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Le Souk de Moustafette
Le Souk de Moustafette
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23 novembre 2011

Le dernier coup

9782757822708Lucho Arancibia, Cacho Salinas et Lolo Garmendia sont trois anciens communistes chiliens sortis de prison ou de retour d'exil. Se retrouvant une nuit à Santiago dans l'atelier de l'un d'entre eux, ils attendent leur chef, le vétéran, le Spécialiste, Pedro Nolasco, petit-fils d'un célèbre anarchiste syndicaliste. Histoire de prolonger un peu la révolution de leur jeunesse, ils sont prêts à reprendre du service et récupérer ce qui leur est dû.
Or, au même moment, Nolasco gît sur un trottoir, malencontreusement tué par la chute d'un vieux tourne-disque Dual balancé par une fenêtre lors d'une banale scène de ménage chez Coco Aravena, lui aussi de retour d'exil. Coco trouve sur le macchabée un vieux Smith & Wesson ainsi qu'un numéro de téléphone qu'il subtilise avant l'arrivé de la police. Croyant d'abord avoir tué un flic, il se décide finalement à appeler ce numéro. Une voix, pensant avoir affaire à Nolasco, lui répond qu'on l'attend au garage d'Arancibia.

"Les quatre hommes se regardèrent. Plus gros, plus vieux, chauves et la barbe blanchie, ils projetaient encore l'ombre de ce qu'ils avaient été.
- Alors, on tente le coup ? demanda Garmendia et les quatre verres ont trinqué dans la nuit pluvieuse de Santiago."

Sous l'égide de Pedro Nolasco, ce dernier coup se fera donc sans lui. Mais cette nuit-là, un autre homme se souviendra du Spécialiste, le vieil inspecteur Crespo qui identifiera le corps de Nolasco à la morgue. Ses souvenirs de jeunesse afflueront eux aussi,  les deux hommes s'étant déjà croisés en d'autres temps.

Au gré de va et vient entre passé et présent, ce roman est prétexte à  revisiter brièvement les années précédant l'avènement de Salvador Allende au pouvoir jusqu'à sa chute. C'est surtout l'occasion de brosser le portrait d'une poignée d'hommes portés par un même rêve qui virera rapidement au cauchemar, une très belle histoire d'amitié et de retrouvailles, de loyauté et de lutte, le tout narré avec tendresse et humour.

"Au milieu de l'assemblée, Coco Aravena était en pleine euphorie car la commission chargée de l'agitation et de la propagande du parti communiste révolutionnaire marxiste léniniste maoïste, tendance Enver Hoxha, très différente de la coterie liquidationniste qui se faisait appeler parti communiste révolutionnaire marxiste léniniste pensée mao tendance drapeau rouge, l'avait chargé de la lecture d'une résolution du comité central appelée à changer l'histoire."

La révolution n'a jamais dit son dernier mot. Et, avec ou sans Pedro Nolasco, les quatre lascars retrouvent l'audace de leurs vingts ans.
Une belle revanche sur leurs cheveux blancs et leurs idéaux perdus.

L'ombre de ce que nous avons été      Luis Sepulveda      Editions  Points

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19 novembre 2011

Les dessous de la mort

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"Et puis, l'assurance d'avoir du monde à mes funérailles,
c'est encore de me rendre à celles des autres."

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Cliquez pour lire le texte, le ton est donné !

Quand on vit sur une île et qu'on est une vieille Bretonne, pas toujours facile de trouver à s'occuper, surtout en hiver. La mort par accident du jeune Jacques Morvan va venir égayer un peu le quotidien de notre héroïne. Encore un très bel album de Marc Le Rest, déjà rencontré ICI , qui s'attaque cette fois-ci à la bigoterie bretonne sans complaisance. Commérages au village, visite et veillée chez la famille, messe et mise en terre, tout y passe, agrémenté des réflexions intérieures de la vieille dame. Un cérémonial râleur se déroule en dessous de l'officiel. Hypocrite et réjouissant !

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Et bien sûr, tout se termine au bistrot !
"Au bistrot, non seulement la famille a l'amabilité de nous offrir à boire,
mais elle a aussi le bon goût de ne pas nous imposer sa présence."

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Délicieuses obsèques      Marc Le Rest      Editions  Terre de Brume

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16 novembre 2011

Cap Fréhel

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Ombres chinoises dans le petit matin

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Et réveil timide sous la caresse des premiers rayons de soleil
Le cap Fréhel est magique à cette heure !

14 novembre 2011

Salon d'automne, troisième !

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Des noms prestigieux pour les 15 ans d'un salon noir
Jean-Bernard Pouy et son accent parigot
 Didier Daeminckx et un très beau livre de photos sur Belleville
 Marcus Malte et sa belle gueule
Jean-Paul Nozière et ses personnages qui parfois l'encombrent un peu
Alain Wagneur et sa gentillesse
Marin Ledun dont j'aurais aimé lire le livre qu'il m'a dédicacé et que je n'ai pas retrouvé....
Sans oublier Dominique Sylvain aussi sympathique que ses héroïnes
Et plein d'autres encore !

Il y avait aussi une exposition bien nostalgique d'objets qui ont marqué les quinze ans des auteurs
Une expo photos en noir et blanc 
Et les oeuvres de DIDIER LANGE qui est un peu à la peinture ce qu'Yves Jamait est à la musique
(d'ailleurs ils se ressemblent, même look de poulbot gouailleur)

 


BOOKORAMA BISTROTS D.LANGE par theatreduHaHa

Des ambiances de bistrots de la marine, des personnages en partance ou en errance,
dans une atmosphère bien noire qui m'a rappelé les vieilles couvertures des livres de poche
de Francis Carco. Mais qui se souvient de Francis Carco ?!!

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14 novembre 2011

Et après Lamballe...

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Faut déjà déballer ?..
Les tags se ramassent à la pelle
Merci les filles...

Le premier vient de chez GWENAËLLE.

- Un dessert ? Un plateau de pâtisseries orientales, sans complexe !
- Une mer ? La mer Egée, sans hésitation.
- Un mot compliqué ? Superfragilitiscexpialidocious, évidemment !
- Une essence d'arbre ? Le cèdre, pour son parfum, ses vertus et sa longivité.
- Une comédie ? Les Tontons Flingueurs, façon puzzle !
- Une province française ? La Bretagne, quelle question !
- Un air de jazz ? Un morceau de Chet Baker, sans doute.
- Un minerai ? Du cuivre, comme remède contre l'arthrose.
- Une chanson ? Celles de Barbara, impossible de choisir.
- Un pays d'Amérique du Sud ? La Patagonie, plutôt une région donc.

Le second de chez AIFELLE.

- Un monument ? La place du Réghistan, si ça ne vous dit rien c'est ICI 
- Une héroïne romantique ? Euh... La fiancée du pirate peut-être, c'est dire mon niveau de romantisme !
- Un animal ? Un chat, forcément.
- Un état d'esprit ? La nostalgie... pfff...soupirs.
- Un paysage ? La mer et le ciel, indissociables.
- Un défaut ? Je procrastine énormément quand je ne râle pas, mais la liste aurait pu être plus longue.
- Un alcool ? Un verre de Bordeaux avec du fromage de chèvre, indispensable.
- Un rêve ? Samarcande, un jour... un jour... j'irai !
- Une maison ? Une yourte ou une roulotte, j'hésite, pour déménager encore et encore.
- Une série télé ? Belphégor,  ça faisait rudement peur !

Qui n'a pas fait l'interro ? J'en vois une au fond de la classe qui se planque derrière ses bouquins, MARGOTTE, au tableau si tu veux bien !
Si tu étais un mot d'enfant, une héroïne de conte, un juron, une épice, une planète, une oeuvre d'art, un mythe, une gourmandise, une étoffe, la huitième merveille du monde...

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11 novembre 2011

Tontons flingueurs

arton20410-c1db9"Dorita mourut pendant sa sieste, pour achever de me gâcher mes vacances. J'en étais sûr. J'avais passé vingt ans de nos vingt-deux années de mariage à lui inventer des morts fantasmatiques."

Après ce décès inopiné, la première chose que fait Octavio Rincon, petit fonctionnaire tyrannisé par sa mégère d'épouse, c'est de se jeter sur le minibar pour fêter ça, ensuite, il prend la poudre d'escampette face à cette mort subite pourtant des plus naturelles. Commence alors un road movie qui le mènera de Marrakech aux montagnes de l'Atlas  au gré de rencontres délirantes.

La première est celle de Raul Salvati, un Argentin débrouillard, ancien révolutionnaire, chanteur de tango pour finir vendeur de glaces dans le désert, qui l'accompagnera et l'entraînera dans des tribulations plus loufoques les unes que les autres. Un mauvais tour joué à un Bolivien signera le début d'une course-poursuite déjantée. Leur route croisera celle de Charly, vieil hippie et réincarnation de Carlos Gardel déternimé à éliminer Julio Iglesias, Claudio Grimaldi, réalisateur de génie qui a sombré dans la folie avec toute son équipe et enfin Mowles, un futur prix Nobel vivant aux portes du désert avec Jorge Luis, son chat qui le déteste. Agrémentez le tout de belles filles, de quelques flingues, de voitures patronymées et d'une poignée de faux dollars, et voilà le décor planté.

"Le jour suivant nous arrivâmes à Nador. La ville était entièrement décorée de drapeaux et les gens ne cachaient pas leur excitation. Nous prîmes des chambres dans un hôtel et je compris que je ne serai plus jamais le même en me voyant poser le .38 sur le porte-savon."

J'ai tourné les pages au même rythme effréné que l'épopée farfelue à laquelle se livre cette équipe de branquignoles au langage fleuri et aux répliques drôles et savoureuses. Si vous voulez lire tout en vous croyant au cinéma, n'hésitez pas une seconde et plongez dans ce bouquin où vous" nagerez sans vous mouiller", c'est réjouissant !

Les avis de Kathel et de Ys

Aller simple   Carlos Salem    Editions Babel noir  

41VNnKbfYtLCet été, j'avais passé un si bon moment dans l'univers de Carlos Salem que j'attendais avec impatience la sortie poche de son roman suivant. Voilà qui est fait.

D'un côté face, Juanito Pérez Pérez traîne sa quarantaine tristounette et banale, divorcé et père de deux enfants il gagne sa vie en fourgant compresses et papier hygiénique aux hôpitaux. Côté pile, il est Numéro Trois de l'Entreprise, ou plus explicitement le troisième tueur à gages d'une organisation criminelle.

"Il y a des années que j'ai renoncé à savoir si je suis un monstre ou juste un type normal avec un travail différent."

Après un temps de maladresse révolu, Juanito devient un as de la gachette. Il est à la troisième place certes mais, ayant lui-même éliminé sur ordre le vieux et précédent N°3, il est bien placé pour savoir que c'est une position enviée. Alors qu'il s'apprête à partir en vacances, l'Entreprise l'envoie dans un camp naturiste avec pour mission de surveiller le propriétaire d'un véhicule qui n'est autre que celui de... son ex-femme en villégiature elle aussi dans ce camp en compagnie de son nouveau boyfriend, un jeune juge tenace et dérangeant. Mais il découvre qu'en fait le dit véhicule a été vendu à son propre ami d'enfance, à qui il a fait quelques misères lorsqu'ils étaient plus jeunes, Tony, le même ou presque, Tony qui est également présent dans le camping. A cet improbable huis-clos estival et déshabillé s'invitent Txema Arregui, un flic qui n'a pas la mémoire qui flanche, Yolanda ,une belle animatrice qui en pince un peu trop pour notre héros, Camilleri, curieux professeur et écrivain et enfin le terrible Numéro Treize. L'incompréhension devient alors totale et la parano n'est pas loin.

"Quiconque m'observerait verrait un cadre au repos, en vacances dans un camping naturiste chic, sirotant son verre et lisant paisiblement. C'est ainsi que je me sens. Je m'imagine me découpant sur le vert des frondaisons, sans rien à craindre.
Comme sur une photo.
J'ai vu beaucoup de gens comme ça.
Comme sur une photo.
Ou dans la mire d'un télescope.
Une seconde après ils étaient morts."

 Juanito Pérez Pérez se retrouve donc coincé, supposément incognito, au milieu d'un tas de gens qu'il connait (et réciproquement mais pas tout à fait non plus) et qui plus est, la plupart du temps à poil, situation des plus inconfortables, vous en conviendrez, quand on fait un boulot où le principal outil de travail est un flingue muni d'un silencieux.

Mon résumé vous paraît un peu confus ? C'est que la situation ne l'est pas moins... Navigant à vue tout en essayant de démêler cet imbroglio, Juanito devra jouer sur les deux tableaux, d'un côté père timide et falot accompagné de ses deux enfants confronté au nouveau couple de son ex-femme, de l'autre tueur sans états d'âme, sûr de lui et au self control mis à rude épreuve parmi tous ces corps nus . Je vous laisse imaginer les situations cocasses qui vont en découler et les numéros de transformiste auxquels Juanito va devoir se plier.

Si le rythme de ce roman est un peu moins endiablé que le précédent, on se laisse embarquer par l'originalité du propos et le burlesque des situations de ce jeu de chat et de la souris . L'auteur jongle entre les deux personnalités de son héros avec brio, les personnages secondaires sont tout aussi truculents, l'humour est roi et la tendresse toujours en filigrane.
Comme dans Aller simple, Carlos Salem réussit à tisser une toile discrète entre passé et présent, passé où s'enracine des caractères souvent frustrés, présent libérateur qui va voir s'épanouir et se révéler les tempéraments face à un enchaînement de circonstances cocasses.

"Quand on passe sa vie à lire, on finit par croire que la vie est un livre, qu'on peut revenir en arrière si l'on perd le fil de l'histoire. Mais ce n'est pas comme ça. La vie, notre propre vie, on ne peut la lire qu'une fois, tout en avançant. Et connaissez-vous quelque chose de plus difficile que de lire en marchant ?"

Entre Les tontons flingueurs et les frères Cohen, j'aime décidément beaucoup la plume de Carlos Salem, au point que je n'ai pas pu m'empêcher d'acheter, les yeux fermés, son tout dernier roman (Je reste roi d'Espagne, Actes Sud). Commencé hier soir, j'ai eu la surprise doublée du plaisir de retrouver le curieux inspecteur Arregui et les sympathiques Octavio Rincon et Raul Salvati (héros du premier roman). L'auteur a l'art des cabrioles littéraires et tricote un attachement romanesque jubilatoire à ses personnages. Je vous en reparlerai !

Nager sans se mouiller    Carlos Salem     Editions Babel noir

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9 novembre 2011

Matou d'automne

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En voilà un qui s'est inventé
 un coin de ciel  bleu et des  miettes de soleil  !

7 novembre 2011

Kahlo maman bobo...

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 Frida Kahlo mourut le 13 Juillet 1954, elle n'avait que quarante-sept ans et j'ai presqu'envie de dire tant mieux.
Curieuse façon de commenter cette biographie par la fin, mais la douleur est si omniprésente tout au long des pages que j'ai été soulagée quand  elle cessa définitivement. Cela a sans aucun doute à voir avec un seuil de tolérance bien bas face à la souffrance physique et à l'angoisse que provoque en moi toute atteinte à mon intégrité corporelle...
Frida Kahlo a su, elle, vivre avec ces deux  lourds fardeaux pendant vingt-neuf ans, s'en nourrir et réussir à les sublimer de façon souvent violente dans sa peinture.

Je ne vous ferai pas un résumé de sa vie, vous pourrez en lire un excellent chez Ys ICI . J'aurai plutôt envie d'associer des images au parcours de cette femme car, comme elle le souligne elle-même, on lit à travers ses toiles comme à livre ouvert. Je m'attarderai donc plus sur certains aspects de sa personnalité à jamais marquée par son terrible accident survenu à l'âge de dix-huit ans et sans lequel son oeuvre aurait sans doute été toute différente. La poliomyélite l'avait déjà atteinte lorsqu'elle était enfant, lui laissant une jambe et un pied atrophiés qu'elle dissimulera en s'habillant d'abord en garçon avant d'opter pour les jupes longues.

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Frida au centre

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Femme narcissique par excellence, on le serait à moins quand on entre dans la vie adulte mutilée de la sorte, mutilations qui se répèteront jusqu'à son décès. Centrée sur elle-même de par la douleur et l'immobilité, de longs mois alitée, Frida Kahlo commence à peindre en se regardant dans un miroir et reviendra d'ailleurs souvent à cette technique, d'où les immombrables autoportraits qui jalonneront son oeuvre. La raideur de ces portraits répond sans doute à la rigidité de sa colonne vertébrale et aux nombreux mois où son corps s'est retrouvé enfermé, et ce à plusieurs reprises dans sa vie, dans divers corsets de plâtre, de cuir, de fer. Ces instruments de torture deviendront parfois des supports comme sur le cliché ci-contre.

Rien d'étonnant donc à retrouver sous son pinceau des corps morcelés, des organes, du sang,  ce dont se sont rapidement emparés les surréalistes pour la ranger dans leur camp. Or, s'il y a bien une peinture qui n'a pas à voir avec l'inconscient, c'est bien celle de Frida Kahlo. Elle est  bien au contraire réaliste, d'un hyperréalisme naïf empreint de couleurs, d'ex-votos et de figures de la culture pré-colombienne. Comme elle le dit elle-même "je n'ai peint que ma réalité", pas celui des ses rêves qui d'ailleurs s'apparenteraient plutôt alors à des cauchemars . Et sa réalité est tout simplement hystérique, dans le sens de ce qui touche au corps.
Si Frida Kahlo met son corps en scène sur ses toiles, il en va de même dans la vie. Elle n'est pas loin elle-même de l'oeuvre d'art ambulante. Elle n'aura de cesse d'embellir ce corps mutilé amassant les tissus, les bijoux, les couleurs, brandissant cette hyperféminité comme un charme face à la malédiction qui la frappe et lui refuse aussi  l'aboutissement naturel qu'est la maternité, surtout à cette époque. 
Si Frida Kahlo fut une femme au caractère bien trempé, elle n'en fut pas moins ambiguë, notamment face à la maternité, ce que ne pointe pas le livre qui aborde le problème de ses grossesses impossibles, entre fausses couches et avortements, sous un angle univoque qui en fait une victime passive. Diego Rivera  n'était pas du genre à assumer ses paternités et  la vie qu'ils menaient tous les deux n'était pas des plus stables aussi est-il probable que Frida fut plus qu'ambivalente fasse à ce désir d'enfant et ne mit pas toujours toutes les chances de son côté pour voir aboutir ce projet.
Rivera avait vingt ans de plus qu'elle et s'il reste l'homme auquel elle attache sa vie, elle se comporta face à lui plus comme une mère supportant les frasques de son fils adoré, ici un peintre génial mais un être peu ragoûtant et égoïste, dont elle accepta la demande de divorce  pour mieux le remarier peu après ! Ce couple fait penser à la Belle et la Bête, mais la bête resta bête et fit, après celle que lui infligeait son corps, une douleur profonde qu'elle cultiva et entretint jusqu'au bout.  Elle préféra s'oublier dans les bras de femmes jeunes (des miroirs aux corps parfaits ?) ou ceux d' hommes plus âgés (encore) , sans doute pour éprouver son pouvoir de séduction, mais plus sûrement pour tromper sa solitude face à l'amour fusionnel que lui refusait son mari.

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Autoportrait (1947)

Malgré tout, l'esprit bouillonnant de Frida Kahlo trouva à s'épanouir dans l'effervescence de son pays, exhultant dans les fêtes et la vie artistique et sociale de l'époque. Si certains ouvrages en font presque une icône politique et féministe, celui-ci opte plutôt pour un engagement se calquant sur celui de son mari. Elle trouve d'ailleurs laborieux les discours idéologiques et les intellectuels français en prennent pour leur grade. Même si elle a plus de scrupules que Rivera à jouir des largesses sonnantes et trébuchantes de la célébrité, notamment nord-américaines, elle ne le quittera pas pour autant. Sa soumission amoureuse à l'ogre Rivera peut trouver des racines dans une forme de masochisme issu de la fréquentation assisdue de la douleur, mais elle s'enracine sans doute aussi dans la relation très proche qui s'instaura dans l'enfance entre son père et elle et qui se renforça encore lors de son attaque de polio. A noter que cet homme, photographe et dessinateur, souffrait d'épilepsie, comme la mère de Frida qui manifesta aussi ce qui ressemble fort à des crises hystériques. De plus, Frida est née juste après la mort d'un frère qui laissa sa mère dépressive au point de la confier à une nourrice qui se révéla alcoolique. Tout cela augure de l'inscription de Frida Kahlo vers le côté obscur de la vie et peut-être aussi de l'amour.  Son acharnement à se faire aimer de Diego Rivera, et à supporter les tourments qu'il lui infligea, la place difficilement en tête du cortège féministe... Son anticonformiste et la liberté avec lesquels elle a mené sa vie, soutenue en cela par la figure de Diego Rivera et dans un Mexique très pratiquant, n'en font pas moins un personnage d'avant-garde.

"Avant de créer son propre paradis, il faut savoir puiser dans son enfer personnel."

Au Mexique la mort est une fête, aussi, après cette biographie à rebrousse-temps, je laisse la place à la peinture et  notamment à une des dernières oeuvres de Frida Kahlo qui s'inscrit dans les nombreuses natures vives que lui inspira la luxuriance de son Mexique tant aimé.

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Viva la Vida (1954)

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L'étreinte amoureuse de l'univers, la terre, moi, Diego et monsieur Xolotl
(1949)

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Le rêve (1940)

Je remercie  Logo-Partenariats-News-Book pour ce livre qui constitue une bonne entrée en matière et donne envie d'aller glaner d'autres sons de cloche car, c'est bien connu, les biographies invitent toujours à polémique... Celle-ci a l'indulgence de l'amoureux  pour sa belle, et apparemment Gérard de Constanze l'aime énormément, ce qui à le désavantage de porter Frida Kahlo quasi au rang de sainte. Un portrait un peu plus nuancé n'aurait pas nui à la diablesse qu'elle était !

Frida Kahlo  La beauté terrible    Gérard de Cortanze    Editions Albin Michel

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5 novembre 2011

Sur les routes bretonnes

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 Je vous avais présenté l'auberge  ICI
Voici la voiture qui va avec !
Vue de derrière elle est chouette, rigolote,
parfaite pour Halloween
sauf que...

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Quand je vous disais que les proprios avaient le goût de la mise en scène
Ils ont aussi celui de la provocation.
Je me demande ce que peuvent bien penser les habitants
d'un petit village voisin, haut lieu de la Résistance bretonne sous l'Occupation,
lorsqu'ils voient passer ce véhicule...
Certes il n'y a pas, ou plus, les deux S au centre de cette croix de fer
mais je n'imaginais même pas qu'on puisse avoir le droit d'afficher
aussi ostensiblement ce genre de mauvais trip.

1 novembre 2011

Merci Virginie Deloffre !

9782226229700Léna vit au rythme des absences et des retours surprises de Vassili. A ce mari, pilote militaire sans cesse en mouvement entre ciel et terre, Léna oppose une immobilité sans faille. Elle se déplace à minima entre le combinat où elle travaille et les files d'attente des magasins. Tentant de se faire toute discrète comme pour se dissimuler d'un toujours possible malheur qui pourrait la rattraper, Léna évolue en lisière de la vie, le corps rivé à l'arbre sous sa fenêtre tandis que son esprit s'en va batifoler vers les mystères de la vie de Vassili ou le long de l'Ob qui a bercé son enfance.

"C'est une matière la brume, humide, douce. Moi-même je suis faite de cette grisaille qui m'enveloppe tout entière. C'est la matière de la nostalgie. Elle a la même texture que le manteau couleur du temps de Peau d'Âne. Quand Vassia s'en va la brume se lève en moi puis m'imprègne entièrement, et je suis faite de cette étrange matière, de pure nostalgie."

Effacée, rêveuse, à la limite sauvage, Léna tire sa patience de sa Sibérie natale où elle fut élevée par Varvara, une bonne vieille communiste qui héberge déjà Dimitri, un géologue moscovite déplacé dans les années soixante par la Sécurité de l'Etat afin de s'occuper de la station de géographie de Ketylin, à savoir une baraque paumée dans un trou perdu du Grand Nord. Comme rééducation, Dimitri aurait pu tomber plus mal, car l'arrivée de Léna va permettre à ces trois êtres malmenés par la vie de refonder un semblant de famille. Léna grandira donc entre Dimitri le taiseux rêveur qui ne s'amine qu'au contact des trésors de la terre, et Varvara la bavarde et pragmatique babouchka qui s'accroche coûte que coûte à son vieux rêve communiste.

"Ah mes enfants ! Pour les gueux de cette sorte, figurez-vous qu'il fut le bienvenu le turbulent, le retentissant Octobre 17 : Point besoin de peser à l'once près, on avait bien su vers qui tourner les fusils quand elles sont arrivées au grand galop les années flamboyantes, les filles d'Octobre, en leurs atours et tintamarre, en leurs habits rouge sang ! Rouges les étendards et les bâtiments, rouges les pavés et les ruisseaux, rouge la bourrasque de désirs... Un vent puissant s'était mis à souffler sur la Russie, en tourbillons qui emportent tout ! Nous les guenilleux, on avait ouvert à deux battants la grande porte du futur. On crachait dans nos mains, on se penchait dessus pour y découvrir le visage de l'avenir. Car c'était là qu'il était tracé, dans ces cals et ces crevasses ! Allons dis camarade, que vois-tu ?"

Plus tard, quelque part en Russie centrale dans l'appartement communautaire n°12, les fréquentes absences de Vassili ramènent Léna vers la Sibérie par le biais des longues lettres qu'elle échange avec Varvara et Dimitri.
Un jour, Vassili est sélectionné pour faire partie de la prochaine mission qui rejoindra la station Mir . Léna pressent alors que la bulle qu'elle s'est construite ne va pas tarder à exploser. Sa routine rassurante se détraque, obsédée qu'elle est par moult questionnements. Que vont donc chercher les hommes dans l'espace ? Pourquoi ceux qui en reviennent ont-ils tous le même vide au fond des yeux ? Que va-t-elle devenir ?

"Elle est tombée sur moi la menace que je sentais rôder. Oh tu avais raison ma Varia, ce n'est pas une femme, non, ce n'est pas son genre. C'est bien pire. C'est l'ailleurs qui me l'a pris."

Un très très beau voyage littéraire, qu'on se le dise !
J'ai adoré la compagnie de ces quatre personnages aux antipodes les uns des autres mais soudés pour nous offrir un condensé du peuple russe ancré dans sa terre et son Histoire.

"Peut-être était-ce cela leur étrange lien commun : la nostalgie de l'inaccessible."

J'ai aimé Léna, le cheminement de cette femme cristallisée dans l'attente. Ell cultive l'absence comme une fleur fragile, brode sa vie à petits points de glace pour anaesthésier cette douleur d'enfance qui finira forcément par se rouvrir.
Vassili m'a emportée avec lui dans les étoiles. Le récit de l'aventure spatiale soviétique qu'il raconte aux enfants de l'appartement communautaire est passionnant et la fuite en avant de cet homme, si loin, la lutte qu'il met un point d'honneur à mener pour la gloire de son pays en voie de disparaître sous les assauts de la Perestroïka, très émouvantes.
Et  bien sûr le duo Varvara-Dimitri qui fonctionne à merveille, tour à tour grave, drôle, tendre.

Quand elle a la tête dans les étoiles, Virginie Deloffre nous parle avec bonheur et poésie de la Terre et de l'expérience unique vécue par quelques privilégiés. "Et quand tout s'écroule, est-ce qu'une image peut suffire à sauver le monde ? Un homme qui flotte dans l'univers dans son costume de papier blanc..." 
Et quand ses peids arpentent la Sibérie, c'est avec le même amour que les petits peuples du Grand Nord. "Plus au sud les peuples toungouses de la taïga demandent pardon aux arbres avant de les abattre. Ici les Nénètses continuent à fixer leurs tentes avec des amas de neige même en pleine tempête, parce que planter un pieu dans le sol pourrait offenser la terre."

J'avoue, la rentrée littéraire a parfois du bon...Un vrai coup de foudre pour ce roman qui me fait sortir de ma léthargie bloguesque avant que l'hibernation totale me tombe dessus.

Je regrette que ce roman ne soit pas sur la liste du Goncourt des Lycéens, voilà un livre qui leur aurait certainement plu.
L'avis tout aussi enthousiaste de Yv 

Léna     Virginie  Deloffre      Editions Albin Michel   

                                           

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