Charlotte Dutilleul n'est qu'une petite fille lorsqu'éclate la guerre de 14. Turbulente, elle tente tant bien que mal de se conformer aux desiderata de sa mère, une femme rigide pour laquelle seule importe l'apparente perfection de sa famille offerte aux yeux des autres. Au cours d'une réception, deux événements vont marquer à jamais la fillette, un des deux sera passé sous silence face à l'énormité du second.
Quelques années plus tard, la trépidante Charlotte, pour laquelle on avait d'emblée tendance à éprouver une franche sympathie, s'est assagie, ravalant sa douleur et devient mère à son tour. Nicole naît d'une union sans amour et hérite du même caractère maternel. Mais les temps ont changé, les moeurs aussi. Nicole grandit à Saint-Germain des Prés et, contrairement à sa mère qui ne s'est pas opposée à la sienne, adolescente elle rue dans les brancarts... Les représailles seront féroces et la fin terrifiante.
Une traversée rapide de la première partie du XXe siècle et une galerie de mères et de filles sur trois générations font de ce court roman un condensé efficace des mécanismes qui conduisent à déclarer l'autre fou afin de maintenir l'équilibre familial.
Les petits sacrifices Caroline Sers Editions Le Livre de Poche
Encore trois générations de femmes, mais dans un environnement et une atmosphère plus exotiques que précédemment, pour nous conter la lutte de quelques femmes face à leur destin.
Ce pourrait être l'antithèse du livre de Caroline Sers. Là où tout n'est qu'apparence, froideur, rigidité, soumission, Véronique Ovaldé aborde la maternité et les relations mère-fille sous un angle à la fois tendre et cruel avec une fantaisie qui sied à merveille au cadre sud-américain de ce roman et une poésie qu'on lui connaissait déjà.
Je ne m'étendrai pas plus tant ce livre a été commenté.
Ce que je sais de Vera Candida Véronique Ovaldé Editions J'ai lu
Dans la famille de la narratrice, la coutume veut que l'on se transmette de mère en fille une icône. La fille la reçoit de sa mère le jour de ses quinze ans, puis la famille lui cherche un mari. Mais Marthe fait une entorse à la tradition. Le jour des quinze ans de sa fille, cette dernière est déjà enceinte... Marthe garde donc l'icône et n'en continue pas moins sa vie de patachon. Née en 1904 à Paris, elle fut élévée par ses grands-parents en Roumanie. Elle ne rejoindra ses parents en France qu'à ses trois ans. C'est une enfant déjà fantasque qui parle aux oiseaux et dont la mère est peu présente. S'en suit une adolescence, presque sans histoire, puis un mariage arrangé, sans amour mais avec beaucoup d'alcool, d'amants et d'enfants.
Femme avant d'être mère, Marthe aura une vie mouvementée mais saura cependant s'attacher l'amour de ses enfants, lesquels payeront beaucoup de pots cassés en flirtant avec la folie. Sans un sou, Marthe retournera finalement vivre chez sa propre mère avant de finir ses jours dans une maison de retraite où elle continuera à boire et à voyager dans sa tête trop pleine de souvenirs, plus souvent mauvais que bons. La narratrice recevra des mains de son père l'icône que Marthe n'avait pas voulu transmettre.
Un très beau tableau de famille, entre grandeur et décadence, déracinement et intégration. Un émouvant portrait de femme et un tendre hommage d'une petite-fille à sa grand-mère.
Tâche de ne pas devenir folle Vanessa Schneider Editions Points
De la folie intime à la folie à l'échelle humaine, il n'y a qu'un pas que Jean Molla franchit avec talent pour nous conter l'histoire d'Emma, souffrant d'anorexie. A force de ténacité, elle parviendra à faire émerger son identité de femme d'un embrouillamini familial des plus sombres.
Si c'est sa grand-mère qui détient la clef des nombreuses questions qu'elle se pose, c'est seule qu'Emma devra trouver les réponses au risque de chambouler la respectabilité de sa famille.
Encore un cas d'école, car outre l'aspect romanesque de ce roman joliment mené, on trouve là encore une excellente illustration de ce que vient colmater la pathologie mentale. Si elle s'ancre dans le présent, elle s'enracine toujours dans les générations précédentes et véhicule souvent ce qui ne peut se dire. Ici, elle s'attaque au corps et renvoie, comme un miroir, l'image de celui d'Emma, décharné, à ceux, squelettiques aussi, qui hantaient les camps nazis.
Un autre endroit où on en parle
Sobibor Jean Molla Editions Folio
On a souvent des surprises lorsqu'on se rend sur les tombes de ses ancêtres. Il y a parfois un petit quelque chose qui cloche dans les dates. C'est ce qui arrive à Leonora qui s'aperçoit, lors d'une visite au mémorial de Thiepval près d'Amien où sont enterrés de nombreux soldats britanniques tombés durant la bataille de la Somme, qu'elle ne peut pas être la fille de son père .
Révélations, rebondissements, meutre, Leonora devra, elle aussi, batailler dur pour connaître la vérité. Après les grands-mères, les mères, les belles-mères ! Celle de Leonora détient-elle la clef du mystère ? En tout cas c'est un morceau central du puzzle...
Entre roman historique et roman des origines, ce livre, malgré quelques longueurs, tient son lecteur en haleine jusqu'à la dernière page.
Par un matin d'automne Robert Goddard Editions Le Livre de Poche