Babouchka Roza
1964, sous l'ère de Brejnev, quelque part dans une petite ville de l'Oural, Sidelnikov, sept ans, est confié à sa tante Roza en attendant que ses parents règlent leurs problèmes conjugaux.
Roza vit dans un appartement communautaire, son mari est au goulag et Sidelnikov devient le centre de sa vie.
L'enfant passera onze ans dans la tendre complicité de cette femme discrète et aimante.
"Dans ce nouvel espace de silence, notre mutisme, le mien et celui de Roza, notre solitude à deux, familière et si peu pesante, se mit à résonner distinctement. (...) J'aimais ses habitudes. Je savais qu'après le bruissement sec de ses mains frictionnées avec une crème qu'elle faisait couler d'un flacon orné de l'étiquette "Velours", après le claquement de l'interrupteur, j'entendais les mots "Dors, mon petit", prononcés avec une intonation à la fraîcheur unique, et bien avant que mes yeux ne s'accoutument à l'obscurité, elle ôterait sa robe d'intérieur par la tête puis s'allongerait doucement sur la banquette étroite et inclinée."
Roza accompagne Sidelnikov dans ses monde imaginaires et dans ses pitreries. Par exemple, comme Roza n'a pas de poste de télévision, c'est lui qui lui joue les informations en lisant la feuille de journal qui sert aussi de papier d'emballage au repas du soir. Quand à treize ans il décide d'écrire un roman, c'est encore Roza qui l'encourage.
Mais l'adolescence détournera peu à peu Sidelnikov de la vieille femme. D'autres femmes entreront dans sa vie de lycéen puis d'étudiant, et c'est quelques mois après sa mort qu'il se rendra compte à quel point elle a compté pour lui et combien elle lui manque. Les rêves leur permettront de se retrouver.
Outre le récit de cette belle et pudique relation, on plonge dans l'URSS de la guerre froide, avec la vie de débrouille, les files d'attentes devant les magasins vides, les tracasseries administratives et toujours l'oeil de Moscou qui veille et écoute. On découvre aussi la vie estudiantine où, parfois, un souffle venu de l'Ouest tente clandestinement de circuler.
Un livre écrit par un homme de cinquante ans, qui tente d'inculquer à son héros comment garder le meilleur de ces années noires, à savoir un certain sens de la solidarité, face aux "Voleurs", prémices de la mafia des années 2000.
"Sur les frontons des maisons de la culture, ouvriers, soldats et marins au garde-à-vous s'entassaient avec une mine si menaçante et déterminée qu'en passant sous leurs regards de pierre Sidelnikov se sentait immanquablement incorrect et coupable. Dans les rues de la ville, sous l'oeil vigilant des enseignes officielles, il éprouvait une espèce de crainte d'être démasqué sans savoir pour autant ce qu'il avait à cacher."
Roza Igor Sakhnovski Editions Gallimard