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Le Souk de Moustafette
Le Souk de Moustafette
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15 octobre 2007

Salades russes !

9782070307043"Dans la vie archaïque des faubourgs de Moscou, dans les venelles cloisonnées dont les centres d'attraction se trouvaient à côté des bornes-fontaines gelées et des resserres pour le bois de chauffage, les secrets de famille n'existaient pas. Il n'était même pas question de banale vie privée, car tout un chacun connaissait la moindre pièce d'un caleçon étendu sur la corde à linge publique. Entendre, voir et s'immiscer physiquement dans la vie des voisins était inévitablement l'affaire de chaque instant (...)"

Neuf nouvelles pour neuf balades dans le Moscou de l'après-guerre. Neuf nouvelles pour neuf visites dans les appartements communautaires ou les logements individuels de quelques privilégiés.
L'occasion de faire connaissance avec la sage et débrouillarde Bronka qui ne sort pas du cagibi où elle vit avec sa mère, et qui, se retrouvant enceinte dès l'âge de quatorze ans, refuse de dire le nom du père, et pire, réitère à trois reprises l'expérience ! Téméraire, elle ira loin cette petite...

La fille de Boukhara aura la chance d'épouser un médecin mais mettra au monde une enfant trisomique. Se retrouvant seule et malade, elle choisira, avant de mourir, un parti tendre et étonnant pour sa fille devenue adolescente.
Genele-la-Sacoche, une coquine proprette et frugale, entreprend ses visites mensuelles aux membres de sa famille. Elle a toujours un mot aimable pour chacun, "Maroussia, tu avais si bonne mine la dernière fois...", et toujours sur l'épaule sa vieille sacoche dont tout le monde se demande bien ce qu'elle contient.
Assia, La pauvre parente, a plus d'un tour dans son sac pour soutirer aux siens quelques subsides et faire aussi quelques heureux ...

Dans La maison de Lialia  et chez la cabotine Goulia, il s'en passe de belles. On lutte contre l'âge et le froid d'une façon fort économique...parfois c'est douloureux.
Les bienheureux retrace avec émotion l'histoire de ce vieux couple qui continue à vivre après la disparition du fils "Matthias revenait de son travail, mangeait et s'asseyait sur le canapé. Vovotchka s'installait à ses côtés, comme un petit gâteau cuit avec le reste de pâte du gros gâteau roux assis à côté de lui. Ils lisaient, ils discutaient, et Bertha s'en allait superstitieusement faire sa vaisselle rutilante."

Une vie si longue, si longue... est une histoire de rendez-vous manqué, alors que dans Le peuple élu, Zinaïda, après la mort de sa mère, pourrait bien mourir de faim si elle ne rencontrait une drôle de paroissienne...

Une plume d'auteur pleine de tendresse pour ses personnages; un receuil regorgeant d'humanité pour le petit peuple moscovite qui, face au drame, est loin d'en avoir une vision pathétique; bien au contraire, il trouve là l'occasion de faire éclore de son imaginaire des petits trésors de solutions afin de se sortir de la mouise.
Une jolie découverte dont vous pouvez avoir un aperçu pour pas cher, puisque Folio publie aussi La maison de Lialia dans sa collection à 2 €.

Les pauvres parents    Ludmila Oulitskaïa    Editions Folio

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14 octobre 2007

Poil à gratter

9782915779066Une famille ordinaire, le père, la mère, les deux aînés, la petite dernière, une grand-mère et un oncle un peu bizarre. C'est à peine s'il est question de matou ...
Mettez tout ce petit monde face aux événements inévitables de la vie, petites et grandes trahisons, loyautés fraternelles ou parentales, récentes ou vieilles rancoeurs, vengeances puériles ou décisions mûrement réfléchies, peurs réelles ou imaginaires, rendez-vous manqués ou peut-être pas, joies et peines, bref tout ce qui constitue du quotidien ajouté à du quotidien. Une maille à l'endroit, une maille à l'envers,  et ça vous tricote un cycle de vie.

"Oh, au début, il était plutôt rassuré de constater que sa femme s'entendait bien avec sa mère. Sa mère d'adulte, celle qui faisait ses teintures une fois par mois pour cacher ses cheveux gris, sa mère au sourire gravé en toutes circonstances au coin de la bouche, sa mère qu'il avait fagotée en prochaine grand-mère, sa mère rêvée penchée au-dessus d'un puzzle avec ses futurs petits enfants. Mais elle ne s'est pas laissée faire, sa mère."

Vingt-six tableaux qui défilent comme les pages d'un calendrier, soixante-dix-neuf pages qui s'écoulent emplies de mots simples et où s'inscrivent des émotions sans fioritures mais d'une justesse qui fait mouche à chaque fois.

Une idée de lecture piquée chezCATHULU, qui comme FLO, a beaucoup aimé.

Le chat dans la gorge     Colette Pellissier     Editions D . Montalant

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7 octobre 2007

Bis repetita ?

9782070319152 Rudolf Herter, romancier à succès, est à Vienne pour la sortie de son dernier roman. Lors d'une interview télé, il évoque Hitler et sa difficulté à cerner l'immonde personnage.
Le lendemain il est contacté par un vieux couple qui souhaite le rencontrer en privé afin de l'aider à appréhender le Führer.
Rendez-vous est pris et Herter se rend dans la maison de retraite où vivent Julia et Ullrich Falk.
Autour de la table de la cuisine, ces deux personnages qui ont travaillé comme domestiques dans le Nid d'aigle d'Hitler à Berchtesgaden, vont lui conter une histoire extraordinaire. Ils prétendent avoir élevé le fils d'Eva Braun et d'Adolf Hitler.

"Le Hofmarschall Brückner l'avait informé, en bas, dit Falk, et quand il est entré dans la chambre, pâle, avec Bormann sur les talons, et qu'il a vu sa "petite biche" sur le lit avec son enfant au sein, ce fut comme s'il n'avait pas tout à fait conscience de ce qui se passait. Ses pensées étaient ailleurs, à son premier pogrom qu'il avait ordonné pour cette nuit même. Comme on l'apprit le lendemain, cette nuit-là, partout en Allemagne et en Autriche, on avait mis le feu aux synagogues et brisé les vitres des commerces juifs. Par la suite, on avait appelé cette nuit la "Nuit de Cristal" - c'est aussi un 9 novembre, en 1918, que l'empereur allemand fut détrôné, un 9 novembre, en 1923, que le putsh de Hitler à Munich a échoué, et un 9 novembre, en 1989, que le Mur de Berlin est tombé."

On retrouve les interrogations philosophiques de l'auteur, qui se penche ici sur l'origine du mal absolu. Secondé par Schopenhauer et Nietzsche, et par le biais de la fiction, Rudolf Herter tentera de trouver une réponse. Il n'en sortira pas indemne ...
Une lecture pas désagréable, mais un livre qui est loin d'être à la hauteur de "La découverte du ciel"

Siegfried, une idylle noire     Harry Mulisch    Editions Folio

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5 octobre 2007

Déception

ooooJe me faisais un plaisir de retrouver l'auteur de "Une très vieille petite fille", d'autant plus que la 4ème de couv annonçait encore un personnage féminin pour lequel j'ai eu d'emblée un élan de sympathie certain, vous pensez, une enfant de l'Allemagne nazie, le nez plongé en permanence dans les livres et l'écriture...
Et bien Kriemhild, c'est son prénom, a beau avoir était bercée par le doux grattement de la plume accrochant le papier, aidée en cela par une grand-mère institutrice à la retraite qui lui transmet également, par le biais des contes de Grimm, le goût de la création littéraire, cette enfant ne m'a pas émue un seul instant.
Même pas le moindre soupçon de compassion lorsque, à 13 ans, son inspiration se tarit et qu'elle se retrouve dans l'incapacité d'écrire le moindre mot.
Et je ne vous dis rien des sentiers tortueux sur lesquels, adulte, elle s'aventurera pour tenter de retrouver son inspiration.

On connait le dada de l'auteur, le lien entre langage et inconscient, sujet qui a tout pour me plaire en temps normal, mais là vraiment j'ai trouvé ça d'un ennui ... Pourtant tous les ingrédients sont là pour permettre au lecteur de détricoter les fils emmêlés de l'inconscient de la demoiselle qui l'ont conduite jusqu'à ce blocage. Mais justement trop de clichés, trop de cérébralité et un raccourci psychanalytique un peu simpliste ...

Où sont passées la fraîcheur et l'originalité qui m'avaient tant séduite chez Une très vieille petite fille ?
Même pas envie de mettre un extrait...
Allez, au suivant !

La walkyrie et le professeur    Michel Arrivé    Editions Champ Vallon

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2 octobre 2007

Extrêmement grognon et incroyablement flemmarde...

9782757805220Alors ça tombe bien que ce livre ait été déjà commenté de nombreuses fois.
Je vous invite donc à lire les avis de GAMBADOU, de YUEYIN, de PAPILLON, de CHIMERE et j'en oublie sans doute.
Sachez quand même qu'un certain ennui me tombant dessus, j'ai failli refermer l'ouvrage à la page 293. Mais l'histoire des grands-parents est arrivée à point pour raviver ma curiosité, surtout celle du grand-père (le bombardement de Dresde est un morceau d'anthologie).

"Quand j'avais cru mourir au pied du pont de Loschwitz, il y avait eu une unique pensée dans ma tête: Continue de penser. Mais aujourd'hui je vis et penser me tue. Je pense et je pense et je pense. Je ne peux m'arrêter de penser à cette nuit, aux bouquets de fusées rouges, au ciel qui était comme une eau noire, au fait que quelques heures avant de tout perdre, j'avais tout."

Et puis je me suis dit que l'auteur était quand même le mec qui avait écrit ça, alors j'ai poursuivi ma lecture jusqu'à la fin. Je ne le regrette pas, même si je n'ai pas été transportée. Il fallait bien le talent d'un monsieur Foer pour me faire ouvrir un livre en lien avec le 11 septembre ...

Un avis plus mitigé, celui de LAURENT.

Que se passera-t-il le 11 septembre 2042 ?  Une petite animation pour le découvrir !

Extrêmement fort et incroyablement près   Jonathan Safran Foer   Editions Points Seuil

 

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29 septembre 2007

Enfer au paradis

fleurdenuit_shanimootooUne bourgade au nom prometteur, Paradise, située sur l'ïle imaginaire et tropicale de Lantanacamara.
Le roman s'ouvre sur l'arrivée mouvementée d'une vieille femme à l'hospice. Soupçonnée de meutre, elle est amenée par la police qui vient de découvrir dans sa maison les restes d'un cadavre.
Sa réputation l'a précédée et comme depuis de nombreuses années déjà, personne ne se bouscule pour s'occuper de Mala Ramchandin, la nouvelle pensionnaire. Sauf Tyler, le seul infirmier récemment embauché et qui, jusqu'à ce jour, est relégué aux plus basses besognes par ses charmantes collègues plutôt méprisantes à l'égard de ce jeune homme un brin efféminé.

"Mala Ramchandin et moi avons nous aussi des points communs : nous avons trouvé notre propre voie et nous sommes forgé une armure contre le reste du monde.
Que dirait mémé si elle savait quelles circonstances m'ont permis de connaître l'histoire dans sa totalité ? Car il y a eu la singularité que je partageais avec Mala Ramchandin dont mémé avait entendu parler. La seconde découlant de la première."

Tyler, avec la sensibilité propre à ceux qui souffrent d'être différents, réussit à amadouer Mala la terrible et à reconstituer peu à peu l'histoire qui un jour a fait basculer la raison du côté de la folie.
Mala et sa soeur vivent seules avec leur père depuis le jour où son épouse le quitte pour partir avec la femme que lui-même convoitait alors qu'il était adolescent. Dans l'indifférence générale, la descente aux enfers commence pour cet homme et ses filles, jusqu'au jour où Mala commet l'irréparable pour sauver sa peau.
Noyée sous les parfums capiteux d'une végétation luxuriante, l'odeur de la mort sera la seule compagne de Mala. Dorénavant, recluse dans sa maison, si proche et pourtant si loin des vivants, elle n'accordera plus son attention qu'à son jardin et aux multiples petites bêtes qu'il héberge. Sa raison ne retrouvera que le chemin des souvenirs sur lesquels le temps n'a aucune prise.

"Jamais elle n'avait vu un clair de lune aussi brillant. Pendant toute la semaine précédente,elle était descendue chaque soir au jardin vérifier l'état d'avancement des bourgeons de cereus. Leur heure était venue et cet événement tant attendu coïncidait, du moins selon son interprétation à elle, avec l'épanouissement de la lune. A la tombée de la nuit, elle tira son fauteuil à bascule au bas de l'escalier de derrière, puis le traîna sous l'énorme mudar. Aussi droite qu'un chef d'orchestre, elle s'installa devant le mur. Au cours de la nuit, elle assista à la lente danse des gros bourgeons. Réverbérée par le blanc immaculé des fleurs, la lune faisait luire la cour."   

On croule sous les senteurs enivrantes des frangipaniers, des pamplemoussiers, des limettiers, des manguiers, des poivriers, des muscadiers, des jamboisiers... L'auteur s'y entend à merveille pour nous distiller les différents événements qui constituent le fatras psychique et physique où s'est enfermée Mala. La fin, très noire, explose pourtant dans un feu d'artifice de couleurs et d'odeurs, d'horreur et de tendresse.
C'est toute la problèmatique de la colonisation et de la christianisation qui sous-tend cette histoire. La  domination coloniale et masculine, la dépossession de son moi profond, de son genre, la sexualité, la culpabilité, l'humiliation, tous ces thèmes dénoncés forment la trame de ce très beau roman familial, tour à tour sauvage et cruel et cependant plein d'humanité.

Merci à  MUSKY qui commence à bien connaître mes goûts littéraires et qui me l' a offert !
Elle en parle ICI

Fleur de nuit     Shani Mootoo     Editions 10/18

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25 septembre 2007

Café littéraire

9782910753665De l'autre côté de l'Atlantique, quelque part sur le continent sud-américain, Irina Sasson atteint sa 101ème année, et s'exerce comme chaque jour à entretenir sa mémoire grâce à de curieux exercices. Elle termine toujours sa gymnastique mnésique en se récitant sa fameuse recette du gâteau au café qu'elle seule réussissait à rendre tout à la fois fondant et corsé.

"Certaines dames de Batenda s'étaient crues très malignes en remplaçant par une cuillère à bouche d'extrait de café la tasse de moka. Elles s'étaient simplifié la vie... Mais si elles y gagnaient en temps: ajouter une cuillère d'extrait de café est quasi instantané, en incorporer une tasse entière au beurre prend un temps infini car les gouttes de café s'obstinent à rouler sur le beurre ramolli et il faut les piéger pour leur faire pénétrer sa masse afin de la parfumer et de l'alléger. Si elles y gagnaient en temps, elles y perdaient bien sûr en arôme et en finesse..."

Par associations, cet alléchant exercice devient vite prétexte à plonger dans les souvenirs de cette vieille femme arrivée à Batenda en 1939 pour un court séjour. Jeune mariée, elle se retrouve bloquée par la guerre sur la terre de son époux, alors qu'ils avaient pour projet de retourner s'installer à Paris, où vit toute la famille d'Irina depuis leur arrivée d'Istambul.
Mais l'après-guerre en décidera autrement. Irina ne retournera jamais sur le vieux contiment. Le seul lien qu'il lui restera sera la recette de ce gâteau au café, recette glissée dans son cadeau de mariage par sa cousine Lise, et qu'elle découvrira sur le bateau qui l'emmène loin des siens.
Sans doute la transmettra-t-elle aussi à Susan, sa petite fille, dont la voix fait écho à celle d'Irina tout au long du roman, pour nous conter le parcours d'une vie.

"Elle s'octroyait, une fois le repas en train, mijotant sur les feux et dans le four, un petit café mousseux et sucré qu'elle accompagnait d'une cigarette. Alors l'espace d'un instant, dans les volutes bleues, sa grand-mère -avec son fume-cigarette qu'elle maniait avec des gestes d'une suprême élégance- n'était plus sa grand-mère, mais l'essence d'une féminité orientale."

Un concentré de sensualité, de tendresse, de douceur et d'émotions, que ce petit livre.
Dégustez chaque mot, savourez chaque page, n'engloutissez pas goulûment les chapitres les uns après les autres car, croyez-moi, ce livre est trop court.
Un conseil, si vous le lisez un week-end, passez avant chez votre épicier préféré acheter les ingrédients habituels pour un gâteau (sucre, oeufs, beurre, vanille) ainsi qu'un paquet de très bon café et une boîte de biscuits ... , non je ne dirai pas la marque, non je ne donnerai pas la recette, non non non.
Z'avez qu'à lire le livre !!!

L'enchanteur et illustrissime          Joëlle Tiano     Editions Intervista
gâteau café-café d'Irina Sasson                              Collection Les Mues

 

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22 septembre 2007

Livre voyageur

9782266162937Moi jaimerais bien que deux types se disputent mon corps comme ça aux quatre coins du département, mais à la différence d'Emile, tant qu'à faire, je préfèrerais que ce soit de mon vivant !
Bon trêve de plaisanterie, je vous engage à lire l'article de
VAL , pour voir de quoi il retourne.
Pendant ma lecture, j'ai échaufaudé mille hypothèses sur la chute. Peut-être l'intérieur du cerceuil nous réservait-il des surprises, s'agissait-il d'un rêve, avions-nous à faire à un délire psychiatrique, était-ce de l'écriture surréaliste, y avait-il quelque message subliminal, etc etc ????

Les excellentes critiques des magazines spécialisés n'hésitent pas à ranger ce livre dans la catégorie humour... noir, bien sûr. Ben moi je me fais des cheveux blancs, et je crois bien que je vais porter le deuil car j'ai dû perdre mon sens de l'humour tout court !
L'auteur étant ingénieur en économie et gestion, on lui pardonne. Et ces deux entités n'étant réputées ni pour leur frivolité ni pour leur imaginaire débridé, on comprend qu'il a sans doute beaucoup ri, Monsieur Paris, en écrivant cette histoire. J'ai même eu envie de prêter ce livre à mon banquier, juste histoire de vérifier !

Mocky ou Audiard auraient sans doute pu en tirer quelque chose de sympathique.
Moi j'ai même pas trouvé un extrait à exhumer.
Ce qu'il y a encore de mieux, c'est la citation en exergue. Elle est de Cocteau.

"Le vrai tombeau des morts, c'est le coeur des vivants."

Alors, y a-t-il toujours des volontaires pour accueillir la dépouille, ou bien on l'enterre une bonne fois pour toutes chez CATHULU ?

Pissenlits et petits oignons     Thomas Paris     Editions Pocket

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20 septembre 2007

Atterrissage

9782070418879Onno est issu d'une famille calviniste influente; c'est un spécialiste des langues anciennes, peu porté sur les plaisirs de la vie, plutôt tête en l'air et un brin provocateur.
Max, astromone à l'observatoire de Leyde, il est le fils d'un collabo fusillé après guerre et d'une mère juive décédée en déportation; sans attache, célibataire, séducteur, il croque la vie comme elle vient.
Tout les oppose et ils n'auraient jamais dû se rencontrer en cette nuit de Février 67, seulement voilà...

"Il y avait une histoire derrière tout. Seul celui qui connaissait toutes les histoires connaissait le monde. Et il existait derrière le monde entier, avec toutes ses histoires, une autre histoire, qui était donc plus vieille que le monde. Il aurait fallu réussir à connaître cette histoire."

Ce véritable coup de foudre amical nous entraîne, à la suite des deux protagonistes, dans une fresque romanesque grandiose. Des Pays-Bas en passant par la Pologne, Cuba, l'Italie, nous suivons ces deux personnages originaux, et quelques autres, jusqu'à la fin des années quatre-vingt dans un véritable tourbillon intellectuel,  historique et métaphysique.
Entre Ciel et Terre, la philosophie, l'Art, les sciences, la politique, la psychanalyse, l'Holocauste, la religion sont autant de routes adjacentes qui mènent Max et Onno à s'interroger sur le sens de la vie et qui les conduiront là où ils ne pensaient peut-être pas arriver. Car le libre-arbitre a du souci à se faire ...

"Il se souvint que Max avait dit un jour qu'il était impossible de prouver qu'on ne rêvait pas quand on était éveillé, parce que dans un rêve on était parfois aussi convaincu d'être éveillé et de ne pas rêver. Or si la réalité pouvait être un rêve, un rêve pouvait-il devenir aussi réalité ?"

C'est avec tristesse que j'ai refermé ce livre. Je me sens un peu orpheline après une semaine passée en compagnie des héros d' Harry Mulisch. J'ai découvert un grand écrivain néerlandais à l'imaginaire foisonnant et à l'érudition impressionnante sans jamais être pesante. Un livre que l'on n'oublie pas...

Pour ceux et celles qui hésitent encore, à lire les avis de PAPILLON et de CHIMERE , qui elles aussi ont été plus que séduites.

La découverte du ciel     Harry Mulisch     Editions Folio

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11 septembre 2007

Une adresse à noter

9782878582369pour une halte chez trois familles de Budapest chamboulées par la guerre, et poursuivies par le fantôme d'un des leurs, bien après que les armes se soient tues.

Balint, Irèn, Blanka et Henriette sont les enfants qui vont grandir ensemble puisque leurs parents sont voisins et que leurs jardins communiquent. Les trois filles sont toutes amoureuses de Balint, mais un lien particulier se nouera entre ce dernier et Irèn, les menant jusqu'aux fiancailles.
La fête sera interrompue par l'arrestation des parents d'Henriette. A partir de ce jour, un enchaînement de faits guidés par les sentiments des uns et des autres, conduira les membres de ces familles au bord du gouffre, et Henriette verra sa vie s'achever alors qu'elle n'a que seize ans.

"1952, pensa Henriette en accompagnant Balint, et elle hésita un instant à rester près de Blanka dont elle ne pouvait comprendre ni la démarche, ni l'attitude. Je ne comprends pas un mot de tout cela. Que vous faites-vous l'un à l'autre ? Qu'est-ce que cela signifie ? Si j'étais en vie, j'aurais vingt-quatre ans à présent."

Mélange de voix, celles des vivants et des morts, pour nous narrer ce drame et les conséquences du silence qui l'entoura. Conséquences qui se déploieront par capillarité sur chacun, petites rigoles serpentant dans la vie à venir, se transformant parfois en lames de fond au gré des événements et des émotions.

C'est un livre magnifique qui m'a tenu éveillée jusqu'à une heure avancée de la nuit.
Le début est un peu déroutant, aussi ne cherchez pas à comprendre qui parle, ni où vous êtes, ni à quelle époque. Laissez-vous entraîner, tout s'éclaire par la suite. Ce procédé n'a sans doute pour seul but que de souligner à quel point les destins sont liés, les mémoires des uns et des autres enchevêtrées, et les êtres omniprésents au-delà de la mort.
Un récit émouvant sur la mémoire et la parole, alors qu'il n'est question que de silence des émotions ou de décalage des sentiments. Cocktail idéal qui, au pire, mène certains à la folie. D'autres, au contraire, se révèleront à eux-mêmes.

"Vieillir, cela ne se passe pas comme dans les livres (...) Mais nul ne leur avait dit que perdre sa jeunesse est effrayant, non par ce qu'on y perd, mais par ce que cela nous apporte. Et il ne s'agit pas de sagesse, de sérénité, de lucidité ou de paix, mais de la conscience de ce que tout se décompose (...) Tout s'était dissocié, rien ne manquait de ce qui leur était arrivé jusqu'à ce jour, et pourtant ce n'était plus la même chose. L'espace avait été divisé en lieux, le temps en moments, les événements en épisodes et les habitants de la rue Katalin comprirent enfin que de tout ce qui avait constitué leur vie, seuls quelques lieux, quelques moments, quelques épisodes comptaient vraiment, le reste ne servait qu'à combler les vides de leur fragile existence."

Tout au long de cette lecture, j'ai eu en tête le travail d'un autre Hongrois, psychiatre et thérapeute familial réputé, Ivan Boszormenyi-Nagy, qui a été un des pionniers du travail au sein des familles, en s'appuyant sur les concepts de loyauté, de légitimité, du cycle du don et du "grand livre des comptes", concepts étayés par le dialogue et la narration afin de favoriser le partage de la mémoire dans le respect des émotions de chacun.
Nul doute que les habitants de la rue Katalin en auraient tiré profit...

ELFIQUE vous donne aussi son avis.

Rue Katalin     Magda Szabo     Editions Viviane Hamy

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10 septembre 2007

Nique ta mère* !

livreJubilatoire ce bras de fer entre une adolescente des années 20 et cette mère snobinarde !
Madame Kampf met tout en oeuvre pour cacher les origines modestes de son couple. Et afin d'inaugurer son entrée dans la société des nantis, elle décide de donner un bal auquel deux cents personnes qu'elle connait à peine vont être invitées.
Mais Antoinette, sa fille de quatorze ans, elle, n'y est pas conviée malgré ses multiples suppliques. Pire, le fameux soir, elle sera reléguée au fin fond d'un débarras, puisque sa chambre sera transformée en vestiaire.

Après une débauche de dépenses de nourriture, fleurs, personnels et j'en passe, le grand soir est enfin arrivé. Proche de l'hystérie et du nervous breakdown, Madame Kampf attend le premier coup de sonnette qui marquera l'ouverture des festivités...

Bien avant cette histoire de bal, le climat n'était déjà pas au beau fixe entre Antoinette et sa mère, alors je vous laisse imaginer ce qui se mijotte. La vengeance, non préméditée cependant, sera terrible !

"Mme Kampf entra dans la salle d'études en fermant si brusquement la porte derrière elle que le lustre de cristal sonna, de toutes ses pendeloques agitées par le courant d'air, avec un bruit pur et léger de grelot. Mais Antoinette n'avait pas cesser de lire, courbée si bas sur son pupitre, qu'elle touchait la page des cheveux. Sa mère la considéra un moment sans parler; puis elle vint se planter devant elle, les mains croisées sur sa poitrine.
- Tu pourrais, lui cria-t-elle, te déranger quand tu vois ta mère, mon enfant. Non ? Comme c'est distingué..."

Bonjour l'ambiance ! Où l'on s'aperçoit que quelque soit l'époque, les relations mère-fille ne sont jamais simples ...
Autre réussite de l'auteur, la description du monde ambivalent de l'adolescence et le rayon laser que ces braves petits plantent sans concession sur le monde des adultes.
C'est là encore intemporel.

Une question pour terminer. Qui a écrit : " Les jeunes aujourd'hui aiment le luxe, méprisent l'autorité, et bavardent au lieu de travailler. Ils ne se lèvent plus lorsqu'un adulte pénètre dans la pièce où ils se triouvent. Ils contredisent leurs parents, plastronnent en société, se hâtent à table d'engloutir les desserts, croisent les jambes et tyrannisent leurs maîtres. Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l'autorité et n'ont aucun respect pour l'âge. A notre époque, les enfants sont des tyrans." ?

MUSKY et SOPHIE ont lu et aimé ce livre.
BELLESAHI me l'a prêté, merci !

* Belle, désolée, tu sais que je damnerais pour un bon mot !!!

Le Bal    Irène Némirovsky     Editions Grasset Les Cahiers Rouges

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8 septembre 2007

Linh de faille

9782253115540Fuyant son pays en guerre, Monsieur Linh débarque dans un grand port occidental avec pour seul bagage, une poignée de sa terre natale, une photo et un bébé, sa petite fille prénommée Sang diû.
On apprend bien vite que l'enfant est la fille de son fils. Les parents de Sang Diû sont morts, fauchés par une bombe alors qu'ils travaillaient à la rizière. Le village est lui à feu et à sang, Monsieur Linh est un survivant.

N'ayant de cesse de protéger l'enfant, Monsieur Linh va peu à peu s'imprégner de la terre d'acceuil. Assis sur le banc face au centre d'hébergement, il observe ce pays sans odeur, laissant souvent son esprit dériver vers le passé et les jours heureux.
C'est sur ce banc qu'il rencontrera Monsieur Bark.

"Il se souvient du contact de la main du gros homme lorsqu'il l'a posée sur son épaule. Il se rappelle alors qu'il est seul au monde, avec sa petite fille. Seuls à deux. Que son pays est loin, pour ainsi dire, n'est plus. N'est plus rien que des morceaux de souvenirs et de songes qui ne survivent que dans sa tête de vieil homme fatigué."

Ces deux là, bien que ne parlant pas la même langue, vont se comprendre. Ils deviendront l'un pour l'autre comme un port d'attache. Leurs rencontres quotidiennes deviendront des petites ancres leur permettant d'accoster pendant quelques heures sur des îlots de tranquillité alors que leur vie est dans la tourmente.
Mais un matin, Monsieur Linh n'est pas au rendez-vous...

"Le vieil homme s'approche de la fenêtre. Le vent n'agite plus le grand arbre, mais la nuit a fait éclore dans la ville des milliers de lumières qui scintillent et paraissent se déplacer. On dirait des étoiles tombées par terre et qui cherchent à s'envoler de nouveau vers le ciel. Mais elles ne peuvent le faire. On ne peut jamais s'envoler vers ce qu'on a perdu, songe alors Monsieur Linh."

Après avoir pataugé, malgré tout avec délice, dans la boue des terres de la Meuse, je récidive avec celle des rizières. Un récit cependant plus léger, plus sobre, emprunt de poésie, de pudeur, de retenue tout asiatique, et ce malgré la noirceur du sujet.
L'auteur décrit à la perfection les petites gymnastiques auxquelles se plie l'esprit humain afin de s'adapter à la souffrance de l'exil, à l'horreur de la guerre, aux traumas. Et comme la fleur poussant sur un tas de fumier, du plus sombre de la douleur peut émerger encore des éclairs d'humanité.
Pourvu que ça dure...

Je dédie ce billet à Sounkou qui, au fond de son gourbi, à la chance d'avoir encore sa famille.
L'homme s'adapte à tout. Est-ce un bien ou un mal ? Souvent je me le demande ...

J'ai fouillé dans les cartons pour ressortir les avis de SOPHIE, CATHE, PAPILLON 

La petite fille de Monsieur Linh   Philippe Claudel   Editions Livre de Poche

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6 septembre 2007

Recto verso

9782070787012Côté face, Stéphane Eugerwicz raconte qu'il est arrivé en France en 1938 venant de sa Pologne natale, qu'il n'est pas juif et qu'il exerce la profession d'interprète. Mais en 1942, il débarque en Ardèche et s'installe à la Cour des Miracles, un ancien palace reconverti en centre d'hébergement de tout une faune hétéroclite.

"Ils se prétendaient tous princes, ducs ou millionnaires, ne vous y trompez pas, les citoyens de la Cour des Miracles n'étaient pour la plupart qu'un ramassis de traîne-savates et d'éleveurs de poux. C'est parmi ces brebis galeuses que mon père recruta ses seconds: Mietta, le manchot; Olga, la croqueuse d'hommes; le Bossu, poète et futur héros de la Résistance; Wiégo, le médecin éthéromane et philosophe à ses heures. Mon père n'avait pas l'intention de fomenter une révolution ou un 18 Brumaire à la Cour des Miracles, pas du tout. Son objectif, c'était de parvenir à ses fins et ses fins c'était de se remplir les poches. Son équipe recrutée et subjuguée par ses talents de baratineur, il lança immédiatement sa première opération."

En 1942, il rencontre aussi Andrée Edo, fille de la Boucherie Moderne. Il la séduit ainsi que toute sa famille et l'épouse. Il s'y connait en séduction et baratin, le petit Polonais de 1,68 m avec son écharpe de laine, son béret et son manteau bleu. Et il n'a pas que le sens du commerce amoureux. Bien sûr ses talents, il va les mettre au service du marché noir qui, en ces années de guerre, n'attendait que lui. Avec sa bande loufoque, ils vont dévaliser la nuit pour revendre le jour, d'ailleurs souvent à ceux-là mêmes qu'ils ont détroussé, et aux maquisards, et puis tiens, pourquoi pas à l'occupant aussi ! Les billets de banque coulent à flots et la bande de slaves fait la java et mène la belle vie.
Et c'est toujours l'amour fou avec la belle Andrée. A la Libération, la tribu migre et Stéphane a pignon sur rue. Il faut recycler l'argent sale, il ouvre un commerce à droite, un autre à gauche, une usine de confiserie, achète des immeubles, dépense sans compter pour les uns, pour les autres. Toujours plus d'argent, de fêtes, de cadeaux, Stéphane est arrivé enfin tout en haut de l'échelle.

"Quelle époque, certaines aubes, ils regardaient les étoiles s'éteindre une à une, il faisait froid, ils remontaient le col de leur veste ou de leur manteau, ils mettaient leurs mains dans leurs poches, leurs pas claquaient sur les trottoirs déserts d'un Paris désert comme un poème que l'on ne comprend pas. A ces moments ils avaient l'impression que le moindre mot dit par eux aurait des échos qui se répercuteraient jusque dans les couloirs de l'éternité."

Côté pile, une trahison va casser le dernier barreau de l'échelle, et c'est le début de la dégringolade. Revers de fortune, maladie d'Andrée, décès de ses plus chers amis, Stéphane se met à boire et végète dans sa dernière affaire, un restaurant, un bouchon à Lyon. La mort de sa femme va le laisser exangue, seul, ruiné, malade à son tour. Ses enfants ne réussiront pas à le raccrocher à la vie.

J'ai dévoré ce livre avec la même gourmandise que celle dont fait preuve le héros pour la vie.
Le narrateur de cette histoire est le dernier fils de ce couple farfelu, de ces deux êtres qui s'aimaient d'amour fou. Il a été spectateur de la deuxième partie de leur vie, pas la plus agréable, et tente après la mort de son père de reconstituer leur histoire.
J'ai été emportée par la truculence des personnages et ravie de me laisser embringuer dans le tourbillon de leur vie dissolue. L'émotion a pointé son nez au récit de la décadence de cet homme que l'on n'arrive pas à détester malgré sa cupidité. Les apartés du narrateur, qui observe la folie de ce père inaccessible et assiste au déclin de ce couple amoureux, ponctuent le roman.

BELLESAHI , qui vient aussi de le terminer prématurément, n'a pas aimé du tout, mais alors pas du tout, du tout. La preuve, elle ne l'a même pas fini, choquée qu'elle a été par certains passages.
Bof, moi ça ne m'a pas dérangé, faut dire qu'avec la vie que j'ai mené ...!

Un petit homme de dos   Richard Morgiève   Editions Joëlle Losfeld

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4 septembre 2007

Applaudissements...

9782742769179Pour ce court roman qui s'inscrit dans le cycle des Banlieusards ou "Chroniques légendaires de gens sans importance à la fin des années 1970".
Sur un ton faussement désinvolte l'auteur nous raconte la vie, la mort de Serge Gautier.

Nous faisons sa connaissance à l'âge de cinq ans lorsqu'il emménage dans la banlieue parisienne, dans le petit village de Sarcelles, où ses parents s'installent avant guerre. Le père est ouvrier métallo, militant communiste, la mère, rouge elle aussi, travaille à domicile comme couturière. Pour Serge, les jours s'écoulent entre la découverte de la liberté à la campagne, les jeux et petites guerres entre bandes de gamins, les visites des oncle et tante de Savigny sur Orge, sur fond d'atmosphère militante générée par les parents et leurs camarades. La famille s'agrandit avec l'arrivée d'une petite soeur, Janine, et d'une petite cousine, Jeanne dont il tombe éperdument amoureux. Mais déjà "Serge préfère voir que faire" puis "a toujours l'air de se foutre de la gueule du monde" et enfin "Serge arrête de te conduire dans la vie comme si tu étais tout le temps au théâtre".

Et puis la guerre chamboule ce bel équilibre, le père est arrêté, déporté. La communauté résiste puis soutient la famille quand il s'avère que le père ne reviendra pas. Fils modèle, Serge endosse le rôle d'homme de la famille, tout en poursuivant ses études. Il traversera ces années et ces épreuves un pied dans la réalité, un autre dans un monde imaginaire où la vérité se travestit au gré de ses angoisses et de ses craintes. Fils de héros, il rentre lui aussi à l'usine. C'est le temps de la camaraderie, du militantisme obligé en mémoire du père, des histoires d'amour. Mais à vingt ans, une tuberculose inopinée le libèrera de tout cela. Et à trente, c'est sa mère, avec laquelle il vit toujours, qui l'abandonnera, lui permettant ainsi de larguer la dernière amarre. Et toujours "Serge préfère voir que faire" et "Serge arrête de te conduire dans la vie comme si tu étais tout le temps au théâtre".

Continuant sur sa lancée, Serge persistera à rester spectateur de la vie des uns et des autres, de la sienne aussi et du monde qui se transforme. Jusqu'au bout, il refusera l'engagement. Il ne deviendra acteur qu'à l'approche de la mort. "Parce que je ne suis pas sûr d'avoir choisi ma vie, alors j'aimerais bien choisir ma mort."

J'ai trouvé émouvant le récit de ce passager de la vie ordinaire, sans attaches, complaisant, traversant le temps en dilettante pour se confronter enfin à la question primordiale de sa finitude, sans jamais lâcher ses béquilles imaginaires qui l'ont aidé à tenir debout et à arriver jusque là.

Le spectateur     Daniel Zimmermann     Editions Actes Sud Babel

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2 septembre 2007

Mitron bon, mitron mauvais

livreLa narratrice est la fille de l'aînée des sept soeurs en question, Martha.
Après Martha, il y eut Marie, puis Anne, Christina, Vincentia, et enfin les jumelles Clara et Camilla.
La mère de cette tribu meurt peu après la naissance des jumelles, laissant un mari inconsolable, au point que celui-ci disparait un beau jour sans laisser d'adresse. Martha n'a pas d'autre choix que de prendre les choses en main avec l'aide d'Omi, une vieille femme venue d'on ne sait où.

"Au bout d'un certain temps, tout le monde avait oublié ce que j'étais venue faire là et le schéma s'était rétabli, le schéma que Martha avait tissé treize ans auparavant lorsque son père avait disparu du jour au lendemain pour ne plus jamais revenir, la laissant seule avec ses soeurs et la petite boulangerie."

Car Sébastien, le mari de Martha, prend lui aussi la poudre d'escampette six mois après la naissance de sa fille, après avoir fait chavirer plus ou moins le coeur de toutes les soeurs.
A partir de là, la narratrice ne saura plus trop qui elle est, puisque toutes les soeurs vont s'occuper d'elle, comme une seule et unique mère aux multiples visages. Est-elle la fille de l'une ou la soeur de toutes ?
Au fil des pages et du temps qui passe, certaines d'entre elles tenteront l'aventure du mariage et quitteront momentanément la maison, mais pour toujours finir par y revenir suite aux aléas de leur vie conjugale. Et la narratrice, elle, n'aura de cesse d'essayer de découvrir qui était ce Sébastien dont on vient d'améner le cadavre à la boulangerie, événement qui réunit une fois de plus les sept soeurs.

Un roman qui m'a un peu surprise car je m'attendais à me rouler dans la farine et à me saturer les narines d'odeurs de viennoiseries et de bon pain. Au lieu de cela, la narration est plutôt axée sur les tribulations des soeurs qui m'ont un peu donné le tournis avec leurs aller et retour incessants et j'ai un peu mélangé les histoires des unes et les prénoms des autres.

"Clara avait déjà annoncé à plusieurs reprises qu'elle ne continuerait pas à travailler à la boulangerie, et du jour au lendemain elle disparut. Elle ne donna aucune nouvelle, et pendant trois ans on ne sut plus rien d'elle. Jamais après son retour, elle n'a donné la moindre explication quant à ce qu'elle avait fait pendant tout ce temps."

Au final, un livre pas désagréable mais qui se termine un peu en queue de poisson, puisque l'on passe des quinze ans de la narratrice à ses cinquante, en quelques pages seulement.
Il paraît qu'il y a une suite...

La maison des sept soeurs     Elle Eggels     Editions 10/18

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28 août 2007

Livre voyageur

bretLa Bretagne a fait escale en Charente-Maritime.
Les nouvelles ne sont pas mon genre littéraire favori, mais quand le thème principal en est "Libraires, Librairies" et que le tout se situe en Bretagne, je ne résiste pas.
Chacun de ces textes m'a procuré une émotion différente.

J'ai été attendrie par Sol Invictus de Fabien Lécuyer.
L'angoisse a prédominé la lecture de Libre Stance ! de Bernard Trébaol.
C'est la tristesse qui reste lorsqu'on termine Tir Na Nog de Sylvie Rouch.
La plus drôle est sans conteste Mort à Denise de Patrick Pommier.
La palme de l'espoir revient à Le stagiaire de Sylvie Le Bras.
La passion et la colère sont attribuées à Vous éloignant par René Péron.
Et l'incompréhension totale pour An Treizher-Levriou de Jean Le Clerc de La Herverie !!!

Mais ma préférence va sans hésitation à Sous le sable de Thommassaint, parce qu'elle procure toutes les émotions déjà citées et auxquelles s'ajoutent la solitude, la nostalgie et en fin de compte... le bonheur !

BELLESAHI, MAIJO, YVON, vous donnent leur avis.

Ainsi que KATELL, celle qui envoie et donne des nouvelles !...
Un grand merci à elle.

Nouvelles de Bretagne  Centre régional du livre en Bretagne 2007

Ajout : Et parce que je continue à le détester, je fais ma commère, tant pis, je balance ça ! Les Bretons le lui ont bien rendu et ont sauvé l'honneur lors du dernier grand bazar...

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26 août 2007

Ailleurs

9782070336821Adem, homme en exil, recueille un jour Léna, jeune fille en errance et en grande souffrance. Mariés, ils ont un fils, Melih. Petit à petit retrouvant sécurité et stabilité, Léna se reconstruit, du moins en apparence, car de nombreuses zones d'ombre, d'amnésie, viennent encore hanter son existence. Le miroir de sa normalité se fendillera le jour où elle croit reconnaître, en la personne d'un original vivant dans le parc de la ville, son jeune frère disparu depuis plusieurs années.

"Il manque des années à ma vie comme il manquerait des doigts à ma main, quelques centimètres à l'une de mes jambes, je boitille sans relâche d'un bout à l'autre du ruban, quelqu'un a coupé le fil, les deux extrémités flottent librement et il m'est impossible de les renouer.(...) Je me souviens du portillon rouge du jardin et des champs de maïs où j'allais me cacher, des forêts où je jouais à me perdre, puis peu à peu tout cela s'éffiloche, pâlit, et la mémoire finit par me manquer tout à fait; il ne me reste que l'intuition confuse de quelque chose de terrible, quelque chose de si terrible qu'il n'en reste qu'un vide noir et gelé comme la mort."

D'abord au pas, nous  pénètrons dans l'univers de la Léna d'aujourd'hui. Quelques indices nous laissent déjà entrevoir quel drame l'a conduite jusque là.
Puis au trot, nous cheminons dans son monde de l'enfance, petite fille solitaire qui voit sa vie transformée le jour où l'on dépose dans ses bras ce petit frère. C'est le temps des jeux partagés, des déguisements inventés, des voyages dans des histoires si imaginaires qu'on risque de s'y perdre. Mais lorsque le couperet médical tombe sur la tête étoilée du frère pour marquer sa différence, soit on choisit de redescendre sur terre, soit on continue à dériver sur les nuages au risque de croiser un gros orage, voire un ouragan.
Enfin c'est au galop, sur un cheval devenu incontrôlable, que nous sommes entraînés, entre passé et présent, dans la folie des liens qui unissent ces deux êtres. Un galop effréné que seul un mur pourra stopper.

"Vous n'avez pas entendu mon histoire ? as-tu dit. Je suis fils de roi. Je suis fils de roi et je parcours le monde depuis sept ans. J'ai traversé les mers et les déserts, et j'ai fait halte dans ce parc pour me reposer et rafraîchir ma monture. Je cherche la fille d'un autre roi..."

L'auteur excelle dans l'art de ferrer son lecteur, de faire réémerger, par petites touches, les souvenirs et les émotions oubliés, refoulés car insupportables. Elle sait dire les promesses de l'enfance, l'intensité des sentiments et taire les secrets, pour ne les dévoiler qu'au moment opportun. Elle est experte en ruptures de liens, ceux de sang ou de coeur. Mais surtout, comme un funambule, elle sait nous balader sur le fil ténu et fragile qui relie le monde imaginaire à celui de la réalité, et duquel il est si facile de basculer, pour sombrer ou pour s'échapper.

"Je t'ai donné plus de noms que je n'ai pu en garder le souvenir. Alors oui, c'est peut-être moi qui t'ai ainsi multiplié par dix, par cent, c'est peut-être moi qui ai morcelé ton esprit en fragments colorés que personne - aucun docteur, aucune main habile de couturière, de dentellière - ne pourrait plus rassembler pour en faire un tout : les vents t'ont dispersé aux quatre coins du monde."

SYLIRE et FLO , elles aussi, ont été bouleversées par cette histoire.
Merci FREDERIQUE de m'avoir prêté ce livre magnifique.

Le ciel des chevaux   Dominique Mainard   Editions Joëlle Losfeld

maneges008

   

 

23 août 2007

Volup...thé

th_1Est-ce cet ouvrage qui a inspiré à LEELOO l'idée d'organiser un swap lit-thé-rature ?
En tout cas, c'est l'occasion pour moi de vous présenter l'un de mes livres préférés.
L'auteur, théinomane avéré, nous fait partager sa passion pour le sublime breuvage et ses différents rituels.

"Je serais prêt à faire de nombreux sacrifices pour cette boisson, maîtresse lascive qui s'offre, complaisante et finalement ensorcelante. Elle est toukours là, généreuse, parfois rebelle; jamais elle ne déçoit. S'il y a mésentente entre elle et nous, l'erreur nous en revient toujours. Il faut savoir la choisir, la mettre en condition, l'installer, la protéger, la flatter, ne jamais être trop pressé, impatient, trouver la manière, connaître sa personnalité et son tempérament, deviner sa magie, redouter ses effets, ménager ses pouvoirs, goûter ses audaces."

Passion que l'auteur s'amuse aussi à traquer au fil des pages d'écrivains célèbres.
On retrouve entre autres, Proust, Nietzsche, Joyce, Genet, Neruda, Musset et George Sand, La comtesse de Ségur, Anaïs Nin, Alexandra David Neel ...
Et pour le plus grand plaisir des yeux, l'ouvrage s'enrichit des aquarelles de RUBEN ALTERIO aux couleurs chaudes comme une bonne tasse de thé.
Un beau voyage que nous serons nombreux(ses), je l'espère, à poursuivre grâce à LEELOO !

collage12

"Pour la première fois, voici donc un livre qui sans être un précis sur le thé,
mais plutôt un manifeste, raconte les effets d'une boisson sur les écrivains
qui ne craignent pas de mettre du thé dans leur encrier."

Le thé dans l'encrier   Gilles Brochard  Ruben Alterio   Editions Aubier    

 

 

19 août 2007

Cot cot cot !

9782867462986Eva a seize ans lorsqu'elle épouse Hans après la Grande Guerre, et qu'ils s'installent dans une modeste ferme du sud de l'Allemagne.
Hans s'occupe du bétail et des quelques acres de champs qu'ils possèdent, avant de rejoindre l'atelier où il travaille comme tailleur de pierres. Eva s'occupe du potager, du poulailler, de la maison et de ses deux enfants.
On est en 1936. La machine de guerre est déjà en route, et Hans est mobilisé. Il intègre l'armée en laissant consignes et recommandations, afin que femme et enfants s'en sortent pour le mieux face à un contexte économique qu'il pressent difficile.

"A l'époque dont je parle, les choses évoluaient autour de nous mais nous étions trop surmenés pour nous en rendre compte. Et, soyons honnêtes, cela nous intéressait médiocrement.(...)
Un après-midi, un employé du Bureau gouvernemental du ravitaillement se présenta et inspecta l'exploitation. Il m'informa que nous pourrions avoir droit à des avantages.(...) Pour bénéficier de ces nouveaux avantages, il fallait produire nos extraits de naissance et ceux de nos parents."

La vie s'organise sans Hans et sans l'aide des enfants qui, adolescents, se donnent corps et âme au mouvement Hitler Jugend auquel il est mal vu de ne pas adhérer. Eva se retrouve donc seule à la tête de la ferme et  décide de développer son commerce des oeufs, en allant faire les marchés plusieurs fois par semaine. C'est dans son poulailler qu'elle découvre Nathanaël, étudiant juif expulsé de l'université, et évadé du camp de Mauernich.

"Je me demandais pourquoi il avait eu des ennuis à l'université mais le courage de lui poser la question me manquait.(...) Pendant les premières semaines qui suivirent l'arrivée de l'étranger, je vaquai à mes tâches quotidiennes. J'étais à tout instant très consciente de sa présence, mais je n'avais pas de difficulté à me comporter comme d'habitude, car je ne connaissais pas d'autre façon d'être."

Il y restera près de deux ans. Et participera à la prise de conscience d'Eva, face au désastre qui se prépare.
Grâce aux marchés, Eva s'ouvre aussi sur le monde qui l'entoure et sur ses incohérences. Elle devient experte dans l'art de la fausse compromission et de la dissimulation.
Mais surtout, elle s'ouvre à elle même, sous l'effet conjugué des caresses et des mots de Nathanaël.

"Le changement n'était pas immédiatement perceptible mais je savais qu'il survenait. Mes pensées, qui se réduisaient jusqu'alors à me rappeler ce que j'allais devoir faire juste après, je les entendais prendre dans ma tête la forme de dialogues. En remontant le seau du puits, en grattant les légumes du ragoût, je débattais avec tel ou tel sujet. Je pensais à Nathanaël. Je m'interrogeais. Lentement mon intelligence devenait plus concrète et ce que cela signifiait se clarifia."

Eva comprend aussi que ses enfants endoctrinés n'auraient aucun scrupule à la dénoncer, s'ils venaient à découvrir la vérité sur les agissements de leur mère. Fine mouche pleine de bon sens paysan, elle saura tirer parti de leur fanatisme.
Car au sud de l'Allemagne, au-delà de la Forêt Noire, il y a la Suisse...

Inutile de dire que j'ai énormément apprécié le portrait de cette femme simple et pleine d'humanité. On ne s'ennuie pas un instant en sa compagnie.
Puisse le récit de sa lente transformation, qui va de la naîveté à l'engagement en passant par la découverte de la sensualité, vous émouvoir autant que moi !

La coquetière     Linda D. Cirino     Editions Liana Levi-piccolo

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17 août 2007

La boudeuse

9782842631345 - Arrête de bouder ! dit une des deux dames qui squattent la maison de mes voisins depuis le début de la semaine.
Cette phrase, j'ai dû l'entendre vingt fois. Et il y  tant de compassion dans le ton de cette mère excédée, qu'il est évident que la petite N. va immédiatement se sentir autorisée à sourire...
Mais comme de toute façon "ma pauvre fille, qu'est-ce que tu as dans la tête, du yaourt ? " en a vu d'autres, ça ne dure pas trop longtemps.

Et puis il y à L. la fille de la seconde dame. L. c'est la gentille, cousine ou copine (je n'ai pas cherché à creuser la question), qui a toujours tout bon et qui en rajoute, bien aidée en cela par la propre mère de N. évidemment... L. permait quand même à N. de retrouver très vite l'usage de la parole.
Mais N. semble quand même avoir parfois du mal à trouver les mots, alors ça passe par les gestes. Elle tape. Qui ? Je sais pas, mais ça ne plait pas du tout à ses parents.

Ah oui, parce que j'ai oublié de vous dire que le père de N. est là aussi. Celui-là même qui l'autre jour, alors que sa fille faisait des dérapages sur les graviers dans la rue, la menaçait de lui "arracher la tête, si tu n'arrêtes pas tout de suite".
Les parents ne comprennent pas qu'avec tout ce qu'ils font pour elle et tout ce qu'elle a à sa disposition, à savoir son père, sa mère, une piscine, des brassards, une cousine-copine attentionnée, 200 m² de jardin dans lesquels tout ce monde est enfermé depuis dimanche dernier, ils ne comprennent pas disais-je, que "tu sois aussi infecte (madame) ou dégénérée (monsieur) ma pauvre fille !".

Tout ça pour dire quoi ? Que jeudi, jour férié et plus ou moins pluvieux, planquée dans la mezzanine, j'en ai profité pour plancher sur mes affaires de familles. Mais pour cause de fenêtre ouverte, j'ai dû aussi me coltiner celles des autres ! Et en entendant les propos des locataires voisins, est venu se rappeler à ma mémoire ce livre qui poireaute dans une pile depuis longtemps.

Le récit d'une enfant qui s'interroge sur la véracité des sentiments et qui est à l'affût de la moindre petite preuve d'amour. Elle a beau tout faire pour tenter de satisfaire sa mère,  pour se conformer à ce qu'elle imagine qu'on attend d'elle, elle échoue presque à chaque fois.
L'auteur est psychologue, et elle a su rendre à merveille le cheminement des pensées de la petite qui s'aventure dans le grand capharnaüm des émotions humaines. Sur un ton naïf et tendre, elle dépeint les angoisses que traversent tous les enfants, celle de la dévoration, de l'abandon, mais aussi la difficile prise de conscience de la mort, de la culpabilité et de l'ambivalence des sentiments.

L'auteur a su éviter l'adultomorphisme pour laisser place à des propos d'une justesse parfois cinglante de naïveté, comme seuls en sont capables les enfants. Qu'est-ce que ça peut être embrouillant le discours des parents, pas facile de s'y retrouver ! D'où les stations sur la première marche, afin de philosopher un peu sur tout ça et peut-être prendre un peu de hauteur !

"Elle se replie, se demande ce qu'elle deviendrait si elle n'avait pas la première marche de l'escalier, celle qui est tout en bas, à sa disposition, pour s'y replier.(...) Elle ne boude pas, c'est autre chose, et elle en a la claire conscience; c'est une espèce de tristesse, qui la prend tout entière, et qui la laisse désarmée, désemparée."

Chacun-chacune retrouvera ces petits riens auxquels on s'accroche dans l'enfance, les pas de la mère, les mimiques, les tics qui annoncent les humeurs parentales, et qui sont autant de codes que les enfants savent déchiffrer avant même de savoir parler, autant de repères pour se protéger ou anticiper les "allers-retours" ou le martinet !
La fin est...DIVINE !

"La première marche de l'escalier s'est transformée en moyen de transport; elle a son billet, valable à vie, pour voyager dans d'autres vies.
Tu boudes encore ? "

Merci N. ! Grâce à toi, un livre de moins dans mes piles.
Si tes parents passent dans le Souk, j'en profite pour leur suggérer qu'il y a tout autour de la maison où vous êtes cloîtrés, de merveilleux endroits à découvrir et des grands espaces, qui te seraient bien plus profitables que ces journées entières passées au bord de la piscine.
Tu veux un coup de main pour les faire bouger ?
OK. Je sors la tondeuse cet après-midi ...

La première marche     Isabelle Minière     Editions le dilettante

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