Ce petit livre, il y a bien longtemps que je lui tournais autour..Attirée par la couverture, les critiques élogieuses et le prix Goncourt des lycéens qui ont bien souvent très bon goût, j'avais beau lire et relire la 4ème de couv, je le reposais toujours. Et puis un jour, il a chuté dans mon cabas ! Grand bien lui en a pris... Sans doute êtes-vous nombreux à l'avoir déjà lu; pour les retardataires, voici peut-être de quoi leur donner envie !
L'auteur nous convie dans un royaume d'Afrique en des temps reculés. Y règne le roi TSONGOR, qui prépare le mariage de sa fille, la belle Samilia, avec le prince des Terres du sel . Hélas les festivités vont être perturbées par l'arrivée, à la veille du mariage, d'un second prétendant. C'est l'ami d'enfance de Samilia et il vient lui demander d'honorer le serment qu'ils se sont fait enfants, se marier.
Devant ce dilemme, le roi Tsongor n'aura d'autre issue que se donner la mort, pensant que le deuil évitera à sa fille le choix cornélien devant lequel elle se retrouve.
Mais c'est sans compter sur la fierté des deux jeunes princes fougueux. La guerre éclate. Dès lors, le roi Tsongor, impuissant, assistera du fond de son sépulcre à la déliquescence de son royaume. Alliances, trahisons, vengeances, exil...aucun des ingrédients de la tragédie ne nous sera épargné.
C'est sans doute, de prime abord, ce que je craignais. Seulement voilà, l'auteur a su éviter le pathos propre à ce genre, en émaillant son texte d'une sensuelle poésie primitive. Son imagination colorée adoucit la cruauté des combats et sait nous restaurer la diversité des paysages africains, les effluves épicées et capiteuses, les croyances et les rites. Je ne résiste pas à l'envie de vous citer quelques unes de ces images qui m'ont emportée loin, loin, loin...
Le prince des Terres du sel entraîne dans son sillage les mâcheurs de khat, les chiennes de guerre, hommes travestis et maquillés afin d'offenser davantage l'ennemi, les amazones de la reine Mazébu. Face à lui, l'armée des Nomades, tribus des ombres blanches, des cranes rouges, des hommes fougères, des hommes cendrés. Ces armées bigarrées se battront dans la plaine surchauffée, la cité de Massaba sera assiégée des mois, des années.Ce ne sera que cendres, poussière, sang.
Loin de ce chaos, seul, Souba, le plus jeune des fils Tsongor, accomplira la mission confiée par son père à la veille de sa mort. Il errera du désert des figuiers à l'archipel des manguiers en passant par la colline aux deux soleils, découvrant les sept visages du roi Tsongor. En l'éloignant ce dernier lui a sauvé la vie. Il rentrera à Massaba, riche d'une nouvelle maturité et assumera l'héritage de son père. Enfin le roi Tsongor pourra passer sur l'autre rive de la mort, suivi de son fidèle ami et serviteur, le porteur du tabouret d'or.
J'aurais aimé lire ce récit métaphorique assise Place de la lune, face aux jardins suspendus de Saramine, en sirotant une liqueur de baobab ... Mon tapis volant me redépose en 2007 sous la pluie, dans un monde où , finalement, on prend les mêmes et on recommence... Merci Laurent Gaudé de m'avoir permis de faire un beau voyage !
La mort du roi Tsongor LAURENT GAUDE Actes Sud