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Le Souk de Moustafette
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13 juin 2011

Verba volant, scripta manent

69tiroirsOn a coutume de dire que la lecture est une activité solitaire. Rien n'est moins sûr...
Adam Lozanitch, étudiant en lettres et correcteur à ses heures, se plonge dans la lecture de "Ma Fondation", ouvrage publié à compte d'auteur en 1936 par un certain Anastase Branitza. Pour une somme mirobolante, un homme propose à Adam d'apporter des corrections conséquentes à l'ouvrage. Soulever la couverture de maroquin rouge va s'apparenter à une originale traversée du miroir et confirmer l'étrange sensation qui envahie le jeune homme depuis quelques temps.

"Depuis un an, en lisant, il lui semblait parfois rencontrer d'autres lecteurs. De temps en temps, peu souvent, mais toujours plus nettement, il se rappelait ces autres personnes, pour la plus part inconnues, qui lisaient en même temps le même livre que lui. (...), il arrivait à la conclusion que sa personnalité vacillait dangeureusement à l'extrême limite de la raison. Ou n'était-ce qu'une illusion due à un excès de littérature et à une carence de vie ?"

Cette fois encore, Adam s'aperçoit qu'il n'est pas seul à lire "Ma Fondation", livre pour le moins étrange puisqu'aucun personnage ne l'habite, qu'aucune intrigue ne s'y déroule. En effet, ce n'est, qu'une suite de descriptions minutieuses d'un domaine somptueux, de la villa qui y trône et de son riche mobilier.
Dans ce décor improbable, Adam va croiser une kyrielle de personnages qui ont tous plus ou moins à voir avec le fantasque Anastase. Au premier rang desquels la très attendrissante Natalia Dimitriévitch, fille de libraire qui, en son temps, a réussi à sauvegarder quelques exemplaires de "Ma Fondation". C'est aujourd'hui une vieille dame excentrique qui entretient un rapport fusionnel non seulement avec son passé - "Il me manque un souvenir... Je ne retrouve plus un souvenir de mon père... Comment ai-je pu, mon Dieu, comment ai-je pu l'égarer ?" -  mais aussi avec la lecture. D'ailleurs, elle vient d'embaucher la jeune Iélina pour l'assister dans son activité de prédilection. Mais Iélina n'est-elle pas justement cette jolie fille qu'Adam a aperçue un peu plus tôt dans la réalité ? 

"Natalia Dimitriévitch ayant prescrit que l'on devait alimenter le poêle de la bibliothèque le matin, le midi et le soir, on s'affairait autour du feu, on descendait à la cave chercher des bûches déposées là depuis longtemps, et l'on sortait jeter les cendres de la veille. Les jours de gel, la vieille dame vérifiait elle-même si chaque livre était bien enveloppé de sa jaquette ou remis dans son coffret de protection, si aucun signet ne dépassait...
- L'an dernier, un recueil de nouvelles a échappé à mon attention et quand je l'ai ouvert au printemps, je n'en revenais pas, il avait une extinction de voix, se plaignait-elle."

Les déambulations livresques d'Adam et de ses comparses vont nous livrer l'histoire tragique mais fabuleuse d'Anastase Branitza. Mais pas seulement. Car, roman à tiroirs par excellence, c'est aussi à un voyage dans l'histoire de Belgrade auquel nous convie Goran Petrovic. D'une plume alliant humour, poésie et merveilleux, il nous offre une fantastique ode à la mémoire, à la transmission et donc inévitablement aux livres. C'est également l'occasion, mais en doutons-nous, de nous rappeler que les livres sont de grands magiciens. Outre les voyages multiples dans lesquels ils vous embarquent, ils scandent sans doute les événements de votre vie, mais surtout ils peuvent se révéler de précieux magiciens de l'âme, quand ils ne vous changent pas radicalement.

Lorsque l'imaginaire chevauche si talentueusement la réalité, ne nous en privons pas.

" Un secrétaire en bois de rose et de citronnier. Il est vrai que vous n'allez peut-être pas le comprendre d'emblée, car il s'agit d'un vrai labyrinthe de compartiments secrets. Mais, si l'on ouvre chacun des soixante-neuf petits tiroirs dans l'ordre voulu, le double fond du soixante-dixième donne aussitôt sur un espace sans fin."

Un livre que l'on se doit de lire !

Soixante-neuf tiroirs      Goran Petrovic      Editions   Le Serpent à Plumes

tiroirs

 

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Commentaires
M
@Clara, je pense que cela devrait te plaire, c'est un vrai bonheur de lecture.<br /> @Nadejda, et dire que ce livre dormait dans ma bibliothèque depuis trois ou quatre ans !
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N
Bravo pour ton billet qui rend vraiment bien l'ambiance et le bonheur de lecture qu'est ce livre. Vraiment à lire !!!
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C
tu m'intrigues !
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