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Le Souk de Moustafette
Le Souk de Moustafette
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2 mars 2008

Viennoiseries

caf__viennoisSi vous souhaitez découvrir comment s'est construite la légende des fameux cafés viennois...
Si vous voulez savoir d'où vient votre croissant, qui a peut-être accompagné votre café en ce dimanche, et qui fut créé à Vienne par les boulangers pour immortaliser la victoire de l'Empire sur les Turcs en 1683...
Si vous ne savez pas ce qui différencie un café Shwarzer, d'un Kleiner, d'un Verkehrt, ou encore d'un Einspänner, et j'en passe car il y en a une sacrée collection et ce n'est pas simple de commander juste "kaffee bitte" (moi, j'avoue avoir une préférence pour le Maria Theresa !)...
Si vous rêver de déguster la seule et unique Sachertorte, et non pas ses avatars que l'on trouve sous la même appelation mais avec une minuscule différence d'importance, Sacher torte...
Et enfin, si vous êtes une nostalgique de Sissi et du style rococo...
Ce livre est pour vous !

"Pour qui hésite entre la solitude et la compagnie, pour qui n'aime ni rester chez soi ni traîner dehors, pour qui alterne entre l'ennui, la paresse et la mélancolie, il suffit de pousser la porte du Prückel, du Sperl, du Central ou d'un autre pour se sentir apaisé et bienvenu.
Les cafés viennois sont les havres des états d'âmes.(...) On peut grignoter salé, sucré, ou boire un seul café et traîner des heures sans jamais subir le moindre regard désobligeant de la part du garçon. Les tables sont en marbre et les patères en cuivre. Les journaux sont du jour, les gâteaux sont frais et les clients discrets."

Si de plus, vous n'êtes pas contre un petit saut dans l'Histoire, alors laissez-vous entraîner par Frieda qui revient dans sa ville natale cinquante-quatre ans après l'avoir quittée lors de l'Anschluss. Elle est accompagnée de sa fille Clara. Ce pélerinage est l'occasion pour Frieda de régler ses comptes avec ce pays qui en 1938 a ouvert tout grand ses bras à un autre enfant du pays prénommé Adolf, a pactisé avec le diable et qui, depuis la défaite, n'a pas fait preuve de trop de repentir.

"Les Allemands étaient de très bons nazis, et de mauvais antisémites. Les Autrichiens furent de mauvais nazis, mais des antisémites hors pair !"

Donc, une très sympathique et instructive balade, une douce relation mère-fille et une réflexion sur l'identité et le sentiment d'appartenance.
Pour une vision plus violente de la difficulté de vivre avec le poids du passé et de la honte, voir les romans de l'auteure autrichienne Elfriede Jelinek, notamment "Les exclus" et "Enfants des morts", beaucoup plus hard, j'avoue que je n'ai pas encore trouvé le courage de m'y plonger.

Café viennois     Michèle Halberstadt     Editions Le Livre de Poche

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29 février 2008

Marthe à l'ombre !

9782742771639Un beau matin, alors qu'elle cogite assise sur son poste de télévision, Marthe décide de changer de vie.
Ni une ni deux, elle saute dans un TGV afin d'aller annoncer la bonne nouvelle à son père.
Outre la décision de tout larguer (travail, appart, amant), Marthe décrète que dorénavant elle ne fera plus que ce qu'elle veut.
Jusque là donc, presque rien d'anormal...
Si ce n'est que Marthe a un curieux rapport à son corps et au monde.

Alors, quoi de mieux qu'un train bloqué des heures au milieu de nulle part pour commencer à mettre en pratique ses nouveaux principes. Tel une entomologiste, Marthe peut alors observer à la loupe le microcosme voyageur. D'accord, sa focale est un brin originale et la demoiselle, d'emblée, ne passe pas inaperçue. Non seulement elle devient la bête noire du contrôleur, mais ses façons d'être vont aussi en surprendre plus d'un.
Quand l'événement est médiatisé, Marthe n'est pas loin d'atteindre son heure de gloire, et lorsqu'on on sait que le nul part en question s'appelle Mourron... il y a vraiment de quoi s'en faire !
Hélas, les trains qui arrivent en retard chamboulent parfois l'ordre des choses. Marthe en fera l'expérience.

"Je nous regarde; nous formons un liseré de vie, une couture humaine surfilée à grands points sur le pont détruit. Devant une mer évaporée, nous composons une broderie de bestioles échouées, déposées en serpentin sur une digue abandonnée; la marée s'est définitivement retirée."

Voilà quelques semaines que je tournais autour de ce livre à la couverture loufoque et poétique. Les pages qu'elle protège le sont tout autant, et il en va de même pour l'esprit de Marthe.
On comprend vite qu'elle appartient à ces têtes étoilées qui peinent à trouver leur place dans notre réalité.
Si Marthe est à la fois, agaçante, rigolote, futile, pathétique, elle est surtout touchante et émouvante. Touchante dans ses tentatives maladroites d'échanges avec ce genre humain que l'on qualifie de normal, et émouvante face à cette liberté nouvellement acquise qui l'emporte avec îvresse vers les autres.
Comme tout le monde, Marthe ne demande qu'une chose, un peu d'amour et de reconnaissance.

J'ai une tendresse particulière pour ces être fragiles qui arpentent la vie en funambules et conjuguent le monde comme un jeu dont les règles oscillent entre logique des rêves et cruauté des cauchemars. Marthe fait partie de ces gens.
Un premier roman hors des sentiers battus pour nous conter la difficulté du papillon à s'extraire de sa chrysalide.

Chanson pour bestioles     Cécile Reyboz     Editions Actes Sud

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26 février 2008

L'effet Breizh

9782266156851Le livre de Sylire est venu apporter chez moi ses odeurs de varech et de sarrazin mêlés.
Et pour que je sois bien dans l'ambiance, il pleut et vente...
Mais je m'en fiche car je suis au coin du feu, à relire quelques pages avant d'écrire ce billet et à rêvasser qu'un jour, peut-être, j'habiterai en Bretagne.

En attendant, ce recueil met en appétit.
Une quinzaine de nouvelles qui nous plonge dans les aspects divers et variés de cette terre et de ses habitants.
J'ai été particulièrement séduite par "Les bonnes" et "Comment ne pas perdre la tête".
La première nous conte l'histoire de trois soeurs qui, chacune à leur tour, iront faire la bonne chez les bourgeois. Un texte simple pour dire la réalité d'une époque et de femmes résignées.
La seconde est l'histoire d'un rendez-vous manqué à Notre-Dame de Grainfollet au début du siècle dernier. Mais la Bretagne semble pouvoir faire des miracles, Madelon en fera l'expérience quelques soixante ans après. Un récit plein de nostalgie sur l'air de la chanson de Lucienne Delyle "Mon amant de Saint-Jean".

"Et, pareils à des cordes volantes, des sentiments dont ils ne soupçonnaient pas l'existence ont débordé de leur corps pour aller s'emmêler, faire des boucles, faire des noeuds, se nouer et se dénouer dans le coeur bouillant du feu de la Saint-Jean."

KATELL et  LE BIBLIOMANE l'ont lu, ainsi que bien d'autres.
ELFE également, et en plus elle nous offre une belle surprise.
Et merci à SYLIRE pour ce prêt et les photos de son Finistère.

Elle fait des galettes, c'est toute sa vie    Karine Fougeray    Editions Pocket

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24 février 2008

Fantaisie pédopsy !

9782290004494Je ne sais pas ce qui m'a pris d'acheter ce livre.
J'achète rarement des poches dans les éditions "J'ai lu".
Je n'aime pas cette couverture.
Je donne peu dans le genre "paranormal".
J'ai trois kilomètres de pal qui m'attendent.

Une fois commencée la lecture, j'ai lu ce roman d'une traite.
C'est pas d'une écriture renversante, mais comme pour tous ces livres dont l'on sait bien que "ça ne se peut pas", si l'intrigue est bien menée et originale, et bien, on s'assoit sur ces invraisemblances et on tourne les pages sans s'arrêter, surtout si on est en vacances et qu'on peut lire jusqu'à trois du mat !
Evidemment, j'ai surtout apprécié les séances du petit héros chez son psy. C'est drôle et très juste.
L'auteur rend à merveille ce petit truc qui fait que les enfants prennent au pied de la lettre les propos des adultes,vous en livrent une interprétation parfois très fantaisiste, ou s'en font tout un film qui, la plupart du temps, n'a strictement rien à voir avec la réalité. Sauf que des fois...

"Maman m'a détesté avant de m'aimer à cause du premier accident. Celui de ma naissance. Ca s'est passé comme pour l'empereur Jules César. Ils enfoncent un couteau dans la dame jusqu'à ce que son ventre éclate et puis ils te sortent de là, tout hurlant et couvert de sang. Ils croyaient que je n'arriverais pas à sortir normalement."

Louis Drax, enfant précoce de neuf ans à l'imagination fertile, a une facheuse tendance aux accidents. Le jour de son anniversaire, lors d'un pique-nique avec ses parents, il tombe dans un ravin. Malgré la réanimation, force est de constater qu'il ne répond plus; il est déclaré mort. Mais quelques heures plus tard, il se réveille à la morgue, avant de sombrer dans le coma.
Une enquêtrice et un médecin vont se pencher sur son cas.
Des choses de plus en plus bizarres vont se produire...

Voilà, ça mange pas de pain de se laisser prendre par cette histoire abracadabrante, au rythme enlevé et qui se lit comme un polar.
Les critiques parlent de best-seller et un film est en préparation.

FLORINETTE l'a aussi lu.

La neuvième vie de Louis Drax     Liz Jensen     Editions J'ai lu

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21 février 2008

Amers ricains...

9782226179739Six nouvelles écrites entre 1997 et 2002.
Et un contexte particulier, puisque nous sommes dans le nord de l'Afghanistan peu après le départ des Talibans, et dans les républiques d'Asie centrale récemment libérées du joug soviétique.

Nous suivons respectivement les tribulations de photographes de guerre plutôt mal en point, une scientifique venue au secours de la mer d'Aral, un couple de treackers, le fils d'un ambassadeur, des humanitaires tourmentés.
Premier point commun, tous ces personnages sont américains...
Voilà de quoi éclairer, déjà, l'angle sous lequel l'auteur va aborder la rencontre d'univers forcément aux antipodes les uns des autres.

J'ai été assez sensible à la première nouvelle "Défi à la mort", qui nous plonge dans le chaos politique afghan de l'après 11 septembre 2001 et dans la complexité des relations entre petits chefs de guerre et forces US agissant en sous-main des autorités officielles. Entre les deux, que pèse l'existence de civils et les codes habituels peuvent-ils encore régir les rapports humains ? Un récit réaliste et de beaux portraits.

Savoir-faire et négociations KGB-ONU à la sauce ouzbeke, dans "Aral". Désastre écologique et conséquences.
Crise conjugale lors d'un treacking dans les montagnes kazakhes, sous l'oeil imperturbable de Viktor, ancien combattant de la guerre soviétique en Afghanistan reconverti en guide touristique. Désenchantement et ironie !

"Sa critique de l'individualisme bourgeois ne l'avait pas préparé à de tels événements, de même que rien n'avait préparé les Américains à ce qu'un jour ils le paient pour veiller sur leurs loisirs."

"Le fils de l'amabassadeur" et "Dieu vit à St Pétersbourg" nous livrent une caricature d'expatriés, de milieux sociaux bien différents mais tout aussi désabusés les uns que les autres, imbus de leur supériorité, voire de leur impunité, et de leurs certitudes. Turpides sexuelles sur fond de désoeuvrement alcoolisé ou d'évangélisation !
Et dans quel état d'esprit revient-on au pays après plusieurs mois passés au Kirghizstan ? C'est ce à quoi ce confronte le héros de la dernière nouvelle "Les animaux de notre vie".

L'auteur, sans complaisance pour ses compatriotes, dresse un tableau plutôt désespéré de ces êtres en exil venus fuir on ne sait quoi. L'éloignement aidant et l'immersion dans un monde où les repères habituels n'ont plus cours, rien de mieux pour se révéler à soi-même.
Derrière la fiction, on sent le vécu. L'auteur est parti, à 23 ans, enseigner l'anglais dans ces territoires lointains. Il a été rapatrié au bout de huit mois, suite à des problèmes de santé et des désordres psychiques. Il participe ensuite à différentes missions des Peace Corps en Afghanistan et en Irak.
En filigramme, Tom Bissell pose la seule et unique question : qu'est-ce que les Etats-Unis sont venus foutre là, et de quel droit ?

"Parce qu'il était américain, Misterrr Timothy avait raison même quand il avait tort."

Dieu vit à Saint-Pétersbourg     Tom Bissell     Editions Albin Michel

 

 

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19 février 2008

Bas les masques !

9782221109625Dans la famille "Tout dans l'apparence", je voudrais... Personne !
C'est la première idée qui me vient en refermant ce livre.
En ce jour anniversaire du patriarche, on a droit à une belle brochette de personnages, puisque toute la tribu est réunie avec femmes et enfants, masques et colifichets Prada, complexes et vanités, rancoeurs et regrets.

Un ange trublion passe, Gabriel, très vieil ami de la famille, et dépose son cadeau enrubanné de mauvais augure.

On prend les mêmes moins un, le patriarche, et on recommence une semaine plus tard pour la grande comédie des funérailles. Les masques tombent, les complexes s'exposent, les vanités se ravalent, les rancoeurs se dévoilent mais les regrets restent.
Mais point de jeu de massacre, non, car chez ces gens-là on cause pas, on compte, et chacun de se confesser dans son coin, avare de partager ses émotions, de protéger ses vérités. C'est moins dangeureux de parler au mort, plutôt qu'aux vivants...

"Puis, gravissant le perron, traversant le hall, je suis entré dans le salon, comme quelques jours auparavant, où je les ai tous retrouvés, mais dans une configuration différente, comme une cellule dont les atomes auraient été mélangés, dans une répartition anarchique des plus et des moins, des noirs et des blancs.
Oui, c'est exactement cela que j'ai ressenti en les voyant, l'anarchie, le désordre, le renversement des valeurs, comme si l'unité et l'harmonie de ta famille avaient disparu en même temps que toi, parce que tu en étais le garant."

Un récit polyphonique, à huit voix, qui apportent chacune leur tour une pièce supplémentaire à ce puzzle double-face. Celui qui inaugure le jeu, en posant la première pierre, détient aussi le pouvoir de faire voler le tout en éclats en tirant prématurément sa révérence.
Bref, une famille pas très sympathique, mais à laquelle, grâce aux dernières pages, j'abandonne tout de même un peu de compassion, et tous mes respects au patriarche...
Roman de la maîtrise, il en va de même pour le style et l'écriture de l'auteur, masculine, concise et pragmatique, sans bavure.

Un grand merci à SOPHIE qui n'a pas craint de faire traverser les mers à ce livre, afin de me faire découvrir son auteur. Je lorgne déjà sur son précédent !
L'avis de TAMARA et de  FLO
Le blog du livre  ICI

De manière à connaître le jour et l'heure   Nicolas Cauchy   Editions R. Laffont

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16 février 2008

Diablement romanesque !

9782742769315Gabrielle Demachy, orpheline d'origine hongroise, est élevée par sa tante Agota dans le Paris du début du XXe siècle. A l'automne 1913, à l'aube de ses vingt ans, elle s'engage dans une course poursuite afin éclaircir la mort de son cousin bien-aimé, Endre Luckacz, disparu en Birmanie cinq ans plus tôt.

Grâce au mystérieux Terrieux, employé au ministère de la Guerre, elle se fait embaucher comme institutrice chez les Bertin-Galay, famille bourgeoise dirigée de main de maître par Mme Mathilde, l'héritière de l'usine de biscuits Bertin.
Mme Mathilde a quatre enfants, dont Pierre, médecin, qui a lui aussi voyagé et travaillé pour l'armée en Birmanie, et qui a vraisemblablement cotoyé Endre, le cousin de Gabrielle. Il est veuf et père d'une petite Millie; c'est pour s'occuper de cette enfant triste et sauvage que Gabrielle est engagée. Elle part vivre avec Millie dans la maison familiale du Mesnil, alors la campagne parisienne, où passe et se retrouve régulièrement toute la lignée Bertin-Galay.
Tout en dissimulant les véritables raisons qui l'animent, Gabrielle, qui ne manque ni de charme ni d'aplomb, va mener son enquête et traverser cette dernière année de paix avant la Grande Guerre.

Anne-Marie Garat entraîne le lecteur dans un véritable tourbillon romanesque. De la bourgeoisie au petit monde des gens de maison, de la réalité ouvrière à l'univers balbutiant du cinématographe en passant par les coulisses du journalisme, des intrigues militaires aux événements qui nous parlent à tous, nous croisons une multitude de personnages qui tentent de s'adapter, pour le pire et le meilleur, à ce monde qui bascule dans la modernité.

Dans la tradition des romans-feuilletons du XIXe siècle, l'auteur sait faire rebondir son récit avec brio, le tout servi par une écriture tour à tour réaliste et poétique, voire parfois lyrique.
Contrairement à ce que peut laisser penser la 4ème de couv, l'action se situe essentiellement dans le Paris grouillant et riche de son peuple à jamais disparu, ce qui participe grandement au charme de ce roman.
Mais vous aurez quand même droit à une escapade dans la magnifique Venise, avec en prime une belle histoire d'amour sur fond de rebellion anarchiste...

"Dans le miroitement fastueux des toilettes, l'agitation des grands chapeaux d'été bouillonnants de tulle et de mousseline, cette société de toute l'Europe qu'attiraient Venise et son art, ses plages, la saison, le plaisir des bains, constituait un étrange mélange de corps et de physionomies dont, sous leur richesse et leur beauté, le raffinement de leur vêture et de leurs moeurs, émanait une mélancolie factice d'exil, une paresse compassée qu'en la traversant Gabrielle sentit, comme on devine, dans le parterre des fleurs et la senteur mariée de leurs essences flottant dans l'air, celle dont l'unique parfum à la fois exalte et dénonce leur instable et fortuite harmonie, trahit quel poison délectable les unit toutes."

1288 pages qui m'ont charmée et ont réussi à me faire oublier ma propre difficulté à m'adapter à un autre nouveau monde...
En attendant la suite, je laisse le mot de la fin à l'auteur qui, dans ses remerciements, a cette jolie formule que je lui retourne pour m'avoir entraînée si loin de mon quotidien (bien que l'Histoire soit un éternel recommencement) :

"Merci à celle, dont le nom m'est perdu, qui, en tamponnant les fiches de prêt d'une bibliothèque de mon enfance, bobinette et chevillette, m'ouvrait la porte des fictions."

Les avis de GACHUCHA et de SOLE

Dans la main du diable    Anne-Marie Garat    Editions Actes Sud Babel   

 

10086020_German_Troops_Return_to_the_Front_Kissed_and_Waved_Goodbye_from_Their_Womenfolk_Affiches

 

 

3 février 2008

E piricoloso sporgersi

9782264036285...sur le passé !
Voilà ce que pourrait penser Gianni Orzan, qui quelques mois après la mort de son père, avec lequel il n'était pas en très bons termes, est contacté par un curieux personnage, Gianni Bogliasco, qui justement, souhaite lui parler du défunt.
Après un premier contact fort maladroit qui manque de le faire virer parano, Gianni va en apprendre des vertes et des pas mûres sur son paternel, qu'il croyait être un odieux réac, version social-démocrate à la sauce italienne qui fricote avec les fachos et les cathos.

Quelle n'est donc pas sa surprise d'apprendre que son père était en fait un agent du KGB et qu'il a passé toute sa vie à fréquenter des gens qu'il honnissait. Et de prendre conscience, par conséquent, que lui le fils communiste, n'a eu de cesse de s'affronter avec cet homme qu'il détestait pour ses opinions de droite. La pilule va être difficile à avaler !

"Et quand tu penses qu'ils mentent aussi entre eux, repart-il, que les enfants mentent à leurs parents, que les parents mentent à leurs enfants, et les frères entre eux, que mari et femme se mentent, tu comprends que le monde que tu penses connaître n'est qu'une illusion énorme, que croire à cette illusion n'est pas une question de bêtise mais de bon sens, la condition nécessaire pour que le monde, tout le monde, puisse continuer à..."

Mais comme un mensonge n'arrive jamais seul, se pourrait-il que d'autres pans de sa vie ne révèlent quelque tromperie supplémentaire ?
Ce qui est sûr, c'est qu'il est légitime de se poser la question.

La 4ème de couv annonce un livre qui déclenche des fous rires, dixit une certaine Martine Laval. Bon, je n'ai sans doute pas le même humour que Télérama ! car si j'ai beaucoup aimé cet imbroglio italien, et surtout le personnage haut en couleurs de Bogliasco, de là à se bidonner, y'a un pas que je ne franchirais pas.
Ce livre ravira les amoureux de l'Italie, vespa, pizza, cremolati et tutti cuanti.
Une balade romaine sympathique et plaisante, aux effluves de jasmin et d'origan; et pour les adeptes, un texte truffé de références cinématographiques.
La vie peut-être un drôle de cinéma !

La force du passé    Sandro Veronesi    Editions 10/18

vespa

1 février 2008

Histoire de ouf !

9782070339341L'autre jour chez le Serial Lecteur, je lisais cette phrase qui rassérénerait de nombreux héros de polars, flics ou malfrats : "La réalité n'est qu'une hallucination provoquée par le manque d'alcool" (O'Mulligan).
Le personnage du livre de Franz Bartelt, lui non plus, ne renierait pas la véracité de cette sentence et ne manquerait pas de lever sa canette à la santé de ce O'Mulligan.
Effectivement, tout dépend de quel point de vue on envisage un problème...

"Le vrai pervers, ce n'est pas l'assassin, c'est le juge qui ne peut se passer du travail de l'assassin. Voilà ce que je pense. Le juge, c'est un drogué. Il est sous dépendance. Si demain les assassins décrétaient la grève générale, la moitié des juges deviendraient neurasthénique et l'autre moitié découperait les rombières en morceaux."

Contraint et forcé à un sevrage sévère, lors d'une prise d'otage délirante orchestrée par l'inquiétant Jacques Cageot-Dinguet, notre bonhomme aura maille à partir avec les portes de la perception. A moins qu'il ne s'agisse d'un voyage organisé au centre d'un psychisme sérieusement perturbé...
Mais que ne ferait-on pas pour l'amour de sa belle, surtout quand celle-ci aime énormément le pognon !

"J'avais failli lui planter mon couteau dans le bide avant de savoir qu'il y avait douze César. Il avait bien fait de pointer un flingue dans ma direction. Sous la menace, le savoir rentre tout seul. Les mômes, je suis sûr que si on leur faisait étudier les tables de multiplication avec un trou de carabine contre la tempe, ils ne mettraient pas des heures avant de devenir des prodiges du calcul mental. La manière forte, la voilà la manière. Quelle leçon il me donnait, le con !"

Un drôle de huis-clos aux dialogues savoureux.
VAL  et  LE BIBLIOMANE , eux aussi, ont bien rigolé !

Le jardin du Bossu    Franz Bartelt    Editions Folio Policier

 

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29 janvier 2008

Cordes raides...

9782742769025Lorsque nous faisons connaissance avec le narrateur, Aldo est devenu un célèbre violoniste. Il partage la vie de Rose depuis vingt-cinq ans, femme plus âgée et luthière de son état.
Au matin d'un grand concert, il entre en possession d'un récit écrit par Anna, sa mère, quelques temps avant son suicide. Récit d'enfance puis de la vie qu'elle a menée, seule d'abord, puis sous la protection de Marguerite qui dirigeait la pension de famille du même nom où elle vécut et travailla.

C'est aussi là qu'elle rencontre il grande Cagliostro, ventriloque et artiste de cabaret, régulièrement de passage à Paris et dont elle aura un enfant, Aldo.
Avant de disparaître définitivement, cet homme transmet son art à Anna, et celle-ci aura l'idée géniale de faire appel à cette voix venue du ventre afin de continuer à faire exister ce père absent, cet homme follement aimé. Le temps passant, Aldo grandit entouré de l'affection et de l'attention de tous les pensionnaires. L'un d'eux, Monsieur Zoltan, vieil Hongrois en exil, initiera Aldo au violon.

"La perspective des applaudissements du soir calma son irritation. Ils allaient l'apaiser, il le savait. L'isoler, le protéger. Leur évocation le plongea dans le souvenir de la Pension Marguerite, lorsque tout le monde se disputait son affection. Il avait eu de la chance. Une enfance de petit roi. L'image lui parut à la fois juste et saugrenue. Il esquissa un sourire et secoua la tête dans un geste de dérision."


Au fil de la lecture des feuillets maternels, on suit les tourments du violoniste tout au long de cette journée qui se clôture par le concert. Entre reviviscence des souvenirs, répétition, lecture des critiques, interview, confession, appels au secours lancés à sa femme et pour finir, levée d'inhibition libérant enfin l'artiste du carcan technique dans lequel sa musique s'est enfermée, au détriment de l'émotion et de la sensibilité, eh bien on n'est pas fâché que la journée se termine !

Histoire de voix et de confusions identitaires, livre de la honte et de la culpabilité, il s'agit avant tout d'un récit bourré de clins d'oeil symboliques qui ravira les passionnés de psychanalyse.
Peut-être un peu trop réducteur et caricatural, il reste cependant une analyse juste du plus vieux fantasme du monde.
J'ai aimé ce livre sans plus. Point de dégoût, mais pas d'émotion non plus, ni de compassion.
Serais-je devenue insensible aux affres de la création et aux états d'âme narcissiques des artistes ?
A moins qu'il ne s'agisse tout simplement d'une petite indigestion passagère suite à un abus de substances dangeureuses pour le moral, la misère et la souffrance humaines...

Je ne sais pas ce que je vais lire ce soir !

L'avis de BELLESAHI

La Pension Marguerite    Metin Arditi    Editions Actes Sud  Babel

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27 janvier 2008

A votre kirghiz !

djamSeït a treize ans en 1943, et il se souviendra longtemps de cet été là.
Tous ses frères sont partis défendre la Patrie. Si le nomadisme des tribus d'Asie centrale a cessé depuis déjà quelques années, les familles vivent encore selon les lois ancestrales.
C'est en qualité d'unique fils resté auprès des siens, qu'il se retrouve à veiller sur Djamilia, la très jeune et rebelle épouse de son frère aîné.
En ces années de guerre, il faut atteindre le plan drastique décrété par les soviets afin de nourrir les troupes. Femmes et enfants travaillent au kolkhoze, ainsi que les soldats convalescents revenus au village.

C'est ainsi que Seït et Djamilia font connaissance et équipe avec Danïiar, jeune Kazakh solitaire, rêveur, taciturne et encore tourmenté par les années passées au front.
Seït, à peine sorti de l'enfance, a dû arrêter l'école et la peinture pour laquelle il montre de grandes dispositions. Veillant jalousement sur Djamilia, Seït n'en est pas moins fasciné par Danïiar, son mystère et sa voix envoûtante.
Sous les yeux de l'adolescent qu'il devient, et dans le décor somptueux qu'offrent les montagnes kirghiz et la plaine kazakh, il va être l'unique témoin et complice de la relation qui se noue entre ses deux compagnons de labeur.
Débordé par les émotions et les sentiments qui l'agitent mais qu'il ne sait identifier et encore moins nommer, la nature et le dessin seront ses seules voies de salut.

"Là-bas, au-delà de la rivière, quelque part au bord de la steppe kazakh, comme la bouche d'un tandyr (four) brûlant, flambait langoureusement le soleil vespéral de la moisson. Il s'enfonça lentement derrière l'horizon, trempant d'une lueur d'incendie de petits nuages friables sur le ciel et jetant ses derniers miroitements sur la steppe mauve, déjà couverte en ses bas-fonds par le bleu de ténèbres précoces."

J'ai eu un coup de foudre pour cette longue nouvelle et pour Seït, son jeune narrateur.
Outre l'aspect historique et ethnologique, cette balade en Asie centrale est un hommage vibrant à la terre.
Seït y ancre sa fierté de petit homme, mais la beauté brute des éléments et les parfums portés par les vents brûlants de la steppe lui permettront aussi de s'aventurer dans des territoires plus intimes.
Ce gamin est craquant de naïveté et c'est avec tendresse qu'on l'accompagne jusqu'à la découverte du sentiment amoureux. Sur le chemin du grandir, on n'a pas envie de lui lâcher la main, mais pourtant il faudra bien.
Grâce à ses couleurs et ses pinceaux, il trouvera seul la ressource de transformer sa souffrance.
C'est ce qu'on appelle l'art, et il vient de le rencontrer...

Pour ARAGON, qui a participé à la traduction et en signe la jolie préface, "c'est la plus belle histoire d'amour du monde".
Je ne suis pas loin de penser de même. C'est aussi un très beau portrait de femme libre. Et cette lecture fait un bien fou après les méandres nombrilistes dans lesquels je me suis fourvoyée il y a peu... C'est tout ce qu'il me fallait pour me purifier l'esprit !

Un petit tour au Kirghizstan ?  C'est ICI et vous en saurez plus aussi sur cet auteur.

Djamilia   Tchinghiz Aïtmatov   Editions Folio

 

 

 

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25 janvier 2008

Egotite aiguë

9782846821827Euh là... je ne sais que dire.

Une chose est sûre, j'ai été prodigieusement agacée par ce bobo (j'aime pas les bobos, surtout ceux de l'île de Ré) narcissique et manipulateur à la personnalité limite et qui nous exhibe ses histoires de cul qu'il confond avec des histoires de coeur et qui, du coup, n'ont qu'un intérêt très limité.
La maestria avec laquelle cet homme instrumentalise son entourage, y compris ses lecteurs, me laisse un goût amer, celui de m'être faite moi-même piégée.
Et sa louable honnêteté est tout autant insupportable.

Je passe de la colère à la déception (mais de quel droit ?), de la déception à une approche psychanalytique qui ravive mon agacement face à cet exhibitionnisme aux relents incestuels (pas incestueux, nuance), tout en me faisant applaudir des deux mains le talent qui fait se lier et se mêler l'intime et le réel, la banalité et le drame, le conventionnel et la transgression.

Toutes ces tergiversations m'épuisent !
Ce billet sera peut-être éphémère. Je laisse décanter et y reviendrai, enfin vraiment peut-être...

Des avis plus ou moins convergents, celui du BIBLIOMANE , celui de KATELL , celui de SYLIRE .

Un roman russe   Emmanuel Carrère   Editions P.O.L

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22 janvier 2008

P M D *

9782234059030Pour Mère Défaillante,
Ou comment un simple acte notarié fait rebrousser chemin à la mémoire et parcourir des sentiers où l'enfance peut craindre de se perdre à jamais, risque d'autant plus grand quand on a une mère  psychiquement malade mais que personne ne vous le dit.

Afin de signer une donation de leur vivant, un couple et ses deux filles adultes se retrouvent devant notaire, mot, dailleurs, qui à lui seul en dit long sur l'histoire ! Pour la narratrice, une des filles, c'est l'occasion de conjuguer le verbe "hériter" et de décliner les mots don, abandon, pardon.

Elle sait dire l'insécurité et le mystère qui entoure les fréquents séjours en maison de repos, la fragilité du sentiment de vie face aux sautes d'humeur et à la raison qui vacille, la culpabilité devant l'impuissance à aider cette mère imprévisible et l'effacement de soi afin de ne pas accabler davantage un père désemparé.
Quel ressenti éprouve l'enfant lorsqu'il constate qu'un jardin ou de vieux meubles, bien mieux que les relations familiales, comblent une mère qui sait alors trouver les mots pour dire son attachement et les gestes pour prendre soin des arbres ou de quelque commode, mais reste en apparence insensible à la présence des vivants ?

"La version de Papa était toujours la même: "Votre mère est une personnalité haute en couleur. Elle a, comme tout le monde, des hauts et des bas, mais comme c'est une Italienne, les hauts sont plus hauts et les bas plus bas..." Stop, c'était fini, ça s'arrêtait là. Il n'aimait guère parler en général. C'était un méditatif, un silencieux. Au fil du temps, il s'effaçait peu à peu lui aussi."

L'auteur aime les mots justes, en joue souvent avec humour et s'en délecte. Un point à l'endroit, un point à l'envers, passé et présent se répondent pour tisser un récit à la trame sensible et pudique, mais également d'une grande justesse clinique. Avec en arrière-fond, la crainte d'avoir reçu et, peut-être celle aussi, de transmettre ce petit gène qui fait la différence.
Entre réalité matérielle et inscription dans la chaînes des générations, la symbolique de la donation s'inscrit ici comme un révélateur. Celui d'un acte enfin posé par une mère qui n'a pas encore dit son dernier mot...

"Je me suis dit qu'en effet, nue-propriétaire ça n'était pas si mal. On a et on n'a rien. "Tout ce qu'on a , c'est ce qu'on n'a pas." Et rien n'empêche de bâtir sur ce manque, comme dans la vie. Finalement, cette métaphore me convient, ai-je pensé. Je la garde..."

 

* Ces trois lettres furent, dans un temps pas si lointain, signe d'un funeste diagnostic.
Depuis l'avènement du dsm IV, la bible de la psychiatrie américaine qui tend à classifier l'esprit humain et ses dérives via des grilles de symptômes, on parle de troubles bi-polaires; ça fait moins peur que Psychose Maniaco-Dépressive. C'est une pathologie caractérisée par une alternance de phases d'exaltation, d'agitation, et de périodes d'abattement, de dépression.
Funeste diagnostic car qui dit PMD, dit traitement à vie, avec les inévitables et désagréables effets secondaires des médicaments.
Autre inconvénient majeur, le caractère héréditaire de cette maladie.

La donation     Florence Noiville     Editions Stock

notaires

19 janvier 2008

Sacré frangin !

9782070349135Le 15 mars 1705 naît en la République de Genève, François Rousseau.
Isaac Rousseau, le père, s'enfuit dès le lendemain vers Constantinople où il exerce sa profession d'horloger.
L'histoire pourrait s'arrêter là si ce n'est que six ans plus tard, ce cher homme réapparaît et offre à ce fils qu'il ne connait pas, un petit frère qu'on appela Jean-Jacques.
Un malheur n'arrivant jamais seul, Suzanne Rousseau décède des suites de ses couches, laissant seul Isaac qui n'a pas d'autre choix que d'assumer enfin sa double paternité.

Ainsi commence l'autobiographie imaginaire du frère du célèbre Jean-Jacques Rousseau.
Attachement oblige, Isaac Rousseau concentre son attention sur son dernier né, délaissant ce pauvre François. A lui de se trouver d'autres figures paternelles sur lesquelles s'appuyer et parfaire son éducation.
Très tôt, François prend la poudre d'escampette. Il a la chance de croiser Maximin de Saint-Fonds qui le prend sous son aile et l'instruit. Ce bourgeois genevois l'initie également aux choses de la vie et de la nature, armant ainsi solidement François qui, à dix-huit ans, se lance à la conquête de la France puis de sa capitale.

"L'officier de garde examina à peine cette pièce, et en un instant je fus dans Paris. Le soir commençait de s'annoncer. Un vent léger se leva, je reçus en plein visage l'haleine puissante de la ville. J'apprendrais bientôt que la puanteur de Paris était proverbiale; mais pour moi, qui avais toujours eu la passion des senteurs capiteuses, ce souffle lourd, méphitique, m'enivra: à l'entrée d'Enfert je m'arrêtai pour savourer ce fumet entêtant."

Sur un ton léger et dans un style fleuri très XVIIIe, c'est avec talent que l'auteur nous entraîne dans le monde du libertinage et dans le foisonnement intellectuel et politique du Siècle des Lumières. Pour le plus grand plaisir du lecteur, les sens et les idées se disputent le devant de la scène et donne au texte un fond de modernité dans lequel il fait bon se plonger en ces temps de quasi-monarchie...
De loin en loin, François règle ses comptes avec son illustre frère, mais c'est surtout le portrait d'un homme libre que nous offre là l'auteur, faisant montre d'une originalité bien différente de celle qu'il mit au service des nuages (voir La théories des nuages) mais toute aussi riche.

"Souvent la misère, la bêtise des Jacobins, la bienfaisance elle-même me lassaient. Je travaillais de moins en moins, et je me remis à arpenter les nuits de Paris. Elles avaient changé, elles aussi. La débauche avait perdu cet air de gaieté qu'elle avait prise après la révolution. L'abondance des gueux était décourageante; la disette poussait certains à brailler des chansons, d'autres à racler des violons discords, et des vieilleuses sans talent me faisaient grincer des dents. Même le costume des Parisiens se métamorphosait lentement: on tolérait encore les couleurs pour les femmes; mais les hommes ne portaient plus que du noir et marchaient avec un air farouche qui leur semblait romain. Les rues étaient infestées de ces prêtres de la nouvelle religion patriotique. La révolution avait eu des héros; elle se fabriqua des martyrs."

Une traversée historique et une lecture qui raviront les passionnés de plaisirs, de liberté, d'égalité et de fraternité !

PAPILLON et CATHE ont beaucoup aimé et vous le disent  ICI

Fils unique    Stéphane Audeguy    Editions Folio

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Isaac Rousseau
Collection JJ Monney

 

11 janvier 2008

Bonne nuit !

9782742761289Sébastien Ponchelet est un petit braqueur au coeur d'artichaut. Un premier hold-up raté et le voilà en prison pour quatre ans. C'est là qu'il fait la rencontre de Sholam Rubin, célèbre détrousseur de musées et grand amateur de livres. Sébastien devient "le domestique" de Sholam qui bénéficie d'un régime de faveur et d'une cellule VIP. Grâce à quelques magouilles, Sholam facilite la libération sous conditionnelle de son protégé, lui trouve un toit chez France, une ancienne prostituée, et un boulot d'homme à tout faire chez Condorcet, une des plus grandes maisons d'édition de Paris.

"Au magasin, je travaillais avec Gabriel, l'autre manutentionnaire. Un ballot flasque et sans âge, à l'air perpétuellement égaré. Sa blouse grise, sa bedaine qui débordait de sa ceinture évoquaient l'instituteur des années 1950."

Et à cause d'une blague dont il a le secret, ce benêt va entraîner Sébastien dans une drôle de galère. En effet un soir, celui-ci trouve dans sa sacoche le manuscrit égaré que toute la maison Condorcet recherche frénétiquement, et que Gabriel y a dissimulé.
Peu versé dans la littérature, Sébastien se contente d'en lire la première phrase et le laisse traîner chez France, où vont et viennent ses deux grands ados glandouilleurs et Raymond, son amant régulier et fidèle ami du Sholam. Le lendemain, le manuscrit s'est envolé.
La disparition du mamuscrit est prétexte à un enchaînement de faits qui changeront le cours de la vie de Sébastien. A moins que ce ne soit cette première phrase qu'il relit sans cesse : "Longtemps, je me suis couché de bonne heure."

Un roman à double fond, comme sait si bien les écrire l'auteur des célèbres Neutralité bienveillante et Mortel transfert. Une histoire, en apparence simple comme de l'eau de roche, qui mène son héros et les lecteurs par le bout du nez et se termine par une pirouette.
Je n'en garderai sans doute pas un souvenir impérissable mais les personnages sont originaux, se balader dans une maison d'édition est toujours instructif, et pour qui aime la peinture, on croise dans ce livre de très beaux spécimens d'oeuvres d'art ainsi que de savoureuses analyses.

"C'est de toi que parle une peinture, tu y reconnais une image inédite de toi, un désir que tu portes depuis toujours, la clé d'une énigme, même -et surtout- si tu n'en as pas conscience. Tu crois t'emparer d'un tableau. Foutaises ! En réalité, c'est le tableau qui s'empare de toi. Le vrai coupable, c'est lui, les juges n'ont rien compris. On ne vole bien que ce qu'on aime. Forcément, on le négocie bien, on fait payer au client la douleur de s'en séparer. Le voleur s'enrichit d'arrachements successsifs. Il porte en lui une douleur inextinguible, il vole et il vend. C'est sa damnation particulière."

Y'a pas à dire, l'art est l'avenir de l'homme !

CHIMERE  et  PAPILLON  vous donnent leur avis

Longtemps, je me suis couché de bonne heure   J-P Gattégno   Editions Actes Sud Babel

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9 janvier 2008

Tic-tac Tic-tac

9782070336357Anne arrive dans une petite bourgade, non loin de la mer, où elle a rendez-vous avec un agent immobilier afin de visiter une énième maison. En fait, c'est la trentième et ce sera la dernière car de toutes les façons, Anne n'est pas acheteuse.
Alors pourquoi ces visites et pourquoi demande-t-elle à chaque fois à pouvoir rester seule quelques heures dans ces maisons vides et dans leur environnement, que cherche-t-elle ?
Tout simplement un peu d'elle-même.

"Nous sommes sortis sur la terrasse. Accoudés à la rambarde, nous étions comme sur le pont d'un navire. C'était la dernière maison que je visitais, mais la première située au bord de la mer. J'avais presque l'illusion du tangage, l'impression d'un départ en croisière. Des voiliers au loin ressemblaient à des mouettes vagabondes, les vagues venaient mourir sur le sable avec ce bruissement délicat des bâtons de pluie africains."

Se laissant imprégner par les atmosphères, les souvenirs refluent. L'enfance d'abord, entre une mère distante et un père délaissé et malade, la compagnie du chat, complice réconfortant face à l'impuissance de la narratrice à aider ses parents. Puis plus tard, ses amours de femme et sa passion pour le théâtre. Et enfin, sa vie du moment, d'autres hommes, d'autres chats.

Anne reviste sa vie et s'en va à l'encontre du sens des aiguilles d'une montre, accompagnée par le tic-tac régulier du temps qui s'écoule. Car c'est surtout la mort du père, à l'adolescence, qui lui a laissé une fragile cicatrice que la décrépitude maternelle vient soudain chatouiller et réveiller par le biais de la montre paternelle qu'Anne retrouve au fond d'un tiroir. Une montre muette et figée depuis bien longtemps.
Les rythmes oubliés du tic-tac et de la course des aiguilles vont relancer la vie d'Anne à la manière d'un choc électrique qui réanime un coeur absent ou qui libère du joug des inhibitions.
Mais il lui faudra pousser les portes de trente maisons pour accepter certains rendez-vous manqués... afin, peut-être, de ne pas rater le prochain !

"La vie sait des choses qui ne sont pas encore arrivées."

J'avoue avoir succombé une fois de plus au charme de l'auteur, à son écriture, à son ton délicatement mélancolique. Je crois même avoir été encore plus touchée par ce roman que par Le canapé rouge. La fuite du temps et de la mémoire, abordée ici sous l'angle de la relation filiale, a su titiller les souvenirs de la fille que j'ai été, et le tic-tac s'est parfois un peu emballé au fil des émotions que Michèle Lesbre sait si bien distiller.
Merci aussi à elle pour les quelques belles références littéraires qui parsèment ce livre.

La Petite Trotteuse     Michèle Lesbre     Editions Folio

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6 janvier 2008

Huis clos

ciel_cageJohannes Betzler naît à Vienne en 1927; il a donc onze ans en 1938 au moment du référendum sur l'Anschluss qui entérinera l'annexion de l'Autriche par le Reich. Il est enrolé dans les Jungvolk, subit endocrinement et entraînement, participe à la Kristallnacht et, les mois et les années passant, gravit les échelons des Jeunesses hitlériennes et devient le parfait patriote fanatisé prêt à donner sa vie pour son Führer, au grand dam de ses parents fortement opposés aux thèses nazies.

Pour Hitler, Johannes ne donnera qu'un bras et la moitié de son visage, et à dix sept ans, il se verra contraint de regagner ses foyers après avoir été blessé par une bombe. Et là, quelle n'est pas sa surprise de constater que ses parents cachent une jeune Juive dans leur grenier. Commence alors une partie de cache-cache et de non-dits entre lui, sa famille et Elsa Kor, personne ne disant qu'il sait et qu'il sait que l'autre sait. Un parfait cocktail pour faire germer dans l'esprit de Johannes, déjà fortement perturbé par sa pré-adolescence et ses mutilations, puis d'instaurer dans la réalité une curieuse relation mêlée de répulsion et de fascination avec la belle Elsa.
La fin de la guerre verra la famille de Johannes décimée et le laissera seul avec sa grand-mère dans leur grande maison où va se jouer désormais un étrange huis-clos, puisque Johannes n'avouera jamais à Elsa que l'Allemagne a été battue...

"Le danger du mensonge, ce n'est pas sa fausseté, son irréalité, mais au contraire le fait qu'il devienne réalité pour autrui. Il échappe au menteur comme une graine lâchée au vent, d'où germe une vie autonome dans un recoin inattendu, jusqu'à ce qu'un beau jour, le menteur se retrouve confronté à un arbre solitaire dont la vigueur se dresse au-dessus d'un à-pic vertigineux, un arbre qui le sidère autant qu'il l'éblouit. Comment s'est-il retrouvé là ? Comment réussit-il à survivre ? Sa solitude confère une grande beauté à ce fruit d'un mensonge, stérile et pourtant vert et gorgé de sève."

Récit d'une descente aux enfers de deux esprits perturbés pris dans une spirale infernale où les rôles peuvent bien s'inverser et l'amour remplacer la haine, ce livre est aussi un précis clinique sur le sentiment d'emprise, généré par la claustration tant physique que psychique. La dépendance réciproque, du bourreau et de sa victime, à une relation perverse que le temps se charge d'entretenir et de transformer, nous est ici narrée d'une plume suffisamment habile pour contraindre le lecteur à tourner les pages et assister à la douce violence de cette folie.

Point de torture physique dans ce roman, il y a même quelques pages d'humour grâce au personnage de la grand-mère, juste une subtile mais inéxorable mécanique de perversion décrite du point de vue du bourreau.
J'aurais aimé que le récit donne alternativement voix aux deux protagonistes de cette histoire afin de peut-être trouver la réponse à l'inévitable question, qui est la véritable victime ?

Le ciel en cage     Christine Leunens     Editions Philippe Rey

 

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31 décembre 2007

Bad trip

9782742771523Délire ou réalité, cette traduction du Livre blanc se veut une cosmogonie des petits peuples sibériens de l'Arctique.
L'auteur nous explique les circonstances assez rocambolesques qui ont présidé à la découverte de l'ouvrage sur l'île de Vaïgatch.

"Les tribus locales donnaient à Vaïgatch le nom de "Kheïdidia-no", ce qui signifie "terre sacrée (ou interdite)". Les aborigènes venaient même des contrées les plus reculées d'Asie polaire pour s'incliner devant les fameux objets sacrés.
La chasse, l'abattage des morses et la pêche étaient strictement interdits dans ces territoires. Ce tabou a perduré pendant des siècles et a commencé à être violé de façon systématique seulement dans les années 1950, à la suite de l'installation d'une base atomique soviétique dans l'ïle."

Le Livre blanc, composé de six chants, nous présente les figures emblématiques de la mythologie de ce peuple de la mer de Barents. Koutkh le corbeau qui vit dans le monde d'En-Haut. De son île céleste, il est aux premières loges pour assister au triste spectacle que lui offrent les hommes peuplant le monde du Milieu. Un jour, n'en pouvant plus, il décide d'envoyer le Libérateur Er Sogodokh, Oreille d'ours. Ce dernier est chargé de faire revenir l'ordre entre le monde du Milieu et celui des Ténèbres où vivent les morts toujours plus affamés.
Les chamanes font la navette entre les trois univers afin d'aider à ce grand nettoyage, genre pulp fiction à la sauce polaire, où les lances et les amanites tue-mouche remplacent allègrement les flingues et la cocaïne ! On dépèce, tranche, dévore, rote, fornique. La banquise change de couleur et prend des teintes révolutionnaires...

"A la fin, ils étaient complètement désespérés. Et lui, il continuait à les tuer. Il en avait déjà tué beaucoup. Des guerriers s'étaient sauvés. Tous les hommes s'étaient sauvés. Il a embroché deux hommes. Leur coupe la tête. Leur transperce la cervelle. Les agite au bout de sa lance. Il crie : Ne vous sauvez pas comme ça ! On peut se battre encore un peu !"

Le Petit Chaperon rouge et Barbe bleue ont l'air bien palichon à côté !
Entre tradition et parodie, l'auteur s'en est donné à coeur joie pour revisiter la Sibérie primitive.

Le Livre blanc     Ilya Strogoff     Editions Actes Sud

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28 décembre 2007

Virus suédois

9782742761579La lecture de ce polar était programmée pour les vacances de Noël au coin du feu, voilà c'est fait ! Comme beaucoup, j'ai attrapé le virus qui, loin de m'assommer, m'a tenu éveillée jusqu'à quatre heures du mat.

Au personnage de Mikaël Blomkvist, j'ai préféré celui de Lisbeth Salander, sorte de Nikita cybernétique, qui aurait troqué sa spécialité ès armes à feu contre un diplome de hacking, niveau master 5 au moins !
Le haut degré d'asociabilité de cette Fifi brin d'acier bardée de tatouages et de piercings, limite autiste, et qui "par principe ne parlait pas avec la police", n'a pas été pour rien dans le sentiment de sympathie spontané qui me pousse à lui décerner le titre de l'héroïne de l'année.

"Ce jour-là, Lisbeth Salander était vêtue d'un tee-shirt noir avec une image d'E.T. exhibant des crocs de fauve, souligné d'un I am also un alien. Elle portait une jupe noire dont l'ourlet était défait, un court blouson de cuir râpé, ceinture cloutée, de grosses Doc Martens et des chaussettes aux rayures transversales rouges et vertes, montant jusqu'aux genoux. Son maquillage indiquait qu'elle était peut-être daltonnienne. Autrement dit, elle était extrêmement soignée."

L'auteur ayant lâchement abandonné ses personnages, je ne vais pas me précipiter sur la suite, histoire de faire durer le plaisir...

Comme en cette fin d'année je tire un peu ma flemme, je laisse la parole à VALDEBAZ qui nous fait ICI un résumé parfait de la situation et nous donne la liste des autres contaminés !

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes   Stieg Larsson   Actes Sud  Noirs

 

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26 décembre 2007

Déboires russes !

9782879293516En une quarantaine de nouvelles nous embrassons l'âme russe dans tout ce qu'elle a de fatalisme, d'absurde, de tragique et de drôle à la fois.
Les personnages de l'auteur ont bien retenu la devise de feu leur grand pays, "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !". Certes "Vodka, corruption et système D" pourrait en être le corollaire indispensable pour s'assurer une vie supportable, et générer des grands éclats de rire là où n'importe qui se tirerait une balle dans la tête !

"En fait, la prétendue âme russe se réduit à quatre composantes : la croix russe, la langue, la vodka et le bonheur dans la souffrance." (Les Voisins)

Quarante-trois clichés, parfois très courts et répartis en six grands chapitres, pour brosser des portraits réalistes du peuple de la Russie profonde, pas les nouveaux riches moscovites, mais celui des travailleurs ou des petits chefs  qui tentent de s'adapter, tant bien que mal, à l'évolution de leur pays. Les stygmates de l'étatisme et du communisme aidant, c'est pas une mince affaire !

"La tante Klava était une gardienne de la vieille école, experte en surveillance. Avant de travailler au foyer elle avait été ouvreuse dans un cinéma, et avant encore elle avait été responsable d'étage à l'hôtel Intourist. Sa figure n'exprimait jamais la moindre émotion, et sa réserve lexicale se limitait à deux phrases : "Où allez-vous ?" et "C'est interdit !". Mitia, qui n'était pas inscrit sur la liste des résidents du foyer, avait bien imaginé différentes ruses, mais sans jamais réussir à abuser la tante Klava. Enfin, si : un jour, il avait presque réussi." (Le Tank)

Les grandes interrogations existentielles concernent le quotidien (l'avenir se limitant souvent au lendemain), le fonctionnement de la machine à laver, l'absence d'éclairage et d'asphalte dans les rues des villages ou la bonne cohabitation entre voisins. La version russe de la réduction du temps de travail, la compréhension ou l'assimilation de concepts venus de l'Occident et l'entrée dans la société de consommation occupent suffisamment les personnages pour qu'ils évitent de se poser les questions primordiales : qui suis-je? où vais-je? dans quel état j'erre? .

Taïga Blues, titre original déjà évocateur, n'a pas perdu au change dans l'édition française. Cela aurait pu être un récit noir et désespéré. Au contraire, c'est avec humour et tendresse que l'auteur nous présente son pays et ses compatriotes.
Une évidence s'impose, seule une pénurie de vodka empêchera le monde russe de tourner...

Dernières nouvelles du bourbier   Alexandre Ikonnikov   Editions Points Seuil

 

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