Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Souk de Moustafette
Le Souk de Moustafette
Derniers commentaires
Archives
21 mars 2009

Amour, magie, chocolat y revolucion (Challenge Chocolat 3))

9782070379477Outre le fait d'avoir été l'invité d'honneur du dernier salon du livre, le Mexique s'est dernièrement illustré par la visite de notre zorro national tentant d'arracher de ses petits poings rageurs et rolexés une de ses compatriotes retenue dans des geôles cucarachesques. En vain jusqu'à ce jour, mais gageons qu'une confortable contre-partie commerciale, nucléaire et autre, aura raison de cet imbroglio ganstero-politico. Mais je m'égare.

Approche plus consensuelle, le Mexique est aussi connu pour être le berceau d'un certain nombre de substances, pour certaines au demeurant fort sympathiques, à haut pouvoir addictif parmi lesquelles le pétrole, la tequila, la desperados, le peyolt, la marijuana, le chili con carne, le café et bien sûr le cacao. Mais je m'égare, encore que...

A Pedras Negras, au nord du Mexique, la propriété de la famille de La Garza est encore épargnée par les soubresauts de la révolution menée par Pancho Villa.
Entourée de ses trois filles, Rosaura, Gertrudis et Tita, Mama Elena règne de main de maître sur la petite communauté. La cuisine est le domaine de Nacha et de Chencha, respectivement cuisinière, servante et nourrices de Tita la benjamine qui a trouvé refuge en ces lieux plus chaleureux que les bras de sa mère.

"L'unique qualité de Mama Elena semblait être de savoir traquer les défauts."

Tita grandit donc entre les tintements de casseroles et les battements de fouets, des fumets aussi divers que variés chatouillent très tôt ses petites narines et tout aussi vite ses yeux s'habituent aux picotements provoqués par les épices, les piments et les oignons. Inutile de vous dire qu'elle acquiert comme personne des talents culinaires exceptionnels, talents qui, au fil des ans, s'enrichissent de recettes de bonne femme prodiguées par la vieille Nacha qui n'a pas son pareil pour détourner l'usage et utiliser les propriétés cachées de certains ingrédients.

 A quinze ans Tita tombe amoureuse de Pedro. Don Pascual Muzquiz, accompagné de son fils, vient faire sa demande en mariage. Mais Mama Elena, qui a élevé ses filles selon le célèbre manuel de Carreña lequel préconisant que la benjamine se doit de rester célibataire afin de veiller sur les vieux jours de sa mère, Mama Elena donc oppose un refus catégorique et en profite pour refiler à Pedro la main de l'aînée, Rosaura.
Nacha et Tita se chargeront de confectionner le pantagruélique repas de noce au cours duquel d'étranges phénomènes se produiront...

"Une curieuse nostalgie s'emparait des convives dès la première bouchée. (...) Ce ne fut pas tout. Les sanglots furent les premiers symptômes d'une intoxication alimentaire rare, liée à la mélancolie et à la frustration (..). Aucun n'échappa au sortilège; seuls quelques chanceux eurent le temps d'arriver jusqu'aux toilettes; les autres prirent part au grand vomissement collectif qui s'organisa au beau milieu de la cour."

Pendant que Rosaura donne naissance à une jolie petite Esperanza, l'amour de Pedro pour Tita ne faiblit pas. Mais le cerbère Elena veille au grain.
Un autre repas ensorcelé voit Gertrudis fuir ce climat devenu étouffant, tous sens en éveil et éperdue d'amour, elle part se réfugier dans les bras d'un partisan de la révolution qui se rapproche de Pedras Negras.
Divers événements culinaires, tous aussi farfelus les uns que les autres, viendront ainsi donner un tour inattendu au destin d'une ribambelle de personnages hauts en couleur, et ponctuer les principaux cycles de la vie familiale.
Méfiez-vous tout particulièrement des cailles aux pétales de roses, certains effets peuvent être dévastateurs...

"Détachez soigneusement les pétales de roses. Attention de ne pas vous piquer; non seulement ça fait mal, mais si les pétales s'imprègnent de sang, ça altère la saveur du plat et provoque de dangeureuses réactions chimiques."

Vous apprendrez à confectionner une pommade au chocolat pour des lèvres toutes douces, vous saurez comment ôter des taches grâce à de l'urine chauffée, à lutter contre la mauvaise haleine, mais aussi à confectionner le chorizo, le dindon aux amandes et au sésame etc, etc..
Bref, vous passerez un réjouissant moment en compagnie de ce "Roman-feuilleton où l'on trouvera des recettes, des histoiresd'amour et des remèdes de bonne femme", sous-titre suffisamment évocateur pour ce journal retraçant sur douze mois la vie de femmes se transmettant de génération en génération, certes des recettes, mais aussi les petits secrets de famille.
Une narration originale qui s'inscrit dans la pure tradition littéraire sud-américaine, mêlant sensualité, merveilleux et drôles de mélodrames.
Des chroniques familiales succulentes à picorer parcimonieusement ou à dévorer gloutonnement !

Mis a posteriori dans le Challenge Chocolat !

Chocolat amer    Laura Esquivel     Editions Folio

 

 

 alimentation_mexicaine_5

 

 

Publicité
Publicité
20 mars 2009

Amour, magie et chocolat (Challenge Chocolat 2)

9782917559024Si vous avez aimé "Chocolat"*, vous dégusterez sans doute avec gourmandise la suite des aventures de Vianne Rocher et de sa fille Anouk quittées à Lansquenet où Vianne, en plein Carême, avait semé un plaisant vent de panique en ouvrant une confiserie, "La Céleste Praline", et en créant le premier festival du chocolat, et ce au grand désespoir du curé Reynaud qui perpétuait comme il se doit la célèbre doctrine catholique : pourquoi se faire plaisir alors qu'on peut souffrir...
A Lansquenet, Vianne avait aussi rencontré l'amour en la personne de Roux.
Mais un vent mauvais souffla, et Vianne dut fuir à nouveau.
Fin du premier épisode.

Quatre ans ont passé. La naissance de Rosette transforme le duo en trio, et de rafale en rafale le vent  pousse Vianne et ses filles jusqu'à Paris. Plus exactement sur la Butte Montmartre où la vieille propriétaire d'un minuscule café cherche quelqu'un pour l'aider et finalement lui succéder. Vianne est embauchée et transforme peu à peu l'estaminet en... chocolaterie.
Vianne ayant renoncé à ses pouvoirs secrets, le commerce est lent à démarrer..

"Nous n'avons pas de licence pour la vente d'alcool mais l'exquise odeur du chocolat chaud, des pâtisseries fraîches, des biscuits et des macarons, sans parler, bien sûr, de l'arôme enivrant des truffes amères, des chocolats à la liqueur, à la fraise, à l'abricot ou aux noix sont des invitations auxquelles il est bien difficile de résister."

Jusqu'au jour où l'exubérante et troublante Zozie de l'Alba pousse la porte de la chocolaterie bien décidée à la faire prospérer.
Et cette Zozie, croyez-moi, elle sait y faire pour embobiner son monde. Peu à peu "Le Rocher de Montmartre" ne désemplit plus, Zozie au comptoir et Vianne aux fourneaux.

Zozie n'emberlificote pas que les clients, même les plus revêches. Anouk aussi est séduite par la truculence du personnage, sa beauté, ses tenues extravagantes et sa bonne humeur.
Effectivement, alors que Vianne semble se dessécher dans la chaleur de sa cuisine, Anouk s'engouffre avec bonheur dans l'amitié que lui offre Zozie. Mystérieuse complicité d'ailleurs puisque peu à peu, au gré de petits événements, Anouk ne tarde pas à découvrir que Zozie possède elle aussi le don, des dons hérités de son Mexique natal et qu'elle utilise sans aucune mauvaise conscience... mais chut... car Vianne ne veut plus qu'on évoque cet aspect des choses.

Eternelle lutte entre le Bien et le Mal, richesse de la mythologie mexicaine, galerie de personnages attachants, avec en prime le pittoresque village de Montmarte, le tout saupoudré d'un brin de mystère et d'une très grosse pincée de magie, voilà une recette vite fait bien fait mais qui fonctionne presqu'autant que dans "Chocolat".
Et l'auteur est toujours en verve côté sensualité, tout n'est que parfums, saveurs, couleurs. Laissez-vous tenter, c'est garanti zéro calorie !

"En fondant, le chocolat devient luisant, la vapeur s'élève de la casserole de cuivre. Le parfum s'enrichit de cannelle, de poivre de Jamaïque et de muscade. Il développe de sombres harmonies d'anis et de café et des notes plus lumineuses de vanille et de gingembre. Tout est presque fondu à présent. Une vapeur légère monte de la casserole. Ce que nous avons ici, maintenant, est le Theobroma à l'état pur, l'élixir des dieux sous sa forme volatile. Et, dans cette vapeur, je peux presque apercevoir..."

Mis a posteriori dans le Challenge Chocolat !

*Chocolat Editions  J'ai lu
Le Rocher de Montmartre   Joanne Harris   Editions Baker Street

 

1046

   

28 septembre 2008

Une belle action

97822661727072006, deux couples, accompagnés de leurs enfants, se croisent dans un grand magasin d'usine du Nord de la France.
Chassés-croisés de regards entre eux. Ceux qui se reconnaissent et ceux qui s'ignorent encore.

"Ils sont beaux.
Je les ai trouvés beaux.
Je me suis trouvé beau, moi aussi, en train de les observer.
Si nous avons réussi à survivre, alors, la vie miroite et lance des éclats dorés."

Un des pères, Fred, reçoit comme un uppercut en plein plexus. Flash back, 1985, Fred est pion dans un collège, Myriam y est prof de dessin et vit avec Thomas, un jeune cadre dynamique aux dents longues, dont elle attend un enfant.
Jeux de séduction, éviction, persistance de l'attirance, distance... Le temps passe, un enfant naît, un drame survient.
C'est vers Fred que se tournent alors Myriam et Thomas. Fred qui répond présent. Et la valse des sentiments reprend, sournoise, teintée du plus profond désespoir et de la plus belle espérance, comme seuls le désir et ses ambiguités savent les révéler.

Ce roman m'a chamboulée. Il m'a propulsée dans mes années 80 à moi. Celles de tous les possibles, quand à vingt ans on tourne le dos à sa famille en se disant que les amis, eux, seront toujours là. Il a fait frémir des strates d'émotions que je m'efforce de tasser quotidiennement au fond de ma mémoire. Il a ravivé le manque, l'absence de ceux qui m'ont lâché la main au milieu de la rivière, me laissant seule poursuivre la route avec, sur les épaules, le poids des souvenirs que je ne sais plus avec qui partager.

"Ce sentiment étrange de l'identité.
Et puis celui de l'altérité, reçu de plein fouet."


Une troublante et bouleversante histoire d'amour et d'amitié comme j'aimerais que toutes elles se terminent, tournées vers la vie.

L'émotion d'une autre lectrice ICI

Passage du gué    Jean-Philippe Blondel    Editions Pocket

 

georgem060700021

 

 

26 septembre 2008

Végétariens, s'abstenir !

9782876734876Fin des années 50, dans une bourgade du Sud-Ouest, les Croquard règne sur un petit paradis de boustifaille et cochonnaille diverses et variées; spécialité, les pieds de cochon.

"Toque blanche, casaque bleu ciel, gilet bleu ardoise, parfois, Croquart était plus rond que gros, de fait presque aussi large que haut. Plus précisément rond et carré à la fois, une quadrature du cercle."

Pendant que Monsieur orchestre, découpant, soupesant, conseillant ses clientes, toutes en admiration devant le ballet excécuté par le maître-boucher, entre grâce et dextérité, arabesques des grands coutelas et doux chuintements du papier d'emballage, Madame, née Paupier, dans ses blouses fantaisie, cheveux et ongles impeccables, trône comme il se doit derrière la caisse tout en consultant des catalogues de vente par correspondance. Au gré des saisons, elle s'exerce à l'art en décorant la vitrine et, en cachette, elle s'essaie même à la littérature à ses moments perdus sous l'oeil énamouré de son faux caniche nain. "Divinité Civa Ardhanari, sur tabouret, de la caisse et du hors d'oeuvre cuisiné, elle était comme affligée par instants, indéchiffrables pour la plupart, d'une sorte de gêne mêlée d'inquiétude."
A l'arrière et en coulisses officient un timide commis boucher et un laborantin "[qui] semblait toujours préoccupé, avait l'air taciturne et fatigué, affichait une peau d'alcoolique léger-gros fumeur en instance de divorce."

Les Croquart ont le loisir modeste. Quelques soirées entre amis autour des rings pour assister à des combats de catch, quelques virées à bord du break id 19, bref une petite vie tranquille et bien huilée.
Jusqu'au jour où deux événements vont venir gripper la machine.
D'abord la mort d'un vieil ami de Monsieur Croquart, le célèbre Merlin, "abatteur aux abattoirs" , qui ne se remettra jamais de la modernisation de son métier !
Puis dans la foulée, sans doute pour oublier sa peine, la décision de Monsieur Croquart d'étendre son activité aux marchés de la région, histoire d'investir et de s'enivrer du doux sentiment de liberté que lui procure la conduite de son fourgon réfrigéré dans les petits matins frisquets.

A partir de là, tout dérape. Et c'est le grand pétage de plomb, tant aux abattoirs que sur les marchés, et à la boutique... peut-être bien que ça va saigner aussi !
Grandeur et décadence de la maison Croquart... Un drôle de premier roman où les "morceaux" remplacent les chapitres, des personnages hauts en couleur, deux scènes d'anthologie, l'ambiance années 60 en filigrane et une chute surprenante.

Une vraie boucherie    Bernard Jannin    Editions Champ Vallon

cochon_031

 

21 septembre 2008

La mémoire qui flanche

9782070787265On a toujours vingt ans quand on est amoureux... et ce n'est pas Mado qui dira le contraire.
Mado, la vieille demoiselle qui vit seule avec son canari dans un petit pavillon de banlieue. Mado, qui a pour seule occupation la photographie des détails au ras du sol. Mado, dont la seule amie, Nala, la cartomancienne aux cheveux de feu, s'en retourne dans son pays.
Nala veillait sur Mado, inventant des tas de combines pour que Mado puisse continuer son chemin malgré sa mémoire qui fout l'camp.
Nala partie, c'est à sa nièce Judile, qu'elle confie Mado.

Arrive en ville l'Indien, ainsi nommé car il ne connait pas le vertige. Son royaume ce sont les toits du haut desquels il se noie dans le ciel, tentant peut-être d'apercevoir par delà les horizons lointains le pays qu'il a laissé derrière lui depuis longtemps.
Lui, là-haut, elle, si bas, leurs regards se croiseront pourtant, faisant naître des futurs jusque là inespérés.
Espoirs d'une vie sans plus aucun départ, pour l'Indien. Rêves d'une première douceur amoureuse, pour Mado.
Mais du ciel à la terre, la focale est immense, ouvrant la porte à toutes les illusions. Illusions d'optique surtout, qui peuvent se révéler fatales.
Au milieu de tout ça, Judile se sent flouée, rejetée, renvoyée à ses tristes amours.

"Elle ne sait pas combien de temps elle fixe ce ciel dont l'image lui restera toujours en mémoire. Chaque fois qu'elle a l'impression de basculer, elle songe au regard de l'homme et s'y retient comme à un fil, et ce fil est sans fin et l'emmène aussi loin qu'elle le veut. A quoi cet inconnu peut-il penser en observant le ciel avec une telle attention, se demande-t-elle; puis brusquement elle se rappellle son propre regard posé la veille au soir sur la terre en friche du jardin, les éclats du mica, cette impression d'immensité inversée, elle se souvient des mots de Judile : C'est votre histoire mais à l'envers. Et, de fait, il y a quelque chose d'infiniment familier dans la façon dont il regarde le monde."

Avec toujours autant de délicatesse, l'auteur sait aborder les thèmes les plus difficiles, notamment ici, la fuite de la mémoire et l'exil.
Une poésie tout en nuance, teintée de larmes et d'émotions, dans laquelle se diluent les souffrances et les différences. Un joli terreau d'où jaillit une fragile passerelle qui tente de relier les êtres et qui s'essaie à modifier la carte du tendre. Un imaginaire entre enfance et fin de vie sur le fil duquel se balancent tous les regrets et tous les possibles.
Un magnifique roman d'amour qui s'enroule sur les spirales des âges comme un éternel recommencement.

L'avis de  SYLIRE

Je voudrais tant que tu te souviennes   Dominique Mainard   Editions Joëlle Losfeld

plante086

 

 

Publicité
Publicité
14 septembre 2008

Un été 48

9782070358144Quelques temps après le décès de son épouse, Trond Sander s'est retiré du monde.
A la recherche de solitude, il s'est installé dans une région sauvage du nord de la Norvège avec pour seule compagnie sa chienne Lyra. Sa vie est rythmée par la remise en état de la maison, les promenades entre lac et rivière, l'observation de la nature et l'anticipation de l'hiver qui approche. Sans oublier quelques cogitations sur le temps qui passe.
Un soir, il fait la connaissance de son voisin, Lars. Cette rencontre déclenche les souvenirs en cascade.

En 1948 Trond a quinze ans. Dernier été d'innocence entre son père, qu'il accompagne à la frontière suédoise pour des travaux forestiers, et son ami Jon, un adolescent qui l'entraîne "à voler des chevaux". Mais cet été là un drame survient qui change le cours de la vie du narrateur.

"Il régnait une odeur de bois fraîchement coupé. Elle se répandait de la route jusqu'à la rivière, elle remplissait l'air et flottait au-dessus de l'eau, elle pénétrait partout, elle m'engourdissait et me faisait tourner la tête. J'étais au centre de tout. Je sentais la résine, mes vêtements et mes cheveux sentaient la résine; la nuit, dans ma couchette, ma peau sentait la résine. Je m'endormais avec l'odeur de résine, je me réveillais avec l'odeur de résine, l'odeur de résine m'accompagnait du matin au soir. Je faisais un avec la forêt."

L'auteur nous offre un récit pudique et nostalgique des amitiés adolescentes mais surtout des relations père-fils, sur fond de nature omniprésente, sauvage, fougueuse, somptueuse et prometteuse de liberté.
Une atmosphère toute masculine, sans machisme aucun. Mais cependant, cherchez la femme...
Est-on toujours rattrapé par son passé ? Sur ses vieux jours Trond serait-il venu retrouvé ce sentiment de plénitude rencontré cinquante ans plus tôt lors de cet été 48 ?

Ce livre a obtenu le prix des lecteurs au Salon de la Littérature européenne de Cognac en 2007. Il était en compétition entre autres avec "Le demi-frère" de Lars Saabye Christensen, autre roman qui explorait aussi les relations filiales, mais à mon sens de façon plus romanesque et plus aboutie.
Comme  PAPILLON , j'aurais aimé un développement un peu plus approfondi, notamment de la relation à Lars qui se révèlera être tout autre qu'un simple voisin.
ELFIQUE  elle aussi vous donne son avis.

Pas facile de voler des chevaux    Per Petterson    Editions Folio

cheval_126

11 septembre 2008

Evidemment

dp_

Je continue à être débordée...
Mais au moins sur la plage
on a le temps de lire !

Alors vite fait, un petit aperçu des lectures qui m'ont accompagnée pendant ces mois d'été :

9782742775477Un peu fadasse ce polar suédois qui surfe sur le succès de Millénium. Ne croyez pas votre libraire qui vous dit que si vous avez adoré la trilogie de Larsson, vous aimerez forcément celui-ci. Il n'a sûrement lu ni les uns ni l' autre.
Les tergiversations de l'héroïne sur ses régimes Weight Watchers, ses slips gainants et autres tenues amincissantes, ses amours d'un classicisme sans nom, voilà tout ce qui me reste au bout d'un mois.
Ah Lisbeth, où es-tu ? Reviens donc mettre une touche de trash dans la vie d'Erica Falck !!!

La princesse des glaces  Camilla Läckberg  Editions Actes Sud Noirs

9782843043895Déçue aussi par ce jardin de l'amour. Pourtant beaucoup de bonnes critiques. C'est vrai que la construction est originale. C'est le genre de bouquin qu'il faut lire d'une traite si on veut en apprécier tout le charme et se laisser happer par l'atmosphère plutôt délétère du récit.
Roman à tiroirs, personnages tourmentés, hésitant entre emprise, perversion et dépression, on risque parfois de se perdre avec eux dans ce récit labyrinthique.
Je l'ai lu en pointillé, ceci explique sans doute cela !

Garden of love  Marcus Malte  Editions Zulma

 

9782020977036

Si vous cherchez à assassiner votre amant en cinq leçons, ce livre est pour vous !
On y aime, on y souffre et on y mange.
L'amour et la nourriture ont toujours fait bon ménage.
Là encore, on évolue entre sensualité et perversité des sentiments.
Original mais pas bouleversant ce portrait de l'ogresse moderne.
L'imaginaire féminin a des ressources insoupçonnées. Attention, c'est parfois un peu cru !

A table !  Tiffany Tavernier  Editions Seuil

9782020679473

 

Vous devez savoir que cette folle de Brigitte Aubert, je l'adore. Ici, elle n'est pas dans le registre que je préfère, même si ce livre n'est pas dépourvu d'un certain humour.
Son imagination est toujours aussi débordante, mais cette fois plus sur un versant Indiana Jones. L'équipe de scientifiques, en perdition dans le Grand Désert Salé iranien, n'a pas fini d'halluciner. Y aurait-il une vie sous-terre ? Les Néandertaliens seraient-ils toujours parmi nous ? Ben oui, elle ose ! Et ça se lit d'une traite...

Le chant des sables  Brigitte Aubert  Editions Points Seuil

9782253122197Je suis un peu restée sur ma faim avec ce roman qui, sous prétexte d'une découverte macabre dans un petit village, explore la solidarité des habitants entre eux face à l'autorité et la presse, alors que cet événement les replonge dans un drame ancien. Quelques personnages attachants, une bonne description de la ruralité défendant les siens et ses secrets, mais une fin baclée.
Je l'ai lu un peu en pointillé, aussi je suis restée à distance de cette histoire. J'attends donc d'autres avis !

La maison Tudaure  Caroline Sers  Editions Le Livre de Poche

9782922868647Un charme suranné certain pour cette romance polonaise et l'histoire de cette jeune femme s'étioliant dans sa province entre une mère acariâtre et un éventuel prétendant plutôt ennuyeux.
L'arrivée d'un jeune poète séducteur venu faire lecture de ses oeuvres va pimenter son quotidien. Elle s'offre une parenthèse dont elle pense détenir la maîtrise...

Serial Lecteur a aussi succombé au charme de la vie provinciale des années 50 sur les bords de la Vistule.

Romance provinciale  Kornel Filipowicz  Editions Les Allusifs

9782864246121Autre jolie surprise, et autre histoire de province, en Argentine cette fois, pour ce huis-clos aux relents dictatoriaux.
L'absurdité du pouvoir totalitaire y est peinte de manière intelligente. Les portraits de ces habitants perdus au milieu de nulle part ont quelque chose de touchant dans leur abord du push militaire.
Pas de pathos mais une analyse tout en finesse du glissement progressif dans la dictature.
Ambiance plombante renforcée par la chaleur écrasante qui sait si bien laisser le temps et les hommes en suspension.
KATHEL a aimé et beaucoup d'autres aussi.

L'autobus  Eugenia Almeida  Editions Métailié

9782264044938

J'ai craqué pour ce pastiche de série télé que je n'aurais sûrement pas regardée sur un petit écran...
J'y retrouve mon auteur chouchou des années 80 qui passe là à la vitesse supérieure. C'est rapide, toujours un peu sex and drug and rock and roll et j'adore ça !
Et ça tombe bien, y'a toute une ribambelle de tomes.
J'attaque bientôt la saison 2 !

Doggy bag  Philippe Djian  Editions 10/18

9782742774449Quand l'auteure du Canapé rouge s'essaie au roman noir.
L'histoire d'un engrenage qui commence par une simple rencontre dans un train et qui se termine mal, très mal. Portrait d'une certaine ruralité, et un amour évident de la romancière pour ses personnages, âmes égarées et fragiles dans le flot de l'humanité.
Côté intrigue, c'est pas inoubliable mais cette facette de l'oeuvre de l'auteure n'est pas inintéressante.

Une simple chute  Michèle Lesbre  Editions Babel Noir

sgEt le dernier mais pas le moindre.
Encore un coup de coeur pour Sylvie Germain qui n'en finit pas de me séduire. Du bout de sa plume, cette femme dessine vraiment comme personne des mots et des images. On ne sait plus s'il s'agit d'écriture ou de peinture !
Tout au long de l'histoire de cette enfant prise dans les tourments des adultes et les affres familiales, on oscille entre bien et mal, entre ombre et lumière.
Récit d'une enfance, d'un secret et de la solitude dans laquelle il enferme. Du très grand art...

"C'est l'heure où la beauté du monde frôle les paupières et les lèvres des dormeurs au fond des chambres fraîches, et sème dans leurs coeurs de menues graines de désir. C'est l'heure où se délient les rêves, s'allège le sommeil ; où s'esquissent les songes."

L'enfant Méduse  Sylvie Germain  Editions Folio

 

004

 

9 septembre 2008

A la recherche...

9782848761121du doux temps perdu de l'enfance.
L'histoire de cette famille de cafetiers du Nord nous ramène vers ce tendre paradis.

"Chez nous", le café familial, est le centre d'un petit monde où tout n'est que douceur et générosité.
Même les joies et les chagrins y sont tout enveloppés de pudeur, comme pour ne pas écraser l'autre de son bonheur ou l'éclabousser de ses peines.

On y parle de fleurs, de courses dans la campagne, d'amours adolescentes auxquelles se mêle l'amour de la lecture sous l'égide du grand Proust.
Et Marcel va faire se déplacer des montagnes lorsqu'un glas pourrait bien recouvrir de son son funeste le doux tintement de la petite cloche.

"(...). Est-ce que nous mêmes, nous comprenons tout ce que nous lisons ? Je n'en suis pas persuadée. Au fond, n'est-ce pas mieux comme cela ? Lire, c'est aller vers l'inconnu, c'est chercher à découvrir de nouveaux mondes, à percer de nouvelles énigmes... Sans garantie de succès. D'ailleurs, on ne fait jamais le tour d'un livre, on n'épuise jamais la totalité de son mystère. C'est même peut-être ce qui nous échappe qui est le plus important..."

(Bien sûr j'émets quelque réserve à cette citation, il y a vraiment des livres dont on a vite fait le tour et dont le mystère ne nous empêche pas de dormir ! Mais il est vrai que ceux qui nous touchent profondément n'en finissent jamais de nous séduire.)

Même si celui-ci ne sera pas ma "madeleine", j'avoue m'être laisée emporter par ce récit au ton un peu naïf, voire fleur bleue, qui réussit à habiller de légèreté les cycles de l'existence.
La nostalgie y revêt des habits aux couleurs de sucre d'orge; elle est fraîche comme un grand verre de limonade et sa simplicité n'a d'égal que ces souvenirs d'enfance gommés de tout ressentiment.
Un bel hymne à la vie, à l'amour filial et à l'altérité.

Rien d'étonnant qu'il ait tant plu à BELLESAHI !!!
Coup de coeur aussi pour  MIREILLE

La petite cloche au son grêle    Paul Vacca    Editions Philippe Rey

 

cloche

22 août 2008

Et si c'était vrai...

9782070341924Une jeune femme au métier singulier, elle est "accompagnante", revient sur ses jeunes années passées dans un établissement de rêve, Halisham, dirigé par une mystérieuse Madame. Les enfants qui y grandissent ne sont pas loin de penser qu'ils forment une sorte d'élite.
Elle évoque les liens d'amitiés tissés avec d'autres résidants, liens qui se transformeront au cours de leur adolescence. Chacun choisit sa voie, leurs chemins se séparent mais pour se croiser à nouveau en de curieuses et funestres circonstances.
Ces retrouvailles sont l'occasion de s'interroger sur leur place et rôle respectifs dans la société d'une Angleterre futuriste.
On comprend rapidement qu'Halisham est un établissement qui se consacre à l'éducation d'êtres clonés et que les élèves sont destinés à devenir des donneurs et/ou des accompagnants.

"Alors vous attendez, même si vous ne le savez pas vraiment, vous attendez le moment où vous vous rendrez compte que vous êtes réellement différent d'eux; que, dehors, il y a des gens comme Madame, qui ne vous détestent pas et ne vous souhaitent aucun mal, mais qui frissonnent néanmoins à la seule pensée de votre existence - de la manière dont vous avez été amené dans ce monde et pourquoi - et qui redoutent l'idée de votre main frôlant la leur. La première fois que vous vous apercevez à travers les yeux d'une personne comme celle-là, c'est un instant terrifiant."

J'avoue avoir trouvé la lecture de ce roman assez laborieuse.
Non pas que le thème soit inintéressant, bien au contraire, mais le rythme du récit a failli à plusieurs reprises avoir raison de mon attention. A mon goût, trop de redondances dans les deux premiers tiers du texte qui malgré tout n'ont pas réussi à m'émouvoir.
Il m'a fallu attendre la dernière partie pour sentir enfin poindre une compassion réelle pour ces êtres humains que la société utilise tout en ne voulant pas en entendre parler.

La façon dont l'auteur choisit d'aborder le thème du clonage est originale. Point de science-fiction, mais une oeuvre littéraire proprement dite, un récit intimiste à l'écriture emprunte d'une certaine obsessionnalité qui m'avait déjà fait abandonner un précédent ouvrage de l'auteur, "Les vestiges du jour" .

Et, réflexe sans doute défensif de ma part tant le sujet est dérangeant, la résignation prégnante des personnages  m'a été difficilement supportable. Lors de la prise de conscience de leur triste sort, un vent de révolte de la part des principaux intéressés sur l'instrumentalisation de l'humain n'aurait pas été pour me déplaire.
Reste que ce livre donne matière à moultes réflexions éthiques sur le statut identitaire de ces êtres qui n'en seraient pas moins nos... semblables !
Vaste question...

Les avis d' ANNE , de KATHEL ainsi que quelques autres.

Auprès de moi toujours    Kazuo Ishiguro    Editions Folio 

 

clonage02

 

20 août 2008

Tonton flingueur

9782253122326Road-movie très sympathique pour une fine équipe qui, à priori, n'aurait rien eu à faire ensemble.
Prenez un tueur à gages sur le retour, un naïf au grand coeur et sa mère la reine du Négrita, une paumée qui n'est pas trop regardante sur la direction que doit prendre sa vie et une vieille Belge à la libido bouillonnante.
Faites courir tout ce petit monde sur les routes du Sud, ajoutez-y d'inévitables imprévus ainsi que des soucis de santé, une larme de chance mêlée à quelques des gouttes de sang, et vous aurez un cocktail délicieux à consommer sans modération.

Comme on a déjà parlé énormément, et en bien, de ce livre, je me contenterai de vous citer de savoureuses petites phrases relevées deci-delà.

"Un ballon rouge vint rebondir auprès de lui. Un petit garçon et son père lui couraient après. Ils avaient l'air heureux, le ballon surtout."

"La ville n'avait rien vu, rien entendu. Les passants passaient, les chiens pissaient, les arbres poussaient."

"Il fut pris d'une panique étrange, comme s'il était mort et que personne ne l'avait prévenu."

C'est drôle et tendre à la fois; une écriture qui ne s'embarrasse pas de grands développements mais dont l'économie fait mouche à chaque fois.
Et comme l'auteur n'en est pas à son coup d'essai, je pense que ça sent la lecture en série, ça !

L'avis de PAPILLON qui vous mènera vers quelques autres.
Et KATHEL vient aussi de le lire.

Comment va la douleur ?    Pascal Garnier    Editions Le Livre de Poche

 

voit54   

 

16 août 2008

Voilà, c'est fini...

9782742770311Adieu Lisbeth et Super Blomkvist...
Happy end pour eux.
Pas pour leur auteur, alors merci Monsieur Larsson pour ces 1939 pages de lecture !
Vous êtes sûr que là-haut y'a pas un clavier qui traîne et une connexion intersidérale à bricoler ?
J'ai soudain très envie de croire en dieu !!!
Et allez, juste pour le plaisir :

"Mikael avait beau être habitué à la capacité de Lisbeth Salander de s'habiller de façon choquante, il fut stupéfait de voir qu'Annika Giannini lui avait permis de se présenter à la salle d'audience vêtue d'une courte jupe en cuir noir, avec l'ourlet défait, et d'un débardeur noir portant l'inscription I am irritated et qui ne dissimulait pas grand-chose de ses tatouages. Elle portait des rangers, une ceinture cloutée et des chaussettes montantes rayées noir et lilas. Elle avait une dizaine de piercings dans les oreilles et des anneaux à la lèvre et aux sourcils. Ses cheveux avaient repoussé depuis son opération du crane en une sorte de chaume noir et hirsute. De plus, elle était maquillée à outrance."

Millénium 3    Stieg Larsson    Editions Actes Sud Noirs

m_4a7685102e1c50736c4dc95d66498b61

8 août 2008

Haine-moi

robe_medLe regard d'une femme adulte sur trois personnages qui ont à jamais marqué son esprit tout autant que son corps.
Le livre s'ouvre sur la mort du père. Un homme rigide, autoritaire et redouté, qui a dressé sa fille à être une autre, l'ombre d'elle-même, celle qui contentera, qui se conformera.
Ainsi s'éteint le désir propre, pour épouser celui de l'autre. Ainsi se baillonne la volonté d'être, ainsi se travestit la vie.

"Tu aimais l'ordre. L'exactitude. Les collections. Les catalogues. Les inventaires. Tu es mort méticuleusement. Une métastase ici. Une autre là. Le pancréas. Le foie. La vésicule. Les poumons. L'estomac."

Point de salut ne viendra de la mère qui, jusque sur ses vieux jours, cultive encore et toujours l'art du ressentiment et de l'aigreur. Elle mettra jusqu'au bout un point d'honneur à repousser toute manifestation affective et tout épanchement qui, sans doute, se révèleraient synonymes de faiblesse.

"(...) et j'ai cherché à deviner sur son visage offert ce que nous avions en commun, notre air de famille, les traits qui nous reliaient, elle et moi, à toutes ces femmes au-dessus de nous, ces aïeules terribles, les lutteuses, les battantes, cette respectable généalogie de matrones aux mâchoires crispées, cette lignée de laquelle, fièrement, elle se réclame et qui, incongrûment, aboutit à moi, le mauvais embranchement."

Alors inévitablement, lorque l'âge sera venu, la fille se soumettra à la violence de son premier amant. Pas de mots, pas de larmes, pas de plaintes. Et à défaut d'amour, juste un sexe qui la poignarde et les marques des coups qui s'incrustent dans sa chair.

Mais derrière les façades des belles demeures bourgeoises l'honneur est sauf. Car chacun le sait, les murs y sont épais.
Heureusement, au bout des allées, il y a la mer qui permet tous les vagabondages et offre consolation.

"Voilà des heures que je suis assise ici, le regard en équilibre entre le ciel et l'eau. Des heures que j'admire dans le bleu lointain la docilité des nuages. Des heures que j'écoute le frémissement des coquillages sous la caresse des vagues, que je me laisse bercer par la rumeur babillante, volubile, le ronronnement bienséant de l'été. J'ébauche autour de moi dans le sable des arabesques, des volutes."

Voilà, c'est concis, net, précis.
En 111 pages, sans pathos, on fait le tour de la question.
Comme la narratrice, on reprend souffle sur les beaux rivages de la mer du Nord. Et cette douceur fait un bien fou au milieu de toute cette sècheresse et de cette solitude.
Un très beau texte sur l'emprise. La suite logique de celui que je vous avais présenté ICI.

Ma robe n'est pas froissée    Corinne Hoex    Editions Les Impressions Nouvelles

 

campagne_violences_femmes_2019089

 

5 août 2008

Quoi de neuf ?

9782266156721J'aime les maths maintenant !
Melle Oudin, ma si farfelue prof que je n'ai jamais pu oublier, en serait ravie...
Suffit juste de savoir comment aborder la matière. Quand c'est par la littérature, on peut tout me faire avaler.
La preuve, j'ai découvert toute seule que ce livre commençait à la page 9, se terminait à la page 152, bon 1+5+2= 8 d'acord, mais 9X8=72, et 7+2=9. Il y a 9 nouvelles dans ce recueil et j'ai mis exactement 1h30 pour les lire, soit 90 minutes, et 9+0=9 !!! Arf, j'y crois pas...
Bon, trève de plaisanterie. Même si ce petit bouquin n'est pas un précis de mathématiques, on y calcule beaucoup, et ce pour le plus grand plaisir du lecteur.

Tel cet homme qui ne veut pas rater la seconde à laquelle sa vie va basculer dans sa seconde moitié (39,6) Et je vous le donne en mille, 3+9+6=18, 1+8=9, aaaaaah c'est formidable ça marche encore !!!.
Ou cette ado néopunk-gothique au si joli prénom, Violaine, ( "Moi c'était Violaine. Pour "viol" et pour "haine". La vie est un viol, j'avais pas demandé à naître."), et qui rédige Le testament.
Ou encore cette épouse phobique du devoir conjugal qui met un point d'honneur à ne céder aux assauts de son tendre époux rien qu' Une fois par semaine, quand elle ne se perd pas en calculs et conjectures pour échapper à la chose. Ah, si les semaines avaient neuf jours ! ("Elle n'est pas du genre à feindre la migraine, ni même à l'avoir quand elle l'a. Le truc est si répandu dans la bouche des femmes qu'elle soupçonne le mot "migraine" de provoquer un effet aphrodisiaque sur les hommes.")

Ma Chère est un petit bijou. Ces messieurs réfractaires de la paternité y trouveront pléthore d'arguments pour convaincre leur maîtresse des bienfaits de l'IVG ! ("La pilule est un excellent contraceptif. Ajoutée à la capote anglaise et à un bon spermicide, je ne vois pas comment vous avez fait pour arriver à ce terrible résultat.")
Petite fille, lâche-moi s'adresse à toutes celles qui font toujours l'inverse de ce qu'elles avaient prévu, surtout lorsque face à elles se dresse le prince charmant...
Et qui n'a pas connu, comme dans L'envie , une de ces soirées où, même vêtue d'une simple serpillière, une bombe reste une bombe, et ce d'autant plus qu'elle est célibataire et abêtit tous les maris présents pendant que leurs épouses essaient vainement de faire bonne figure ? ("Je me souviendrais toujours de sa réponse quand je lui ai demandé le plus innocemment possible si Sonia avait un compagnon: plusieurs, elle m'arépondu en riant, elle donne dans l'homme marié, question de liberté.")

Je vous laisse la surprise de découvrir quel est ce Quelque chose de malsain dans l'air qui bousille un couple mais peut tout autant le réconcilier. C'te connerie la guerre fait rire aussi, enfin... presque jusqu'à la fin. C'est souvent lucide, un militaire...("Je suis descendu. Maintenant je sais que je n'aurais pas dû. J'auraismieux fait de m'occuper de mes trophées de guerre accrochés au mur du salon.")

L'auteure sait y faire pour dépeindre les petits arrangements que nous faisons tous plus ou moins avec nos angoisses, nos complexes et autres travers.
A lire sous le soleil. C'est drôle, pétillant, jubilatoire, rafraîchissant.
Et ça m'a coûté 4€95, soit 4+9+5=18 donc 1+8=9... Ahhhhhhh, re-j'y crois pas !!!!!

CATHULU  aussi a beaucoup aimé.

La preuve par neuf    Dorine Bertrand    Editions Pocket

IMAG0109

26 juillet 2008

Ricochet de Gallay...(3)

9782841569342Mais de Venise, je pris un billet pour les sables émouvants de La Hague.
Et de séduite, je deviens envoûtée par l'écriture lancinante de l'auteure...
Voilà près d'un mois que je couve ce billet.
Il y a des auteurs comme ça, qui laissent dans l'impossibilité d'écrire la moindre ligne tant l'émotion submerge, tant la pudeur fait craindre de se dévoiler plus qu'il ne faut.
Il y a des livres comme ça, dans lesquels on s'enveloppe, on se vautre. Des livres qu'on croit écrits pour soi, qui vous renvoient vers des temps douloureux. Des livres dont les pages brûlent les doigts tant on sait que les tourner mènera à la réminiscence, à la frontière de l'absence avec la tentation vertigineuse du vide. Des livres qu'on lit les larmes au bord des cils. Des livres où la lenteur devient un art de vivre à défaut de mourir et où le temps s'écoule au rythme nécessaire des renaissances.

Autour de La Griffue, maison posée sur une pointe de terre au-dessus de la mer, gravitent des personnages poussés là par les vents du hasard ou les souffles de la mémoire.

"Les histoires se ressemblent.
Il y a toujours d'autres histoires. Il suffit d'un rien, parfois, un angélus qui sonne, des êtres se rencontrent, ils sont là, au même endroit.
Eux qui n'auraient pas dû se croiser. Qui auraient pu se croiser et ne pas se voir.
Se croiser et ne rien se dire.
Ils sont là."


Les exilés. La narratrice, une ornithologue comptant, dessinant les oiseaux, et parsemant la lande de son chagrin; Raphaël, jeune sculpteur des mains duquel naissent des oeuvres tourmentées telles Les Suppliantes, La Mendiante, La Couturière de la mort; Morgane, sa jeune soeur pétillante malgré la vie qui s'effrite; Lambert, revenu sur les traces de l'enfance, et à la recherche de la vérité sur sa famille disparue en mer.

Et ceux d'ici, ceux qui sont nés les deux pieds dans la vase et la tête chamboulée par les rafales des vents violents et leurs tragédies. Théo, l'ancien gardien du phare amoureux des oiseaux et entouré de chats, qui expie quelque faute dans la solitude de sa bicoque; la Mère, sa femme, qui s'accroche à son amour perdu comme à son déambulateur et aux maigres restes de sa vie contenus dans un petit sac à main; Nan, la rivale, porteuse du mauvais oeil et brodeuse de linceuls, celle qu'on dit à moitié folle quand elle erre sur les côtes les jours de tempêtes en hurlant le nom des disparus; et enfin Lili, la fille, qui accueille en son bar la misère de tous ces écorchés pour mieux camoufler la sienne.

Enfin il y a les poètes, les funambules qui traversent tout cela le rêve aux lèvres. Max, épris des mots et de Morgane, un simple d'esprit qui, quand il n'oeuvre pas au cimetière, retape La Marie Salope afin de partir un jour pêcher son premier requin taupe; la Cigogne, l'enfant sauvageonne au bec de lièvre, qui observe les adultes à travers l'oeil grossissant d'une bille de verre; monsieur Anselme, vieux dandy qui ressasse à loisir les souvenirs qui le lient à l'arbre de Prévert, à la maison de Prévert, à la famille de Prévert...
Oui, car il y a aussi Prévert, le vrai, celui qui vécut là et aima ce petit bout de terre malmené. Prévert tel une bouffée d'oxygène ou un lancer de confettis, pour maquiller la rouille et les idées noires.

"La maison de Prévert était là, au milieu des arbres, une maison entourée par un jardin. On s'est appuyés à la barrière. La végétation était luxuriante, les rosiers, les tournesols en fleur, des plantes aux feuilles géantes et aux noms impossibles à prononcer. Un petit ruisseau traversait le jardin et passait sous le petit pont devant l'entrée."

Un livre somptueux et des personnages débordants d'humanité, le tout porté par une écriture dépouillée mais poisseuse de sel et d'eau mêlés, croquant la fragilité des côtes et des êtres d'où suintent l'absence, le manque, le deuil, la mort.
Grâce aux poètes, et au détour d'un rayon de soleil, émergent de la tourmente des percées de ciel bleu qui révèlent ce que la terre et les désespérés ont aussi de meilleur tapi sous leurs souffrances.
Est-ce justement parce que ce bout de monde est si inhospitalier aux hommes qu'il attire tant de naufragés de la vie venus s'échouer là comme pour mieux épuiser leurs peines ?
A moins qu'en fin de compte, ils viennent y retrouver l'inspiration de vivre...

Une lecture éprouvante mais envoûtante.
Plus de cinq cents pages où j'ai souvent cru me perdre tant ce texte génère une sorte d'îvresse des profondeurs. Le livre refermé, je me suis retrouvée échouée et suffocante comme après un dernier réflexe de survie, celui qui vous donne la force de remonter à la surface aspirer une énorme goulée d'air, de reprendre souffle, et alors...

"Je me suis assise jusqu'à ce que l'espace m'avale. Fasse de moi un être minéral en contemplation devant le monde."

Un très bel extrait et des avis chez  CATHULU.

Les déferlantes    Claudie Gallay    Editions du Rouergue

 

mrJack035

   

23 juillet 2008

Ricochet de Gallay...(2)

9782742755738Après avoir été séduite par les frôlures littéraires de l'auteure ICI , je me suis embarquée pour Venise avec la narratrice de ce roman qui date de 2004.

En plein hiver, une femme esseulée s'en vient cicatricer ses plaies au baume vénitien.
Elle trouve refuge dans l'ancien palais Bragadin transformé en pension.
Sous l'égide du sympathique Luigi et dans un décorum un peu décrépit, vont cohabiter Vladimir Pofkovitchine, un vieux prince russe en exil, ainsi que Carla et Valentino, un jeune couple amoureux de danseurs italiens et elle, la femme brisée, qui en dernier recours est venue s'échouer parmi les ors, les effluves et les soupirs de la cité lacustre.

Sans amour Venise ne serait pas fidèle à elle-même, alors forcément des pas de hasard mèneront des êtres à se rencontrer. Tiens, et pourquoi pas au détour d'une petite librairie, hein, je vous le demande ! Des livres, des chats, des flocons de neige et du chocolat chaud au café Florian... Allez flâner...

"Il est quatre heures et il fait déjà nuit.
Campo Bruno Crovatto. Un chat déboule d'une ruelle, un chat jaune, presque roux, il traverse le campo désert et va miauler devant une porte. La porte s'entrouvre et le chat entre.
Je m'approche de la fenêtre.
Une vieille grille en fer rouillé. Une lampe allumée. Des livres derrière, sur des étagères, empilés. C'est une boutique. Un pantin rouge pend, accroché par ses ficelles au battant intérieur de la fenêtre.
Derrière la fenêtre, il y a un bureau. Sur le bureau, des livres, des papiers, des cartons.
Maintenant, il y a le chat.
Et derrière le bureau, il y a vous.
C'est comme ça que je vous vois la première fois. En homme assis. En train de lire alors que dehors la bora souffle et menace de tout arracher.
La lumière de la lampe éclaire vos mains. Les livres sur la table. Elle éclaire tout le haut de votre corps penché.
C'est comme ça que je vous vois ce jour-là."

Telle une dentellière, Claudie Gallay fait naître par petites touches subtiles un réseau de sentiments fragiles, parfois ambivalents mais toujours authentiques. Des fils, des points, et aussi parfois des noeuds, qui relieront entre eux les différents personnages de ce théâtre baroque.
Mais Venise est aussi la ville des masques... Qui en porte ? qui le tombe ?

Avec simplicité et délicatesse, l'auteure sait nous parler d'amour sans jamais s'enliser dans la vase des clichés que l'on pourrait craindre de voir surgir au bout des gondoles. Mais non, elle nous parle d'art, d'histoire, de littérature, d'humanité, bref, de tout ce qui sauve l'être lorsqu'il aurait la tentation de se laisser aller à se morfondre sur le manque de l'autre.

"- Ici, l'été, c'est envahi de monde. Il ne faut pas venir.
- Où il faut aller l'été ? je demande.
- Nulle part. Il faut acheter des livres et rester chez soi. "

Je vais suivre le conseil !

Seule Venise    Claudie Gallay    Editions Actes Sud Babel

 

WL02_Venise_Affiches

 

 

1 juillet 2008

Résumons-nous

Comme j'abandonne définitivement l'espoir d'écrire un billet pour chaque livre lu en ce mois de flemmingite aigüe, voici donc un bref aperçu de mes récentes lectures.

J'ai beaucoup aimé

2848040173

Ce livre prêté par SYLIRE.
On jurerait qu'il est écrit par un psy qui voudrait se faire un peu pédagogue et romancer la psychologie adolescente; apparemment, il n'en n'est rien mais ça sent le vécu.
Une très bonne idée que celle de faire partager ainsi son expérience.
Je l'ai recommandé à mes collègues et le conseille aux ados que je vais voir en pédiatrie suite à certaines conduites à risques avec lesquelles ils flirtent, et dont les TS font partie mais que l'on évite de qualifier ainsi au grand dam de certains ados qui revendiquent haut et fort ce geste même pour quatre comprimés de Doliprane avalés.
Suicide est un mot tellement difficile à prononcer et à attendre... Pas plus que tous les autres qu'ils n'ont pas pu dire et qu'ils leur ont donné un jour la tentation de se taire à jamais.

ANNE l'a lu également et a été touchée.

TS   Fabrice Vigne   Editions L'Ampoule

9782020612036

Merci ANNE pour ce petit livre, je ne regrette pas qu'il ait fait une halte chez moi.
Une histoire ordinaire, celle de gens simples qui s'aiment et qui se quittent sous l'oeil de bonnes gens qui vivent leur vie un peu par procuration.
Une écriture sobre pour dire des choses banales mais uniques pour autant qu'elles se transforment en émotions et qu'elles gonflent les voiles qui nous font avancer dans la vie.

VAL, BELLESAHI en parlent avec tendresse.

 

 Le soir du chien   Marie-Hélène Lafon   Editions Points Seuil

 

J'ai aimé

9782842631499

Cette fable douce-amère à la sauce Bartelt.
On rit, mais un peu jaune quand même...
Une jolie disgression sur l'amour de son prochain et la bonne conscience !
Et un couple émouvant qui nous change des stéréotypes habituels.
Ne pas se fier aux apparences...
A méditer...

Merci VAL

 

 La Belle Maison   Franz Bartelt   Editions Le Dilettante

 

Lisbeth s'embourgeoise, Lisbeth se féminise, Lisbeth est plus forte que Robocop.9782742765010
Mais bon, c'est Lisbeth alors on lui pardonne ! Tant qu'elle reste un brin caractérielle et refuse toute collaboration avec les flics, elle sera toujours ma copine...
Pendant qu'on lit ça, on pense pas, c'est toujours ça de pris.
Mais vous pouvez aussi lire ces quelques mots de Denis Robert, c'est pas de la fiction mais la vraie vie et c'est bien envoyé (Millénium, c'est à la fin pour ceux que ça barbe, mais vous avez tort de ne pas tout lire).

 

Millénium Volume 2   Stieg Larsson   Editions Actes Sud Noirs

9782070412860

Un bon petit polar sans prétention.
Une sombre histoire de filiation chez des bourgeois de province bien propres sur eux et qui n'hésitent pas à employer les grands moyens pour le rester et sauver les apparences.
Une enquête rondement menée par une équipe de flics attachants et rendus humains grâce aux incursions dans leur vie privée.
En prime, une balade dans l'Antiquité et la mythologie, le tout sur fond de côte normande entre fruits de mer et vin blanc.

 

 Meurtres à l'antique   Yvonne Besson   Editions Folio Policier 

 

J'ai été déçue

9782070357420

 

 

 

Je n'ai pas trop accroché à cette histoire de librairie et d'esprits cogneurs.
Et j'ai attendu longuement qu'éclate "l'affaire Lolita"...
Pourtant certains personnages sont attachants et cette histoire pouvait faire gamberger toutes celles et ceux qui rêvent un jour d'ouvrir ces petits coins de paradis...
Reste cependant une balade sympathique outre Manche. Et une jolie couverture !

CATHULU est plus indulgente.

 L'affaire Lolita   Penelope Fitzgerald   Editions Folio 

 

J'ai abandonné

9782070356379

Celui-ci qui s'annonçait pourtant prometteur au regard de la 4ème de couv :
"Plaisir en bouche est l'équivalent, pour les arts de la table du Parfum de Suskind pour les odeurs. Un plaisir quatre étoiles."
J'aime pas les arts de la table, donc je me demande bien ce qui m'a pris de venir échouer dans ce polar, qui d'ailleurs à la page 103 n'en n'est toujours pas un. J'ai même eu un peu la nausée à cause de toute cette bouffe et ce personnage à qui tout réussi m'a vite lassée.
Et si on ajoute en plus de vagues élucubrations sur les tendances gastronomiques ou sur les modes d'un temps futur, ça m'ennuie prodigieusement.
De grâce, laissez à Suskind ce qui lui appartient...

Plaisir en bouche   Béatrice Joyaud   Editions Folio Policier

 

9782757803141Abandonné aussi celui-ci.
Pas réussi à me laisser toucher par l'histoire d'Aden Seliani, cet homme assailli de tous les côtés par les emmerdes ! Sa mère dans le coma, son épouse qui demande le divorce, un boulot qui se révèle autre que ce qu'il croyait, l'âge, etc etc...
Stop ! Moi aussi j'ai mes problèmes et je me coltine ceux des autres à longueur de journée, alors là non, je ne suis pas d'humeur.
En plus, c'est très urbain, et moi j'aime pas la ville, surtout quand je suis de mauvais poil...

 

 Aden   Anne-Marie Garat   Editions Points Seuil

 

Et j'ai picoré

9782070345458

 

Quelques gourmandises dans celui-ci.
"Nuages
Les nuages sont impensables. Incommensurables. On peut raisonnablement estimer qu'il ne s'en est pas trouvé deux pour être identiques depuis la formation de l'atmosphère terrestre. En ce sens, ils sont une parfaite image du monde.

Sac à dos
(...)Cependant, le sac à dos exprime son époque d'une autre façon: dans les rames et les couloirs du métro, dans la rue, ses usagers très régulièrement heurtent les autres, faute d'estimer la place qu'occupe cet appendice de leur personne. Bref, un nombre grandissant d'individus négligent de s'interroger sur leur encombrement."

(et que dire des valises à roulettes !!! là c'est moi qui fais la remarque)

Petit éloge de la douceur   Stéphane Audeguy   Editions Folio

 

 

004

 

 

15 juin 2008

Frôlures

9782742773510"J'aurais voulu la toucher. La chose me paraissait impossible. J'ai avancé ma main et je l'ai posée à côté de la sienne. Tout près. Sur la table.
- La frôlure... elle a dit en regardant ma main, et je me suis demandé si ce mot que je n'avais jamais entendu existait vraiment ou si elle venait de l'inventer.
La frôlure. Ce moment ineffable.
Bientôt je ne la verrais plus. Je le savais. Parce que j'allais partir. Qu'elle allait mourir.
- J'ai aimé cela de vous, votre étonnante simplicité.
- Vous le dites au passé...
Oui, c'était cela, je parlais d'elle au passé. Je parlais d'elle, avec sa voix."

Pas gai tout ça, me direz-vous...
Mais Alice, la vieille femme qui invente de si jolis mots, est une ensorcelleuse. Et elle a jeté son dévolu sur le narrateur pour en faire le dépositaire d'une histoire. Elle aurait pu choisir de se taire à jamais comme sa soeur Clémence qui, elle, un soir de Noël lointain a décidé de se faire muette.
Non, Alice jette des mots comme d'autres lancent des sorts, elle raconte des histoires de voyages, la fuite de l'Europe en guerre et la longue traversée sur un vieux rafiot jusqu'à New-York, l'épopée au pays des Indiens Hopi, en Arizona où elle séjourna avec son père, photographe et amis des surréalistes réfugiés comme lui sur la côte Est.
Elle entraîne sur les pas de Breton venu là lui aussi, à la recherche de savoirs invisibles. Elle dit la vie, la mort d'un peuple décimé.

Au coin du feu dans sa maison de la côte normande, elle réveille les sages qui martellent de leurs pieds la poussière des mesas afin d'invoquer les hommes-nuages qui feront tomber la pluie. Avec parcimonie, elle exhume de ses armoires des trésors, carnets, photos, correspondance, objets sacrés aux faciès inquiétants.
Le narrateur, tour à tour appâté et rejeté, comme hypnotisé, se laisse prendre au piège et navigue à vue. Réalité ou fabulation ? Peu importe, le charme opère dans cet entre-deux.

"- Je ne viens plus là depuis longtemps.
Les murs étaient recouverts de livres. Un grand escabeau sur lequel il fallait monter pour atteindre ceux qui étaient tout en haut. Des tapis. Des tableaux contre les murs. Au milieu de la pièce, le bureau de son père. En face, une armoire. Elle a posé sa main sur la clé.
- Tout est là-dedans.
Elle a tourné la clé.
- Je ne sais pas pourquoi je vous montre tout ça. Sans doute je ne devrais pas...
J'ai cru qu'elle allait ajouter quelque chose mais elle n'a rien dit. Elle m'a tendu la lampe.
- Vous avez cinq minutes.
Elle est allée s'asseoir au bureau."


Dans l'autre vie, celle des vacances familiales et d'un certain laisser-aller, des maillots claquent sur le fil à linge, des vélos posés contre la barrière, des pelles et des seaux éparpillés sur la terrasse. Des enfants jouent et rient pendant qu'un couple prend l'eau et sombre à bas bruit.

Deux magnifiques rencontres.
Celle d'une vieille dame grincheuse et chafouine et d'un jeune mec un peu paumé dans les méandres de sa vie. Celle d'une auteure qui sait caresser son lecteur avec la douceur d'une plume et l'entraîner dans la simplicité des sentiments comme dans la violence des émotions les plus terribles.
Cette lecture a déposé des frissons sur ma peau; de ceux que l'on ressent à l'évocation des beaux souvenirs qui ne sont plus mais qui flottent, encore et toujours, autour de notre existence tels des électrons nous éloignant ou, au contraire,  nous attirant vers ceux des autres. Ainsi parfois, une étincelle suffit, ça produit des petites explosions. Alors se révèlent des réminiscences qui se fardent de pudeur avant d'éclore en magnifiques fleurs de mémoire.

"Il y a ce que nous comprenons, tout ce que nous sommes capables de transcrire en essayant d'être au plus près. Et puis il ya le reste. Tout le reste. Le monde des apparences, des silences. La vastitude de l'innommable.
Ce monde est intranscriptible. Il répond à une autre logique. Parfois même, il n'y a pas de logique.
Il faut décoder.
Le déplacement imperceptible. Sans doute est-ce là ce fameux pas de côté cher à André Breton. La juste mesure à prendre pour avoir une vision différente.
Un pas peut suffire."

Laissez-vous allez à ces douces frôlures.

Comme KATELL et quelques autres.

Dans l'or du temps    Claudie Gallay    Editions Actes Sud Babel

 

hopidt6

 

 

30 mai 2008

Du premier au dernier

9782070392841Publié en 1923, La steppe rouge est le premier ouvrage de Joseph Kessel; l'auteur a alors vingt-cinq ans.
Il s'agit d'un recueil de nouvelles ayant toutes pour cadre la Russie en ébullition, celle des Soviets  issue des révolutions de 17.
Aux quatre coins du pays règnent le chaos et la peur. Chacun tente de s'adapter, ceux qui ont tout perdu, comme ceux qui croient qu'ils ont tout à gagner.
Un petit professeur effacé se transforme en un redoutable commissaire du peuple. A Tachkent, la jeune fille instruite d'un noble déchu se laisse séduire par un vieil ami de la famille qui l'entraîne à Moscou, puis l'abandonne. Des mères sont impuissantes face à la Tchéka qui emprisonnent leurs fils. Les rouges envahissent Odessa, on y joue au fou pour sauver sa peau. A la frontière lettone, un homme rescapé des geôles raconte. Un soldat trouve du réconfort auprès d'une femme. Comment réagira-t-il lorsqu'il la retrouvera dans une cellule où elle attend d'être exécutée ?

9782070370726bPublié en 1975, Les temps sauvages est le dernier livre de l'auteur.
En Octobre 1918, au sortir de la guerre où il a combattu dans l'aviation française, Joseph Kessel s'engage comme volontaire pour une mission en Sibérie afin d'arrêter les Allemands entre l'Oural et la Volga. Il quitte Brest pour rejoindre New-York, traverse les Etats-Unis et s'embarque pour le Japon. Une dernière escale le conduit à Vladivostok où il rejoint d'autres volontaires venus de divers pays européens.
En attendant l'arrivée de leurs appareils, les hommes se retrouvent confrontés au grand chambardement de la Révolution d'Octobre et à l'anarchie la plus complète qui s'empare de la ville.
Entre les Cosaques vivant comme des princes dans des wagons du Transsibérien et les chaudes nuits à l'Aquarium, le cabaret où se retrouvent les occidentaux et où des femmes de l'ancienne Russie tentent de survivre de leurs charmes, le jeune Kessel plonge dans l'îvresse de la vie nocturne afin d'oublier la misère de cette cité mythique du bout du monde transformée en véritable cours des miracles.
Un épisode autobiographique romancé, mais surtout un témoignage unique et rare sur une époque troublée en cette contrée lointaine, un ultime livre écrit au seuil d'une vie bien remplie puisque J. Kessel décèdera quelques temps plus tard, en 1979.

Entre ces deux livres, une bibliographie impressionnante, romans, contes, reportages, témoignages, articles.
La vie même du grand Jeff est un roman à elle seule. Je vous conseille la magnifique autobiographie d'Yves Courrière "Joseph Kessel ou Sur la piste du lion" (éditions Plon).
Aviateur, journaliste, grand voyageur et baroudeur, écrivain, Kessel mêlera sa vie sur ces quatre registres et aux quatre coins du monde. Son âme slave lui donnera le goût extrême de la fête, le sens de l'amitié entre hommes et celui de la fidélité aussi bien en amitié qu'en amour.

Mon père avait une passion pour cet auteur qui croquait la vie à pleines dents, et dont les oeuvres occupaient plusieurs étagères de la bibliothèque familiale. 
Rien d'étonnant donc à ce qu'il ait bercé mon adolescence. Je lui dois l'envie de voyager. De tous ses livres, ma préférence va aux quatre volumes de "Le tour du malheur" et au célébrissime "Les cavaliers".
Un bien bel héritage littéraire...

La steppe rouge  Les temps sauvages    Joseph Kessel    Editions Folio

 

ami_entends_tu

 

 

27 mai 2008

Sauce aigre-douce

9782742775491Des cousins se retrouvent en vacances chez leur grand-mère tandis que leurs parents se sont envolés pour Hawaï au chevet d'un grand oncle mourant.
La vieille femme qui, si elle est ravie d'accueillir toute cette jeunesse chez elle, semble plus désemparée par les problèmes d'intendance que cela ne manque pas d'entraîner plutôt que par le décès imminent de son frère.
Tami, âgée de dix-sept ans, va tout naturellement seconder sa grand-mère à la cuisine et au potager.

Un lien particulier va se tresser entre les deux femmes. Si l'une prend soin de l'autre, la grand-mère, elle, ne prendra pas de gants pour révéler les secrets de familles.

"Au-dessus des reflets scintillants de l'eau du bain, se détachaient nos deux têtes, celle de grand-mère et la mienne. Avec la chaleur son visage était devenu rouge, et j'avais l'impression de voir une noix boursouflée. A côté de cette tête flottait doucement ce paradis qu'elle aimait tant.
Ma grand-mère devait toujours vivre ainsi en compagnie de ce paradis. Alors, la moitié de son coeur restait sans doute là-bas, et les choses issues d'un temps remontant à plusieurs dizaines d'années devaient ressembler à un rêve."

Un récit tout en retenue, pour un passage de relais entre générations. La transmission ne se fait pas sans douleur, mais comme souvent dans la littérature japonaise, pudeur et poésie remplacent les longs discours.
La duplicité des êtres est parfaitement incarnée par cette minuscule grand-mère, d'apparence fragile comme une pousse de bambou, mais cependant tout aussi robuste.

N'est-ce pas dans les vieux chaudrons que l'on fait les meilleures soupes ?
Si les secrets de familles ont parfois un goût amer, ce petit livre, lui, peut laisser sur sa faim le lecteur peu habitué à la cuisine littérature japonaise.

L'avis de NAINA

Le Chaudron    Kiyoko Murata    Editions Actes Sud

ynour39 

22 mai 2008

Les Abori-gênent...

978207034157370 000 av. JC, les continents sont en mouvement et l'homo sapiens aussi.
Suite à l'éruption gigantesque du Mont Toba, les péninsules de Sunda et de Sahul se sépareront à jamais pour, petit à petit, donner naissance à l'Océanie actuelle.
Le livre s'ouvre sur la longue marche d'une peuplade qui, poussée par la faim, quitte Sunda et brave les flots pour s'échouer sur une terre inconnue, Sahul. Pendant des millénaires, ces hommes peupleront Sahul, la parcourant de fond en comble, y puisant leurs mythes et leurs croyances, affrontant les changements climatiques, s'adpatant et survivant grâce à la faune et la flore dont ils tireront subsistance, remèdes et protections.
Cette odysée mènera les descendants de Yoolore, de Tjonambu et de Namoora, à l'aube du troisième millénaire dans l'Australie moderne dont ils ont été spoliés.

"8 000 ans av. JC.
Wirakee ramena le bras en arrière. D'un mouvement de poignet, il fit siffler le boomrang. Une étroite fraction de temps et, comme à chaque fois qu'il lançait le morceau de bois, il eut la vision de Tjoonake, l'enfant-ancêtre, issu de la lignée de Pinanga, de la rencontre entre ceux du monde-sur-la-terre et ceux du monde-sous-la-la-terre. Selon la légende, Tjoonake avait repoussé le ciel loin du sol avec un bâton, permettant aux hommes et aux animaux de ne plus ramper. Puis, sous l'effort, ce bâton s'était courbé. Alors, le croyant devenu inutile, Tjoonake l'avait jeté au loin. Mais le bâton était revenu à lui : le boomrang était né."

Parallèlement, en 2004 à Sydney, Liz enrage dans le Tribunal des Réfugiés où elle travaille. La défenestration d'une jeune Bangladaise et les méthodes humiliantes de la directrice lui sont devenues insupportables.
D'ascendance française, Liz largue tout et s'installe en Provence, là même où sa mère et sa grand mère ont séjourné pendant la guerre avant de s'embarquer pour l'Australie.
Bien décidée à découvrir l'histoire de cette mère qu'elle a si peu connue, et dont elle ne garde aucun souvenir,  elle mène l'enquête et finira par éclaircir les zones d'ombre que son père lui a toujours dissimulées.

Et bien évidemment, l'épopée des Aborigènes rejoindra l'histoire de Liz.

C'est un voyage passionnant et fort bien documenté au coeur de l'histoire de ce peuple (cartes, planches, généalogie, lexique et explications supplémentaires en fin de livre).
J'ai été réellement enchantée par leur cosmogonie, et j'aurais aimé que l'on traverse le Temps plus lentement encore, afin d'en découvrir davantage sur cette culture. Le récit faisant référence au XXe siècle est, lui aussi, riche d'enseignement sur le sort échu à ce peuple qui fut dépouillé, exploité, décimé et auquel les blancs ont volé ses enfants.

L'histoire de Liz permet un sympathique séjour provençal, bien qu'un peu trop simpliste à mon goût.
On aurait pu se passer des quelques cadavres, dont on ne sait qu'à la fin s'ils ont un lien avec l'histoire maternelle, une éventuelle magie aborigène, ou tout autre chose.
De même, jusqu'à la fin, on se demande bien par quelle pirouette l'auteur va s'en tirer pour conjuguer ces 70 000 ans d'histoire avec le chant des cigales et les parfums de la lavande.
Mais, tant bien que mal, elle y réussit...

Au total, un livre qui lie le romanesque et les références anthropologiques, et qui m'a permis de retrouver le même plaisir que j'avais déjà rencontré à la lecture de "Requiem pour un poisson" (Folio).

Noir austral    Christine Adamo    Folio policier

 

db002

 

 

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>
Publicité

accueil refugiés

logo-madamealu

img_20171130_165406

logo-epg

Newsletter
Publicité