Salon d'automne, 1ère
Ce dimanche, joignant l'utile à l'agréable, je m'en suis allée découvrir Tréguier qui a, outre la bonne idée d'organiser des Rencontres Littéraires annuelles, le charme des petites villes médiévales rayonnant tout autour d'une place où trône une impressionnante cathédrale, signe de la richesse d'un passé religieux (quelle ville n'en a pas en Bretagne...) saisissant.
Forcément, comme j'ai pas mal trainaillé chez St Tugdual en attente du bon vouloir des cieux de m'envoyer ou pas quelques rayons de soleil à mitrailler à travers les nombreux vitraux, j'ai raté Gérard Mordillat et Laurent Binet. Il a fallu que je me "contente" donc d'Anne-Marie Garat. Je n'ai cependant pas boudé mon plaisir ayant principalement fait le déplacement afin de l'entendre parler de son dernier ouvrage réédité Photos de familles (Actes Sud), la photo et les familles faisant partie de mes marottes au cas où vous ne l'auriez pas remarqué.
Non seulement j'ai pu assisté à un cours magistral sur l'histoire de la photographie, sujet que l'on trouve déjà dans "Chambre noire" que je conseille à tous les passionnés de daguerrotypies et autres niepceries, mais surtout à une passionnante digression sur l'imaginaire qui entoure les photos de famille au fil du temps.
Objets et actes de mémoire par excellence, les témoignages dont elles se veulent les porte-parole, parfois à mille lieues de la réalité qu'elles donnent à voir, en disent souvent beaucoup plus que ce qu'on imaginait au moment du clic fatidique. Car ici c'est le récit qui s'élabore autour qui a sa véritable importance, récit des acteurs eux-mêmes ou de leurs descendants dans lequel s'inscrit la filiation et la transmission du roman familial avec ses souvenirs, temps heureux des instants figés, mais aussi ses fantasmes et ses secrets. Si en écriture il faut parfois savoir lire entre les lignes, bien plus encore en photographie il faut toujours aller voir au-delà des apparences.
L'évolution numérique ne fut pas oubliée, avec le regret évident de l'attente. Pour les plus passionnés, celle de la magie de la révélation argentique dans l'atmosphère confinée des labos, mais attente fébrile également des amateurs, celle de pouvoir enfin récupérer ses clichés chez le bon vieux photographe du coin qui vous demandait au moins une semaine pour tirer 24 poses qui, oh déception, pouvaient d'ailleurs se révéler ratées ! L'ère de l'immédiateté, à laquelle s'ajoute une moindre contrainte économique, sans même parler de la durée de vie des supports, tout cela banalise, brouille et annhile les rituels et le cérémonial qui entouraient jadis l'art photographique.
Pour terminer et revenir à l'ouvrage, sachez qu'à partir de photographies d'anonymes, l'auteur a laissé filer sa plume, alliant son savoir à son talent littéraire pour nous offrir au final de bien beaux tableaux imaginaires d'un temps couleur sépia.
Une info pour celles et ceux qui ont aimé suivre l'histoire de Gabrielle Demachy initiée par Dans la main du diable, et de ses descendants que l'on retrouve dans L'enfant des ténèbres et Pense à demain, ce dernier volume sortira en poche chez Babel en février 2012.
La faconde de son Sud-Ouest natal
m'a transportée pendant plus de deux heures.
Et, parce que parfois ça fait plaisir
d'être cohérent avec soi-même
J'ai appris que "la photo est une matière nuageuse"
(rapport aux composés brumeux de la lumière et des grains d'argent mêlés)
Ceci explique sans doute cela...