Je chante donc je suis
Le début de ce livre c'est Perfect Life. Belle maison, grand jardin, une femme aux qualités multiples, un mari pilote de ligne qui ressemble à Paul Newman, quatre enfants irréprochables, même le chien s'appelle Beau... bref tout va pour le mieux pour Clothilde sous le soleil de la Bourgogne. Elle a même la chance d'avoir une amie qui lui procure un boulot alors que pointe l'angoisse des journées vides maintenant que les petits derniers sont aussi scolarisés, elle rafle une affaire immobilière au vu et au su de tout le monde, trouve des artisans disponibles en un rien de temps et lorsqu'elle a besoin d'une consultation chez un spécialiste, c'est dans la semaine qu'on lui en propose un. De quoi se plaint-elle, hein ?.. Oui mais voilà, suite à un terrible stress, Clothilde perd soudainement sa voix.
Tout ça commençait à me lasser et je regrettais déjà d'avoir cédé aveuglement à l'achat du nouveau livre d'Anne Delaflotte Mehdevi. J'avais tellement aimé "La relieuse du gué" et son ambiance intimiste que je n'imaginais pas un instant être déçue par ce second roman. Et je pensais comme la cousine bourguignonne "T'as bien des soucis de riches toi..."
Heureusement, alors que la mécanique familiale s'enraye pour mieux se recaler suite à cet événement, entrent en scène le chant et la musique. Et, contre toute attente, me voilà embarquée dans le parcours de cette femme à la recherche d'un désir profond d'exister.
A une analyse psychologique fouillée, l'auteur privilégie une approche de front. Point de grandes plongées dans le passé, l'auteur laissant, s'il le souhaite, le lecteur tirer lui-même les fils anciens qui ont pu se nouer au point de former cette grosse boule dans la gorge qui obstrue la parole et, au- delà, le désir. L'ici et maintenant sont sur le devant de la scène, avec en toile de fond une sensualité omniprésente.
"Cecilia Bartoli en était au titre 6, Caldo sangue de Scarlatti, Clothilde distinguait les paroles juste assez pour comprendre qu'il s'agissait de sang et d'adieux.
Chant : intonation particulière de même nature que la parole, à la différence que dans le chant, la voix s'élève.
Titre 9, Scarlatti, Qui resta... L'alta Roma.
Sur son radeau, Clothilde à la parole empêchée se préparait à explorer la voix en musique. Avant de se lancer, elle écoutait, dressée sur les accords du violon, cette Romaine qu'elle guettait et craignait comme un feu."
Au final, un texte sympathique, mais pas bouleversant, pour aborder l'histoire d'un tournant de vie et l'affirmation de soi.
Pour vos yeux, l'avis d'Aifelle ainsi que d'autres liens. Et pour vos oreilles et bercer votre lecture, le magnifique Caldo sangue.
Cecilia Bartoli, Scarlatti, "Caldo sangue"
Fugue Anne Delaflotte Mehdevi Editions Gaïa