Bon appétit !
mais allez lire LE BIBLIOMANE
avant de passer à table.
Si ça mérite pas un boycott ça...
mais allez lire LE BIBLIOMANE
avant de passer à table.
Si ça mérite pas un boycott ça...
Libé lançait le premier appel.
32 ans après, le CIRC est toujours vivant...
A 18 ans, ça me faisait hurler de rire,
à 50, plus grand chose ne me fait rire,
surtout en ce moment...
Très politiquement incorrect tout ça !
Mais vous commencez à me connaître...
Par les temps qui courent
un peu de provoc, ça fait pas d'mal, na !
"J'aurais voulu la toucher. La chose me paraissait impossible. J'ai avancé ma main et je l'ai posée à côté de la sienne. Tout près. Sur la table.
- La frôlure... elle a dit en regardant ma main, et je me suis demandé si ce mot que je n'avais jamais entendu existait vraiment ou si elle venait de l'inventer.
La frôlure. Ce moment ineffable.
Bientôt je ne la verrais plus. Je le savais. Parce que j'allais partir. Qu'elle allait mourir.
- J'ai aimé cela de vous, votre étonnante simplicité.
- Vous le dites au passé...
Oui, c'était cela, je parlais d'elle au passé. Je parlais d'elle, avec sa voix."
Pas gai tout ça, me direz-vous...
Mais Alice, la vieille femme qui invente de si jolis mots, est une ensorcelleuse. Et elle a jeté son dévolu sur le narrateur pour en faire le dépositaire d'une histoire. Elle aurait pu choisir de se taire à jamais comme sa soeur Clémence qui, elle, un soir de Noël lointain a décidé de se faire muette.
Non, Alice jette des mots comme d'autres lancent des sorts, elle raconte des histoires de voyages, la fuite de l'Europe en guerre et la longue traversée sur un vieux rafiot jusqu'à New-York, l'épopée au pays des Indiens Hopi, en Arizona où elle séjourna avec son père, photographe et amis des surréalistes réfugiés comme lui sur la côte Est.
Elle entraîne sur les pas de Breton venu là lui aussi, à la recherche de savoirs invisibles. Elle dit la vie, la mort d'un peuple décimé.
Au coin du feu dans sa maison de la côte normande, elle réveille les sages qui martellent de leurs pieds la poussière des mesas afin d'invoquer les hommes-nuages qui feront tomber la pluie. Avec parcimonie, elle exhume de ses armoires des trésors, carnets, photos, correspondance, objets sacrés aux faciès inquiétants.
Le narrateur, tour à tour appâté et rejeté, comme hypnotisé, se laisse prendre au piège et navigue à vue. Réalité ou fabulation ? Peu importe, le charme opère dans cet entre-deux.
"- Je ne viens plus là depuis longtemps.
Les murs étaient recouverts de livres. Un grand escabeau sur lequel il fallait monter pour atteindre ceux qui étaient tout en haut. Des tapis. Des tableaux contre les murs. Au milieu de la pièce, le bureau de son père. En face, une armoire. Elle a posé sa main sur la clé.
- Tout est là-dedans.
Elle a tourné la clé.
- Je ne sais pas pourquoi je vous montre tout ça. Sans doute je ne devrais pas...
J'ai cru qu'elle allait ajouter quelque chose mais elle n'a rien dit. Elle m'a tendu la lampe.
- Vous avez cinq minutes.
Elle est allée s'asseoir au bureau."
Dans l'autre vie, celle des vacances familiales et d'un certain laisser-aller, des maillots claquent sur le fil à linge, des vélos posés contre la barrière, des pelles et des seaux éparpillés sur la terrasse. Des enfants jouent et rient pendant qu'un couple prend l'eau et sombre à bas bruit.
Deux magnifiques rencontres.
Celle d'une vieille dame grincheuse et chafouine et d'un jeune mec un peu paumé dans les méandres de sa vie. Celle d'une auteure qui sait caresser son lecteur avec la douceur d'une plume et l'entraîner dans la simplicité des sentiments comme dans la violence des émotions les plus terribles.
Cette lecture a déposé des frissons sur ma peau; de ceux que l'on ressent à l'évocation des beaux souvenirs qui ne sont plus mais qui flottent, encore et toujours, autour de notre existence tels des électrons nous éloignant ou, au contraire, nous attirant vers ceux des autres. Ainsi parfois, une étincelle suffit, ça produit des petites explosions. Alors se révèlent des réminiscences qui se fardent de pudeur avant d'éclore en magnifiques fleurs de mémoire.
"Il y a ce que nous comprenons, tout ce que nous sommes capables de transcrire en essayant d'être au plus près. Et puis il ya le reste. Tout le reste. Le monde des apparences, des silences. La vastitude de l'innommable.
Ce monde est intranscriptible. Il répond à une autre logique. Parfois même, il n'y a pas de logique.
Il faut décoder.
Le déplacement imperceptible. Sans doute est-ce là ce fameux pas de côté cher à André Breton. La juste mesure à prendre pour avoir une vision différente.
Un pas peut suffire."
Laissez-vous allez à ces douces frôlures.
Comme KATELL et quelques autres.
Dans l'or du temps Claudie Gallay Editions Actes Sud Babel