Un portefeuille bien garni !
Quelle bonne surprise de pouvoir à nouveau pousser la porte de l'atelier de reliure de Mathilde Berger ! Je ne savais pas qu'il y avait une suite à La relieuse du gué et j'ai replongé avec plaisir dans cette nouvelle aventure. Nous retrouvons Mathilde, toujours à Montlaudun, en Dordogne, entourée de ses sympathiques amis commerçants. Un jour, une femme étrange et hautaine, elle-même relieuse, la sollicite pour une collaboration. Astride Malinger est entrée en possession d'une pépite littéraire dénichée dans une brocante pour une bouchée de pain; elle propose à Mathilde de nettoyer le papier, tandis qu'elle-même se chargera de la reliure. Le personnage étant peu sympathique, Mathilde hésite.
"- N'exagérons rien, soixante kilomètres entre deux relieurs, c'est la distance minimum requise. D'ailleurs mettons les choses au point tout de suite. Vous êtes "relieuse", c'est ainsi que vous vous présentez n'est-ce pas ? Moi je suis relieur-doreur. C'est mon titre. Une relieuse, mademoiselle, c'est une machine, comme une lieuse sert au fourrage."
Mais les réticences de la relieuse cèdent lorsqu'elle se retrouve face à un Premier Folio de Shakespeare. Elle s'installe pour une semaine chez Astride afin d'effectuer son travail. Commence alors une curieuse cohabitation, mêlée d'attirance et de répulsion pour cette belle femme au comportement lunatique voire paranoïaque, vivant seule avec ses chiens à l'écart des autres, entièrement centrée sur son métier, obnubilée par sa dernière acquisition et la valeur qu'elle représente.
Un désaccord éclate entre les deux femmes alors qu'Astride doit rémunérer Mathilde pour le travail accompli. Mathilde repart sans un sou mais avec, en compensation, un portefeuille rouge acquis en même temps que les écrits de Shakespeare et dont se désintéresse complètement Astride. Le portefeuille n'est pas vide et va entraîner la relieuse dans une merveilleuse aventure. Qui a écrit les feuillets contenus à l'intérieur? Quels liens ont-ils avec le Premier Folio ? Aidée de personnages secondaires bienveillants, Mathilde se lance dans cette quête avec naïveté et détermination, loin de se douter où la mènera sa découverte, ni qu'Astride Malinger n'est pas prête à sortir de sa vie.
" Comme j'avais fait connaissance avec Shakespeare, je prenais congé, page après page, contrôlais mon travail, libérant le Premier Folio des dernières traces de taches et poussières. Sur mon cerveau, je gravais son image, dans mes mains, son volume, sur le bout de mes doigts, sa matière."
J'ai tourné, moi aussi, les pages de ce roman, avec tant l'avidité qu'en deux soirs l'affaire était pliée ! Ce fut une lecture douillette et distrayante, et ça m'a fait un bien fou de me laisser emporter par la plume romanesque de l'auteure. J'adore ces histoires de vieux papiers. En dehors de toute valeur marchande, et quelque soit le propos, je suis toujours émue de découvrir d'anciens écrits. Cela vous est-il déjà arrivé ?
Le portefeuille rouge Anne Delaflotte Mehdevi Editions Babel Actes Sud