Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Le Souk de Moustafette

Le Souk de Moustafette
Derniers commentaires
Archives
25 mars 2012

22° à l'ombre

plnparasolnb

Sans commentaire...

Publicité
Publicité
22 mars 2012

Seventies

9782878585117Louise Morvan cherche à élucider la mort suspecte de son oncle, Julian Eden, décédé dans les années 70 en pleine tourmente Power Flowers. Elle l'a porté au rang d'îcone, a hérité de son appartement, de son Aston Martin et repris à son compte son agence, devenue Morvan Investigation. Son amant, ça aide, est Serge Clémenti, flic au 36 quai des Orfèvres.

"Et cette histoire de prescription était insupportable. On pouvait tuer en toute impunité et attendre que le temps passe, que la société oublie. Les victimes valaient moins cher que les vieux trente-trois tours des années psychédéliques."

Il s'avère bien vite que la drôlesse va semer le trouble avec ses idées de ranimer le tonton. Nous sommes en 1994, nombre des fréquentations de Julian Eden sont encore de ce monde ainsi qu'un vieux flic, Casadès, ayant jadis enquêté sur sa mort et qu'à l'époque on avait mystérieusement muté. Louise remet le grappin sur Casadès et va plonger dans son sillage pour une sacrée virée dans les années très rock and roll de la décennie 7O. Bref, ça va castagner sur une bande son bien rythmée, d'autant plus que la Louise est plutôt du genre à mouiller sa chemise pour arriver à ses fins. 

A cette époque traîne aussi à Paris Jim Morison him-self qui fréquente, comme le tonton et ses acolytes, le célèbre Rock and Roll Circus, le vrai celui du 56 rue de Seine, où se croise du beau monde. Le fantôme du roi lézard, venu puiser sa poésie hallucinée dans la capitale, plane sur cette histoire pour le plus grand plaisir des fans ou des nostalgiques de ces temps insouciants.

"Il ne les avait pas oubliées, ces gazelles du Roch and Roll Circus, ces mômes longilignes et fraîches. Dans ces années dépourvues de sida, elles ne pensaient qu'à s'envoyer en l'air et à raconter des conneries sur l'équilibre cosmique et les portes de la perception. On arrivait toujours à en trouver une pour vous faire un massage karmique. Chouette époque."

Louise Morvan est une enquêtrice têtue, emmerdeuse mais sympathique. On la retrouve, et dans l'ordre, dans Baka !, Soeurs de sangTravestis, Techno bobo, Strad et La nuit de Géronimo. Dans les années 2000, elle se fit griller la vedette par le duo Lola Just et Ingrid Diesel, autres figures récurrentes de Dominique Sylvain, mais quels que soient les romans, on retrouve avec bonheur une écriture vive et énergique pour nous trimballer aux quatre coins de Paris, qu'il soit branché ou populaire.

Dernières photos de Jim Morrison à Paris  ICI
Et pour retrouver le Paris des années 60-70 c'est par LA

 

Pour le plaisir des oreilles et la magie d'un solo qui m'a toujour fait voyager bien loin...

the-doors-jim-morrison-sing-with-smoking-on-stage

"I see myself as a huge fiery comet, a shooting star.
Everyone stops, points up and gasps "Oh look at that !"
Then whooshe, and I'm gone...
and they'll never see anything like it ever again
and they won't be able to forget me, ever"
James Douglas Morrison
8/12/43 Melbourne (Floride) - 3/7/71 Paris

  
Le Roi Lézard     Dominique Sylvain     Editions Viviane Hamy

   

18 mars 2012

Deux vies en une

9782070136629Narcisse Pelletier n'a que dix-huit ans lorsque, en compagnie de quelques matelots, il pose les pieds sur une plage en apparence déserte du nord-est de l'Australie. Ils ont débarqué d'une chaloupe avec pour mission de trouver de l'eau potable à rapporter à bord de la goélette Saint-Paul. Parti seul de son côté explorer les arrières du rivage, Narcisse revient bredouille.

"Quand il parvint au sommet de la petite falaise, il découvrit qu'il y était seul. La chaloupe n'était plus tirée sur la plage, ne nageait pas sur les eaux turquoises. La goélette n'était plus au mouillage à l'entrée de la baie, aucune voile n'apparaissait même à l'horizon. Il ferma les yeux, secoua la tête. Rien n'y fit. Ils étaient partis."

Ainsi débute cet excellent roman.
Dix-sept années plus tard, en 1861, Octave de Vallombrun, membre de la Société de Géographie, faisant escale à Sydney se voit sollicité par le gouverneur et convié à une réunion cosmopolite permettant de statuer sur la nationalité d'un blanc qu'un navire anglais à découvert sur une plage, nu, tatoué et s'exprimant dans un langage inconnu. Il apparaît bien vite que cet homme est Narcisse Pelletier. Mais de Vallombrun ne le découvrira que petit à petit car celui qu'on appelle désormais le sauvage blanc a non seulement oublié sa langue mais aussi sa culture d'origine. De Vallombrun est officiellement chargé de le ramener en France, il a devant lui de longs mois de voyage pour rééduquer ce drôle de sauvage.

"Le voyage de retour de Narcisse vers notre monde n'aura lieu qu'une fois et dans un seul sens. J'en serai le scribe."

Si l'on découvre d'abord les premiers pas de Narcisse au sein de la tribu aborigène qui l'a sauvé d'une mort certaine, on pourrait se croire embarquer pour un simple roman d'aventures anthropologiques. Mais très vite on abandonne provisoirement ce genre pour le registre épistolaire puisque de Vallombrun va entretenir une longue correspondance avec le président de la Société de Géographie auquel il livre ses observations, l'évolution de ses relations avec Narcisse, ses interrogations, ses doutes, et cela même bien après le retour en France. Les chapitres donnent voix alternativement au naufragé et au scientifique.  

C'est un roman bourré de charme et de talent.
Charme de l'aventure humaine qui va lier ces deux hommes : point trop d'angélisme, puisque d'un côté de Vallombrun compte bien sur cette expérience pour redorer son blason d'explorateur et asseoir ainsi son autorité au sein de la Société de Géographie, et que de l'autre Narcisse garde une part de son mystère. Il y a cependant beaucoup d'humanité dans cette relation qui réunit des mondes opposés, un noble et un matelot, un civilisé et un sauvage ayant pourtant appartenu au monde du premier.

"Ce qui a commencé sur une plage déserte d'Australie oblige à penser autrement l'Homme."

Talent du style et de l'écriture qui eux aussi alternent avec aisance selon les chapitres. L'élégance des lettres de de Vallombrun et de ses questionnements sont un réel plaisir littéraire, et le cheminement intérieur de Narcisse, plus naïf et touchant, trouvent un équilibre parfait pour aborder le thème de la différence et du lien aux autres. Au-delà de la réflexion sur la notion de civilité ou, comme disent certains, de civilisation, se profile le thème de la double appartenance avec les conflits qu'elle génère qui peuvent aller jusqu'à la folie. Au final, le tout nous ramène inéluctablement à notre époque...

"S'il répondait à mes questions, il se mettait dans le danger le plus extrême. Mourir, non pas de mort clinique, mais mourir à lui-même et à tous les autres. Mourir de ne pas pouvoir être en même temps blanc et sauvage."

Premiers pas dans la fiction pour un auteur qui un temps porta un titre un peu ronflant et qu'on dirait venu d'un autre siècle, puisqu'il fut de 2000 à 2005 "Administrateur supérieur des Terres australes et antartiques françaises", si, si, ça existe encore... Cela étant, ce livre est une belle réussite dont on a peu entendu parler, un de plus !

Quelques mots sur le vrai Narcisse Pelletier dans un échange auteur-lecteurs ICI

Ce qu'il advint du sauvage blanc     François Garde     Editions Gallimard

HQ

"Entrevue avec les sauvages" 1836
(gravure dessinée par Danvin, gravée par Monnin)

14 mars 2012

Il y a un an

9782843045752Jour pour jour, tout comme Brice Casadamont, j'attendais le camoin des Déménageurs bretons qui allaient déverser les 40m3 de meubles  et de cartons dans ce qui allait être ma nouvelle demeure. Heureusement pour moi, la comparaison avec le protagoniste du dernier roman de Pascal Garnier s'arrête là !

Quittant Lyon pour le petit village de Saint-Joseph proche de Valence, Brice se retrouve complètement désemparé devant le vide de la grande maison qui l'accueille. Il attend le retour de sa femme Emma, une trentenaire reporter sans cesse en vadrouille aux quatre coins du monde. On comprend vite que, sous cette absence et cet hypothétique retour, il y a anguille sous roche.
Alors qu'il est incapable d'investir les lieux tant qu'Emma n'est pas là, Brice va finalement s'installer dans le garage où il vivra au milieu d'un fatras de cartons éventrés au fur et à mesure de ses besoins.

"Mais les choses, les choses !... Il en grouillait des centaines, des milliers autour de lui dans la pénombre du garage. Les cartons en vomissaient chaque jour de nouvelles. Chacune attendait de lui une fonction, un emploi et il ne savait que les éparpiller au hasard, leur imposant une sorte de partouze monstrueuse. A force, bien sûr, elles se reproduisaient, engendraient l'inconcevable. On imagine mal ce que peut donner l'accouplement d'une moulinette à légumes avec une paire de skis. C'est épouvantable. On se serait cru dans un tableau de Jérôme Bosch."

Illustrateur de livres pour enfants, Brice met entre parenthèses ses activités lucratives pour faire connaissance avec l'environnement et les quelques habitants de Saint-Joseph, et notamment avec Blanche, une femme assez fantasque qui ne tarde pas à prendre sous son aile le pauvre Brice un brin paumé.

"Comme son nom l'indiquait, Blanche était vêtue de cette couleur de la pointe de ses souliers jusqu'au curieux bonnet de dentelle au crochet qui faisait penser à un cache-théière. Tout en blanc, mais d'un blanc cassé, tirant sur le vieil ivoire. On aurait dit une mariée qui serait restée trop longtemps en vitrine."

Je ne peux hélas en dire beaucoup plus car avec Pascal Garnier on sait d'où on part mais la destination est toujours des plus inattendues... Ce qui est sûr c'est qu'avec une certaine légèreté, voire une désinvolture quasi inoffensive, le blanc vire imperceptiblement au gris pour sombrer subitement dans le noir.

"Il aurait volontiers passé ses vacances dans le coma."

Voilà, c'est du Pascal Garnier tout craché, une écriture imagée mêlée d'un humour délicat...  Merci à Zulma de le ressusciter du fond des limbes, son ton unique nous manque !

Cartons     Pascal Garnier     Editions Zulma 

Copie de mariage_196

 

11 mars 2012

Abandon

97822531617522100 et quelques, à Paris on enlève une fillette à sa mère pour la parquer dans un centre de réhabilitation pour enfants de la Zone, carencés, maltraités, délinquants (ou en passe de le devenir), ils ressortiront de là à leur majorité, formatés, calibrés, aptes à devenir de parfaits sujets disciplinés ne perturbant pas la société ultrasécurisée qui sert de cadre à ce roman.

Au tout début, la petite Lila donne du fil à retordre à ses "bienfaiteurs" et je me réjouissais de son sale caractère qui n'était pas sans me rappeler celui d'une certaine Lisbeth Salander. Hélas, la comparaison s'arrêtera là. Lila a la chance de rencontrer un thérapeute trop bien disposé à son égard et trop peu à celui de l'autorité, mais elle rentre cependant rapidement dans les rangs, se plie docilement au successeur de son premier thérapeute disparu, lequel successeur est d'ailleurs aussi bienveillant à ceci près qu'il entretient en plus de bonnes relations avec les autorités, bref à sa majorité Lila réussira à obtenir à peu près ce qu'elle veut, à savoir un travail de copiste-numériste dans la bibliothèque où l'on s'évertue à supprimer toute trace d'ouvrages imprimés sur papier en prenant soin de remanier les textes afin qu'ils soient politiquement corrects. Là, grâce à un employé dont elle se fait rapidement un allié, elle réussira à retrouver dans des archives des éléments concernant son enfance et sa mère. Je parierais que le directeur de la bibliothèque ne tardera pas à tomber amoureux d'elle, et réciproquement, mais je ne le saurai jamais. Car quand ce directeur, à la page 212, reste planté à regarder la miss avec à la main l'écharpe qu'elle a malencontreusement laissé tomber, j'ai refermé le livre et l'ai balancé par terre. J'avais déjà failli jeter l'éponge à l'épisode des boîtes pour chat et fait un effort pour arriver jusque là, curieuse quand même de découvrir l'univers interdit des livres, mais là c'était trop m'en demander...

Une succession de clichés orwelliens et de concepts futuristes caricaturaux, trop d'heureux hasards et de bonnes rencontres, une naïveté proche de la mièvrerie, des personnages sculptés dans du beurre, une facilité déconcertante à résoudre les difficultés et une superficialité qui gomme toute l'intensité dramatique qui aurait sied au sujet. Tout cela est d'une simplicité si convenue et d'un tel ennui que j'ai du mal à comprendre le concert de louanges dont s'est paré ce livre.  A mon grand regret, je suis bien incapable d'y ajouter les miennes.

La ballade de Lila K     Blandine Le Callet     Editions Le Livre de Poche 

fj71km6i

Publicité
Publicité
5 mars 2012

Au matin

brumesmtsd'arrée6C

Île de verdure voilée

brumesmtdarréeC

Posée sur la brume délicatement étalée

brumesmtdarrée8c

Sur des Monts d'Arrée veloutés.
(photos prises vendredi, encore arrivée en retard au boulot !) 

1 mars 2012

Déroutant....

97820701245341905, de graves troubles ébranlent tout l'Empire de Russie, la première Révolution russe est en marche. Juin de la même année, les marins du cuirassé Le Prince Potemkine de Tauride se mutinent, hissent le drapeau rouge, entrent dans le port d'Odessa et fraternisent avec les grêvistes et les étudiants. L'armée causaque réprime violemment les manifestations et massacre la foule. Paris 1926, on projette Le Cuirassé Potemkine, film muet d'Eisenstein, célèbre pour la fameuse scène du landeau qui dévale le gigantesque escalier de la ville d'Odessa..

Fiodor Zavalichine, Théo pour ses amis, vit en France depuis qu'il s'est engagé en 1916 dans le corps expéditionnaire russe pour combattre l'Allemagne. Resté à Paris après sa démobilisation, il travaille dans la société cinématographique Gaumont, puis devient photographe. Comme pour les nombreux Russes blancs en exil, la projection du film est l'occasion de revoir un peu de la terre natale. Or il s'avère que le régiment de Théo a participé à la violente répression d'Odessa avant de quitter rapidement la ville pour une autre destination et d'autres troubles à mâter. Le film fait subitement prendre conscience à Théo qu'il a tiré de loin sur la foule massée le long du célèbre escalier et qu'il a sans doute tué des gens. Cette révélation déclenche chez lui une telle panique qu'il se rend au commissariat le plus proche afin d'avouer son crime. On l'envoie gentiment balader mais, pris de soudaines convulsions, Théo se retrouve hospitalisé. Le même jour non loin de Deauville, on découvre les corps de sept femmes égorgées. Convalescent, Théo apprend cette nouvelle en lisant le journal, l'article fait mention de témoignages de gens de la région qui se souviennent d'une équipe de tournage, quelques femmes accompagnées de plusieurs hommes dont un portant une calotte métallique sous son chapeau. On sent que cette nouvelle interpelle Théo...

Jusque là cette histoire est prometteuse. Les toutes premières pages sont surprenantes et destabilisent étrangement le lecteur, on ne sait pas trop où on est ni où on va...

"Il n'y a pas moyen de s'en aller, pas moyen de rester non plus. Ce n'est pas un cul-de-sac, non, c'est un cerle vicieux, un labyrinthe dans lequel se cogne et se débat une conscience stupide qui tente de trouver une sortie là où il n'y a pas d'entrée..."

Voilà qui résume parfaitement le sujet. C'est après, pour moi, que ça se gâte. S'il ne fait aucun doute que le fil conducteur de ce roman est la culpabilité, j'ai été incapable d'en apprécier toute la finesse ainsi que toute la gravité. Il est indubitable que le héros et ses comparses auraient leur place chez Dostoïevski, auteur dont je suis, et ce n'est pas faute d'avoir essayé, hélas peu friande... Donc forcément, je suis passée à côté de ce livre.

Déception d'autant plus grande que j'avais été absolument bouleversée par le roman précédent de Iouri Bouïda -  Le train zéro* - qui a eu guère d'écho en France. Pourtant on est dans le même registre de la folie qui côtoie l'absurbe. Mais là où ce dernier titre m'avait prise aux tripes, je suis restée de glace devant les tentatives de rédemption du pauvre Théo. Le sujet est original, pour ne pas dire déroutant, on oscille entre l'atmosphère russe - belliqueuses chez les rouges, nostalgie chez les exilés - et la frivolité grisante du Paris des Années folles, le style est alerte et s'honore même de jolies formules, l'écriture agréable, bref  j'ai lu le livre sans réel déplaisir  mais, en dehors de sa célèbre référence historique, les mots ont glissé sans m'imprégner d'émotions. Dommage...

"Il existe sans doute une toute petite seconde pendant laquelle la honte, l'amour, la liberté, la vie et la mort se rejoignent en un seul et même point et se confondent quelque part, là-haut, en quelque chose de sombre et de joyeux, mais qui sait quand cela se produit, et ce que c'est que ce point... Qui sait ce qui attend le Minotaure derrière les portes du labyrinthe ? Il est libre de s'emparer de la liberté, mais après, la liberté prendra son dû, et il peut arriver n'importe quoi. Comme dit le poète : le premier pas est libre, mais nous sommes l'esclave du second."

(*Le train zéro ressort actuellement en poche chez Gallimard dans la collection L'imaginaire)

Deux avis chez Babelio  ICI

Potemkine ou le troisième coeur     Iouri Bouïda     Editions  Gallimard

 

800px-Bronenosets_Rodchenko 

27 février 2012

Balade de La Pierre Bleue



collage58

Agrandissez, vous verrez tout en haut
Le clocher de l'Abbaye du Relecq nichée au pied des Monts d'Arrée
Pâtures, landes, tourbières, sapinières, ardoisières
Du haut de cet éperon rocheux on embrasse tout cela
Rien n'arrête le regard...  De l'espaaaaaaaaace !!!

collage57

Lichens, mousses, bruyères, genêts et ardoises font bon ménage
Mais l'été place aux fougères et aux myrtilles

collage59

"La cathédrale"
une ancienne ardoisière perdue au milieu de nulle part
tellement bien cachée qu'on peut passer sans la voir.
Y'a pas à dire
Ils avaient du courage les anciens.... 

lerelecpres

22 février 2012

Le taiseux magnifique

9782878585094Placée en exergue de son roman, une citation de Steinbeck.
C'est le moins que pouvait faire Cécile Coulon qui a dû beaucoup lire les auteurs américains du milieu du XXe siècle. Si ce roman n'est pas Les raisins de la colère, il pourrait en porter le titre et si Thomas Hogan n'a pas la naïveté d'un Lennie Small dans Des souris et des hommes, la tragédie qui le submerge en a la même force.

Heaven aurait pu être le paradis pour la famille Hogan, un père travailleur mais taciturne , une mère aimante mais effacée, un fils sage mais un peu trop justement, une maison solide dans un cadre sauvage, magnifique, pas de conflits de voisinage, pas de chômage non plus, on ne roule pas sur l'or mais on mange à sa faim, alors pourquoi tout se dérègle pour Thomas, le fils, quand son père se blesse à la scierie où il travaille ?

"Il avait eu tout ce dont un enfant, tout ce dont un homme peut rêver pour commencer sa vie du bon pied. Il aurait aimé la finir de la même manière."

Le titre est prémonitoire, ce livre vous tiendra éveillés jusqu'à la 143ème et dernière page.
Une ouverture qui titille et harponne le lecteur, une construction rondement ménée, une ambiance qui alterne idyllisme et réalisme - là où il y a un paradis, il y a forcément un serpent -  un style concis et direct qui nous fait toucher du doigt chacun des personnages, suer dans l'atmosphère chaude et sèche du bourg, sentir les effluves mêlées de sciure et de bourbon, et une intensité qui monte lentement mais sûrement dans une parfaite maîtrise pour un dénouement qui pète comme un élastique sur lequel on a trop tiré. Le thème de la transmission filiale se passe ici de longs discours, il est abordé par de brefs mais subtils ricochets. Si on ajoute à ça un art affûté de la métaphore, je crois qu'on a tout dit.

" Dehors, Calvin et Paul entamaient leur première bouteille. Ils ronronnaient, aussi tranquilles que deux chats de gouttière assis sur le couvercle d'une poubelle municipale."

Il y avait longtemps que je n'avais pas musardé dans les éditions Viviane Hamy, des retrouvailles grandioses pour un roman à la perfection stupéfiante quand on sait que l'auteur a à peine vingt-deux ans... ça laisse rêveur pour la suite !

Un autre avis à Un autre endroit      

 Le roi n'a pas sommeil     Cécile Coulon     Editions  Viviane Hamy

008bis

20 février 2012

Requiem

9782330002282Du Turkménistan au Kazakhstan, il n'y a qu'un pas, enfin tout est relatif étant donné l'immensité de ces contrées...
Au sud-ouest du Kazakhstan s'étend la mer d'Aral qui forme en son milieu une frontière naturelle avec l'Ouzbékistan situé au sud. Je devrais écrire à l'imparfait vu ce qu'il en reste...

"On s'habitue aux fins du monde quand soi-même on considère la vie comme un purgatoire."

Alexeï et Zena sont deux jeunes Kazakhes nés en 1960 à Nadezhda, sur les bords de la mer d'Aral. Au fur et à mesure qu'ils grandissent, la mer, elle, diminue. Et plus elle se rétrécit comme peau de chagrin, plus leur amour s'accroît. A l'école, Zena est douée en mathémathiques, elle deviendra scientifique dans un laboratoire de recherche, Alexeï n'est doué en rien si ce n'est en musique, deviendra-t-il musicien malgré la surdité qui commence à le frapper à l'âge de dix ans ? Oui, et ce handicap ne l'empêchera pas non plus d'épouser Zena en 1982. Mais pendant que Zena, de par son travail, se tourne de plus en plus vers l'extérieur, Alexeï s'enferme sur lui-même, se recentre davantage sur son violoncelle et sur sa musique intérieure à la recherche de la huitième note. Il reçoit un jour une proposition de l'opéra d'Almaty. Le départ de Zena pour l'étranger et son propre projet d'opéra font prendre à sa vie un nouveau tournant.

"On s'est rhabillés dans la lumière de la nuit, sous les yeux des constellations enfilées comme des perles autour du cou du ciel voyeur. Sur la plage, j'observais nos corps gris qui ressemblaient à de la pierre ponce."

Zena et Alexeï ne font qu'un avec leur terre, terre qui n'a jamais si bien porté ce nom puisque l'eau découvre un peu plus chaque jour des étendues sableuses salines, stériles, empoisonnées. Même les recoins les plus pollués leur sont chers et c'est avec horreur qu'on découvre au fils des pages le sort réservé à cette population de pêcheurs qui paye un lourd tribut au nom de la grandeur de leur patrie qu'est encore l'URSS.  Zena mettra à profit son travail pour lutter contre la catastrophe, Alexeï aura plus de difficultés à résister à cet anéantissement.

J'ai beaucoup aimé toute la partie qui concerne la triste réalité de cette région et les relations que les deux personnages entretiennent avec cette immensité désolée qui s'ouvre devant eux. L'écriture de l'auteur, que je lis pour la première fois, compose avec finesse une bien jolie dentelle avec les sentiments et les éléments, et l'on ressent qu'intrinsèquement la terre façonne les hommes et les caractères. J'ai eu plus de difficultés à suivre l'évolution intérieure d'Alexeï, son enfermement, ses suspicions, ses revirements sont parfois assez incompréhensibles même s'ils sont inévitablement inhérents à son handicap. Par contre, ce roman nous offre de très belles réflexions sur la musique, sur le ressenti qu'en a ce musicien sourd et les ressources qu'il y puise. Il fallait oser cette approche et elle est plutôt réussie.

"Toutes les névroses, toutes les peurs, toutes les angoisses viennent de l'attente, de l'épuisement de ce travail de titan qui consiste à émettre des sons dans la béance des vides, à colorer les trous noirs de la mémoire, à inventer des dialogues, des causeries magnifiques, des chuchotements aimants, là où, à l'origine, il y a l'absence de tout."

Une très originale digression sur le vide d'un paysage qui renvoie au vide d'une vie.

Pour info, la mer d'Aral est bientôt scindée en trois. La petite mer d'Aral, au nord côté Kazakhstan est en train de renaître, le niveau est remonté, différentes espèces de poissons réintroduites, les petits ports revivent. Plus au sud, notamment en Ouzbékistan, la mer continue à s'assécher, le pays refusant de réduire la culture du coton qui est une des principales industries du pays. La seule heureuse surprise de cette catastrophe est venue des archéologues qui ont mis à jour sous les fonds découverts des vestiges de civilisations anciennes et florissantes, notamment au niveau des cultures (céréales diverses), ce qui tend à prouver qu'au cours des millénaires passés la mer d'Aral s'est retirée déjà à plusieurs reprises. Son assèchement actuel ne serait donc pas uniquement dû au détournement des fleuves qui l'alimentaient mais pourrait  avoir aussi des causes géologiques, notamment des mouvements des sols qui empêcheraient la porosité des roches et l'alimentation via la mer Caspienne toute proche (la mer d'Aral est un lac salé). Il n'en reste pas moins que l'île de Vozrozhdeniya, où Zena et Alexeï s'aventurent, fut une des bases secrètes soviétiques où se retrouvèrent stockées des armes bactériologiques et chimiques. Tous les déchets n'ont pas été évacués et sont conservés dans des conditions lamentables d'où la contamination des populations et des sols évoquée dans le roman.   

Les photos magnifiques mais terribles de Lukasz Kruk  LA

Aral     Cécile Ladjali     Editions  Actes Sud

 

 220px-Aral_Sea 

18 février 2012

La yourte bretonne

chatrevarezyourte0

Mais quelle drôle de bestiole vit donc là-dedans ?
Je ne sais pas mais la yourte, elle, est bien vivante !
Elle pousse.
Rhaaa la Bretagne, mystérieuse... 

15 février 2012

Amicalement vôtre

9782743622343Hervé Le Floch et Alex Gnedenko, c'est un peu Lord Brett Sinclair et Dany Wilde au pays du grand Turkmenbachi. Tous deux plus ou moins agents des services secrets de leurs pays respectifs, DST et FSB. Je dis plus ou moins car dans cette filière les identités sont souvent troubles et mouvantes, et on ne sait pas toujours avec certitude qui roule pour qui. Si le Breton est plutôt du type obsessionnel, sérieux, retenue et self-control, le Russe appartient au genre débridé, déjanté, complètement décompléxé. L'un carbure aux cigarillos Toscano et au bourbon, l'autre à la vodka et à la coke. Une solide amitié les unit, et même l'amour pour une même femme ne les a pas brouillés. Bref, c'est un duo qui fonctionne à merveille entre humour et efficacité. Et il en faudra pour se dépatouiller dans ce nid de vipères qui les fait se retrouver au pays du grand n'importe quoi où ça fleure bon le gaz et... le béton Bouygues.
L'intrigue est des plus secondaires, nombreux coups fourrés, réglements de comptes et cavalcades à cheval, en 4X4 ou en Volga-V8 à travers Achkhabad et son désert brûlant. Le tout écrit dans un style des plus cinématographiques, phrases et chapitres courts, rythme trépidant et secoué. L'auteur est aussi réalisateur, ça se voit !

J'ai acheté ce petit bouquin après avoir discuté avec lui au salon du livre de Carhaix. En fait, c'est plutôt l'auteur qui a discuté avec moi, un bavard intarissable sur la Russie et notamment les anciennes républiques de l'Asie Centrale qu'il connaît très bien, surtout le Turkménistan où se déroule ce roman. Et la France, qui l'eut cru, est très présente au Turkménistan. Car le Turkménistan est un pays calme, très stable, très riche et où personne ne fait de vagues, si ce n'est le sable du désert de Karakoum. Et pour cause, une dictature des plus ubuesques règne là-bas depuis 1991. Le grand Turkmenbachi était un gourou fantasque et mégalo, par exemple il n'hésite pas à débaptiser le nom des jours de la semaine ou des mois pour les remplacer par le sien ou celui de sa chère môman, à substistuer aux manuels scolaires sa propre version de l'histoire du pays, entre épopée historique et guide du parfait Turkmène, le fameux livre Ruhnama (voir l'extrait ci-dessous), à fermer tous les hôpitaux du pays et à rapatrier tous les médecins dans la capitale, il était malade et devait avoir besoin d'eux. Au Turkménistan, il y est interdit de fumer à l'air libre, mais chouette on peut allumer sa clope partout ailleurs y compris dans les restaurants et les bars - je réfléchis sérieusement à partir m'installer là-bas... Ah oui, mais non !.. car côté littérature, ça craint.

"Ils entrent dans une librairie entièrement décorée de posters du Turkmenbachi. Un mur est recouvert de longues étagères. Des livres ? Non. Un seul livre, traduit dans toutes les langues. L'oeuvre du chef suprême, en versions chinoise, portuguaise, lettone, française, allemande, anglaise, turque, maorie... Pas besoin de brûler les livres au Turkménistan. Ne simplement pas les éditer. Un pays sans traducteurs, sans écrivain, sans éditeur. Ni penser, ni lire, ni respirer. Oppression. Manque. Absence. Terreur. Une bouffée de haine envahit Alex, lui, un Russe, élevé dans le respect de la littérature, Dostoïevski, Proust... comme tous les gamins russes nés à Moscou, à Vologda ou à Souzdal."

Si les Français ne lisent donc pas au Turkémistan, par contre ils bâtissent, vous me direz on ne peut pas tout faire, construire et bouquiner. Depuis 1994, on ne compte plus leurs ouvrages, palais présidentiel, plus grande mosquée d'Asie centrale, aéroport, hôtels, bâtiments ministériels etc... et pas que du béton, du marbre, beaucoup de marbre ! Comme on sait que la capitale est sur une faille sismique et que plusieurs tremblements de terre s'y sont déjà produits, la construction a de l'avenir, pas cons les Français. Bon, depuis que Bernard Kouchner a été chef de la diplomatie, un centre culturel français a pu s'ouvrir, mais on ne peut pas en sortir les livres... Merci Total !

Si la France est très présente au Turkménistan, elle n'est pas la seule à convoiter les ressources naturelles du pays, gaz et hydrocarbures attirent aussi Russes et Chinois. De quoi effectivement servir de décor à toute une clique de personnages pas toujours très propres pour des romans pas si diablement éloignés d'une certaine réalité.

Voilà. Un petit livre sympa qui sent le vécu et permet de découvrir ce pays dont on ne parle pas. Marc Ruscart m'a affirmé qu'une femme peut voyager en toute tranquillité dans la région car il n'y a pas plus sécurisé que ce pays où on ne rigole pas avec la délinquance. Faudra juste que je n'oublie pas d'éteindre ma clope en sortant du resto... 

Propagande pour les vingt ans de l'Indépendance du Turkménistan (1991-2011)
Un vrai délire, j'aimerais voir ça de mes yeux !

 Des élections, si, si, ça existe là-bas aussi, ont eu lieu dimanche dernier, le président sortant, successeur de Saparmyrat Nyyazow, le vénéré Turkmenbachi décédé en 2006, a été réélu avec 97 % des voix. 

Une discussion instructive  ICI

Un autre article intéressant (tout en bas de la page, dernier post "Visite à Ashgabat" qui date de juin dernier, cliquez sur + pour tout lire)  ICI    

 Noir désert      Marc Ruscart     Editions  Rivage / Noir

turk4
Une des nombreuses statues en or du Turkmenbachi
Il y en a même une qui
 tourne, big bachi vous regarde !

12 février 2012

Fragilité

 

locmarianeige3

Petite caresse de neige 

10 février 2012

Du rififi en Normandie

9782353060542Mamie Hélène aime avoir les mains dans la farine et fabriquer de bons gâteaux qu'elle livre à domicile. Mais elle déteste les Vendredis 13. Comme celui-ci où, lors d'une livraison chez ses voisins, elle est témoin d'un assassinat en règle. Toute la petite famille Devauchelle décimée en sept minutes trente-cinq secondes. Mamie Hélène n'a pas besoin de réviser ses séries américaines pour comprendre qu'il s'agit d'un contrat en bonne et due forme. Et pour cause, Mamie Hélène n'est pas exactement ce qu'elle paraît, une fragile petite veuve qui arrondit sa maigre retraite à coup de rouleau à pâtisserie. Elle a eu une vie avant, trépidante, agitée, musclée et un mari qui lui a appris la prévoyance et les ficelles d'un drôle de métier.

Repérée par les auteurs du massacre, une course poursuite s'en suit le long de la côte normande pour ne s'achèver que 221 pages plus loin. Et ça m'a laissé le sourire aux lèvres car on s'amuse beaucoup avec Mamie Hélène. Aucun temps mort dans cette cavale du troisième âge à l'exception de la fin du roman qui, je trouve, se termine de façon trop abrupte, pff j'ai carrément eu le sentiment de me faire éjecter du bouquin ! 

"La femme était là, tout près. Le logiciel affirmait que son téléphone cellulaire se trouvait dans un rayon de moins de 100 mètres. Ils avaient bien fait de surveiller la gare. Le train était un moyen de se déplacer plus discret que l'avion. Il chercha des yeux une grosse mémère affolée tirant sa valise à roulettes. Une Mamie Hélène."

Voilà, c'est tellement invraissemblable, comme toujours avec cette auteur, que ça ne se raconte pas, ça se lit, un point c'est tout. Je suis une inconditionnelle de Brigitte Aubert aussi ne comptez pas sur moi pour en dire du mal. Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas encore, je vous avais déjà présenté plus longuement un autre de ses livres ICI.

Et le billet d' YV, plus consistant que le mien, est par LA

Freaky Fridays      Brigitte Aubert      Editions la Branche


Et en face, de l'autre côté du Channel 

9782746730465

Dans un genre purement british, vous aimerez peut-être retrouver le style pince sans rire mais décomplexé de Willa March déjà croisé dans Meurtres entre soeurs et dans l'excellent Journal secret d'Amy Wingate.

Si vous êtes à la recherche de l'âme soeur et qu'un jeune veuf anglais, vivant dans un splendide manoir avec ses deux vieilles adorables tantines, tombe éperduement amoureux de vous, ne croyez surtout pas que c'est votre jour de chance, ne faites pas comme Clarissa, passez votre chemin.
Si malgré tout vous succombez et invitez votre meilleure amie juste pour le plaisir de la voir devenir verte de jalousie devant votre veine, bien fait pour vous.

"Lorsque Clarissa voit la maison pour la première fois, elle en a le souffle coupé. Le colombage, les tuyaux de cheminée en cuivre pur Tudor, les petits carrelages roses d'origine, les fenêtres à meneaux  et la grande porte de chêne la font soupirer d'aise.
- Oh, Thomas, dit-elle, les yeux humides. C'est absolument magique.
Thomas sourit avec gratitude."

Non, Thomas ne prendra pas Clarissa sur le capot de sa Ferrrrrari rouge, il a une Bentley. Et non, vous n'êtes pas dans un roman de la collection Harlequin. C'est juste un conte de fées machiavéliques, une histoire aussi invraisemblable que la précédente où les tantines Olwen et Gwyneth cachent sous un look Miss Marple une âme à la Rosemary's baby, version celtique.

J'emprunte la formule à CATHULU "grosses ficelles et sorcellerie païenne à deux balles, j'assume". Je l'ai moi aussi dévoré sans honte.

"- C'est injuste, soupire Clarissa.
Olwen et Gwyneth, postées devant la porte de la jeune femme, approuvent en silence la note de frustration qu'elles détectent dans sa voix et hochent la tête avec sagacité." 

Meurtres au manoir     Willa Marsh     Editions Autrement

pp_bo_teatime_01
(porcelaines Yvonne Lee Schultz)

8 février 2012

Du polaire...

PPETTERSONLa première partie de ce roman nous entraîne dans un petit port du Danemark de l'entre deux guerres où vit la famille Mogensen. Magnus, le père est un homme effacé devenu malgré lui menuisier à la ville alors qu'il se rêvait paysan comme ses parents. Marié à Inge, une bigote qui compose des cantiques sur son piano, ils ont deux enfants, Jasper et sa petite soeur, la narratrice, dont nous ne connaîtrons jamais le prénom.

Trois ans les séparent et une tendre complicité unit depuis toujours les deux enfants . Pendant que Jasper a pour seule ambition de devenir un prolétaire socialiste rêvant de rejoindre les Républicains espagnols qui luttent contre Franco, sa soeur, très bonne élève, n'a qu'un souhait, celui de partir loin de leur univers étriqué jusqu'en Sibérie.

"- Je ne suis pas un paysan, je suis un prolétaire ! a crié Jesper. De nouveau les rires ont fusé. Les habitués d'Aftenstjernen ne s'étaient pas autant amusés depuis le réveillon du nouvel an, mais Jesper avait lu les romans de Nexø et Pelle  le Conquérant était son nouveau héros. Il voulait devenir ouvrier d'usine et délégué syndical et conduire ses camarades vers l'aurore et les lendemains qui chantent."

L'adolescence ne fait que renforcer ce lien. Pendant que l'un rêve de partir au Maroc, l'autre s'imagine voyageant dans le Transsibérien. L'invasion allemande va précipiter les choses. Résistant, Jesper passera les deux dernières années de la guerre en Suède avant de concrétiser son rêve et de partir pour le Maroc. Copenhague, Stockholm, Oslo seront les étapes qui attendent sa soeur à la sortie de la guerre. Elle y vivra de différents petits boulots, toujours tenaillée par l'espoir de revoir son frère. Après ces temps confus, ils auraient dû enfin se retrouver au domicile familial. De cette cruelle absence au rendez-vous découle sans doute ce prénom jamais cité, la soeur reste à jamais amputée d'une immense partie d'elle-même. 

"Je me souviens du bras de Jesper autour de mes épaules, je m'en souviens encore aujourd'hui quand je ferme les yeux, alors que j'ai soixante ans passés et qu'il a été mort pendant plus de la moitié de ma vie."

Voilà un joli roman d'apprentissage, celui d'une petite fille marquée à jamais par la personnalité intrépide de son frère et par le trouble attachement qui la lie à lui. La narratrice se rémémore par petites touches les moments clefs de leur enfance jusqu'à leur séparation. Loin d'être une histoire fouillée, ce qu'on pourrait regretter, le tableau s'apparente plus à une séries de fondus enchaînés qui se jouent de la chronicité pour ne retenir que les émotions et les sensations qui ont accompagné les principaux événements des enfants Mogensen.
On passe de la naîveté enfantine à l'audace adolescente, de l'insouciance à l'émancipation politique ou amoureuse, du futile au drame, sans pesanteur ni sentimentalisme, grâce à un subtil mélange d'humour et de nostalgie. Et çà et là, on croise au détour des pages quelques beaux noms de la littérature, Andersen, Ibsen, Stig Dagerman, Hemingway, Malraux.

Une pudique déclinaison du lien frère-soeur et un sobre et un beau portrait de femme. Une fille qui aime les livres et rêve de Sibérie et de Transsibérien ne pouvait me laisser indifférente ! 
Jusqu'en Sibérie est un des premiers romans de l'auteur et préfigure le thème de prédilection qui semble marqué l'oeuvre de Per Petterson. J'avais déjà beaucoup apprécié l'atmosphère de  Pas facile de voler des chevaux.
Le titre du dernier roman de l'auteur parle de lui-même -  Maudit soit le fleuve du temps - et vient de sortir en poche. Il attend sagement dans ma pile...

"Et puis je serai dans le train, et je regarderai par la fenêtre, et je parlerai avec des gens que je ne connais pas, et ils me raconteront comment ils vivent et ce qu'ils pensent, et ils me demanderont pourquoi j'ai fait ce long voyage depuis le Danemark. Et alors je répondrai :
- J'ai lu un livre qui parlait de vous.
Puis nous nous servirons du thé chaud au samovar et nous nous tairons et nous contemplerons le paysage."

 Jusqu'en Sibérie      Per  Petterson     Editions Circé

 hans-christian-andersen
(Hans-Christian Andersen)

4 février 2012

Du velours...

9782253156987Prague, printemps 1969, Ivana trône à l'accueil d'un grand café sur la rive de la Vlata. La quarantaine austère, elle observe d'un oeil implacable son personnel. Tomas, le fidèle chef de salle, Heinrich l'Autrichien, élégant, rêveur et pianiste d'ambiance de l'établissement, les serveuses, et  notamment Anna, jeune Slovaque d'à peine vingt ans qui danse entre les tables sourire aux lèvres et plateau à bout de bras. De son poste, Ivana assiste à la naissance d'un amour impossible, fulgurant, entre Anna et un client, l'étudiant Pavel qui  jour après jour va savoir la conquérir. Une passion chaotique va s'en suivre dans une Prague encore groggy par la gueule de bois soviétique qui lui a définitivement ravi son printemps de liberté en Août 68.

"Peut-être qu'alors on ne pouvait tomber amoureux, à Prague, que dans l'interdit ou le grotesque."

Si d'emblée on pourrait percevoir Ivana telle un cerbère à la solde du régime - on sait que faits et gestes de ce jeune couple d' amants sont enregistrés sans concession par son regard froid ou recueillis grâce à l'aide du trouble Tomas - on comprend vite que derrière tout cela se cache autre chose.  Les blessures et silences intimes des divers protagonistes ont tous à voir avec la situation politique du pays et nous sont distillés peu à peu avec toute la retenue des êtres meurtris.

Prague la secrète, la mystérieuse, protège de son brouillard les amours clandestines des révoltés, étouffe les cris des espoirs déçus et les regrets muets de ses habitants lâchés par les Occidentaux. Et si l'été donne une faible illusion de légèreté, la chape de plomb est bien trop lourde pour se faire oublier et  ne laisse s'échapper que la nostalgie de ce qui a failli advenir.

A la violence politique se mêle celle des sentiments fougueux, à la triste atmosphère accablant la ville se mélange celle confinée, un brin surannée de ce café où, comme derrière une vitrine ou une scène de théâtre, on suit la duplicité des personnages et on assiste à la collusion tragique de la petite et de la grande Histoire.

"Il y avait, Anna, ce fin tintement des tasses et des soucoupes et vous circuliez ainsi que vos collègues dans un parfait ballet de cette musique qui, jusqu'au moment où apparaissait Heinrich, à dix-huit heures précises, était la seule autorisée : le cri d'un morceau de sucre qui chute au creux d'une tasse de porcelaine."

On chemine dans cette histoire à pas feutrés, soucieux de ne pas déranger, presqu'honteux de toutes nos libertés chèrement gaspillées. Une fragile sensualité accompagne le lecteur dans la mélancolie de tous ces rendez-vous manqués et on savoure la pudeur empreinte de dignité qui habille les acteurs figés dans le glacis de la dictature. Un émouvant retournement final et  du très beau travail d'équilibriste sur un fil tendu entre deux révolutions. En dessous, un vide de vingt ans se réfléchissant dans un miroir et dans lequel se sont engouffrés le temps de la jeunesse et les regrets.

"Et moi je sais, Anna, que je pourrais avoir toute la haine du monde en moi, je pourrais souffrir du manque d'amour à en crever  qu'il y aura toujours, dans tous les cafés du monde et aussi sous mes yeux, sous mon toit - ce toit du café que je leur offre par procuration, moyennant finance, le temps d'une boisson qu'ils ne prennent même pas la peine de consommer tant ils sont absorbés par leur mutuelle contemplation, et parce qu'ils ne sont entrés là que pour mieux s'approcher, se toucher - des amoureux.
Des amoureux : je parle du début de l'amour. Ce temps ne revient jamais."

Les idylles amoureuses ne sont pas ma tasse de thé, mais le contexte historique de ce livre m'attirait et lui confère une profondeur particulière. Sa construction habile en complète le charme. Un court roman intense à ne pas rater !

Juste avant l'hiver     Françoise Henry     Editions Le Livre de Poche

Doisneau+-++Amour+et+barbel%25C3%25A9s+%25281944%2529

(Amour et barbelés  Doisneau  Paris 1944)

15 janvier 2012

O PA !

9782754801911 Automne 1936, Markos Vamvakaris sort de la prison de Singrou après six mois passés à l'ombre; on le prévient qu'à l'extérieur, la vie a bien changé. Depuis le 4 Août, le premier ministre et général Métaxas a instauré la loi martiale et se promet de nettoyer le pays de toute forme de décadence. Outre les communistes, parmi les boucs-émissaires se trouvent en bonne place les Rebétes, ces marginaux asociaux proche du Milieu, libertaires avant l'heure et insoumis, qui depuis la fin du XIXe siècle passent leur temps à tirer sur le narghilé dans les Tékes (fumeries clandestines) tout en improvisant des chants sur des airs de violon et de oud. En 1922,  les Rebétes sont rejoints par de nombreux Grecs d'Asie Mineure, contraints de quitter la Turquie où ils résidaient depuis plusieurs générations. Installés dans les bidonvilles aux abords des grandes villes, ils viennent grossir le sous-prolétariat déjà existant et vivant d'expédients condamnables. Ces mangkes apportent avec eux leur orientalité et introduisent le bouzouki (sorte de mandoline), le baglama (version miniature facilement dissimulable en prison), la guitare. Les chansons sont souvent des chroniques de la vie du Téke, elles vantent la camaraderie et les frasques des uns et des autres, l'îvresse du haschich ou de l'alcool qui font oublier les amours déçues, la mort, la misère des bas-fonds ou la liberté confisquée, et bien sûr l'exil.

rebetiko0

Nulle surprise donc à ce que les Rebétes deviennent la bête noire de Métaxas qui tente alors de tourner le pays vers l'Occident. Les instruments de musiques traditionnels sont brisés (d'où aussi le baglama qui se dissimule sous la veste facilement), la possession de narghilés est interdite, la consommation de haschich fortement réprimée et les Tékes sont fermés. La censure aidant,  le Rebétiko est épuré de toute sa composante subversive.

"Je me suis adapté à tout. Ils nous ont adoptés. Maintenant, chaque nuit, je remâche nos mots à ces âmes bien nées qui aiment sentir par procuration le piment que nous, les Rébètes, on avalait par poignées. Nos brûlures étaient bien réelles. Il n'en reste qu'une écume, une mélancolie, des assiettes cassées... Nous étions des petits poulpes des bas-fonds. A la bile bien noire. Ils ne pouvaient pas nous aimer quand nous étions vivants, dans nos eaux sombres. Une fois sortis de notre jus, nous sommes devenus comestibles." (extrait de la fin, propos d'un  des personnages vieillissant qui se souvient de cette époque alors qu'il joue et chante dans une taverne d'Athènes)

David Prudhomme  retrace l'apogée du Rebétiko, chant des prisons et des fumeries, devenu cette composante culturelle grecque incontournable. On la retrouvera plus tard, bien dénaturée hélas, dans les tavernes touristiques d'Athènes.  Dans les années 80, il restait encore de ces petits bouges en sous-sol où l'on buvait et mangeait à même le tonneau tandis qu'un vieil homme éméché écrivait  des poèmes sur des serviettes en papier graisseuses alors qu'un autre, casquette de marin baissée sur le front pour dissimuler un oeil mort, dansait un zeybékiko pour lui seul au son des O PA ! en attendant un troisième laron parti récupérer à l'extérieur un minuscule flacon d'huile de cannabis planqué dans les pierres descellées du mur d'une ruelle. C'était après la dictature des colonels et avant l'Europe. En reste-t-il encore ? Je l'espère...

rebetiko

Zeybékiko
danse d'homme, individuelle, lente, solennelle
 qui exprime la bravoure, la diginité et le contrôle intérieur. 

 Quoi qu'il en soit, moi qui ne lis jamais de BD, j'ai adoré celle-ci. On y retrouve les grands noms du Rebétiko qui ont inspiré l'auteur. Il s'en échappe toute une ambiance rebelle et insouciante, presqu'adolescente, qui rend ces mauvais garçons très sympathiques... Le graphisme à prédominance couleur tabac restitue bien l'aspect sombre et clandestin des Tékes, mais on ne rechigne pas aux quelques échappées ensoleillées à l'ombre des figuiers. Le style est plutôt réaliste et m'a rappelé le film Rebétiko de Kostas Ferris dont voici un extrait. J'ai choisi cette séquence pour la très belle chanson, au rythme lanscinant et envôutant, interprétée par la femme " Καίγομαι, καίγομαι "qui vous parlera peut-être peu mais touchera sans doute celles et ceux qui connaissent la Grèce. C'est aussi une façon de ne pas oublier les Rebétisses, ces femmes d'avant garde qui tentaient d'assumer une liberté des plus difficiles à conquérir dans cette société machiste et très religieuse. Une des plus célèbres fut Roza Eskenazy.

 

 

 

 Premier ouvrage lu dans le cadre de
leparihellene
Les détails ICI

Rébétiko (La mauvaise herbe)      David Prudhomme     Editions  Futuropolis

14 janvier 2012

GRRRRR......

gypsie4

Je m'étais pourtant promis de ne pas craquer mais...
 Pas eu le coeur à la laisser dehors la nuit dernière.
La coquine semble ravie d'avoir dormi au chaud !

12 janvier 2012

Chut !

9782864248392Depuis plus de huit ans Mwanito, jeune orphelin de mère, grandit dans une humanité qui se résume à quelques hommes, son frère aîné Ntunzi et Zacharia Kalash, ancien militaire et homme à tout faire de Silvestre Vitalicio, ce père étrange, enfermé dans sa folie et qui a décidé un jour de s'isoler avec ses deux fils et un domestique dans une ancienne réserve de chasse. Il baptise ce lieu Jésusalem et décrète qu'ils sont les derniers survivants d'un monde ravagé par la guerre. La seule présence féminime tolérée est celle de Jezibela, ânesse de son état, et l'unique  intrusion permise est celle de l'oncle Aproximado qui vit loin du campement à l'entrée de la réserve et ramène régulièrement des denrées de "l'Autre-Côté". Usant le soir de son plus jeune fils comme d'un neuroleptique pour baillonner sa folie, le père les entraîne tous le jour dans son délire mystique et paranoïaque.

"Mille fois Ntunzi m'a rappelé pourquoi mon père m'avait élu son préféré. La raison de ce favoritisme était survenue d'un seul coup : à l'enterrement de notre mère, Silvestre ne sachant pas étrenner son veuvage se réfugia dans un coin pour éclater en sanglots. Je m'approchai alors de mon père et il s'agenouilla pour affronter la toute-petitesse de mes trois ans. Je tendis les bras et, au lieu d'essuyer son visage, je plaçai mes petites mains sur ses oreilles. Comme si je voulais le transformer en île et l'éloigner de tout ce qui avait une voix." 

Mwanito ne se souvient pas de la vie d'avant contrairement à Ntunzi qui va peu à peu ouvrir les yeux naïfs de son cadet et saisir l'arrivée inattendue dans cet univers masculin de Marta la Portugaise pour multiplier les transgressions et se rebeller contre ce père autocrate.

"Petit à petit, cela devenait clair : Ntunzi entrait en grève d'exister."

Voilà un contexte des plus foutraques, me direz-vous, et je vous vois déjà faire la grimace. Pourtant cette balade de l'étrange a quelque chose d'envoûtant et l'ambiance dans laquelle baigne ce roman est chargée d'une poésie tour à tour primitive et violente, naïve et émouvante.

Mwanito nous livre l'histoire de ces personnages déboussolés sans le tragique auquel on pourrait s'attendre. Toujours bienveillant envers ce père insaisissable et en quête des souvenirs d'une mère oubliée, nous assistons là à un très joli roman initiatique sur fond d'imaginaire africain mâtiné du mélancolique parfum de la saudade. De l'éveil à la curiosité et au savoir, passant par l'apprentissage secret de l'écriture et de la lecture, à celui des sens au travers la figure inattendue d'une femme, Mwanito réussira à surgir du néant, à s'affranchir progressivement de la tyrannie paternelle et à faire la lumière sur sa folie.

"Le voir s'escrimer ainsi dans le vide me fit de la peine. Mon père voulait enfermer le monde à l'extérieur de lui. Mais il n'y avait pas de porte avec laquelle se barricader de l'intérieur."

Allégorie de toutes les tyrannies, on pense aux dictateurs africains (ou pas), aux prédicateurs illuminés des églises évangélistes ou des sectes millénaristes qui fleurissent toujours sur le chaos des hommes, s'il dénonce implicitement tous les embrigadements, ce roman est surtout un bel hommage de son auteur à son pays et à sa double culture face aux déchirements des guerres et au difficile chemin qui mène à  l'émancipation. L'Afrique se cacherait-elle derrière toute la sagesse de Mwanito et la hardiesse de Ntunzi ?.. on l'espère.

"Personne n'a de race. Les races, dit-il, sont des uniformes que nous endossons."

En prime et en exergue des chapitres, de très belles et multiples citations.

L'avis de  AIFELLE   NADEJDA

L'accordeur de silences     Mia Couto     Editions  Métailié 

mozambique

Maputo Septembre 2010
source AFP / Sergio Costa

9 janvier 2012

Le tonton d'Amérique

9782259212953Damien March, 35 ans, va sortir de sa routine de petit gratte papier à la BBC lorsqu'il reçoit en héritage la maison de Cape Cod léguée par un oncle oublié, Patrick, brutalement décédé. Cela va se révéler plus contraignant qu'il l'imaginait puisqu'une clause du testament stipule que cette maison, et ce qui se trouve à l'intérieur, doit rester en état.

S'il retrouve avec plaisir le lieu de ses vacances d'enfance, Damien découvre aussi  un véritable capharnaüm accumulé par son oncle tout au long de sa vie.

 "Un sacré personnage. Cela faisait de Patrick quelqu'un d'une étrangeté touchante, comme s'il était bizarre par choix, et non de ses propres compulsions. Au milieu des vitamines de la salle de bains, il y avait toute une pharmacie d'antidépresseurs. Paranoïaque, solitaire, dépressif chronique : on peut dire que c'était un sacré personnage."

Ne pouvant toucher à rien, Damien se lance dans l'exploration du bric à brac. Ecrivain ayant connu un bref succès, Patrick a laissé beaucoup d'écrits et de correspondance, et c'est entre tirelires et collection de sous-tasses que Damien va découvrir Les Confessions de Mycroft Holmes, manuscrit qui tente de faire la lumière sur le supposé frère de ce cher Sherlock. Comme un miroir sans tain, cette histoire va renvoyer à Damien une image de sa propre vie derrière laquelle s'en cache peut-être une autre.

"J'ai compris que les membres de la famille de Patrick avaient tous un peu peur de lui. Il les avait invariablement exclus et offensés. Si l'un d'entre nous lui avait rendu visite de son vivant, il se serait probablement réfugié dans une pièce du premier sans se donner la peine de descendre. Et les gens s'étaient mis à avoir peur de lui."

Publié pour la première fois en 2001, ce roman laisse entrevoir le talent de l'auteur pour brouiller les pistes et les identités de ses personnages. Celles dont il est question ici sont beaucoup plus classiques que dans Au nord du monde. Moins romanesque et moins surprenant que son épopée sibérienne, le procédé du roman à tiroirs fonctionne et entraîne le lecteur dans un labyrinthe familial sympathique où celui-ci, s'il est un brin futé, déniche facilement la sortie. On sent le goût de l'auteur pour les personnages excentriques et solitaires, et le tout m'a permis une balade agréable entre Londres et Cape Cod, de ce côté de l'Atlantique où je mets rarement les pieds !

Quelques avis CATHULU  CLARA KEISHA

Jeu de pistes     Marcel Theroux     Editions  Plon

mer038

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 > >>
Publicité

accueil refugiés

logo-madamealu

img_20171130_165406

logo-epg

Newsletter
Publicité