L'art de perdre le nord
Le shérif Makepeace patrouille chaque matin dans Evangeline, sa ville natale, perdue dans les confins d'une Sibérie plus sauvage que jamais puisque, suivant la théorie des dominos, les villes se sont vidées les unes après les autres poussant les populations à fuir un anéantissement dont on ne sait pas grand chose mais qu'on devine être un cocktail de réchauffement climatique et catastrophe industrielle ayant entraîné déplacements de populations, misère, famine et violence.
Issu d'une famille de colons Quakers venus s'établir, en des temps meilleurs, sur des terres cédées par les Russes, Makepeace veille donc aujourd'hui sur un monde vide cristallisé dans le silence glacial d'un hiver qui promet d'être long. C'est lors d'une de ses patrouilles solitaires qu'il rencontre un jeune rescapé qui se cache. Champion de la survie en milieu hostile, il organise quelques expéditions afin de troquer de l'alcool contre de la viande de caribou avec des Toungouses gardiens de troupeaux qui survivent, eux aussi, dans les montagnes alentour.
Un jour, il aperçoit un avion. Espérant enfin que la vie d'avant existe encore ailleurs, il se met en tête de découvrir la destination de l'appareil. Commence alors une très longue quête.
"Chacun s'attend à assister à la fin de quelque chose. Ce à quoi nul ne s'attend, c'est assister à la fin de toute chose."
Un northern post-apocalyptique captivant car mené tambour battant. Les rebondissements s'enchaînent sans nous laisser le temps de nous apitoyer sur le triste sort des protagonistes. La beauté des paysages allègent le récit catastrophique, nostalgie, imaginaire et humour se disputent le bilan de cette auto-destruction programmée qui nous pend au nez un jour ou l'autre.
"Lors de ce premier été, je liais du foin en bottes sous un soleil de feu et le soir je trayais les vaches à l'étable. Je n'avais rien vu à si grande échelle depuis des années. Il devait y avoir mille hectares de cultures. Et la terre était cette belle terre noire et riche dont les Russes font un sujet de plaisanterie : on y plante une cuillère, disent-ils, et il poussera une pelle. Tchernoziom, ils appellent ça, je crois."
L'Homme n'est jamais à court de ressources, les meilleures comme les pires. A méditer...
Elles ont aimé AIFELLE KEISHA KATHEL
Au nord du monde Marcel Theroux Editions Plon