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Le Souk de Moustafette
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12 mai 2012

Gerhard Armauer Hansen

9782847200782

Avril 1989, quelque part dans le sud-est de la Roumanie, derrière les grilles d'une bâtisse délabrée est regroupée une curieuse population. Des vieux, une Russe et un Hongrois, des plus jeunes, Polonais, Roumains et même un Américain, en tout treize humains qui vivent là à l'écart du monde sous l'oeil vigilant de l'immense portrait de Nicolae Ceauşescu qui orne le mur  de l'usine d'engrais chimiques qui leur fait face   
Ils sont-là depuis des années et le resteront. Personne n'osent s'approcher d'eux, pourtant on pourvoit à leur alimentation et à leur trousseau et de réguliers colis en provenance de la Croix Rouge Internationale améliorent leur ordinaire, colis qui contenaient encore à une époque certaines préparations pharmaceutiques. Car ces hommes et cette femme sont tous atteints de la lèpre. Peu à peu, parallèlement au délabrement du pays, leurs conditions de vie se dégradent. 

"J'ai toujours eu l'impression que notre bâtisse et son environnement immédiat ressemblaient davantage à un vieux cimetière maudit où rodent les esprits qu'à un établissement de soins. Cela tenait, je crois, aux longues tuniques de lin que nous portions, indispensables pour nous protéger du soleil et du regard des autres malades - enfin ceux qui avaient encore des yeux."

Si on ne sait ni comment le narrateur a été contaminé, ni avec précision à quelle date il arrive à la léproserie, on en sait plus sur Robert W. Duncan, cet ancien officier de renseignements américain, "pensionnaire" depuis 1969. Une étrange amitié va se nouer entre ces deux-là jusqu'à cet hiver 1989 qui verra la chute de Ceauşescu. A l'unisson de leurs uniques voisins, les ouvriers chez lesquels monte la révolte contre le pouvoir, des velléités de liberté naissent dans l'esprit des deux hommes. Mais, c'est sans compter sur le reste de la communauté qui voit peu à peu son quotidien chamboulé.

"Les morceaux de carte, toujours éparpillés sous le lit mais maintenant portés par le courant d'air, s'agitent comme les fragments d'une sinistre prophétie. Les villes européennes dispersées, les mers scindées, les rivières au cours stoppé bruissent, et il me suffirait d'un peu d'imagination pour entendre les ricanements acerbes de toutes les routes et chemins, des déserts merveilleux de l'Orient et des parcs maquillés de l'Occident qui, sans trêve, rabâchent : never more, never more, never more."

A l'image du bacille de Hansen, que voilà un livre corrosif ! Ne chercher ni humour, ni ironie, le ton est plutôt brut, acide et sans fioritures, juste le quotidien auquel se mêlent des va et vient chronologiques, les rêves et les cauchemars de quelques exclus parmis les exclus. Un microcosme où, comme toujours, se reproduit le jeu de l'amour et de la haine avec ses grandeurs et ses bassesses. Sous le vernis, entre la couche de vie et celle de mort, un reste d'humanité subsiste et l'espoir, même s'il est mince, réussit cependant à s'y faufiler. La dignité, elle, est immense.

Un thème inhabituel pour un texte qui bouscule et qui forcément vous farfouille les tripes (qui réveillera aussi de bien douloureux souvenirs si on pense au sort réservé aux premières victimes du sida dans ces mêmes années 80). Se fondant naturellement dans le récit, s'insèrent çà et là des éléments historiques concernant la maladie à travers les âges et la peur qu'elle généra de tout temps.
Au-delà d' "une superbe métaphore de la dictature de la Roumanie communiste" (Corriere della Sera), et je ne le dirai jamais assez, y voir l'originalité du talent des jeunes auteurs des Balkans - Ognjen Spahić est Monténégrin - n'est pas superflu.

Je savais qu'il existait encore des léproseries en Afrique, en Inde et en Asie mais, l'éditeur ne le précisant pas, j'ai quand même voulu vérifier que ce roman ne s'étayait pas sur une certaine réalité. Si en Europe une léproserie est encore en activité à côté de Valence, en Espagne, il en existe bel et bien une également en Roumanie à Tichileşti, ouverte comme celle du livre en 1928. Les articles ne révèlent pas si des faits similaires s'y sont produits...
Un article de 2011 ICI et un plus ancien LA

 Les enfants de Hansen     Ognjen Spahić     Editions Gaïa


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Commentaires
M
@Aifelle, je ne te dirai pas le contraire cependant une fois ouvert, on ne le lâche plus.<br /> <br /> @Nadejda, j'ai été surprise à la lecture des articles et ce médecin roumain a toute mon admiration, j'espère que la relève sera assurée quand il prendra sa retraite. Quant au livre, il te plaira sûrement.<br /> <br /> @Clara, ça me fait plaisir, j'ai parfois peur d'être un peu rasoir avec ces bouquins de l'Est pas tjs drôles ! Si tu ne le trouves pas, tu sais comment faire, un petit mail et il sera chez toi.
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N
Je nuancerais mon propos après avoir lu les articles auxquels tu renvoies car apparemment on s'est préoccupé de leurs souffrances et je crois que je lirai ce livre.
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C
Merci pour ce billet Moustafette car tu m'as donnée très, très envie de le lire !
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N
Ce livre doit être éprouvant mais il relate une terrible réalité. Quand finirons-nous par surmonter les peurs et l'exclusion qu'engendre cette maladie. Si on ne peut l'éradiquer, qu'au moins ceux qui en souffrent puissent vivre avec des soins et dans des lieux corrects. Quand on voit le sort réservé aux orphelins en Roumanie ou aussi en Russie, on peut imaginer celui réservé aux lépreux.
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A
Brrrrrrrrr çà fait un peu froid dans le dos tout çà. Il faut prendre ce genre de bouquin un jour où on a un moral d'acier.
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