qui, à l'égal de ses confrères Adamsberg (F. Vargas) ou Wallender (H. Mankell), respire toujours autant la joie de vivre, n'en finit pas de courir après les fantômes de son passé et de se faire du mouron pour sa toxico de fille.
Ici, c'est l'un des plus grands hôtels de Reykjavik. On vient d'y retrouver le portier et factotum de service en bien mauvaise posture, à savoir déguisé en Père Noël, le coeur transpercé de plusieurs coups de couteau, la quéquette en berne et au bout de laquelle pendouille un préservatif. Alors que tout le monde l'attendait pour animer le goûter des enfants, le Père Noël semble s'être offert une petite gâterie qui lui fut fatale.
Evidemment, ça fait un peu désordre dans cet îlot luxueux.

"Un imposant arbre de Noël trônait dans le hall et partout il y avait des décorations, des sapins et des boules scintillantes. D'invisibles haut-parleurs entonnaient le Douce nuit, sainte nuit. De grands bus étaient garés devant l'hôtel et leurs passagers s'attroupaient à la réception. C'étaient des touristes étrangers venus passer les fêtes de Noël et du nouvel an en Islande parce que, dans leur esprit, l'Islande était ce fascinant pays où l'aventure est au coin de la rue."

Rien d'étonnant à ce que le directeur veuille donc étouffer l'affaire au plus vite. Mais c'est quand même curieux que personne ne connaisse ce Gudlaugur Egilsson alors qu'il travaillait depuis une vingtaine d'années. Et pourquoi vivait-il dans ce cagibi du sous-sol de l'hôtel ?

Erlundur, qui n'a jamais trouvé un quelconque intérêt aux festivités de Noël, décide de squatter une minable chambre sans chauffage allouée à contre coeur par une direction qui n'apprécie guère que l'on vienne mettre le nez dans ses coulisses et dans sa cuisine interne. Furetant et discutant ça et là, il va dérouler petit à petit le fil de la vie de la victime, un curieux personnage qui fut jadis un enfant star.
Le brillant commissaire Erlunder est-il toujours aussi doué ? Combien de jours lui faudra-t-il pour plier l'affaire et pourra-t-il regagner ses pénates comme tout le monde le 24 Décembre ? "Arrête donc de me bassiner avec ça, répondit Erlunder, sur quoi il raccrocha."

C'est avec plaisir que j'ai retrouvé Erlundur et sa clique d'inspecteurs. Mais j'avoue avoir été un peu déçue par l'histoire qui sert de trame de fond à l'enquête.
Cela dit, même si à la longue je me suis un peu ennuyée, ça reste un polar correct et un huis-clos bien ficelé.
Faut dire qu'après "La femme en vert ", que j'avais trouvé ABSOLUMENT puissant, la barre était bien haute...

Les avis plus enthousiastes de VAL  et  TAMARA

La Voix    Arnaldur Indridason     Editions Points Seuil

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17 avril 2008

Il l'a rêvé, il l'a fait

9782864246350Et il a bien eu raison, y'a pas d'âge pour se faire la belle !
C'est ce que pense Sébastien Lesquettes, dit "Einstein", qui en a assez de végéter aux "Cannabis" comme il a baptisé la maison de retraite où ses enfants l'ont laissé pour un mois et qui, trois ans plus tard, ne sont toujours pas revenus le chercher.

C'est accompagné de Laurent, chauffeur de taxi sénégalais qui le véhicule dès ses premières heures de liberté retrouvée, qu'Einstein nous balade parmi ses souvenirs, entre jours heureux et drames de sa jeunesse pendant la guerre et dans la Résistance, événements qui le mèneront à l'âge d'homme, mari et père de famille, mais aussi amant comblé de Paula.

Paula, désormais seul but de la vie d'Einstein.
Et nous voilà embarqués dans un road-movie entre Paris et province d'aujourd'hui, zone occupée et zone libre d'hier, à la recherche de Paula, jeune résistante croisée et aimée à la vitesse de la lumière, disparue dans la tourmente, retrouvée des années plus tard, aimée encore et à nouveau envolée.

"J'aime les femmes et les livres, Laurent, je les adorais, je les adore. Lire...aimer...les seules vérités qui restent accessibles et acceptables pour tous quand les utopies s'écroulent. Le reste... idéologies, blablas, révolutions, rêves, tout n'est qu'avortements, fausses couches, morts et résurections, spectacle permanent. (...) On tue pour rien, on ressuscite pour débouler sur le même néant. Vanité des vanités... Sauf... Sauf lire et aimer ! Ouvrir un bouquin, une femme, laisser courir le regard, accrocher une phrase sur l'écran de papier blanc, tourner une page, découvrir qu'une peau couleur d'ivoire contient mille palindromes que tu peux déchiffrer avec tes lèvres et tes doigts dans tous les sens de la volupté, ânonner l'alphabet de l'amour, une fois, puis une deuxième, une troisième... et entrer, en invité, dans une histoire qui n'a été écrite que pour toi. Ce jour-là, Paula était son histoire, la mienne, une folle envie de vivre que je lisais à voix basse pour elle et moi."

On se demande bien pourquoi un tel homme devrait finir ses jours enfermé dans un mouroir doré, entouré de mémères gâteuses en charentaises sucrant les fraises ou claquant du dentier à longueur de journée !

Prendre la poudre d'escampette n'est pas seulement une dernière bouffée d'air pur. C'est aussi l'occasion de revisiter l'Histoire, celle d'une génération, écloppée de la guerre et de ses souffrances.
Opportunité aussi de revisiter Paris et d'alpaguer, sur un ton gouailleur digne d'Audouard, notre société moderne.
Et enfin, ultime possibilité de partager deux jours de liberté avec un autre exclu, un autre déraciné, Laurent, personnage en exil, amoureux de la vie et pour qui la solidarité a encore un sens. Peut-être est-il le fils auquel Einstein aurait pu confier sa part d'ombre et de lumière, le fils qui aurait dû pouvoir témoigner pour son père ; mais on ne choisit pas sa famille...

Une très belle leçon de vie et de mort donnée par un vieux rebelle non dépourvu d'humour !
Un rôle en or pour Gabin. Comment ça, il est mort ? N'importe quoi !!!!!

Le Jour où Albert Einstein s'est échappé   Joseph Bialot   Editions Métailié

 

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"l'imagination est plus importante que le savoir" A.E

 

6 avril 2008

Au poil !

9782213632162Le groupe ZO, collectif alternatif et libertaire, pose ses valises à l'Edena, un camp naturiste du Sud-Ouest de la France, le temps de faire le point sur leurs actions de l'année écoulée et de préparer les luttes à venir.

"Calo, subitement attendri, observe ses compagnons. Force est d'admettre que ce sont des gens formidables. Une belle brochette de modernité. Des humains, de vrais humains sur qui comptent dorénavant, en gros, cinq cents êtres responsables et ingénieux dont la vie est devenue plus franche, plus douce. Maintenant, il faut juste la rendre plus simple. Beaucoup de ceux qui participent à ce semblant d'utopie ont un travail, une fonction, un rang. Même s'ils avouent, en voyant que ce qu'ils ont mis en route fonctionne parfaitement, commencer à en avoir marre du turbin, et vive Paul Lafargue."

Toujours sympas ces zozos-là, ne ratent pas une occasion de joindre l'utile à l'agréable !
Les tentes dressées, la bouffe bio déballée et les premières appréhensions passées, "parce qu'à poil on ne peut plus rien cacher", la répartition des taches s'organise et les groupes de réflexion vont bon train entre trempettes dans l'Océan et dégustation de vin blanc.
Lutte contre le gaspillage et recyclage, décroissance et microcrédit, clandestinité ou passage à Internet, rappels historiques et modernité, pouvoir et contre-pouvoir, prises de bec et auto-critiques, les sujets ne manquent pas.

Pour pimenter un peu cette université d'été à la sauce anar, voilà qu'un crime est commis à l'Edena. Rosa, une vieille femme d'origine espagnole qui donnait un coup de main au camping est retrouvée le crâne fracassé. Quand il s'avère que cette Rosa pourrait bien être la fille du célèbre Buenaventura Durruti, militant anarchiste lui-même assassiné par les franquistes pendant la guerre d'Espagne, le groupe ZO ne peut que prêter main forte au gérant de L'Edena afin de démasquer le coupable. Juste une question d'honneur. Seulement, il va falloir composer avec la maréchaussée...

"Etrange moment, en vérité, que ces deux libertaires et ce membre de l'armée, souriants et détendus, en train de cueillir des légumes, déterrer des oignons et des radis, tout partager en trois, bien disposer la cueillettes dans de vieux cageots grisâtres, et de transbahuter tout ce butin dans leurs véhicules respectifs.
On aurait dit une toile de Millet, en plus potager, moderne, joyeux."

Un polar chaleureux mais rafraîchissant, servi par l'écriture toujours aussi mordante et critique de l'auteur.
On passe vraiment un bon moment avec ces personnages plus vrais que nature. Prenez-en de la graine !

SERIAL LECTEUR  est aussi d'accord, il vous le dit ICI.
A lire aussi un bel hommage à Buenaventura Durruti

 

Nus   Jean-Bernard Pouy   Editions Fayard Noir

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1 avril 2008

L'art du rêve ou rêve d'art ?

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En 1985, exit les erzats brejnéviens, Gorbatchev arrive au pouvoir et la Péristroïka en est à ses premiers balbutiements.
Anatoli Pavlovitch Sukhanov ne s'en émeut pas plus que ça, sûr qu'il est de son assise sociale et de son appartenance à la classe des apparatchiks. Une vie de privilégié depuis les années soixante, père de deux grands enfants prometteurs, marié à la encore très belle Nina, fille du peintre Malinin qui siège à l'Académie des beaux-arts et vante depuis 1947 la gloire de la Patrie et du régime, grand appartement, voiture avec chauffeur, et directeur de la revue d'art la plus influente du pays, à savoir L'Art du Monde (merci beau-papa pour le poste).
Bref, tout va bien dans le meilleur des mondes soviétiques...

Mais au soir de l'anniversaire de son beau-père, fêté en grande pompe avec, pas moins, discours du ministre de la Culture en personne, Sukhanov va glisser, d'abord imperceptiblement, dans une drôle de faille spatio-temporelle qui l'entraînera sur les rives de son enfance, puis inéxorablement vers celles de sa jeunesse perdue et de ses engouements artistiques, et inévitablement vers l'âge mûr et ses compromis.
C'est la rencontre avec Lev Belkin, ancien camarade de jeunesse et peintre clandestin comme lui dans les années cinquante, qui mettra le feu aux poudres de l'esprit, jusque là, équilibré de Sukhanov.

De flashback en flashback, nous remontons l'histoire personnelle d'Anatoli tout en suivant parallèlement les soubresauts de l'Histoire de son pays. L'appartement communautaire, la guerre, un père étrangement absent, la terreur des années de purges, les rencontres avec quelques vieux professeurs, le choc artitistique du surréalisme, le dégel des années cinquante, le rêve, enfin proche, de sortir de la clandestinité et de voir sa peinture reconnue... Mais, principe de réalité oblige, le cours de sa vie s'infléchira dans un sens imprévu pour l'amener là où il siège aujourd'hui, et ce depuis vingt-cinq ans. Vingt-cinq ans qui lui auront permis d'ériger un mur de béton entre passé et présent, afin de maintenir à distance certains souvenirs bien dérangeants mais qui reviennent pourtant tel un boomerang.

"Et d'extraordinaires feux d'artifice jaillissaient dans toute leur gloire de lumière, des ciels radieux mêlaient le pourpre des soleils levants et le vert des soleils couchants, des amants flottaient sur les ailes de la musique et du bonheur au-dessus des toits bleus, des poètes errants inondaient la nuit de paroles en forme d'étoiles, la terre féconde jetait au jour des fleurs gorgées de pluie et des chevaux farouches - devant cette vision de la vie tout à la fois épanouie et dissoute en mille formes et milles teintes inédites, je me perdis éternellement dans les flammes de la couleur la plus pure, dans l'harmonie bénie de la touche d'un pinceau, dans les rêves les plus intimes de l'âme..."

Et il n'a pas fini de rêver Anatoli !
Sa conscience de l'année 1985 n'en peut plus de s'accrocher à des petits riens qui sont autant de sauts dans le passé. Des allers-retours de plus en plus fréquents qui ne lui permettent plus de distinguer le rêve de la réalité, l'hier et l'aujourd'hui. Il glisse, dérape, tout se délite autour de lui, sa maison, ses enfants, sa femme, son boulot, et même son passé qui n'est peut-être pas tout à fait celui qu'il croit.
Comme nous, lecteurs, qui croyons entrer dans un livre austère, témoin d'un monde froid et révolu, nous nous retrouvons à composer une toile, à mélanger des couleurs, des sensations, passons du tragique au comique, et baignons dans un surréalisme délicieusement orchestré par la plume de l'auteur, croisant au passage les palettes de Dali, Chagall et Kandinsky, égarés avec nous dans le Moscou aussi bien somptueux du pouvoir que celui crasseux des vieux quartiers.

Alors, Anatoli Pavlovitch Sukhanov sombre-t-il dans la folie ou tout simplement vers sa vraie vie ?
Il vous faudra tourner les pages et vous laissez séduire par ce livre pour le savoir...

La vie rêvée de Sukhanov     Olga Grushin     Editions Point Seuil

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Le rêve
Chagall 1939

Quid des peintres russes d'aujourd'hui ?
Voici quelques toiles contemporaines et modernes, piochées ici et là.

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La fille au livre
Vyacheslav TAMANOV 1995

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Vue de la fenêtre
Nikolay ARZHANOV 1993

b5308
N° 97
Vadim SUSHKO 1965

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Nuit
Arseniy LEPINE 2006

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Hiver
Boris KLEVOGIN 2004

Et encore Chagall pour le plaisir !

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Vie paysanne 1925

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Création de l'homme 1956

 

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30 mars 2008

ВОДА ! ВОДА ! ВОДА ! *

9782742755240Sur une des îles qui forment la ville de Saint-Pétersbourg, vivent modestement Sophia et Trofim Ivanytch. Mariés depuis plusieurs années, l'enfant tant désiré se fait attendre.
Tout naturellement, ils accueillent Ganka, une jeune adolescente qui se retrouve soudainement orpheline.

Si au début ce trio cohabite sans heurts, Trofim Ivanytch ne reste pas insensible à la beauté de la jeunette...
Sous le regard mortifié de Sophia, alors qu'en cet été lourd et orageux les eaux de la Néva gonflent et débordent, le drame couve.

"Toute la nuit, le vent de la côte avait battu la fenêtre, faisant tinter les vitres. Les eaux de la Néva montaient. Et le sang, comme relié à elles par des veines souterraines, lui aussi montait. Sophia ne dormait pas. Trofmin Ivanytch, dans la pénombre, trouva à tâtons ses genoux et resta longtemps en elle. Mais il y avait de nouveau quelque chose qui clochait, il y avait de nouveau comme une fosse."

Ce court texte de 1929, à l'écriture réaliste et concise, est considéré comme "le chef d'oeuvre absolu" de l'auteur.
Mais, même si j'ai aimé le ton percutant et si je reconnais la prouesse littéraire qui consiste à plonger dans un esprit féminin rongé par les affres de la jalousie, du désespoir, et finalement de la folie, l'histoire de cette femme en mal d'enfant m'a laissé de marbre.

HONTE à moi...
Je n'ai toujours pas réussi à être touchée par la grâce de la littérature classique russe, ni par celle de la maternité !

* approximativement, que d'eau, que d'eau...

L'inondation     Evgueni Ziamatine     Editions Actes Sud

Samovar

 

28 mars 2008

Botanique (suite)

9782264042903R1Sur une immense propriété de la Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, un homme légèrement monomaniaque vivant seul comme un roi en son royaume, se met en tête d'y planter toutes les espèces d'eucalyptus répertoriées sur la planète.
Holland, nouveau venu dans cette contrée, ne tarde pas à susciter curiosité et commérages, jusqu'au jour où il vient accueillir à la gare une fillette qui n'est autre que sa fille.
Suite au décès de sa femme, morte en donnant le jour à des jumeaux, Holland élève seul Ellen, l'autre enfant ayant suivi sa mère dans la tombe.

Le temps passant et les eucalyptus poussant, Ellen se transforme en une superbe adolescente. A l'approche de ses vingt ans, son père décide de la marier à l'homme qui sera capable d'identifier les quelques quatre cents espèces d'eucalyptus qui peuplent sa propriété. La réputation de la beauté d'Ellen n'étant plus à faire, commence alors un défilé de prétendants plus ou moins érudits qui, sous le regard impassible de la princesse, tentent de passer l'épreuve, épreuve quasi insurmontable inutile de vous le préciser.

Ellen n'est pas loin de croire qu'elle finira vieille fille, peut-être même s'en réjouit-elle ?, lorsqu'arrive Roy Cove, spécialiste de chez spécialiste, la force tranquille, sûr de lui et bien décidé à remporter "le trophée". Ne prendrait-il pas même un malin plaisir à faire durer les choses, parfois sur le point de trébucher mais se rattrapant toujours in extremis (aux branches évidemment) ?
Tout absorbés qu'ils sont par leur botanique, Holland et Cove ne voient rien de ce qui se trame dans leurs dos. Car Ellen, qui en a ras-l'arrosoir des eucalyptus et ne s'imagine aucunement l'épouse de ce Cove se pourléchant déjà prématurément les babines, sûr qu'il est de croquer sa proie, Ellen la soumise va ENFIN se réveiller !

"Le mot eucalyptus vient du grec, "bien" et "couvert". Il décrit quelque chose de spécifique à ce genre. Jusqu'à ce qu'elles s'ouvrent, prêtes à être fertilisées, les fleurs d'eucalyptus sont protégées par un opercule, ce qui, de fait, place un couvercle sur les organes reproductifs.
Tout cela est très prude. En même temps - et nous voyons ici que le paradoxe est une carctéristique majeure de l'eucalyptus -, les feuilles qui les entourent affichent des moeurs presques dissolues, vu la façon dont elles exhibent tout un tas de différences d'épaisseur, de forme, de couleur et d'éclat: "un caractère changeant", pour formuler les choses à la manière botanique."

Pour les amateurs de contes modernes.
Pour les thésards ès calyptus.
Pour les asthmatiques et autres catarrheux chroniques.
Pour ceux qui envisagent d'en planter, à condition que le sol soit acide et humide.
Pour la belle couverture.
Pour un moment de lecture simple, pudique, mi-poétique mi-ironique, et parfumé.

Eucalyptus      Murray Bail     Editions 10/18

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23 mars 2008

Histoire d'histoires

9782264044983Une petite fille d'une dizaine d'années, Vif-Argent, est recueillie par Pew, vieux gardien de phare et conteur intarissable.
Depuis 1828, il y a toujours eu un Pew au Phare de Cap Warth, à Salines au nord de l'Ecosse. De père en fils, les Pew ont vieillé sur les bateaux et les âmes de marins. Au fil des générations, ils ont recueilli les histoires d'amour ou de naufrages.
Ils se sont aussi transmis un handicap, la cécité. Le Pew d'aujourd'hui n'échappe pas à la règle. Mais justement, parce qu'il est aveugle, Pew voit au-delà du temps.
Le vieil homme choisit Vif-Argent pour prendre le relais, celui du phare mais aussi celui de sa mémoire. De sa nuit éternelle, au rythme du fracas des vagues qui balaient Cap Warth et son édifice témoin imperturbable, chaque soir Pew revisite l'histoire de Salines et de ses habitants.

"Pew, raconte-moi une histoire.
Quel genre d'histoire, petite.
Une histoire qui finit bien.
Cela n'existe pas.
Quoi, les fins heureuses ?
Les fins."

Ainsi allons-nous croiser Josiah Dark qui construisit le phare avec un ami, un jeune ingénieur nommé Robert Stevenson, et surtout Babel Dark son fils, premier pasteur de Salines, un être double aussi fougueux que tourmenté, l'esprit partagé entre la Bible, ses métaphores et les rondeurs de la belle Molly O'Rourke.
S'inviteront dans la danse, Wagner et son "Tristan et Iseult", Darwin et son "L'Origine des espèces" et  Robert Louis Stevenson, le fils de l'ingénieur, avec son "Ile au trésor" et son "Dr Jekyll et Mr Hyde".
Pew nous balade, nous emberlificote, car il n'a que faire de la chronologie, ses histoires s'emboîtant dans sa tête comme des poupées russes.
Mais les fins semblent pourtant bel et bien exister. Vif-Argent devra s'en aller poursuivre sa vie vers d'autres ailleurs, riche des enseignements du vieux Pew mais toujours un peu plus prompte à défendre sa liberté pour réaliser ce qu'elle sait faire de mieux... raconter des histoires.

"Il vaut mieux que j'envisage ma vie de cette façon: un mélange de miracle et de folie. Il vaut mieux que je me résigne à ne pouvoir contrôler aucune des choses essentielles. Ma vie est un chemin jonché de naufrages et d'appareillages. Il n'y a ni arrivées ni destinations; juste des bancs de sable et un naufrage; et puis, un autre bateau, une autre marée."

Me croirez-vous si je vous dis que j'étais triste d'avoir terminé ce livre ?
Il fait partie de ceux dont on a envie qu'ils durent toujours, comme les histoires du vieux Pew, de ceux dont on veut tourner encore et encore les pages afin de se laisser bercer par les vagues d'imagination qui se succèdent et retenir l'empreinte de leur poésie bien longtemps après avoir lu le mot FIN.
Bref, une très belle histoire d'amour et d'amitié sous le sceau de la transmission.
Je vous le conseille vraiment.

Garder la flamme     Jeanette Winterson     Editions 10/18

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20 mars 2008

Clin d'oeil, Tshan !

9782877307666Quand le désir de devenir moine naît chez un gamin de huit ans, les parents ont le droit de penser que ça lui passera. Quand il entre au collège et qu'il réitère sa demande, les mêmes parents peuvent encore se bercer d'illusions, espérant que l'adolescence et ses convulsions auront tôt fait de ravir leur rejeton. Mais quand celui-ci, qui décidément a du mal à se faire entendre, commence à faire tout et n'importe quoi (c'est à dire plus grand chose), son père, qui est loin d'être idiot, se dit qu'il ferait peut-être bien d'écouter son fils et de le confier à l'abbesse du monastère qu'il fréquente tous les dimanches et où il pratique lui-même le zazen.

"Voyez-vous, Kimura-san, il existe à mon avis deux façons de vivre dans la voie religieuse. La première  consiste à devenir un moine remarquable, la seconde un moine admirable. Celui qui appartient à la catégorie que j'appelle remarquable est appelé à accéder à un rang toujours plus élevé et finit par se voir confier un haut poste au Bureau des affaires religieuses. L'autre, c'est la catégorie des moines qui se donnent entièrement à la pratique de la Voie et finissent par détenir un grand rayonnement. Si je vous demande de choisir, pour quelle catégorie allez-vous opter ?
- Pour le moine admirable, bien entendu.
- Bien. Mais je vous préviens que les moines admirables n'ont pas le sou ! dit-elle en éclatant de rire."

C'est qu'elle s'y connait l'abbesse qui, malgré son âge avancé et les clopes qu'elle fume à la chaîne, a une pêche d'enfer. Le Zen conserve... chouette !
Mais elle sait aussi se montrer impitoyable et verse peu dans le sentimentalisme. On ne transige pas avec les traditions religieuses.
Qui croyez-vous en souffrira le plus, le jeune bonze ? Pas si sûr.
Déplacez une pièce sur l'échiquier familial et tout ce petit monde appréhendera une autre réalité. Un peu comme le battement d'ailes du papillon qui déclenche un cataclysme.

Un texte sobre, tour à tour drôle et tendre.
Exactement ce dont j'avais besoin pour me remettre de mes dernières déceptions.
Bien. Je m'en vais de ce pas méditer devant le sanctuaire de mes piles à lire afin de déterminer sur quelle nouvelle voie littéraire je vais m'engager. Et si en plus je peux faire ça tout en tirant sur ma cigarette... le nirvana !
Ah, ça vous déculpabilise le Zen, j'en redemande !

Les avis de CHIMERE et du BIBLIOMANE

Je veux devenir moine zen !    Miura Kiyohiro    Editions Picquier poche

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13 mars 2008

Mauvaises pioches

9782070306817Abandon !
C'est coloré, chatoyant, artistique en diable, mais les aventures du bel éphèbe surdoué, Fra Fillipo Lippi, peintre et moine libertin de surcroit , m'ont profondément ennuyée.
Celui-ci aura beau devenir le futur maître de Botticelli, il n'aura pas réussi à me faire dépasser la page 91.
Pour les inconditionnels de la Florence du XVe siècle

La passion Lippi     Sophie Chauveau     Editions Folio

 

 

9782742758364Abandon !
Lu dans le cadre de lectures autrichiennes afin de tenter une réflexion sur l'insidence de la collaboration de ce pays avec le IIIe Reich dans l'oeuvre des auteurs modernes.
Cinq portraits de femmes qui toutes adoptent des stratégies diverses et variées pour composer ou fuir leur réalité.
Ces nouvelles et ces femmes m'ont vite lassée avec leurs tergiversations peu palpitantes !

Trois sentiers vers le lac   Ingeborg Bachmann   Editions Actes Sud Babel

 

 

9782350870304

Abandon !
Là, ça m'embête car j'aime beaucoup et le titre et cette couverture, de plus la 4ème de couv était alléchante.
Sur une ïle du Chili, une ancienne militante de gauche a ouvert une maison afin d'accueillir des femmes en perdition. Perdition plus psychique que sociale puisque qu'on y croise entre autres une historienne, une femme d'affaires, une journaliste, mais aussi des femmes plus modestes.
Les vingt locataires de l'Auberge se livrent mutuellement leurs histoires et leurs désillusions.
Et inévitablement le sujet qui, toujours et encore, revient sur le tapis, l'amour et les hommes.
Et que croyez-vous qu'il arrive ? Comme par hasard, sur cette île battue par les vents, au bout du bout du monde, le seul médecin est un beau mec venu lui aussi s'exiler pour soigner quelques blessures secrètes.
Et bien sûr, ce gros bourdon viendra affoler les guêpes de la communauté, enfin au moins deux, peut-être plus, mais je ne le saurai jamais puisque j'ai refermé ce livre à la moitié des 326 pages tant leurs digressions sur les relations hommes-femmes m'ont rasée (lassée, ennuyée, rasée, je suis à bout de synonymes !).

"Ton désir de te protéger est désespéré car tu n'as pas la force de caractère pour te défaire totalement de l'amour. Mais tu te se sens en danger. Floreana, quel est le pire qui puisse t'arriver ? Qu'on ne t'aime pas.
Serait-ce si grave ? "

Enfin une parole sensée...

L'Auberge des femmes tristes   Marcella Serrano   Editions Héloïse d'Ormesson

 

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11 mars 2008

Qu'est-ce que tadjik ?

8monoJ'ai dit que c'est dommage que ces monologues de femmes aient été écrits par un homme !

Huit textes pour dire la vie de quelques femmes.
Qu'elles soient comblées ou trompées, dans la mouise ou du côté du pouvoir, mère, épouse, amante ou prostituée, elles ont toutes plus ou moins la même vision d'elles-mêmes, une image souvent dépréciée. La faute aux hommes violents, alcooliques, absents, volages ?
Pas seulement. Ces femmes savent aussi se mettent des claques, se moquer d'elles-mêmes et des autres, se secouer, pour mieux rebondir ou supporter leur quotidien.

"Qui aurait dit que j'en arriverais là ? Parce que, entre nous, j'ai l'air fin de me retrouver ici, avec un fils de vingt ans, presque fiancé, une fille de seize, elle aussi à marier bientôt... Dire que je ne vais pas tarder à être grand-mère. Grand-mère ! A même pas quarante ans... Mais sans un cheveu blanc, s'il vous plaît. Si, si, vous pouvez venir voir vous-mêmes: ce n'est pas de la teinture, c'est ma couleur naturelle. Et presque pas une ride, avec ça. Juste une ou deux, peut-être, autour des yeux. Mais ça, c'est la vie qui le veut."

Une écriture résolument moderne, tonique et réaliste.
Est-ce un fait de la traduction ou le ton propre à l'auteur ? En tout cas, c'est une belle surprise que ces monologues tadjiks qui font souffler un vent de fierté venu d'un pays dont j'aimerais entendre plus souvent parler.
Merci à l'auteur de combler ce manque et de prêter sa plume aux femmes de son pays.

Les articles de SYLIRE  et  NAINA

Huit monologues de femmes    Barzou Abdourazzoqov    Editions Zulma

Tajikistan
image Unesco

4 mars 2008

Chili con carne

arton517_c40f6En matière de boucherie, nul ne doute que le Chili en connaisse un rayon...
C'est aussi ce que doit penser Tomaseo qui a perdu sa mère, morte à sa naissance, et qui grandit entre Juan, son père, et les clients de la boucherie tenue par celui-ci.
Il y a aussi les voisins, le coiffeur Chico, le chauffeur de taxi Paco, José, Antonio, les copains, tout ce petit monde qui se retrouve dans l'arrière-boutique à l'heure du couvre-feu pour picoler, taper le carton et refaire le monde.
Et puis il y aussi Dolores, l'institutrice spécialisée de la classe qui accueille Tom.

Car Tom est "un enfant aux yeux de nuit". Mais loin de l'handicaper, sa cécité lui ouvre les portes d'un monde plein de poésie. Il ne serait même pas loin de croire qu'il pourrait être un petit peu magicien, "car Tom avait un secret"...
Quoiqu'il en soit, c'est grâce à lui que Juan et Dolores se rencontrent et deviennent amants.

"Au petit matin, l'enfant Tom fut le premier réveillé. Son père était encore enfoncé dans un sommeil lourd, ronflant comme un révolutionnaire bienheureux.
Il avait plu toute la nuit, et ça continuait de tomber dru.(...)
Mais l'enfant regardait la nuit; Tom adorait la pluie. Il sortit de la boucherie et se mit à gambader comme un fou. Là où d'autres se seraient perdus, comme égarés par ce labyrinthe de gouttes furieuses, lui savait d'instinct s'orienter, déjouant les pièges de notre bon orage chilien.
Et à voir ainsi le gamin danser sous l'eau belle, faisant du déluge une joie de marelle, on eût dit que la pluie lavait tous les méfaits des hommes."

Tout irait donc pour le mieux, seulement voilà, nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes puisqu'au Chili où, même si la dictature tire à sa fin, il ne fait pas bon dire ce que l'on pense et encore moins rêver de révolution.

Une très belle surprise que cette fable douce-amère qui fleurit et s'épanouit sur le fumier des hommes. Et un joli tour de force que de réussir à marier poésie et cruauté, humanité et répression.
De bien belles métaphores, une vraie douceur dans un monde de brutes !

MUSKY  et  SYLIRE  ont également été séduites.

La boucherie des amants     Gaetaño Bolàn     Editions La Dragonne

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