Amour, magie, chocolat y revolucion (Challenge Chocolat 3))
Outre le fait d'avoir été l'invité d'honneur du dernier salon du livre, le Mexique s'est dernièrement illustré par la visite de notre zorro national tentant d'arracher de ses petits poings rageurs et rolexés une de ses compatriotes retenue dans des geôles cucarachesques. En vain jusqu'à ce jour, mais gageons qu'une confortable contre-partie commerciale, nucléaire et autre, aura raison de cet imbroglio ganstero-politico. Mais je m'égare.
Approche plus consensuelle, le Mexique est aussi connu pour être le berceau d'un certain nombre de substances, pour certaines au demeurant fort sympathiques, à haut pouvoir addictif parmi lesquelles le pétrole, la tequila, la desperados, le peyolt, la marijuana, le chili con carne, le café et bien sûr le cacao. Mais je m'égare, encore que...
A Pedras Negras, au nord du Mexique, la propriété de la famille de La Garza est encore épargnée par les soubresauts de la révolution menée par Pancho Villa.
Entourée de ses trois filles, Rosaura, Gertrudis et Tita, Mama Elena règne de main de maître sur la petite communauté. La cuisine est le domaine de Nacha et de Chencha, respectivement cuisinière, servante et nourrices de Tita la benjamine qui a trouvé refuge en ces lieux plus chaleureux que les bras de sa mère.
"L'unique qualité de Mama Elena semblait être de savoir traquer les défauts."
Tita grandit donc entre les tintements de casseroles et les battements de fouets, des fumets aussi divers que variés chatouillent très tôt ses petites narines et tout aussi vite ses yeux s'habituent aux picotements provoqués par les épices, les piments et les oignons. Inutile de vous dire qu'elle acquiert comme personne des talents culinaires exceptionnels, talents qui, au fil des ans, s'enrichissent de recettes de bonne femme prodiguées par la vieille Nacha qui n'a pas son pareil pour détourner l'usage et utiliser les propriétés cachées de certains ingrédients.
A quinze ans Tita tombe amoureuse de Pedro. Don Pascual Muzquiz, accompagné de son fils, vient faire sa demande en mariage. Mais Mama Elena, qui a élevé ses filles selon le célèbre manuel de Carreña lequel préconisant que la benjamine se doit de rester célibataire afin de veiller sur les vieux jours de sa mère, Mama Elena donc oppose un refus catégorique et en profite pour refiler à Pedro la main de l'aînée, Rosaura.
Nacha et Tita se chargeront de confectionner le pantagruélique repas de noce au cours duquel d'étranges phénomènes se produiront...
"Une curieuse nostalgie s'emparait des convives dès la première bouchée. (...) Ce ne fut pas tout. Les sanglots furent les premiers symptômes d'une intoxication alimentaire rare, liée à la mélancolie et à la frustration (..). Aucun n'échappa au sortilège; seuls quelques chanceux eurent le temps d'arriver jusqu'aux toilettes; les autres prirent part au grand vomissement collectif qui s'organisa au beau milieu de la cour."
Pendant que Rosaura donne naissance à une jolie petite Esperanza, l'amour de Pedro pour Tita ne faiblit pas. Mais le cerbère Elena veille au grain.
Un autre repas ensorcelé voit Gertrudis fuir ce climat devenu étouffant, tous sens en éveil et éperdue d'amour, elle part se réfugier dans les bras d'un partisan de la révolution qui se rapproche de Pedras Negras.
Divers événements culinaires, tous aussi farfelus les uns que les autres, viendront ainsi donner un tour inattendu au destin d'une ribambelle de personnages hauts en couleur, et ponctuer les principaux cycles de la vie familiale.
Méfiez-vous tout particulièrement des cailles aux pétales de roses, certains effets peuvent être dévastateurs...
"Détachez soigneusement les pétales de roses. Attention de ne pas vous piquer; non seulement ça fait mal, mais si les pétales s'imprègnent de sang, ça altère la saveur du plat et provoque de dangeureuses réactions chimiques."
Vous apprendrez à confectionner une pommade au chocolat pour des lèvres toutes douces, vous saurez comment ôter des taches grâce à de l'urine chauffée, à lutter contre la mauvaise haleine, mais aussi à confectionner le chorizo, le dindon aux amandes et au sésame etc, etc..
Bref, vous passerez un réjouissant moment en compagnie de ce "Roman-feuilleton où l'on trouvera des recettes, des histoiresd'amour et des remèdes de bonne femme", sous-titre suffisamment évocateur pour ce journal retraçant sur douze mois la vie de femmes se transmettant de génération en génération, certes des recettes, mais aussi les petits secrets de famille.
Une narration originale qui s'inscrit dans la pure tradition littéraire sud-américaine, mêlant sensualité, merveilleux et drôles de mélodrames.
Des chroniques familiales succulentes à picorer parcimonieusement ou à dévorer gloutonnement !
Mis a posteriori dans le Challenge Chocolat !
Chocolat amer Laura Esquivel Editions Folio