9782848050546Dans le mythique Transsibérien, une femme partage ses pensées avec le lecteur.
Elle roule vers Gyl, ancien amant exilé près du lac Baïkal. Leur échange épistolaire s'étant soudainement interrompu, elle décide de partir à sa recherche.
Momentanément, elle laisse derrière elle Clémence, sa vieille voisine du dessous, dont la mémoire défaille et à qui elle passe régulièrement faire la lecture. Les deux femmes partagent, sur le canapé rouge, le goût pour les femmes insoumises et les confidences amoureuses.

"Je pensais à Gyl, à cette maxime tibétaine disant que le voyage est un retour à l'essentiel. Et puis je m'étais tue, absorbée par l'inquiètude qui me poussait si loin, seule.
A quoi pensez-vous ? avait demandé Clémence Barrot.
A quelqu'un, avais-je répondu.
Vous avez de la chance de pouvoir penser à quelqu'un, avait-elle murmuré."

Ce livre fut, pour la contemplative et la nostalgique que je suis, un vrai bonheur.
J'aime cette femme qui voyage seule avec quelques livres et qui regarde défiler les paysages russes, bois de bouleaux, isbas, usines en ruines et gigantesques portraits des dirigeants déchus, paysages auxquels se mêlent sa vie passée, ses utopies révolues, ses amours défuntes, ses affinités liitéraires et son amitié pour Clémence.
J'aime cette idée d'un long et lent voyage ouvert à toutes les rencontres et dont le terminus n'est pas celui que l'on était parti chercher.

"Pendant plusieurs jours, tout se mêle, la pensée se trouble, divague entre deux langues, le monde se déchire, puis peu à peu le voyage trouve sa place dans la mémoire, dans les jours ordinaires, tout s'estompe, reste l'essentiel, ces endroits où les souvenirs vont et viennent et nous entraînent dans des rêveries nomades."

J'aime la fragilité et la disponibilité auxquelles on s'expose lorsqu'on accepte la solitude et que l'on chamboule ses repères.
J'aime ces petits morceaux de soi que l'on laisse chez l'autre ou que cet autre nous abandonne.
J'aime la mélancolie des pensées vagabondes et de ce face à face avec la fin des choses.
J'aime la possibilité de choix parfois inéluctables.
J'ai aimé ce livre qui m'a parlé de tout cela.
Et j'ai aimé la joie d'être triste quand je l'ai eu refermé.

"J'allais bientôt quitter ces rues, ce pays où je ne reviendrais jamais, mais j'étais enfin dans ce bel abandon, cette façon de respirer et de penser différemment dans une ville étrangère, d'être en apesanteur avec le sentiment d'appartenir au monde, à cette humanité rêvée que je cherchais sur les visages, dans la musique de la langue, les gestes, les détails infimes qui nous relient les uns aux autres, malgré tout."

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Le canapé rouge    Michèle Lesbre     Editions Sabine Wespieser

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