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Le Souk de Moustafette

Le Souk de Moustafette
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7 janvier 2012

Direction...

Des Ressources (vraiment) Humaines !

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Celles et ceux qui cet été étaient au pique-nique organisé dans la fotêt de Huelgoat reconnaitront
 sans doute ce lieu de perdition qui a l'avantage de se situer à quelques minutes de chez moi.
Si les librairies indépendantes sont fragilisées par on sait quoi
à mon avis celle-ci ne risque pas de sombrer sous les bourrasque de la crise...
En effet, outre un grand choix de livres sur deux niveaux, on y trouve surtout beaucoup de chaleur humaine.

Le taulier, s'il sert à boire et à manger, en a surtout fait une auberge espagnole où chacun peut y proposer ce qui lui chante. C'est ainsi que jeunes et vieux se retrouvent l'après-midi ou le soir autour d'un verre pour des échanges aussi variés que faire du tricot ou parler le breton, apprendre à fabriquer de l'encens ou du savon, participer à des apéros poésies ou littéraires, assister parfois à quelques spectacles théâtre, concerts et conférences et en même temps en profiter pour admirer des expos peintures ou photos. C'est avant tout un café-librairie citoyen, un Repaire Là-bas si j'y suis s'y tient tous les mois et ça gaze à plein pot depuis que l'Etat et ses sbires libéraux veulent nous fourguer leur centrale... Bref, on ne se sent jamais seul à L'Autre Rive, on y croise toujours une tête connue, s'asseoir avec celles qu'on ne connait pas n'est pas un problème, et mon plus grand plaisir est de savoir que je peux, au grand désespoir de ma pal, aller y acheter un livre sur un coup de tête un soir à 22h sept jours sur sept (arf les pulsions, vous savez ce que c'est !) Si en plus je vous dis que l'endroit où a poussé ce lieu magique est en pleine forêt, qui dit mieux ?  Maintenant vous comprenez pourquoi j'habite dans le coin...


Attention  L'Autre rive est fermée jusqu'au 3 février inclus. 

Je ne me souviens plus chez qui* j'ai piqué le logo ni qui avait lancé l'idée des blogs de lecture solidaires de leur libraire sous forme d'une présentation en image. Si il ou elle passe par là faites signe, en attendant je passe le relais à qui veut.

(Ajout du 19 janvier : Il s'agit de GEORGE, son billet est ICI)

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4 janvier 2012

Stop ou Angkor

9782253157564S'il y a un lieu qui a marqué mon enfance, et où pourtant je ne suis jamais allée, c'est bien l'antique et célèbre cité d'Angkor.

J'ai grandi au milieu de souvenirs de cette immense cité de pierres séculaires et de jungle mêlées et Phnom Penh était un mot mystérieux, un sésame qui ouvrait sur un monde lointain et magique dont je pouvais toucher un petit bout de réalité. Comme d'autres aux petits soldats, moi je jouais avec les bouddhas et les dizaines de statuettes de bronze d'un orchestre khmer et, enveloppée de tissus chamarés et de quelques colifichés, je m'échinais à prendre les poses et m'imaginais la plus belle des Apsara dansant sur la table de la salle à manger.  Si un bandit ou un démon tentaient de m'attaquer pour me dérober le trésor dont j'étais la gardienne, la fascinante boule de Canton, alors mon fidèle compagnon, gros chat noir des plus inoffensifs, se transformait en panthère protégeant ma fuite à dos d'éléphant, dont les défenses étaient presque plus lourdes que moi, tout en brandissant au dessus de ma tête le sabre d'apparat de mon père.
Pour avoir la paix, il suffisait de me brancher le projecteur et dans le noir j'assistais inlassablement aux festivités colorées du couronnement de Norodom Sihanouk, je sautais de pierre en pierre dans la cité d'Angkor Vat. Quand j'ouvrais à nouveau les volets, le monde du XVIIIe arrondissement me paraissait bien gris mais j'avais puisé là de quoi m'évader et alimenter mes jeux futurs.

J'ai retrouvé cette atmosphère d'enfance dans le roman de Jean-Luc Coatalem où Lucas, le narrateur approchant la cinquantaine, se souvient de Bouk, un orphelin cambodgien d'une dizaine d'années parrainé par son grand-père et qui, à ce titre, était présent lors des dimanches et des fêtes de famille. Entre poulet rôti et tarte aux pommes, les deux gamins s'embarquaient pour des épopées au fond de la jungle du jardin d'une maison bourgeoise de Viroflay dans les années 50.

"Cette époque me sembla être alors une île inouïe et apaisée dans le temps. Qu'était devenu ce gamin d'origine asiatique ? Qui avait-il été ? Au milieu de troènes, il gardait le visage de l'enfance, la nôtre, avec ses minutes radieuses, ses heures iniexplicables. Sans l'avouer, même si toutes ces années l'avaient gommé, il n'avait cessé de me manquer, de me hanter. Mes mains tremblaient sur ses photos dentelées. A chaque page noire, je remontais vers un silence plus ancien, enfoui, vers ce gosse-météore, soudain coupable des jours sans lui. Pharaon sous le sable."

Lucas, reporter de son état, se lance à la recherche de Bouk dont la légende familiale avait le bon ton de dire qu'il était reparti à Angkor, formule polie pour masquer la disparition du jeune garçon devenu un adolescent ingérable. Lucas part pour le Cambodge traîner son malaise parmi les ruines d'Angkor à l'affût d'il ne sait trop quoi.

"Il y a un proverbe chez nous qui dit : "Ce que tu trouves t'apprend ce que tu cherches." Bonne chance !"

Un court roman émouvant et empli de nostalgie, ambiance bourgeoise d'une famille marquée par le temps de l'Indochine, réminiscences savoureuses de l'enfance, promenade littéraire aussi puisqu'on y croise Tintin et Hergé ainsi que Rudyard Kipling et Kim, et atmosphère étrange et oppressante des ruines d'Angkor. Petite frustration, on n'apprend peu de choses à propos de Bouk, ni sur le mystère de son arrivée en France, ni sur sa disparition soudaine. Mais finalement rien d'étonnant, c'est bien connu que ce que l'on va souvent chercher au bout du monde n'est autre que soi-même.

"Rien n'est plus beau que ce qu'on invente, au fond."

Après avoir lu Le dernier roi d'Angkor, je n'ai pas pu m'empêcher de revisonner ces diapos que je n'avais pas regardées depuis... et je suis restée longtemps à rêvasser sur une enfance perdue. Voilà comment les enfants solitaires développent leur imaginaire et se sentent un peu moins seuls.  J'ai ainsi fait de nombreux voyages entre le Cambodge, la baie d'Along, le Japon, Madagascar et même la Russie des Tsars, mais ça c'est une autre histoire...

Une émission à écouter ICI

Le Dernier Roi d'Angkor      Jean-Luc Coatalem      Editions  Le Livre de Poche

 

cambodgeAngkor

 

1 janvier 2012

Ah s'ils pouvaient parler !

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Je les imagine poussant des hourras en ce rare jour ensoleillé et finissant de Décembre
  Ou au contraire en colère et se lamentant contre cet hiver vraiment trop doux...
  A moins qu'ils pestent tout simplement de ne pouvoir se sauter dans les bras l'un de l'autre
Pour se souhaiter  Bonne Année !
La subtile dentelle que dessinent leurs branchages sur le crépuscule n'y résisterait pas
Agrandisssez, c'est beau !

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En face, celui-ci se marre...

29 décembre 2011

Décroissance... radicale

9782757811610Pour clore ma série "regardons les choses en face", j'achève cette année avec un bouquin que tout le monde ou presque a dû lire ou commenter. Je saute donc un énième résumé.

Alors, vais-je faire ma caractérielle anti-américaniste primaire ? Un petit peu... même si dans l'ensemble j'ai plutôt appprécié le style minimaliste qui colle parfaitement au contexte et la brièveté du récit dont l'action, survivre ou plutôt sousvivre, est déjà bien assez redondante.  Métaphore biblique un peu lourdingue, apocalypse, le bien le mal, les gentils les méchants, cannibalisme (léger, merci à l'auteur), caddisme et cocacolisme, ça fait beaucoup...  sans compter la fin euh... très américaine, limite happy end, qui m'a moyennement convaincue. Tant qu'il y a de la vie, y'a de l'espoir paraît-il. Etant du genre plutôt pessimiste, j'en doute.

 On pourrait tirer son chapeau à ce type qui se la joue Sisyphe dans le grand rien qui l'entoure. Je ne suis pas assez bio-addicte pour ça... surtout quand le cirque dure depuis trop longtemps. Ce livre aura le mérite de mettre le lecteur face à la question du suicide et, pour celles et ceux qui ont opté pour la descendance, il offre une belle digression sur la transmission.

"Question : Quelle différence y a-t-il entre ne sera jamais et n'a jamais été ?"

Si on arrête de se prendre pour le centre de tout, on parle de la fin D'UN monde, mais pas de la fin DU monde. J'ai tendance à considérer l'Homme comme un accident de la nature, comme toute espèce il sera de toute façon amené à disparaître. Et au regard de l'état où il laissera les lieux à la fin de son bail, j'en arriverais presque à dire que le plus tôt sera sans doute le mieux... Mais la Terre s'en remettra et continuera de tourner sans nous, heureusement.

Une note de poésie pour m'excuser des ces propos si biologiquement incorrects.

 

La route     Cormac McCarthy      Editions Points

 

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24 décembre 2011

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21 décembre 2011

Du temps

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Avent des bois

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Sur un air de Ploum ?

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Clepsydre ?

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Vert printemps

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Ou rose bonbon

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De saison

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Mon préféré
mais la sélection a été difficile
tant ces calendriers artistiques
sont tous plus beaux les uns que les autres

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Ils sont exposés jusqu'à la fin de l'année
à Saint-Goazec au domaine de Trévarez

13 décembre 2011

Le travail c'est la santé...

9782021045529La lente et terrible descente aux enfers du docteur Carole Matthieu, médecin du travail à Valence sur le site d'une plate-forme d'appels d'un groupe de télécoms. Lasse des arrêts maladies inutiles, des insomnies, des consommations vaines d'anti-dépresseurs et autres anxiolytiques, des suicidés qui se ramassent à la pelle, Carole Matthieu veut frapper un grand coup pour ébranler la direction et l'opinion publique. Faisant fi du serment d'Hippocrate, elle pète les plombs à son tour et tue un de ses patients au bord du suicide.

"Toutes les preuves sont là dans mes rapports mais personne ne les lit parce que la direction départementale, la Sécurité sociale, l'inspection du travail et le conseil supérieur sont dépassés par la complexité du phénomène et pensent qu'il s'agit de cas isolés. La hiérarchie, elle, ne s'en inquiète pas parce qu'elle les lit comme les conséquences de problèmes personnels. Elle pense : Le suicide est une affaire privée et n'a rien à voir avec l'entreprise qui, elle, ne gère ni émotion ni troubles psychiques, mais des chiffres et des objectifs à atteindre."

Pendant que les flics recherchent le meurtrier, Carole Matthieu tire à boulets rouges sur la direction, les syndicats, les conditions de travail. Tout en continuant son boulot et soutenant le personnel ébranlé par ce meurtre, elle fait le ménage dans ses dossiers afin d'écrire l'Histoire officielle. Avant de se dénoncer ou de s'offrir une porte de sortie...

"Je ne suis pas la bienvenue.
Trop de secrets passés par mon cabinet. Je connais tous les visages. Chaque petite histoire qui m'a été racontée et a été inscrite noir sur blanc dans mes dossiers.
Je le sais. Ils le savent. Leurs casseroles que je traîne jour et nuit font un bruit d'enfer. Mêmes les oreilles bouchées et les yeux fermés, le vacarme est assourdissant.
Ils pensent : Elle en sait trop.
Je me retiens de leur dire : On a tous quelque chose à se reprocher."

J'avoue ne pas avoir lâché ce livre, écrit au présent, qui m'a laissée essouflée, comme si je courais avec Carole Matthieu cette macabre course contre la montre, groggy  comme elle de toutes ces pilules avalées pour tenir le coup, impuissante aussi face à l'emballement et au déréglement de la machine infernale qui nous fait passer de l'aliénation au travail à l'aliénation tout court.

Un style noir efficace. Très efficace. 

"Parce qu'un salarié ne se suicide pas directement à cause d'un chef de groupe trop zélé ou d'un collègue harceleur. Cela ne suffit pas. La souffrance naît de la disparition progressive de tous ces minuscules espaces de liberté nécessaires et vitaux sur lesquels le top management rogne pour accroître les marges de productivité : la minute de pause en moins, les réponses à formuler au client chronométrées à la seconde - pas une de plus -, la pause cigarette réduite de moitié, le téléphone directement branché sur celui du supérieur, le scrip standardisé au mot près à servir à chaque client ou le sourire programmé."

On participe tous à ce système... Me sont revenus en mémoire les deux jeunes mecs hyper speedés passés mettre en place l'installation téléphonique et me relier au réseau lors de mon arrivée ici en Mars dernier. L'un, blanc et décomplexé, mettant la pression à l'autre, typé et soumis, qui transpirait à grosses gouttes, tremblant, les yeux brillants et injectés de sang - came ou médocs ? - pendant qu'il perçait le mur et faisait péter le crépi dans sa maladresse et sa précipitation. Comme il s'excusait, j'ai osé lui dire, pendant que le blanc bidouillait en extérieur, qu'il n'avait pas à laisser l'autre le traîter comme un chien. Sa réponse m'a sidérée.... "Ce n'est rien, il n'est pas méchant, tout à l'heure il va s'excuser.". S'en est suivi une prise de tête avec le premier quand il est rentré et qu'il a trouvé son collègue en train de boire un verre d'eau (je suis infirmière, le mec était vraiment mal et encore plus devant l'esclandre). Prise de tête aussi face au questionnaire de satisfaction reçu peu après. Faire l'impasse totale et annoncer mon entière satisfaction ? Dénoncer l'attitude de l'un nominativement (j'avais son nom) ? le mal en point de l'autre qui a failli emboutir ma bagnole avec le camion-nacelle en sortant du jardin ? J'ai opté pour une solution peut-être un peu lâche et j'y suis allée d'un laïus sur la pression flagrante mise sur le personnel et les hommes qui ne sont pas des machines. Au risque de laisser ces deux types se débrouiller avec leur supérieur et de peut-être perdre leur boulot.
J'attendais une réponse me renvoyant que certes, bla bla bla, mais que j'étais sans doute bien contente d'avoir récupéré une connexion trois jours seulement après mon déménagement, mais non, le service clientèle ne va pas jusque là... toujours poli et le client est roi. 

Bref, tout ça pour dire qu'une fois de plus entre fiction et réalité, la frontière est ici bien ténue. A lire !

Les visages écrasés      Marin Ledun      Editions du Seuil

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12 décembre 2011

Hier

Malgré le brouillard qui enveloppait le roc'h Trédudon
Nous étions au rendez-vous pour dire NON

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On connaîtra à la fin du mois le site où les opérateurs choisiront d'implanter
la centrale au gaz qui recrachera par an 1 300 000 tonnes de CO².
A suivre...  

8 décembre 2011

Tranches de vie

9782070443239Je profite de ce qui me tient actuellement un peu éloignée du Souk  pour vous glisser un mot de ce petit bouquin qui, s'il se veut de la fiction, est hélas sans doute bien proche de la réalité.

L'auteur nous entraîne dans le parcours du combattant des DATR, ces hommes "directement affectés aux travaux sous rayonnements" et qui se baladent sur les 19 sites nucléaires français afin d'effectuer la toilette des 58 réacteurs en service. 80% des travaux de maintenance y sont effectués par des employés intérimaires, véritables nomades de l'atome qui traquent les missions au gré des arrêts de tranche des centrales de l'Hexagone. Quand la bête est au repos, à eux les bains de vapeur et les plongeons dans des piscines dont l'eau d'un bleu si merveilleux ferait presque regretter qu'on les vide avant d'y entrer. Dans leurs beaux costumes blancs dits Mururoa, pas le temps de se mirer dans les plaques et les parois de cuves qu'ils astiquent et serpillent comme de simples techniciennes de surface et, parce qu'ils le valent bien, on leur file un joli bracelet qui affiche le chrono et la dose de bienfaits que procure cette charmante thalasso, faut tout de même pas abuser des bonnes choses... Ceux qui sont claustrophobes peuvent toujours aller faire un stage de varappe dans les tours réfrigérantes en compagnie des légionelles et des amibes, le tout dans une ambiance chlorée à souhait.

"A la pause de dix heures trente, devant la machine à café, quelqu'un lui pose la question. A propos de la piscine - de la couleur de l'eau dans la piscine. Un bleu intense, quasi surnaturel, qui pourtant ne doit rien à la science et n'emprunte rien à la fiction, le bleu du ciel au-dessus des casbahs, illuminé, transfiguré de l'intérieur, un bleu d'artiste inventé puis breveté sous sa formule chimique, mais dans une transparence et un rayonnement que seule la nature dans ce qu'elle a de plus intime est capable de rendre sensible à nos yeux, et pour cause, certaines particules dans l'eau battent en vitesse le record de la lumière."

Bon, j'arrête ce ton badin, pur réflexe défensif de ma part mais qui ne sied pas à la gravité du sujet, pour me joindre au concert de louanges qui a accueilli ce livre lors de sa sortie.

Selon la formule consacrée, on pourrait dire que c'est clair, net et précis (sauf que, si on est comme moi du genre nul en physique, et si on ne fait pas l'effort de rechercher un schéma, on est vite perdu dans la technologie de la chose).  Mais l'essentiel n'est pas là puisque chacun sait qu'entrer dans ce truc s'apparente plus à une descente aux enfers qu'à une cure de jouvence et qu'il faut une bonne dose de maîtrise de soi et des nerfs solides à moins de se la jouer fangio et de fonctionner à l'adrénaline.

L'avenir à court terme de ces hommes est proportionnel à leur taux de radiations accumulées au cours de l'année. Quand le maximum est atteint, plus de boulot ou alors les plus crades, hors zone d'exposition, mais qui vous font regretter la pression des plus dangeureux; quand il y a encore de la marge, ils sont toujours assurés, qu'en poussant la porte d'une des agences d'intérim qui pullulent toujours autour des centrales, de signer un contrat. L'avenir à long terme est beaucoup plus incertain...

Ce livre se lit comme un reportage, le ton est sobre et direct. C'est une histoire d'hommes, pas de femmes dans cet univers. Une histoire d'amitié qui dit à peine son nom, de solidarité sans trop de démonstration,. Beaucoup de pudeur et aucun jugement envers ceux qui craquent, ni face à la fascination que le nucléaire exerce sur certains, encore moins envers ceux qui le combattent. Une histoire de solitude sans pathos, juste l'obsession d'un mec au quotidien qui a besoin de bosser.

"Le paysage défile derrière la vitre, éclairé par endroit. Il y a dans le coffre, sur la banquette arrière, tout. Tout mon patrimoine. C'est un rêve de gosse. Rouler la nuit et avoir avec soi, dans un seul mobile, du contenant au contenu, tout ce qu'on possède, ou parmi les choses qu'on possède, celles qui nous sont vraiment utiles et dont on peut se contenter, avec lesquelles on vit très bien et qui finissent par être tout notre bagage. C'est un rêve facile, mais pas forcément de liberté."

A lire absolument pour regarder son ordi ou son radiateur d'un autre oeil.

L'avis de CATHE

La Centrale      Elisabeth Filhol      Editions Folio

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4 décembre 2011

Tapas... vu le roi ?

412VMHA8JrLLes héros de Un aller simple, Octavio Rincon et Raul Salvati, nous avaient entraînés dans un périple déjanté au Maroc. Dans Nager sans se mouiller,  nous croisions brièvement Txema Arregui, ancien flic devenu détective privé.
Nous retrouvon les trois personnages dans ce roman dont l'intrigue tourne autour de Txema Arregui avec lequel nous faisons plus ample connaissance.

Trois semaines avant Noël, Arregui est tranquillement occupé à régler des enquêtes à sa façon lorsque l'ignoble Iñaki Zuruaga débarque dans son agence madrilène avec un gros paquet d'euros tentateur contre l'accomplissement d'une mission. Devant le refus du détective l'entrevue tourne au fiasco et entre les deux hommes commence un bras de fer de 392 pages. Bras de fer auquel vient se mêler le roi d'Espagne ayant disparu volontairement. Le ministre de l'intérieur en personne, une vieille connaissance d'Arregui, charge ce dernier de ramener sa majesté au bercail.

"L'honnêteté en politique est un état gazeux qui peut se disperser dans le vent de la nécessité, des întérêts du parti ou de la tendresse pour le fauteuil qui aura fini par prendre la forme de son cul."

Toujours taraudé par le fantôme Claudia, la femme qu'il aimait morte quelques années auparavant, Arregui se lance sur la trace du monarque tout en tentant d'échapper aux sbires de Zaruaga. S'il retrouve très vite Juanito, tous deux sont alors contraints de s'embarquer dans un road movie dont l'auteur a le secret, errant dans une Espagne arriérée tels un don Quichotte et un Sancho Pancha à la recherche de la sortie. Quand, enfin, ils rejoindront Madrid ce sera pour se réfugier chez Rincon et Salvati, devenus restaurateurs, et où, sous couvert de moult déguisements et entourloupes, Arregui et le roi règleront les nombreux comptes qu'ils ont à solder l'un et l'autre.

"Il m'arrive parfois d'être un salaud. C'est l'inconvénient de la solitude. Quand on en a assez de se faire chier, on se met à faire chier les autres."

J'avoue être un peu moins enthousiaste que lors des deux précédents romans. Si l'imagination de l'auteur ne fait pas défaut, bien au contraire, je trouve que cette fois-ci il tombe un peu trop dans l'excès. Les situations sont tout aussi loufoques, les personnages également, notamment le roi d'Espagne - le vrai a dû bien rigoler s'il a lu le livre - mais j'ai eu un passage à vide lorsque nos héros tournent en rond dans une Espagne d'un autre temps et il me tardait qu'ils en sortent. J'ai eu le sentiment que l'auteur réutilisait le même canevas de Un aller simple en changeant juste les couleurs de ses écheveaux et en chargeant le trait. Ceci mis à part, ça reste une bonne lecture divertissante et on se demande bien où l'auteur va chercher tout ça !

"Un veuf est un homme qui a approché la mort et en a un moins peur. Il la connait de près et d'une certaine façon il l'attend.
C'est la théorie.
La pratique indique que lorsqu'on te colle un .38 sur le front, tu oublies les théories."

Je reste roi d'Espagne      Carlos Salem      Editions Actes Sud - actes noirs

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23 novembre 2011

Le dernier coup

9782757822708Lucho Arancibia, Cacho Salinas et Lolo Garmendia sont trois anciens communistes chiliens sortis de prison ou de retour d'exil. Se retrouvant une nuit à Santiago dans l'atelier de l'un d'entre eux, ils attendent leur chef, le vétéran, le Spécialiste, Pedro Nolasco, petit-fils d'un célèbre anarchiste syndicaliste. Histoire de prolonger un peu la révolution de leur jeunesse, ils sont prêts à reprendre du service et récupérer ce qui leur est dû.
Or, au même moment, Nolasco gît sur un trottoir, malencontreusement tué par la chute d'un vieux tourne-disque Dual balancé par une fenêtre lors d'une banale scène de ménage chez Coco Aravena, lui aussi de retour d'exil. Coco trouve sur le macchabée un vieux Smith & Wesson ainsi qu'un numéro de téléphone qu'il subtilise avant l'arrivé de la police. Croyant d'abord avoir tué un flic, il se décide finalement à appeler ce numéro. Une voix, pensant avoir affaire à Nolasco, lui répond qu'on l'attend au garage d'Arancibia.

"Les quatre hommes se regardèrent. Plus gros, plus vieux, chauves et la barbe blanchie, ils projetaient encore l'ombre de ce qu'ils avaient été.
- Alors, on tente le coup ? demanda Garmendia et les quatre verres ont trinqué dans la nuit pluvieuse de Santiago."

Sous l'égide de Pedro Nolasco, ce dernier coup se fera donc sans lui. Mais cette nuit-là, un autre homme se souviendra du Spécialiste, le vieil inspecteur Crespo qui identifiera le corps de Nolasco à la morgue. Ses souvenirs de jeunesse afflueront eux aussi,  les deux hommes s'étant déjà croisés en d'autres temps.

Au gré de va et vient entre passé et présent, ce roman est prétexte à  revisiter brièvement les années précédant l'avènement de Salvador Allende au pouvoir jusqu'à sa chute. C'est surtout l'occasion de brosser le portrait d'une poignée d'hommes portés par un même rêve qui virera rapidement au cauchemar, une très belle histoire d'amitié et de retrouvailles, de loyauté et de lutte, le tout narré avec tendresse et humour.

"Au milieu de l'assemblée, Coco Aravena était en pleine euphorie car la commission chargée de l'agitation et de la propagande du parti communiste révolutionnaire marxiste léniniste maoïste, tendance Enver Hoxha, très différente de la coterie liquidationniste qui se faisait appeler parti communiste révolutionnaire marxiste léniniste pensée mao tendance drapeau rouge, l'avait chargé de la lecture d'une résolution du comité central appelée à changer l'histoire."

La révolution n'a jamais dit son dernier mot. Et, avec ou sans Pedro Nolasco, les quatre lascars retrouvent l'audace de leurs vingts ans.
Une belle revanche sur leurs cheveux blancs et leurs idéaux perdus.

L'ombre de ce que nous avons été      Luis Sepulveda      Editions  Points

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19 novembre 2011

Les dessous de la mort

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"Et puis, l'assurance d'avoir du monde à mes funérailles,
c'est encore de me rendre à celles des autres."

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Cliquez pour lire le texte, le ton est donné !

Quand on vit sur une île et qu'on est une vieille Bretonne, pas toujours facile de trouver à s'occuper, surtout en hiver. La mort par accident du jeune Jacques Morvan va venir égayer un peu le quotidien de notre héroïne. Encore un très bel album de Marc Le Rest, déjà rencontré ICI , qui s'attaque cette fois-ci à la bigoterie bretonne sans complaisance. Commérages au village, visite et veillée chez la famille, messe et mise en terre, tout y passe, agrémenté des réflexions intérieures de la vieille dame. Un cérémonial râleur se déroule en dessous de l'officiel. Hypocrite et réjouissant !

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Et bien sûr, tout se termine au bistrot !
"Au bistrot, non seulement la famille a l'amabilité de nous offrir à boire,
mais elle a aussi le bon goût de ne pas nous imposer sa présence."

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Délicieuses obsèques      Marc Le Rest      Editions  Terre de Brume

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16 novembre 2011

Cap Fréhel

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Ombres chinoises dans le petit matin

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Et réveil timide sous la caresse des premiers rayons de soleil
Le cap Fréhel est magique à cette heure !

14 novembre 2011

Salon d'automne, troisième !

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Des noms prestigieux pour les 15 ans d'un salon noir
Jean-Bernard Pouy et son accent parigot
 Didier Daeminckx et un très beau livre de photos sur Belleville
 Marcus Malte et sa belle gueule
Jean-Paul Nozière et ses personnages qui parfois l'encombrent un peu
Alain Wagneur et sa gentillesse
Marin Ledun dont j'aurais aimé lire le livre qu'il m'a dédicacé et que je n'ai pas retrouvé....
Sans oublier Dominique Sylvain aussi sympathique que ses héroïnes
Et plein d'autres encore !

Il y avait aussi une exposition bien nostalgique d'objets qui ont marqué les quinze ans des auteurs
Une expo photos en noir et blanc 
Et les oeuvres de DIDIER LANGE qui est un peu à la peinture ce qu'Yves Jamait est à la musique
(d'ailleurs ils se ressemblent, même look de poulbot gouailleur)

 


BOOKORAMA BISTROTS D.LANGE par theatreduHaHa

Des ambiances de bistrots de la marine, des personnages en partance ou en errance,
dans une atmosphère bien noire qui m'a rappelé les vieilles couvertures des livres de poche
de Francis Carco. Mais qui se souvient de Francis Carco ?!!

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14 novembre 2011

Et après Lamballe...

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Faut déjà déballer ?..
Les tags se ramassent à la pelle
Merci les filles...

Le premier vient de chez GWENAËLLE.

- Un dessert ? Un plateau de pâtisseries orientales, sans complexe !
- Une mer ? La mer Egée, sans hésitation.
- Un mot compliqué ? Superfragilitiscexpialidocious, évidemment !
- Une essence d'arbre ? Le cèdre, pour son parfum, ses vertus et sa longivité.
- Une comédie ? Les Tontons Flingueurs, façon puzzle !
- Une province française ? La Bretagne, quelle question !
- Un air de jazz ? Un morceau de Chet Baker, sans doute.
- Un minerai ? Du cuivre, comme remède contre l'arthrose.
- Une chanson ? Celles de Barbara, impossible de choisir.
- Un pays d'Amérique du Sud ? La Patagonie, plutôt une région donc.

Le second de chez AIFELLE.

- Un monument ? La place du Réghistan, si ça ne vous dit rien c'est ICI 
- Une héroïne romantique ? Euh... La fiancée du pirate peut-être, c'est dire mon niveau de romantisme !
- Un animal ? Un chat, forcément.
- Un état d'esprit ? La nostalgie... pfff...soupirs.
- Un paysage ? La mer et le ciel, indissociables.
- Un défaut ? Je procrastine énormément quand je ne râle pas, mais la liste aurait pu être plus longue.
- Un alcool ? Un verre de Bordeaux avec du fromage de chèvre, indispensable.
- Un rêve ? Samarcande, un jour... un jour... j'irai !
- Une maison ? Une yourte ou une roulotte, j'hésite, pour déménager encore et encore.
- Une série télé ? Belphégor,  ça faisait rudement peur !

Qui n'a pas fait l'interro ? J'en vois une au fond de la classe qui se planque derrière ses bouquins, MARGOTTE, au tableau si tu veux bien !
Si tu étais un mot d'enfant, une héroïne de conte, un juron, une épice, une planète, une oeuvre d'art, un mythe, une gourmandise, une étoffe, la huitième merveille du monde...

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11 novembre 2011

Tontons flingueurs

arton20410-c1db9"Dorita mourut pendant sa sieste, pour achever de me gâcher mes vacances. J'en étais sûr. J'avais passé vingt ans de nos vingt-deux années de mariage à lui inventer des morts fantasmatiques."

Après ce décès inopiné, la première chose que fait Octavio Rincon, petit fonctionnaire tyrannisé par sa mégère d'épouse, c'est de se jeter sur le minibar pour fêter ça, ensuite, il prend la poudre d'escampette face à cette mort subite pourtant des plus naturelles. Commence alors un road movie qui le mènera de Marrakech aux montagnes de l'Atlas  au gré de rencontres délirantes.

La première est celle de Raul Salvati, un Argentin débrouillard, ancien révolutionnaire, chanteur de tango pour finir vendeur de glaces dans le désert, qui l'accompagnera et l'entraînera dans des tribulations plus loufoques les unes que les autres. Un mauvais tour joué à un Bolivien signera le début d'une course-poursuite déjantée. Leur route croisera celle de Charly, vieil hippie et réincarnation de Carlos Gardel déternimé à éliminer Julio Iglesias, Claudio Grimaldi, réalisateur de génie qui a sombré dans la folie avec toute son équipe et enfin Mowles, un futur prix Nobel vivant aux portes du désert avec Jorge Luis, son chat qui le déteste. Agrémentez le tout de belles filles, de quelques flingues, de voitures patronymées et d'une poignée de faux dollars, et voilà le décor planté.

"Le jour suivant nous arrivâmes à Nador. La ville était entièrement décorée de drapeaux et les gens ne cachaient pas leur excitation. Nous prîmes des chambres dans un hôtel et je compris que je ne serai plus jamais le même en me voyant poser le .38 sur le porte-savon."

J'ai tourné les pages au même rythme effréné que l'épopée farfelue à laquelle se livre cette équipe de branquignoles au langage fleuri et aux répliques drôles et savoureuses. Si vous voulez lire tout en vous croyant au cinéma, n'hésitez pas une seconde et plongez dans ce bouquin où vous" nagerez sans vous mouiller", c'est réjouissant !

Les avis de Kathel et de Ys

Aller simple   Carlos Salem    Editions Babel noir  

41VNnKbfYtLCet été, j'avais passé un si bon moment dans l'univers de Carlos Salem que j'attendais avec impatience la sortie poche de son roman suivant. Voilà qui est fait.

D'un côté face, Juanito Pérez Pérez traîne sa quarantaine tristounette et banale, divorcé et père de deux enfants il gagne sa vie en fourgant compresses et papier hygiénique aux hôpitaux. Côté pile, il est Numéro Trois de l'Entreprise, ou plus explicitement le troisième tueur à gages d'une organisation criminelle.

"Il y a des années que j'ai renoncé à savoir si je suis un monstre ou juste un type normal avec un travail différent."

Après un temps de maladresse révolu, Juanito devient un as de la gachette. Il est à la troisième place certes mais, ayant lui-même éliminé sur ordre le vieux et précédent N°3, il est bien placé pour savoir que c'est une position enviée. Alors qu'il s'apprête à partir en vacances, l'Entreprise l'envoie dans un camp naturiste avec pour mission de surveiller le propriétaire d'un véhicule qui n'est autre que celui de... son ex-femme en villégiature elle aussi dans ce camp en compagnie de son nouveau boyfriend, un jeune juge tenace et dérangeant. Mais il découvre qu'en fait le dit véhicule a été vendu à son propre ami d'enfance, à qui il a fait quelques misères lorsqu'ils étaient plus jeunes, Tony, le même ou presque, Tony qui est également présent dans le camping. A cet improbable huis-clos estival et déshabillé s'invitent Txema Arregui, un flic qui n'a pas la mémoire qui flanche, Yolanda ,une belle animatrice qui en pince un peu trop pour notre héros, Camilleri, curieux professeur et écrivain et enfin le terrible Numéro Treize. L'incompréhension devient alors totale et la parano n'est pas loin.

"Quiconque m'observerait verrait un cadre au repos, en vacances dans un camping naturiste chic, sirotant son verre et lisant paisiblement. C'est ainsi que je me sens. Je m'imagine me découpant sur le vert des frondaisons, sans rien à craindre.
Comme sur une photo.
J'ai vu beaucoup de gens comme ça.
Comme sur une photo.
Ou dans la mire d'un télescope.
Une seconde après ils étaient morts."

 Juanito Pérez Pérez se retrouve donc coincé, supposément incognito, au milieu d'un tas de gens qu'il connait (et réciproquement mais pas tout à fait non plus) et qui plus est, la plupart du temps à poil, situation des plus inconfortables, vous en conviendrez, quand on fait un boulot où le principal outil de travail est un flingue muni d'un silencieux.

Mon résumé vous paraît un peu confus ? C'est que la situation ne l'est pas moins... Navigant à vue tout en essayant de démêler cet imbroglio, Juanito devra jouer sur les deux tableaux, d'un côté père timide et falot accompagné de ses deux enfants confronté au nouveau couple de son ex-femme, de l'autre tueur sans états d'âme, sûr de lui et au self control mis à rude épreuve parmi tous ces corps nus . Je vous laisse imaginer les situations cocasses qui vont en découler et les numéros de transformiste auxquels Juanito va devoir se plier.

Si le rythme de ce roman est un peu moins endiablé que le précédent, on se laisse embarquer par l'originalité du propos et le burlesque des situations de ce jeu de chat et de la souris . L'auteur jongle entre les deux personnalités de son héros avec brio, les personnages secondaires sont tout aussi truculents, l'humour est roi et la tendresse toujours en filigrane.
Comme dans Aller simple, Carlos Salem réussit à tisser une toile discrète entre passé et présent, passé où s'enracine des caractères souvent frustrés, présent libérateur qui va voir s'épanouir et se révéler les tempéraments face à un enchaînement de circonstances cocasses.

"Quand on passe sa vie à lire, on finit par croire que la vie est un livre, qu'on peut revenir en arrière si l'on perd le fil de l'histoire. Mais ce n'est pas comme ça. La vie, notre propre vie, on ne peut la lire qu'une fois, tout en avançant. Et connaissez-vous quelque chose de plus difficile que de lire en marchant ?"

Entre Les tontons flingueurs et les frères Cohen, j'aime décidément beaucoup la plume de Carlos Salem, au point que je n'ai pas pu m'empêcher d'acheter, les yeux fermés, son tout dernier roman (Je reste roi d'Espagne, Actes Sud). Commencé hier soir, j'ai eu la surprise doublée du plaisir de retrouver le curieux inspecteur Arregui et les sympathiques Octavio Rincon et Raul Salvati (héros du premier roman). L'auteur a l'art des cabrioles littéraires et tricote un attachement romanesque jubilatoire à ses personnages. Je vous en reparlerai !

Nager sans se mouiller    Carlos Salem     Editions Babel noir

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9 novembre 2011

Matou d'automne

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En voilà un qui s'est inventé
 un coin de ciel  bleu et des  miettes de soleil  !

7 novembre 2011

Kahlo maman bobo...

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 Frida Kahlo mourut le 13 Juillet 1954, elle n'avait que quarante-sept ans et j'ai presqu'envie de dire tant mieux.
Curieuse façon de commenter cette biographie par la fin, mais la douleur est si omniprésente tout au long des pages que j'ai été soulagée quand  elle cessa définitivement. Cela a sans aucun doute à voir avec un seuil de tolérance bien bas face à la souffrance physique et à l'angoisse que provoque en moi toute atteinte à mon intégrité corporelle...
Frida Kahlo a su, elle, vivre avec ces deux  lourds fardeaux pendant vingt-neuf ans, s'en nourrir et réussir à les sublimer de façon souvent violente dans sa peinture.

Je ne vous ferai pas un résumé de sa vie, vous pourrez en lire un excellent chez Ys ICI . J'aurai plutôt envie d'associer des images au parcours de cette femme car, comme elle le souligne elle-même, on lit à travers ses toiles comme à livre ouvert. Je m'attarderai donc plus sur certains aspects de sa personnalité à jamais marquée par son terrible accident survenu à l'âge de dix-huit ans et sans lequel son oeuvre aurait sans doute été toute différente. La poliomyélite l'avait déjà atteinte lorsqu'elle était enfant, lui laissant une jambe et un pied atrophiés qu'elle dissimulera en s'habillant d'abord en garçon avant d'opter pour les jupes longues.

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Frida au centre

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Femme narcissique par excellence, on le serait à moins quand on entre dans la vie adulte mutilée de la sorte, mutilations qui se répèteront jusqu'à son décès. Centrée sur elle-même de par la douleur et l'immobilité, de longs mois alitée, Frida Kahlo commence à peindre en se regardant dans un miroir et reviendra d'ailleurs souvent à cette technique, d'où les immombrables autoportraits qui jalonneront son oeuvre. La raideur de ces portraits répond sans doute à la rigidité de sa colonne vertébrale et aux nombreux mois où son corps s'est retrouvé enfermé, et ce à plusieurs reprises dans sa vie, dans divers corsets de plâtre, de cuir, de fer. Ces instruments de torture deviendront parfois des supports comme sur le cliché ci-contre.

Rien d'étonnant donc à retrouver sous son pinceau des corps morcelés, des organes, du sang,  ce dont se sont rapidement emparés les surréalistes pour la ranger dans leur camp. Or, s'il y a bien une peinture qui n'a pas à voir avec l'inconscient, c'est bien celle de Frida Kahlo. Elle est  bien au contraire réaliste, d'un hyperréalisme naïf empreint de couleurs, d'ex-votos et de figures de la culture pré-colombienne. Comme elle le dit elle-même "je n'ai peint que ma réalité", pas celui des ses rêves qui d'ailleurs s'apparenteraient plutôt alors à des cauchemars . Et sa réalité est tout simplement hystérique, dans le sens de ce qui touche au corps.
Si Frida Kahlo met son corps en scène sur ses toiles, il en va de même dans la vie. Elle n'est pas loin elle-même de l'oeuvre d'art ambulante. Elle n'aura de cesse d'embellir ce corps mutilé amassant les tissus, les bijoux, les couleurs, brandissant cette hyperféminité comme un charme face à la malédiction qui la frappe et lui refuse aussi  l'aboutissement naturel qu'est la maternité, surtout à cette époque. 
Si Frida Kahlo fut une femme au caractère bien trempé, elle n'en fut pas moins ambiguë, notamment face à la maternité, ce que ne pointe pas le livre qui aborde le problème de ses grossesses impossibles, entre fausses couches et avortements, sous un angle univoque qui en fait une victime passive. Diego Rivera  n'était pas du genre à assumer ses paternités et  la vie qu'ils menaient tous les deux n'était pas des plus stables aussi est-il probable que Frida fut plus qu'ambivalente fasse à ce désir d'enfant et ne mit pas toujours toutes les chances de son côté pour voir aboutir ce projet.
Rivera avait vingt ans de plus qu'elle et s'il reste l'homme auquel elle attache sa vie, elle se comporta face à lui plus comme une mère supportant les frasques de son fils adoré, ici un peintre génial mais un être peu ragoûtant et égoïste, dont elle accepta la demande de divorce  pour mieux le remarier peu après ! Ce couple fait penser à la Belle et la Bête, mais la bête resta bête et fit, après celle que lui infligeait son corps, une douleur profonde qu'elle cultiva et entretint jusqu'au bout.  Elle préféra s'oublier dans les bras de femmes jeunes (des miroirs aux corps parfaits ?) ou ceux d' hommes plus âgés (encore) , sans doute pour éprouver son pouvoir de séduction, mais plus sûrement pour tromper sa solitude face à l'amour fusionnel que lui refusait son mari.

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Autoportrait (1947)

Malgré tout, l'esprit bouillonnant de Frida Kahlo trouva à s'épanouir dans l'effervescence de son pays, exhultant dans les fêtes et la vie artistique et sociale de l'époque. Si certains ouvrages en font presque une icône politique et féministe, celui-ci opte plutôt pour un engagement se calquant sur celui de son mari. Elle trouve d'ailleurs laborieux les discours idéologiques et les intellectuels français en prennent pour leur grade. Même si elle a plus de scrupules que Rivera à jouir des largesses sonnantes et trébuchantes de la célébrité, notamment nord-américaines, elle ne le quittera pas pour autant. Sa soumission amoureuse à l'ogre Rivera peut trouver des racines dans une forme de masochisme issu de la fréquentation assisdue de la douleur, mais elle s'enracine sans doute aussi dans la relation très proche qui s'instaura dans l'enfance entre son père et elle et qui se renforça encore lors de son attaque de polio. A noter que cet homme, photographe et dessinateur, souffrait d'épilepsie, comme la mère de Frida qui manifesta aussi ce qui ressemble fort à des crises hystériques. De plus, Frida est née juste après la mort d'un frère qui laissa sa mère dépressive au point de la confier à une nourrice qui se révéla alcoolique. Tout cela augure de l'inscription de Frida Kahlo vers le côté obscur de la vie et peut-être aussi de l'amour.  Son acharnement à se faire aimer de Diego Rivera, et à supporter les tourments qu'il lui infligea, la place difficilement en tête du cortège féministe... Son anticonformiste et la liberté avec lesquels elle a mené sa vie, soutenue en cela par la figure de Diego Rivera et dans un Mexique très pratiquant, n'en font pas moins un personnage d'avant-garde.

"Avant de créer son propre paradis, il faut savoir puiser dans son enfer personnel."

Au Mexique la mort est une fête, aussi, après cette biographie à rebrousse-temps, je laisse la place à la peinture et  notamment à une des dernières oeuvres de Frida Kahlo qui s'inscrit dans les nombreuses natures vives que lui inspira la luxuriance de son Mexique tant aimé.

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Viva la Vida (1954)

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L'étreinte amoureuse de l'univers, la terre, moi, Diego et monsieur Xolotl
(1949)

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Le rêve (1940)

Je remercie  Logo-Partenariats-News-Book pour ce livre qui constitue une bonne entrée en matière et donne envie d'aller glaner d'autres sons de cloche car, c'est bien connu, les biographies invitent toujours à polémique... Celle-ci a l'indulgence de l'amoureux  pour sa belle, et apparemment Gérard de Constanze l'aime énormément, ce qui à le désavantage de porter Frida Kahlo quasi au rang de sainte. Un portrait un peu plus nuancé n'aurait pas nui à la diablesse qu'elle était !

Frida Kahlo  La beauté terrible    Gérard de Cortanze    Editions Albin Michel

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5 novembre 2011

Sur les routes bretonnes

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 Je vous avais présenté l'auberge  ICI
Voici la voiture qui va avec !
Vue de derrière elle est chouette, rigolote,
parfaite pour Halloween
sauf que...

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Quand je vous disais que les proprios avaient le goût de la mise en scène
Ils ont aussi celui de la provocation.
Je me demande ce que peuvent bien penser les habitants
d'un petit village voisin, haut lieu de la Résistance bretonne sous l'Occupation,
lorsqu'ils voient passer ce véhicule...
Certes il n'y a pas, ou plus, les deux S au centre de cette croix de fer
mais je n'imaginais même pas qu'on puisse avoir le droit d'afficher
aussi ostensiblement ce genre de mauvais trip.

1 novembre 2011

Merci Virginie Deloffre !

9782226229700Léna vit au rythme des absences et des retours surprises de Vassili. A ce mari, pilote militaire sans cesse en mouvement entre ciel et terre, Léna oppose une immobilité sans faille. Elle se déplace à minima entre le combinat où elle travaille et les files d'attente des magasins. Tentant de se faire toute discrète comme pour se dissimuler d'un toujours possible malheur qui pourrait la rattraper, Léna évolue en lisière de la vie, le corps rivé à l'arbre sous sa fenêtre tandis que son esprit s'en va batifoler vers les mystères de la vie de Vassili ou le long de l'Ob qui a bercé son enfance.

"C'est une matière la brume, humide, douce. Moi-même je suis faite de cette grisaille qui m'enveloppe tout entière. C'est la matière de la nostalgie. Elle a la même texture que le manteau couleur du temps de Peau d'Âne. Quand Vassia s'en va la brume se lève en moi puis m'imprègne entièrement, et je suis faite de cette étrange matière, de pure nostalgie."

Effacée, rêveuse, à la limite sauvage, Léna tire sa patience de sa Sibérie natale où elle fut élevée par Varvara, une bonne vieille communiste qui héberge déjà Dimitri, un géologue moscovite déplacé dans les années soixante par la Sécurité de l'Etat afin de s'occuper de la station de géographie de Ketylin, à savoir une baraque paumée dans un trou perdu du Grand Nord. Comme rééducation, Dimitri aurait pu tomber plus mal, car l'arrivée de Léna va permettre à ces trois êtres malmenés par la vie de refonder un semblant de famille. Léna grandira donc entre Dimitri le taiseux rêveur qui ne s'amine qu'au contact des trésors de la terre, et Varvara la bavarde et pragmatique babouchka qui s'accroche coûte que coûte à son vieux rêve communiste.

"Ah mes enfants ! Pour les gueux de cette sorte, figurez-vous qu'il fut le bienvenu le turbulent, le retentissant Octobre 17 : Point besoin de peser à l'once près, on avait bien su vers qui tourner les fusils quand elles sont arrivées au grand galop les années flamboyantes, les filles d'Octobre, en leurs atours et tintamarre, en leurs habits rouge sang ! Rouges les étendards et les bâtiments, rouges les pavés et les ruisseaux, rouge la bourrasque de désirs... Un vent puissant s'était mis à souffler sur la Russie, en tourbillons qui emportent tout ! Nous les guenilleux, on avait ouvert à deux battants la grande porte du futur. On crachait dans nos mains, on se penchait dessus pour y découvrir le visage de l'avenir. Car c'était là qu'il était tracé, dans ces cals et ces crevasses ! Allons dis camarade, que vois-tu ?"

Plus tard, quelque part en Russie centrale dans l'appartement communautaire n°12, les fréquentes absences de Vassili ramènent Léna vers la Sibérie par le biais des longues lettres qu'elle échange avec Varvara et Dimitri.
Un jour, Vassili est sélectionné pour faire partie de la prochaine mission qui rejoindra la station Mir . Léna pressent alors que la bulle qu'elle s'est construite ne va pas tarder à exploser. Sa routine rassurante se détraque, obsédée qu'elle est par moult questionnements. Que vont donc chercher les hommes dans l'espace ? Pourquoi ceux qui en reviennent ont-ils tous le même vide au fond des yeux ? Que va-t-elle devenir ?

"Elle est tombée sur moi la menace que je sentais rôder. Oh tu avais raison ma Varia, ce n'est pas une femme, non, ce n'est pas son genre. C'est bien pire. C'est l'ailleurs qui me l'a pris."

Un très très beau voyage littéraire, qu'on se le dise !
J'ai adoré la compagnie de ces quatre personnages aux antipodes les uns des autres mais soudés pour nous offrir un condensé du peuple russe ancré dans sa terre et son Histoire.

"Peut-être était-ce cela leur étrange lien commun : la nostalgie de l'inaccessible."

J'ai aimé Léna, le cheminement de cette femme cristallisée dans l'attente. Ell cultive l'absence comme une fleur fragile, brode sa vie à petits points de glace pour anaesthésier cette douleur d'enfance qui finira forcément par se rouvrir.
Vassili m'a emportée avec lui dans les étoiles. Le récit de l'aventure spatiale soviétique qu'il raconte aux enfants de l'appartement communautaire est passionnant et la fuite en avant de cet homme, si loin, la lutte qu'il met un point d'honneur à mener pour la gloire de son pays en voie de disparaître sous les assauts de la Perestroïka, très émouvantes.
Et  bien sûr le duo Varvara-Dimitri qui fonctionne à merveille, tour à tour grave, drôle, tendre.

Quand elle a la tête dans les étoiles, Virginie Deloffre nous parle avec bonheur et poésie de la Terre et de l'expérience unique vécue par quelques privilégiés. "Et quand tout s'écroule, est-ce qu'une image peut suffire à sauver le monde ? Un homme qui flotte dans l'univers dans son costume de papier blanc..." 
Et quand ses peids arpentent la Sibérie, c'est avec le même amour que les petits peuples du Grand Nord. "Plus au sud les peuples toungouses de la taïga demandent pardon aux arbres avant de les abattre. Ici les Nénètses continuent à fixer leurs tentes avec des amas de neige même en pleine tempête, parce que planter un pieu dans le sol pourrait offenser la terre."

J'avoue, la rentrée littéraire a parfois du bon...Un vrai coup de foudre pour ce roman qui me fait sortir de ma léthargie bloguesque avant que l'hibernation totale me tombe dessus.

Je regrette que ce roman ne soit pas sur la liste du Goncourt des Lycéens, voilà un livre qui leur aurait certainement plu.
L'avis tout aussi enthousiaste de Yv 

Léna     Virginie  Deloffre      Editions Albin Michel   

                                           

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